Citations de Panaït Istrati (341)
Voilà où est mon mal. Pour mes amis, je suis, le plus souvent, une bonne poire. Pour ceux de la caserne, une brebis à tondre, Pour le quartier, un "sale albanais". Pour ma pauvre Zincoutza, une "sale nation". Et je voudrais être un frère pour tout le monde, mais personne ne le veut. Personne ne veut aider un homme né bon à rester bon, et moins encore, aider à le devenir, celui qui n'a pas eu a chance de naître bon.
La valeur d’une œuvre réside dans le bonheur qu’elle crée, non dans le prix dont on l’affuble.
L’enfance et surtout le début de l’adolescence sont des étapes de la vie que nul ne comprend. On a beau les avoir vécues, les parents, les époux ne le comprennent pas plus que les célibataires, et c’est très bien qu’il en soit ainsi, sinon la vie serait atrocement uniforme : l’enfance, l’adolescence, la maturité et la vieillesse sont quatre vies, quatre façons d’exister ; vouloir couler l’une dans le moule de l’autre, c’est les tuer toutes.
Ô homme ! Quand la femme peut être pour toi un ami, elle est plus grande que la meilleure des épouses, plus complète que la plus voluptueuse des amantes, et elle dépasse de mille coudées la plus entière amitié que l'homme peut avoir pour l'homme, car la femme est complexe et variée comme la terre qui nous charme et nous nourrit.
Première semaine de cet inoubliable mars 1907..." l'année qui suivit l'exposition ", ainsi qu'on l'appelle encore aujourd'hui. Dès la mi-février, une chaleur égale et de plus en plus bienfaisante remplit le ciel, fondit les neiges, rendit aux ruisseaux leur murmure, aux oiseaux leur pépiement, aux arbres leurs bourgeons et à la terre, son beau visage noir. Au bêtes, elle ne put apporter que le dégourdissement ; et aux hommes, rien. Rien, sinon ses propres bienfaits à elle, et un accroissement de désespoir. Car les bienfaits du soleil, tombant sur une terre nue, sur des arbres nus, sur l'eau des rivières et sur les villages affamés, au sortir de l'hiver, ne saurait remplir le ventre creux des hommes et celui des bêtes qui leur restaient.
On voyait des paysans, la démarche déséquilibrée, les gestes insensés, la parole miaulante, les yeux fureteurs, s'en aller en groupe vers les champs. Ils regardaient la belle terre noire, longuement, longuement, comme des hallucinés, et rentraient, ivres d'impuissance ; ils n'avaient plus de bêtes de somme, plus de force, point de semences et cette terre même ne leur appartenait pas. Leur état d'âme n'était ni le découragement, ni la révolte, mais une espèce de délire qui les soûlait. J'ai vu des hommes parler tout seuls, trépigner comme des enfants, se gratter la tête, croiser les bras, se frotter les mains à les rompre.
Soudain, une nouvelle tomba dans le village, comme l'éclair d'une explosion. En Moldavie, les paysans avaient brûlé le "konak" du grand fermier juif Ficher ! Et ce journal concluait : "Cela apprendra aux Juifs à exploiter les paysans jusqu'au sang. A bas, à bas, les Juifs".
Les "cojans" qui écoutaient se regardèrent les uns les autres : - Quels Juifs ? Dans notre département, il n'y en a pas ! Et même ailleurs, ils n'ont pas le droit d'être propriétaires ruraux. Or, les fautifs, ce sont les propriétaires, non les fermiers.
A ces paroles, toutes les faces se tournèrent du côté du "konak".
Costaké dit : "- Ca va barder...Le Baragan commence à faire flamber ses chardons !"
Cloué sur le trottoir, je m'appuis contre le bâtiment de la mairie et je ferme les yeux, pour garder l'image de cet hôtelier qui s'éloigne, navré, en gesticulant. Il m'est impossible de lui en vouloir. Je n'en veux, d'ailleurs, à personne. C'est moi le fautif. Ai-je jamais voulu être un homme rangé ? Non. Depuis toujours je me connais ainsi. Alors ? Ce n'est pas pour rien que le Roumain dit : "Aux ennuis que l'homme se crée de ses propres mains, le diable même ne peut rien".
La terre est belle ?...Mais non, c'est un mensonge !... Toute la beauté vient de notre cœur, tant que ce cœur est plein de joie. Le jour où cette joie s'envole, la terre n'est plus qu'un cimetière.
Il y a partout des égarés, mais l'intelligence fait tomber les barrières même lorsqu'elle est habillée d'un uniforme militaire.
