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Citations de Polina Panassenko (138)


Pendant qu'il ( le grand père) liste les dangers qui me guettent, je pense à la Grande Guerre patriotique. Aux fascistes qui torturaient les prisonniers sans insigne pour déterminer à leurs cris de douleur de quel pays ils venaient. Ça m'inquiète. En
français je sais qu'on crie" aie " mais le problème c'est qu'en russe on crie "aïe" aussi .comment être sure de crier aïe en russe et pas en français. Et si je crie en russe mais qu'on croit que j'ai crié aïe en français, comment prouver ensuite que
c'était bien un aïe russe.?
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On passe à table. La boîte noire au centre m'intrigue .
on dirait un outil de travail de mon grand-père à la datcha. chez nous ma mère n'aurait pas autorisé qu'on le pose sur la nappe. Maurice nous le présente. Il commence par distribuer à tout le monde une mini pelle et un petit bout de bois. J'adore avoir ma propre mini pelle. Je ne sais pas encore à quoi ça sert mais quoi qu'il arrive, j'adore .
ensuite, Maurice dépose un carré jaune ou sur sa mini pelle et la fait disparaître dans la boîte noire. Colette en fait autant point puis mes parents et ma sœur. Moi je ne bouge pas point Maurice montre la boîte noire et dit Raklete. Il met
un carré jaune mou sur ma mini pelle et la fait disparaître avec les autres dans la boîte noire.
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Elle plaide, mais elle plaide pour rien. La procureure l'écoute comme une mention légale.
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C’est mon père qui commence. Il parle des parents paysans, des bonnes
notes à l’école, de la guerre, des camps, des tentatives d’évasion, du retour,
des études impossibles, des champignons et d’Essénine, du bon et du
mauvais, du joyeux et du tragique. Pendant qu’il parle, quelque part sur le
lit éclate un pet sonore. Immédiatement suivi d’un autre. Et d’un autre
encore. Je regarde le landau de ma nièce. Mon père continue de parler d’une
voix douce et grave, on dirait qu’il n’entend pas. Alors elles se superposent.
L’oraison funèbre du défunt et les éclatantes flatulences de son arrière-
petite-fille. Mon père se tait. On lève les verres sans trinquer et on boit à la
vie du mort.
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Je pense plutôt à l’âme qui reste encore trois jours. Trois jours présente
dans les endroits chers au défunt, les endroits de sa vie terrestre. Je ne
connais pas les détails, je préfère ne pas, cette information me convient
comme telle. Je me presse d’arriver à l’appartement. Nous sommes la nuit
du troisième jour, je veux être là à temps. Je fais un décompte avantageux
qui me laisse plus d’heures pour étreindre son âme. Étreindre son âme
morte avec mon corps vivant. Si ça se trouve on ne dit pas âme morte, on
dit âme tout court. Si c’est profane d’avoir dit ça, j’espère que je n’ai pas
perdu ma chance de l’étreindre pour autant. Je tiens à le faire, puisque c’est
tout ce qu’on nous laisse.
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Saint-Étienne. On vend la R19, on déménage et on ne parle pas. On ne
parle plus. On déroule encore des rubans de mots mais dans tout ce qu’on
dit il y a surtout ce qu’on ne dit pas, celle dont on ne parle pas, celle que la
langue évite. Quand il faut dire le nom, quand c’est inévitable, mon père a
le visage qui se creuse. On croit qu’il faut du temps pour qu’un visage se
creuse, que c’est le résultat d’un processus long mais non. Il peut se creuser
en deux syllabes. Deux syllabes suffisent. Quand le nom est inévitable, mon
père le murmure. Ça fait un trou d’air dans la phrase. Il inspire au lieu
d’expirer. Comme s’il voulait le garder en dedans. Comme si avec le nom
risquait de filtrer autre chose. Par exemple que maintenant il lui faut un
temps pour sortir de la voiture. Je le sais, je l’ai vu par la fenêtre de ma
chambre. Le parking était juste en dessous. Le lendemain de la nuit à
l’Opitalnor, il a garé la voiture, il a ouvert la portière, il a sorti les jambes et
puis il n’a plus bougé. Il est resté comme ça. Peut-être une minute, peut-être
plus. Quand il est rentré, il n’a rien dit, moi non plus. On a fait des rubans
de mots dans le vide.
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La procureure dit J’ai une dernière question pour votre
cliente, maître. Mon avocate s’écarte. Je m’avance. Pensez-vous que c’est
dans votre intérêt d’avoir un prénom russe dans la société française ?
[...]
La procureure répète sa question. Le problème avec la rage, chez moi,
c’est que pour agir c’est bien mais pour parler c’est horrible. Il faut que ça
redescende sinon je fais juste une sorte de vocalise. Un angry yodel. Je me
concentre sur ma respiration. Au conservatoire de théâtre, j’avais un prof de
yoga qui s’appelait Gaourang. Son vrai nom c’était Jean-Luc mais il se
faisait appeler Gaourang. Et Gaourang, en cours de yoga, il nous disait
toujours : Sentez l’air frais qui rentre dans les narines et l’air chaud qui
ressort. Je regarde la procureure, je pense à Gaourang mais je sens pas d’air
frais.
J’ouvre la bouche, je produis des sons. Je dis URSS, je dis juive, je dis
cacher son nom. Je n’entends pas ce que je dis mais j’entends ma voix. Une
octave plus grave qu’à la normale. Quand je me tais ça fait pas comme dans
les films américains où il y a un court silence puis une personne au loin qui
applaudit et toute l’assemblée qui se lève. Ça fait pas ça. Ça fait juste la
procureure qui dit à la magistrate : C’est intéressant, on a bien fait de la
convoquer en audience. Puis elle dit Mettez-moi ça par écrit. En
témoignage. Et joignez-le au dossier, maître. Mon avocate lui propose de se
prononcer tout de suite. Ne pas refaire un an de procédure, un autre renvoi,
une autre audience. Non. Elle ne veut pas la procureure, elle veut son
papier.
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Ce que je veux moi, c'est porter le prenom que j'ai reçu à la naissance. Sans le cacher,sans le maquiller,sans le modifier. Sans en avoir peur. Faire en Francr ce que ma grand-mère n'a pas pu faire en Union soviétique

