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Critiques de Patrick Chamoiseau (215)
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L'empreinte à Crusoé

A mi chemin entre le réalisme du Robinson Crusoé de Daniel Defoe et l'exploration de l'âme humaine du Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier, Patrick Chamoiseau (écrivain d'origine martiniquaise couronné par le prix Goncourt 1992 pour Texaco) confie dans ses réflexions très philosophiques en fin de roman (d'essai?) L'empreinte à Crusoé: "Aller entre Defoe et Tournier, entre deux masses de lumière. Trouver l'interstice."

Et c'est vrai que L'empreinte à Crusoé revisite le mythe Robinson (qui a inspiré écrivains, cinéastes et musiciens) pour le faire naviguer sans boussole sur ce border line qui sépare raison et folie.

Logorrhée (très bien rendue par l'absence de majuscules et de points) d'un Robinson "qui parlait sans reprendre son souffle" et raconte son (sa més-) aventure d'homme-île dans une île carcérale" entrecoupée d'extraits du journal d'un capitaine terre à terre "de l'an de grâce 1659". Long monologue sur un mode cyclothymique entre l'apaisement de l'esprit pour atteindre le bonheur, exaltation et angoisses existentielles. Jusqu'au jour où le supposé Robinson trouve une empreinte humaine dans le sable. Est-ce lui, est-ce un autre ou est-ce un autre soi-même? Etrange dialogue sur le mode schizophrénique entre le moi et son double!

J'ai trouvé (malgré certaines longueurs) le côté psychiatrique (conséquences de l'isolement) fort bien rendu:altération du langage,mégalomanie du roi dans son royaume imaginaire (qui se prend pour un Dieu régissant les lois de la nature), hyperactivité suivie de prostration,perte du contrôle en découvrant l'empreinte,régression en deçà du stade du miroir dans lequel il ne reconnait plus son image paranoïa (car l'autre est forcément hostile), délire avec sexualité débridée, détachement de l'esprit perdu dans l'immensité du corps...

Une excellente approche philosophique, également, de l'être et du non-être, de la distorsion du temps..

Un ouvrage ardu, dont j'espère avoir capté l'essentiel : "comment se construire sans les béquilles communautaires et des standards de civilisations"?

Et une fin déroutante, comme l' absurde de la condition humaine (fort bien décrit dans Le mythe de Sisyphe), une fin imprévue ( qui déstabilise) d'homme déstabilisé face à l'imprévu.
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Texaco

La diversité de la population martiniquaise, la langue incontournable du créole venue se tisser avec l'arrivée des indiens avec une multitude de mots. Pourtant pour revenir au créole les indiens de la Martinique n'a pas le même rapport complexe codifié à leur langue que celle des habitants issus de l'esclavage. Toutefois cette dynamique de la langue créole se traduit par une reconfiguration de la société, la théorie postulant la déracialisation et la disparition des frontières ethniques des martiniquais. Entre ses deux pôles on peut accentuer une réflexion sur la Diversité dans le monde créole, et les nombreuses épopées de la Martinique racontées à l'auteur par Marie-Sophie Laborieux. Patrick Chamoiseau: Oiseau de Cham dépeint de véritables fresques historiques et politiques avec des visages certes parfois singuliers mais réalistes que ce soit dans leur foi religieuse ou leurs actes civils. Ils portent tous un nom signifiant chaque représentation individuelle ayant opéré dans la construction d'un peuple porté par l'espoir d'un changement radical tout en revendiquant sa négritude dans l'éclatement de l'identité créole.
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Texaco

Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu un tel choc esthétique. Lire Texaco, c'est renouer avec une langue française telle qu'on ne la reconnait plus. Chamoiseau a une écriture vraiment particulière, mélange poétique de français de la métropole et de créole. C'est assez déroutant au début, cette lecture exige un effort comme si je ne savais plus de quelle langue il est question tout en sachant que c'est la mienne. Et puis au fil des pages, une sorte de charme agit et cela devient plus fluide, on dépasse le sentiment d'étrangeté pour seulement se plonger dans le récit. [pour lire la suite]
Lien : http://liremoijeveuxbien.ove..
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Frères migrants

Chamoiseau cherche à éveiller nos instincts les plus nobles, nous invitant à concevoir et construire notre prospérité sur le bien-être de l'Autre. Un autre, en référence aux migrants, qui appartient à ce monde, légitime autant que nous (habitants des pays riches) pour postuler à ses richesses. C'est une attaque contre la mondialisation déshumanisante, éloignant les individus entre eux et ainsi l'individu de lui-même.