Et cependant, il en est ainsi : une autorité instituée revêt un pouvoir sans limites aux yeux des faibles, qui s’y soumettent et la supportent. De là l’inconcevable patience des peuples devant leurs tyrans : ce n’est pas quelque prétendue valeur morale des oppresseurs qui leur donne la force de maîtriser le monde, mais simplement la lâcheté des opprimés.
L’à quoi bon n’a jamais été mon ami plus d’une minute de cafard. Tout est bon qui fait vrombir la machine humaine, même la gaffe impardonnable…
Le bilan de tous les rêves vécus se chiffre par des désastres. Et il est juste qu’il en soit ainsi ; autrement, il n’y aurait que des rêveurs.
Il n'y a de beauté que dans l'illusion. Et qu'on atteigne ou non le but de sa course, l'amertume a presque le même goût dans les deux cas. Les fins se valent toujours. Ce qui importe, pour l'homme aux désirs démesurés, c'est la lutte, la bataille qu'il livre à son sort pendant que ses désirs persistent : voilà toute la vie, la vie du rêveur.
Je suis un de ses rêveurs.
"Ah ! les amis. L'amitié ! Je ne les maudits pas, mais de quels crimes ne sommes-nous pas capables, tout en étant des amis, tout en adorant l'amitié ! [...] quand, dans une amitié, il n'y a plus qu'un des amis qui paie, l'estime s'en va...et l'amitié avec. À cette règle, peu d'hommes font exception. "
Le paysan.....la bête parlante, celui qui dépasse le boeuf en endurance et le lapin en fécondité.
El[părintele Lucaciu] este cel care, însoțit de Filipescu*, Delavrancea** și de demagogul Take Ionescu***, a străbătut România de la un capăt la celalalt în anii 1915-1916, cerînd „intrarea în acțiune” și afirmînd peste tot că o cucerire a Transilvaniei ar fi la fel de ușoară ca faimoasa „plimbare” de tristă amintire din Bulgaria, în 1913.
* Referire la Grigore Filipescu (1886-1938), președintele Partidului Conservator-Democrat (n. red).
** În postura de om politic, avocatul Barbu Șt. Delavrancea (1858-1918) a fost primarul Capitalei și, în repetate rînduri, ministru; a susținut intrarea țării în război de partea Antantei (n. red.)
*** Ca ministru de Externe, Take Ionescu […]
(p. 8)
Est-ce l'approche d'un événement, qui fait naître son désir, ou c'est le désir qui provoque l'événement ? Je ne sais. Il se peut aussi que ce ne soit ni l'un ni l'autre, mais tout simplement des faits qui se produisent dans la vie des hommes comme les nuages dans le ciel.
Toujours est-il que Braïla fut la première ville dans l'histoire moderne de la Roumanie, qui connût ce déplaisant sursaut dont notre estomac est victime lorsqu'il nous arrive d'avaler des morceaux indigestes. Et Braïla ouvrière venait justement d'avaler quelques morceaux comme elle n'en avait jamais vu, depuis qu'elle existe.
(p. 53)
La « Roumanie littéraire » et la Société des Gens de Lettres roumaines se sont décidées à réparer une injustice, en me faisant ressusciter. Pour le lecteur roumain.
Je remercie l'une et l'autre, ainsi que les confrères, que je connais pour la plupart par leurs écrits. Ceux qui ont bien voulu avoir pour moi de bonnes pensées.
Et maintenant ? Quelle est la suite de ce geste spontané ? Puisqu'il faut une suite. Autrement j'ai l'impression qu'au jour où est parue « La Page » qu'on m'a dédiée, ce n'était pas seulement Jean Bart*, mais moi aussi qui étions morts. Le même jour sur lui et sur moi on n'exprimait que de bonnes pensées, avec photo, sur deux colonnes.
Mais malheureusement je ne suis pas encore mort. Et il ne serait pas poli de me taire, comme est obligé de le faire le doux chantre des horizons marins.
* Jean Bart : pseudonyme littéraire de Eugen Botez, ancien officier de marine et auteur d'une remarquable œuvre littéraire. (Note de l'auteur)
(p. 233)
Il s'agit d'un pope du village, qui a une fille à marier. Bien dotée, le pope aspire naturellement à un gendre « digne » : un notaire, pour le moins. Or, voici que le plus vaurien des voyous de la commune vient lui demander la main de sa fille.
(extrait de « Tsata-Minnka », p. 139)
Dans le ciel limpide, grues et cigognes tournaient en rond leur danse d'adieu qui précède de peu le départ. J'avais mal à la nuque à force de les regarder, et le cœur gros de me savoir, moi, rivé à la terre.
Aussi, je voudrais savoir comment je pourrais vous être utile, car sûrement, vous n'avez pas quitté la maison parce que trop gâtés : "Le chien ne fuit pas la tarte, mais le gourdin."
(Proverbe roumain)