(P.9)
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Le problème avec la rage,chez moi,c'est que pour agir c'est bien mais pour parler c'est horrible.

(P7)
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Il y a une expression russe qui dit "Celui qui a servi l'armée ne rit pas au cirque."
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Un son qui marche c’est un son qui produit quelque chose. Un son qui ne marche pas équivaut au silence. Tu fais le son mais l’autre fait comme si tu n’avais rien dit.
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J’ai le choix. Soit je commence par l’église, soit je commence par le cimetière. De toute façon, l’église est sur le territoire du cimetière, ou bien c’est l’inverse, bref c’est au même endroit. Je décide de commencer par le cimetière.
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Liza a un grand frère. On dit que Mitya a essayé de se suicider quand Kurt Cobain est mort. Quelque chose en lien avec Nirvana. On ne sait pas exactement qui est Kurt Cobain mais on sait qu’un monde intense et inconnu pour lequel on peut être prêt à mourir existe sans nous. Quelque part dans cette forêt, ce monde prend vie à la tombée du jour.
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Je ne vais pas adorer du tout vivre avec un prénom choisi par le tribunal de Bobigny parce qu’il trouve que je m’intègre mieux comme ça. Parce qu’il trouve que comme ça, de la maternelle au cimetière, on garde à l’esprit que s’intégrer est un work in progress.
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Quand j’ai obtenu la nationalité française, mon père a fait franciser mon prénom. Lui aussi voulait protéger. Faire pour sa fille ce que sa mère avait fait pour lui. Ce que je veux moi, c’est porter le prénom que j’ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur. Faire en France ce que ma grand-mère n’a pas pu faire en Union soviétique.
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Ma tante a le judaïsme clignotant. Chez elle « le peuple juif » oscille entre le « nous » et le « ils ». Elle est juive sans l’être. On dirait que c’est au cas où. Au cas où quoi je ne sais pas mais si je pose une question sur le « nous », il faut y aller mollo sinon on a vite fait de rater l’embranchement et on se retrouve en plein « ils ».
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Il a raison, mon père, je ne suis pas tolérante. J’ai arrêté d’aller chez une copine qui a accroché sur son mur l’image Battre les Blancs avec le coin rouge de Lissitzky. Celle avec le triangle qui pénètre le rond blanc. J’ai arrêté d’aller chez elle d’abord puis j’ai fait le lien ensuite. Il faudrait que je lui dise, peut-être. Il faudrait que je lui dise, à a pote, que mon pays en sang accroché sur son mur, ça me gêne. 
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Russe à l'intérieur, français à l'extérieur. C'est pas compliqué. Quand on sort, on met son français. Quand on rentre à la maison on l'enlève. On peut même commencer à se déshabiller dans l'ascenseur. Sauf s'il y a des voisins. S'il y a des voisins on attend. Bonjour. Bonjour. Quel étage? Bon appétit.
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Français sans accent ça veut dire français accent TV personnage principal. Accent Laura Ingalls et Père Castor. Accent Jean-Pierre Pernaut et Claire Chazal. Prendre l'accent TV c'est renoncer à tous les autres. Pas de cumul possible avec l'accent TV.
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J'ai l'impression d'avoir fait rentrer mon nom dan le dictionnaire.
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