Il propose une vision poétique qui reconnait la puissance des relations interhumaines et transcende les concepts traditionnels quelque peu obsolètes de "nation", "culture", "identité" ou "frontière". Une lecture agréable avec un message plus important que jamais.
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Frères migrants

Une des modalités du juste-vivre au monde



Hind celle qui filme, Jane celle qui écrit, l’ombre des corps, des silhouettes et les charges des « lendemains endossés sans fatigue, portés sans devenir », les solitudes étranges, les métèques congénitaux, les apatrides divers·es, celles et ceux livré·es au « décret de méduses et de bateaux noyés »…



Les mots et les phrases de Patrick Chamoiseau frappent et résonnent comme comme un longue plainte contre les traitements réservés à certain·es, une rébellion ouverte contre l’ordre du mépris et de la mort, un regard souriant et accueillant envers tous les êtres humains. Des mots rougeoyants et musicaux contre celleux qui pourchassent l’espoir…



Nous sommes ici, contre les lignes imaginaires mais bien meurtrières des frontières, du coté des géographies du vent, des étincelles de sel ou de ciel, du refus du planétaire assombrissement…



L’auteur nous parle, entre autres, de la mort invisible, des frontières, de Lampedusa, de « l’accès au Refuge, de la demande d’Asile et des Droits dits de l’homme », de l’Irak, de la Syrie, de l’Érythrée, de l’Afghanistan, du Soudan, de la Libye, et d’autres artères ouvertes, « je parle de personnes, saigne de nous, saigne vers nous, parmi nous, saigne pour tous », des forces réadmises de l’horreur, de la paix – peu paisible – néo-libérale, (« Ho ! Que les morts massives en Méditerranée nous dessillent le regard ! ») de vies réduites à la consommation et à la consumation, de la barbarie nouvelle, des richesses pourtant surgissant « toujours des industries de tous ! », de ce qui est du à chacun·e dès « son cri de naissance », de l’évidence et de l’enjeu, des résistances, de ceux qui veulent « enchouker à résidence misères terreurs et pauvretés humaines », des démons mercenaires, de celleux arguant d’« identités menacées », de cet Homo sapiens aussi et surtout Homo migrator…



« Là-bas est dans l’ici », l’auteur décline sous différentes formes « le chemin par lequel on frappe l’Autre est le même que ceux-là qui direct touchent à soi ». Il parle de mondialité et de polyrythmie, de présence d’un invisible plus large que notre lieu, de démultiplications de points d’accroche, de « brasillement dans un vrac ténébreux », des autres devenirs, d’accueil, « Kay mwen sé kay-ou tou ! », des forces imaginantes de Droit, des essaims d’images improvisées qui virevoltent comme des lumières en nous, de justice et d’égalité…



Patrick Chamoiseau cite Aimé Césaire : « Un homme qui crie n’est pas un ours qui danse !… »



Le monde et ses misères sont des régions de nous, l’incertain du possible trouve source dans les différenciations radieuses, l’installation dans l’ardeur d’une promesse. Le poète insiste sur l’invention des passages, l’ouverture de voies, l’idée de relation, « L’altérité ultime devient le tout-possible », la création échappant à la fixité, « Ce cheminement nous dit qu’il n’est tumulte d’écarts qui ne s’apaise et ne goûte le concert d’une différence nouvelle, d’un écart renouvelé, riches de l’âme des anciens, forts du sucre des premiers, dépassant leurs propres sources, les magnifiant ainsi », l’instance des migrations inouïes, « L’identité la plus saine est une confiance qui ouvre et qui appelle, qui va au change aussi », l’élection d’un autre imaginaire, la plénitude intraitable du don, l’accueil comme exigence, les lieux sensibles, le vivre ensemble « multi-trans-culturel », les combinaison utiles à la survie, la cartographie des désirs erratiques…



L’auteur n’oublie pas les inversions possibles, « Quand son accomplissement n’est pas assuré, qu’il ne parvient pas à construire sa personne, l’individu rebrousse chemin dans l’absolu communautaire ou dans l’égoïsme marginal et stérile », le repli en absence du monde, les barbelés et les cerbères, les irruptions de l’impensable…



J’ai largement puisé dans les mots et les images de l’écrivain, « le trésor partagé des ombres et des merveilles », tout en tentant de « démasculiniser » la langue. Je ne saurai cependant rendre la richesse du tissu linguistique, la force de l’énonciation, l’inscription particulière des deux faces du monde… « Voici ce que je balbutie et que j’asserte là : les migrances sont une des forces de la Relation. Elles ne sauraient manquer à la santé relationnelle du monde ».



Reste une question qui détruit partiellement l’engagement du récit, assourdit la parole du poète, grisaille les hautes couleurs de l’écrivain, assombrit l’ode à la liberté, voile ce soleil des rives du monde… l’absence des sœurs migrantes.



Le masculin ne saurait représenter les deux sexes, leurs exigences propres ou communes, les Droits des êtres humains.



Comment ne pas souscrire aux commentaires féministes sur la Déclaration des poètes

(https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/01/26/declaration-des-poetes/).



Nous parlons ici d’êtres humains, de poètes et de poétesses, de femmes et d’hommes, de migrant·es et du traitement infâme qui leur est réservé. « D’ailleurs, nous sommes d’ici ! »
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Texaco

Un livre envoûtant, extrêmement riche et précis dans sa reconstitution de l'histoire de la Martinique dans ce qu'elle a de plus de vigoureux, sa diversité ethnique et culturelle, son imaginaire débordant et la résilience de ses habitants.



C'était mon premier livre de Chamoiseau, le langage utilisé y est poétique et unique par l'association d'un français magnifique et de nombreuses locutions créoles qui lui confèrent une touche créole locale. (Qui aura forcément interpellé le locuteur de créole que je suis).



Les personnages y sont vraiment profonds et les références à des figures littéraires ou historiques (l'Amiral Robert, De Gaulle, Césaire etc...) sont juste excellentes. Voici un livre qui donne envie de lire. On y décrit le point de vue de l'opprimé et ses "nègres" opprimés prennent une dimension mythique à travers la plume de l'auteur. On y redonne toute sa place aux traditions populaires créoles notamment les pratiques agricoles et architecturales. La réflexion sur les modes de vie à la campagne et En-Ville y est très pertinente parmi tant d'autres richesses que je recommande vivement de découvrir.



Seul bémol, le livre est assez long (500 pages) néanmoins il semble y avoir un tel travail de recherche historique et esthétique de l'auteur que cela peut expliquer cette longueur.



PS: Le personnage d'Esternome est juste inoubliable. J'ai également adoré Ti-Cirique
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L'Esclave vieil homme et le molosse

La Pierre est des peuples. Des peuples dont il ne reste qu’elle



« Du temps de l’esclavage dans les isles-à-sucre, il y eut un vieux-nègre sans histoires ni gros-saut, ni manières à spectacle. Il était amateur de silence, goûteur de solitude. C’était un minéral de patiences immobiles. Un inépuisable bambou ».



Chacun e par la fenêtre ouverte ainsi sur le passé, pourrait composer une histoire à partir de ces quelques mots. Les phrases du conteur ravivent la mémoire du poids des « terres amères des sucres ». Patrick Chamoiseau prévient « Au démarrage de cette histoire, chacun sait que cet esclave vieil homme va bientôt mourir ». Pourtant en l’écrivant si sobrement, il instille un doute sur cette mort probable, il souffle le possible chant de la révolte.



Mais laissons cela pour l’instant et faisons connaissance avec le Maître-béké dont « le patrimoine vibre d’une particule », sa propriété l’Habitation et ses esclaves, le molosse « destiné à traquer les fourbins qui fuient les servitudes », l’histoire de cette terre, « Les Amérindiens des premiers temps se sont transformés en liane de douleurs qui étranglent les arbres et ruissellent sur les falaises, tel le sang inapaisé de leur propre génocide », les bateaux négriers, les « lentes processions de chairs défaites, maquillées d’huile et de vinaigre », le « déshumain grandiose », la confusion d’« existants dévastés, indistincts dans l’informe »…



Le molosse hurle à la mort, ce hurlement « défolmante la matière » du monde du Maître-béké, l’esclave vieil homme a maronné…



Je n’en dirait pas plus du vivant, des eaux, du lunaire, du solaire, de la Pierre, des os… et de l’auteur, « La parole du Papa-conteur l’emporte vers des confins étranges ».



En touchant aux os, l’écrivain fait « l’immense détour qui va jusqu’aux extrêmes pour revenir aux combat de mon âge, chargé des tables insues d’une poésie nouvelle ». La prolifération des mémoires, des lieux, des mots et des couleurs… de la révolte même dans le sommeil apparent…




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Texaco

Sacré livre ! J'aime les livres qui réinventent le français. ça a été des livres de personnes d'autres cultures que celles de notre métropole (Kateb Yacine..) mais pas que : Claude Simon, Lautréamont, Pierre Guyotat.. et celui-là sera pour moi, jusqu'à ce que j'en lise un autre, LE livre du créole ! (j'ai entendu un peu de Césaire et je sais que c'est l'un des plus grands..). Je comprends que certain(e)s aient eu du mal à lire jusqu'au bout : moi-même j'ai renoncé à "tout" comprendre (mais ça va quand même, même si je ne connais rien de la Martinique)jusqu'à la page 120 environ (un lexique créole ne serait pas superflu) mais il faut lire ce livre en entier car la seconde partie - celle censée être écrite par la fille du personnage du père, Esternome" - est beaucoup plus facile à comprendre que les 100 premières pages, ce sont même souvent des alexandrins, à la Hugo, en prose. A la page 248 (édition d'origine) Chamoiseau commence à expliquer sa démarche et complètement dans la dernière partie ("Résurrection"), aussi, si vous êtes au bord d'abandonner, lisez cette partie qui explique comment il a procédé.

L'écrivain évoque Rabelais (il y en a ), Joyce (les pensées intimes des personnes, le rapport à une ville..), Lautréamont.. Tiens justement, tous auteurs que j'apprécie !

Sur le fond : c'est le récit parfait, de l'intime des pensées vagabondes, de ce qu'ont vécu ceux qui étaient esclaves à la Martinique, puis "libres" mais matériellement si pauvres. Des personnes inoubliables - Esternome le père, Marie-Sophie la fille et tant d'autres personnes - que Chamoiseau fait revivre par l'écriture et à qui il rend un puissant et bel hommage.

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Osons la fraternité !

Par delà tout bavardage stérile, toutes les formules à l'emporte-pièce ( par exemple ,celles relatives à la "misère du monde"!! ), tous les raisonnements des plus farfelus aux plus implacables, laissons parler les artistes , les écrivains , les poètes qui , dans cet ouvrage , nous disent , mieux que personne, la douleur, l'effroi,l'urgence, la souffrance mais aussi l'espoir, la Vie qui ,malgré tout, palpite et se bat.



Loin des discours ,loin du raisonnable qui cache en réalité notre trouille et notre égoïsme, écoutons ces Veilleurs qui nous disent l'Humain avec des mots si vrais ,si beaux....

Lecture indispensable!!
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Frères migrants

Un livre d'une très belle écriture et qui nous fera et fait regarder différemment le problème des migrants. Avec une belle écriture philosophique et poétique Patrick Chamoiseau nous parle de mondialité, d'exils, de richesses. et c'est un cri d'alarme face à des propos nauséeux. Ne pas oublier que derrière chaque chiffre il y a un homme avec une histoire et des espoirs. Un livre qui fait du bien en ces temps qui courent.
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Les neuf consciences du Malfini

La Fontaine eût pu l'intituler : "Le Rapace et le colibri, ou de comment la puissance est séduite par le génie du minime". Il s'agit en effet d'une longue fable animalière, récit à la première personne à la prose très poétique du Malfini s'adressant à un Nocif (à l'Homme) pour lui conter sa propre métamorphose-illumination et le minuscule colibri à qui il la doit.

Le rapace lutte d'abord contre ses deux instincts (son Alaya) de prédation et d'égocentrisme repu, ayant fugacement aperçu l'insignifiant volatile, mi-oiseau mi-insecte, dont la personnalité le surprend toujours davantage pour son étrangeté, et qu'il appellera le Foufou jusqu'à ce qu'il ne devienne son maître.

Celui-ci est non seulement infime par sa taille et incompréhensible au narrateur, mais un paria pour ses congénères, un persécuté non-violent par son frère le Colibri; il s'avérera être le seul animal lucide dans le moment de la catastrophe, devenant le sauveur du territoire.

Le parcours initiatique du Malfini commence donc par l'observation ahurie du Foufou, puis par son accompagnement tout au long d'un long périple et d'une série de mésaventures, ensuite par un désaveu suivi d'un début de compréhension lors de la calamité qui s'abat sur les lieux du retour, enfin par l'imitation du maître, même au-delà de sa mystérieuse disparition. Le message sera communiqué en conclusion au Nocif, sous forme de chant.

La structure narrative est donc typiquement celle (évangélique ou bouddhique) du récit initiatique de la relation entre disciple-narrateur et prophète ; la catastrophe menaçante mais provisoirement écartée par celui-ci est implicitement mais clairement écologique. Le ton est juste, au diapason avec notre post-modernité, comme suffit à le prouver cet extrait tiré des pages de la fin :

"J'avais traversé des instants de sagesse, mais je n'avais atteint aucune béatitude. Juste une lucidité solaire, solitaire, solidaire. Et amère. J'étais en désir, tel un innocent dans les ruines d'une coquille." (p. 222)

La lecture a été graduellement ralentie par des redites et une certaine lenteur.

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Texaco

A travers Marie-Sophie et toute une galerie de personnages colorés, Chamoiseau retrace l'histoire d'une île et d'un quartier. Nous revivons la fin de l'esclave, son abolition, la perception de cet acte par les populations directement concernés. Il nous apporte un regard sur la société de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle. COmment les anciens esclaves perçoivent-ils les blancs? les métis? la France?Comment cette population loin de la métropole vit-elle l'histoire de la ''Mère-Patrie''? Comment les guerres sont-elle perçues? Quels en sont les lointains soubresauts?

Le parler créole riche en couleur apporte une note d'authenticité, sans tomber dans les abus. Chamoiseau est un virtuose, et la langue pourrait être un personnage à part entière de ce roman. Les personnages sonnent vrais, et sont les vecteurs de la culure créole. Ce livre est plaisir des yeux et des oreilles, quand on apprécie cette langue qu'il est intéressant de lire à haute voix.

Tout le passé sert à présenter la naissance d'un nouveau quartier, et les combats de Marie-Sophie Laborieux pour l'installer et le sauver, contre le Christ venu le raser. Ce personnage apparait dès le début, et est ensuite le prétexte pour le plongeon dans le passé.
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L'empreinte à Crusoé

J'ai choisi de le lire car j'aimais bien l'idée de ce que j'avais bêtement interprété comme étant une suite à Crusoé, "le vrai" , et qui en est en fait une sorte de palimpseste.

Le titre aussi continue de me chatouiller, je n'en comprends pas la forme linguistique ; est-ce un complément du nom erroné (on dit bien la crotte de nez, et pas la crotte à nez, bien que ça ne fonctionne pas avec le sac à main), en grand décalage avec le registre de langue ultra soutenu (daté, meme, d'époque) maintenu tout au long du livre ? Est-ce un complément indirect, comme dans "l'annonce (faite) à Marie" on aurait "l'empreinte (faite) à Crusoé"?

J'ai découvert plusieurs mots à la volée, jamais croisés au cours de précédentes lectures (ajoupa, quiscale, barbadine...) Et puis, au-delà de l'emprunt, l'empreinte.

La fin est inattendue, et pourtant grande amatrice de polars et thrillers en tous genres, c'est dur de me la faire maintenant.

Je reste toutefois avec un gout (de sel) vraiment perturbant dans la bouche. J'ai eu du mal à le lire, et la typographie n'aide pas : les 221 pages sont une logorrhée qui m'a terrassée : pas de points, pas de majuscules ; bref, pas de phrase, même pas une pour commencer. C'est l'heure de gloire du point-virgule. On est pris dans le tourbillon mental de Robinson, dans son défaut de mémoire, dans ses découvertes (primitives et culturelles), dans l'affrontement de la solitude (mais il n'est jamais seul, l'ile et ses "habitants" y compris végétaux sont des personnages à part entière). Et puis cette empreinte, bon moi j'avais deviné qu'elle n'était pas le sujet du livre. Mais cette manière m'a rendu le fond un peu hermétique (un peu, j'ai du creuser et m'acharner dans la tempête du point-virgule), et en décourage probablement beaucoup.

A ceux-là je dis persévérez, un trésor gît sous les décombres.









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Texaco

Goncourt 1992. Projet ambitieux de Patrick Chamoiseau de vouloir expliquer la grande histoire de la Martinique par la petite histoire de la chronique de vie - ou même de survie - de trois générations qui vont passer de l'esclavage au monde moderne où tout n'est évidemment pas rose dans une île qui se construit. Prendre l'angle de l'urbanisation de Fort de France est assez orginal et permet d'avoir beaucoup d'empathie avec les personnages qui en se battant pour leur quartier bidonville, lutte en fait pour leur condition de vie et leur aspiration à une vie plus juste. Le mélange de créole et de français peut déranger au début et il faut quand même batailler un peu pour ne pas lâcher le livre. Heureusement les personnages sont attachants et le propos n'est pas larmoyant... Intéressant pour donner une autre vision de la Martinique que l'image d'Epinal de l'ile paradisiaque...
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Une enfance créole, tome 2 : Chemin-d'école

Ma fille a ce livre à lire, elle est en classe de seconde. Elle ne le lira pas je pense. J'ai donc été regardé, histoire de ne pas laisser ce livre mourir sur la table basse. La lecture en a été rapide et j'avoue pas du tout concluante. Il retournera sur la table basse, sécher comme un poisson hors de l'eau, qui s'asphyxie en frétillant quelques instants dans un dernier sursaut de désir de vivre. C'est un livre bien écrit sans doute, tant on sent l'application de l'auteur a faire de la langue son alliée, sans doute une revanche sur le colonialisme et l'envie sous-jacente de crier son intelligence, c'est un livre qui retranscrit la langue créole, pas de souci, mais c'est surtout un livre ennuyeux, un chemin d'école laborieux. Un chemin, j'imagine ô combien difficile d'accès pour les lecteurs de la classe de seconde de ma fille. On va m'objecter que nos jeunes générations ne savent plus lire, qu'il faudrait qu'ils se mettent au niveau des auteurs les plus éminents de la langue française, qu'ils fassent l'effort de lire tout simplement, mais je serai là pour la défendre. Pour une fois je n'insisterai pas pour qu'elle se penche sur son livre plutôt que d'aller en chercher le résumé sur Google, je la laisserai voir son anime japonais sur Netflix, plutôt que de perdre son temps avec un livre paru en 1994 et déjà vieux comme s'il datait du dix-neuvième siècle, daté, obsolète. Je lui ferai lire un poème d'Aimé Césaire, ça tient sur une page ou deux. Elle aura gagné du temps. Le temps est précieux.
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Encyclomerveille d'un tueur, tome 1 : L'orp..

Je retrouve avec un grand plaisir le merveilleux graphisme de Thierry Ségur. Il faut dire que Légendes des Contrées Oubliées est une oeuvre culte pour moi et certainement l'une de mes bd préférées. Là, je dois avouer qu'il fait moins bien même si son dessin est toujours une pure merveille avec des couleurs quasiment magnifiques. Pourtant, on attendait son retour depuis bien des années !



Le scénario semble axé sur le monde fantastique à la sauce créole c'est à dire un mélange de mythes et de légendes venus du monde entier. On a un peu l'impression qu'il ne se passe pas grand chose dans ce premier tome mise à part la scène introductive ainsi que la dernière scène. Tout semble être une longue explication sur les phénomènes qui se produisent dans ce cimetière pas comme les autres.



Il faut reconnaître une certaine originalité à cette oeuvre. On ne verra peut-être plus les cimetières de la même façon à l'avenir ... Je ne conseillerai pas l'achat en raison de l'abandon de cette série après seulement la parution d'un seul tome. le retour tant attendu de l'enfant prodige aura tourné court.
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Littérature, n°174 : Édouard Glissant

Un recueil que j'ai trouvé trop intelligent pour aborder une pensée si intuitive... mais comment en parler alors ? Voilà ce que je ne sais pas. Glissant se lit, c'est peut-être seulement la réponse... ?
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Hypérion victimaire, Martiniquais épouvantable

Une nuit en Martinique : deux truands de bas étage braquent un automobiliste et le forcent à participer à leurs casses. Or ce conducteur s'avère être un tueur.

Face à face en forme de confession entre un tueur et le commandant de police qu’il tient en joue. Il s'agit de l'un des derniers titres de la série "Vendredi 13" qui compte 13 romans écrits par 13 écrivains de renom. Ici c'est Patrick Chamoiseau (prix Goncourt en 1992) qui s'essaie à l'exercice, avec le talent qui le caractérise, dans cette collection de bonne qualité dirigée par Jean-Bernard Pouy.


Lien : https://collectifpolar.com/
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Texaco

Que raconte Chamoiseau par le biais de ce bouquin? Cette histoire, c’est celle de la Martinique sur cent cinquante ans à travers le regard d’une femme Marie-Sophie. Durant les six parties du roman :



Annonciation

Temps de paille

Temps de bois-caisse

Temps de fibrociment

Temps de béton

Résurrection

Le lecteur suit la quête identitaire du peuple antillais marqué par l’esclavagisme et le colonialisme. Dès les premières pages du livre, le lecteur prend conscience de la lutte entre deux populations : les gens du quartier Texaco et ceux de l’En-ville. Texaco, c’est au départ un bidonville de Fort-de-France qui se transforme progressivement en quartier, c’est le symbole de la lutte, c’est un espace habité par des gens qui ont réussi à se libérer de leur état d’esclave, c’est la vie en communauté. Mais encore, dans les premières pages, le lecteur découvre le merveilleux personnage de Marie-Sophie Laborieux. Elle est le centre du quartier Texaco, elle est sa fondatrice. Ce dernier s’est construit autour d’elle et des réservoirs de pétrole de la célèbre compagnie. On apprend dans cette partie que la survie du quartier Texaco dépend de ce que Marie-Sophie a à raconter à un urbaniste qui souhaite voir le quartier détruit en raison, entre autres, de son insalubrité.



Alors, j’inspirai profond : j’avais soudain compris que c’était moi, autour de cette table et d’un pauvre rhum vieux, avec pour seule arme la persuasion de ma parole, qui devrais mener seule – à mon âge- la décisive bataille pour la survie de Texaco. (p. 19)



Il y a donc un profond enracinement dans l’oral qui est présenté (spécificité de la créolité dans le roman et de l’imaginaire antillais). La parole semble représenter la mémoire collective de ce peuple. En replongeant dans son passé, Marie-Sophie Laborieux (signifiant faisant référence à la mère, à la sagesse et au labeur) tente de démystifier l’idée que son quartier est primitif, qu’il ne possède aucune organisation sociale et qu’il est sans culture. La parole devient son arme. Par son discours, elle souhaite qu’il y ait une prise de conscience positive envers les siens.



De plus, par sa parole, Marie-Sophie amène l’urbaniste à changer sa position par rapport à Texaco. Elle lui fait prendre conscience de la dimension cachée de son quartier : l’harmonie.



En écoutant la Dame, j’eus soudain le sentiment qu’il n’y avait dans cet enchevêtrement, cette poétique de cases vouée au désir de vivre, aucun contresens majeur qui ferait de ce lieu, Texaco, une aberration. Au-delà des bouleversements insolites des cloisons, du béton, du fibrociment et des tôles […], il existait une cohérence à décoder, qui permettait à ces gens-là de vivre aussi parfaitement, et aussi harmonieusement qu’il était possible d’y vivre, à ce niveau de conditions. (p. 269)



Grâce à la force de sa parole, Marie-Sophie convainc l’urbaniste de la nécessité et de l’importance du quartier Texaco.



Mais encore, il est question d’une quête liée à la liberté à la fois individuelle et collective dans ce récit. Marie-Sophie aborde l’histoire de son grand-père et de son père qui ont dû vivre une prise de conscience par rapport à leur droit à l’égalité. Ils ont dû s’éveiller et lutter. À cet égard, le symbole de la liberté est associé à l’En-ville dans le roman. L’En-ville apparaît comme étant la lumière au bout du tunnel pour les noirs. Marie-Sophie ira elle-aussi y travailler afin de poursuivre le chemin amorcé par ses pères. Elle réalise que le milieu urbain n’est qu’un endroit de passage pour elle et ses semblables. Il est marqué par la solitude et le repliement sur soi. Les habitants du quartier Texaco partagent le même rêve : entrer dans l’En-ville. Ils souhaitent être enfin acceptés pour qui ils sont. En faisant annexer Texaco à l’En-ville, ils ne perdront pas leur créolité et leurs valeurs. En faisant partie de l’En-ville, les gens de Texaco auront la chance de bénéficier des biens élémentaires, ce qui constitue la base pour être dans le monde. De ce fait, ils deviendront libres et ils auront lutté ensemble tout en gardant leur identité.



Il est question aussi d’Aimé Césaire dans ce récit ce que j’ai beaucoup apprécié. Marie-Sophie aborde son importance. Elle mentionne que les noirs deviennent très sensibles, grâce à lui, à des mots comme autonomie et assimilation. Césaire devient le drapeau de l’espoir :



Il nous porta l’espoir d’être autre chose. (p. 275)



Césaire permet aux noirs de réaliser qu’ils peuvent conquérir l’En-ville. Il leur démontre qu’ils peuvent réussir en étant des personnes noires. Il leur fait réintégrer leur couleur, leur âme.



Le dernier désir de Marie-Sophie Laborieux est directement relié à la parole. Elle ne souhaite pas que le nom du quartier soit changé.



Je lui demandai une faveur, Oiseau de Cham, faveur que j’aimerais que tu notes et que tu lui rappelles : que jamais en aucun temps, dans les siècles, on n’enlève à ce lieu son nom de TEXACO, au nom de mon Esternome, au nom de nos souffrances, au nom de nos combats, dans la loi la plus intangible de nos plus hautes mémoires, et celle bien plus intime de mon cher nom secret qui – je te l’avoue enfin- n’est autre que celui-là. (417-418).



Le nom du quartier ne peut qu’évoquer le discours de l’endroit. Le nom Texaco est en fait le véhicule de la mémoire et de la parole du cœur.



Dans la dernière partie du roman, les gens du quartier sont enfin libres et autonomes. Le livre est d’ailleurs clôt sur cette vision :



Je voulais qu’il soit chanté quelque part, dans l’écoute des générations à venir, que nous nous étions battus avec l’En-ville, non pour le conquérir (lui qui nous gobait), mais pour nous conquérir nous-mêmes dans l’inédit créole qu’il nous fallait nommer-en nous-mêmes pour nous-mêmes- jusqu’à notre pleine autorité. (p. 427)



Marie-Sophie devait raconter la spécificité de l’histoire de la Martinique. Il fallait qu’elle refasse ce voyage dans le temps pour plonger dans l’identité antillaise, la nommer, l’affirmer et célébrer la créolité en reconnaissant l’existence d’un quartier : Texaco. C’est la réappropriation individuelle et collective de la créolité dans toute sa grandeur qui est exprimée.



Il y a également de nombreux référents à la religion dans ce récit. L’urbaniste semble associé au Christ et les différents temps relèvent d’une symphonie quasi-biblique débutant avec le sermon jusqu’à la résurrection symbolisant la renaissance du quartier.



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J'ai toujours aimé la nuit

Chamoiseau Patrick – "J'ai toujours aimé la nuit" – Points/Sonatine, 2017 (ISBN 978-2-7578-7075-4)

– première publication en 2013 sous le titre "Hypérion victimaire, Martiniquais épouvantable" aux éditions "La branche"



Un de ces rares romans qui allient magnifiquement la force de l'écriture avec celle des thèmes évoqués.



Le thème principal ici traité est celui de la jeunesse à l'abandon, de ces adolescent-e-s d'aujourd'hui issu-e-s de différents milieux sociaux, livré-e-s sans défense et sans recours aux trafiquants de drogue, aux illusionnistes des pires médias "conviviaux", aux créateurs de ces "réalités virtuelles" et "jeux" vidéos violents déstructurant les jeunes individus rivés à leurs écrans (cf pp. 51, 134), de cette jeunesse qui ne (re)connaît plus aucune autorité ni aucune identité (cf p. 35, 80-81, 135) puisque les puissant-e-s de ce monde ont réussi à détruire les fondements même de la vie en société, au premier rang desquels la famille (cf pp. 100-103, 154, 222), de façon à atomiser les individus ainsi manipulables et façonnables au gré des "besoins" des "marchés" mondialisés.



La destruction systématique des référents représentés par les parents – et tout spécialement les pères – est ici illustrée avec une rare profondeur, et ce, jusqu'à la dernière ligne de la dernière page...



Bien évidemment, le centre de ce maelstrom est axé sur l'extrême violence engendrée par le trafic de drogue (cf pp. 48, 60, 258) – un cancer sociétal contre lequel aucun gouvernement n'a jamais entrepris quoi que ce soit, bien au contraire, on vit même en France des ministres "de gauche" et "écologistes" encourager ouvertement la consommation de cannabis, et toute la bien-pensance est actuellement en train d'imposer le "cannabis thérapeutique" en comptant bien sur l'effet domino attendu et en paralysant toutes les forces de police qui serait tentées de lutter contre ce fléau.



Ce sont là des thèmes maintes fois traités avec plus ou moins de succès par différents auteurs, depuis l'immense succès en librairie que connut en 1955 le désormais classique "Chiens perdus sans collier" de Gilbert Cesbron. Il convient de relire ce roman pour bien mesurer à quel point la délinquance juvénile n'a fait que se radicaliser et s'étendre depuis l'après guerre, là encore sans qu'aucun gouvernement ne mette en œuvre la moindre mesure réellement efficace, et ce en toute connaissance de cause puisqu'il existe un nombre incalculable d'études de toute sorte exhibant les racines du phénomène.



Évoquer ces thèmes ne suffiraient donc pas à conférer à ce roman de Chamoiseau une mention spéciale, non, ce qui frappe dans ce texte, c'est son extra-ordinaire qualité littéraire : des personnages construits et pensés, une intrigue incisive et inexorable, des décors urbains d'une effarante justesse (cf pp. 33, 220), tout contribue à la grande efficacité du récit, mais il convient encore d'évoquer un élément tout aussi extra-ordinaire, propre à cet auteur.



Cet élément, c'est la langue ici mobilisée, observée, disséquée. A l'heure où les sbires et freluquets à la Macron étalent leur arrogance en cultivant l'entre-soi du sabir franglisch ou du globish, Chamoiseau embellit, enrichit notre langue française des apports créoles, antillais, urbains.

Mieux encore, en quelques scènes magistrales, il montre comment cette jeunesse est littéralement ravagée par son manque d'outil de communication (eh oui, à l'heure des soi-disant réseaux sociaux conviviaux), que ce soit dans le vêtement (cf pp. 96, 130), dans la gestuelle (cf pp. 155, 171) ou par la langue utilisée, une langue en ruine, en lambeaux (cf pp. 116—118).



Un roman exceptionnel, à lire, à relire, à offrir...

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