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Citations de René Bazin (116)


Le vent la poussait, le vent froid, passant famillier de cette plaine, compagnon vagabond du Rhin. On ne pouvait distinguer aucun détail dans l'ombre où dormait l'Alsace, si ce n'est, à quelques centaines de mètres, des lignes de toits ramassés et pressés autour d'un clocher gris, tout rond d'abord et terminé en pointe. c'était le village d'Alsheim.

M. Ulrich se hâta, retrouva bientôt le cours du torrent, devenu un ruisseau rapide, qu'il avait côtoyé dans la montagne, le suivit, et vit se dégager, haute et massive, dans son parc d'arbres dépouillés par l'hiver, la première maison d'Alsheim : celle des Oberlé.
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La porte du jardin s'ouvrit ; un homme s'avança, de haute taille lui aussi, trop gros, vêtu d'un complet de flanelle blanche et coiffé d'une casquette de même étoffe. Dans sa figure rasée ses petits yeux papillotaient , gênés sans doute par la brusque diminution de la lumière. C'était M. Meffray, le grand électeur de Challans, demi-bourgeois ambitieux, animé d'une haine secrète contre les paysans, et qui, sorti de leur race, vivant à côté d'eux dans un bourg, n'avait cependant plus que l'intelligence de leurs défauts , dont il usait . Averti de la façon dont Lumineau s'était présenté, redoutant des scènes violentes, il s'arrêta près de la première marche de l'escalier, posa le coude sur la rampe, porta trois doigts à sa casquette, et dit négligemment :
-On aurait dû vous faire entrer métayer. Mais enfin, puisque vous êtes pressé , parait-il, nous pouvons causer ici. J'ai rendu service à votre fils : est-ce à cause de cela que vous venez ?
-Justement dit Lumineau.
-Si je peux vous servir à quelque chose ?
-Je veux garder mon gars , monsieur Meffray
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La maison n'avait qu'un étage et une fenêtre, comme ses voisines. Toussaint Lumineau poussa la porte, et entra dans une salle de café meublée de tables de bois blanc, de tabourets de paille et d'une armoire vitrée, où étaient rangées des bouteilles de liqueurs entamées et, en bas, des assiettes de viandes froides entre deux boites de gâteaux secs. Il n'y avait là personne. Lumineau se planta droit au milieu de l'appartement. Une sonnette, mise en mouvement par l'entrée du métayer, continuait de s'agiter, fêlée, de plus en plus faible. Avant que le carillon eût cessé, une seconde porte s'ouvrit en face de la première, le long du buffet ; un coup de vent souffla des odeurs de cuisine , et une femme coiffée en cheveux s'avança, clignant des yeux et se balançant sur ses hanches. Bien qu'il se trouvât à contre-jour, elle reconnut aussitôt le visiteur, rougit beaucoup, laissa tomber le coin de son tablier qu'elle tenait de ses deux mains croisées, appliqué sur son ventre, et s'arrêta net.

-Oh ! dit-elle, le père ! En voilà une surprise ! Depuis le temps qu'on ne s'est vu !
-Oui, c'est vrai : il y a longtemps.
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C'étaient quatre boeufs superbes, précédés par une jument grise : Noblet,Cavalier,Paladin et Matelot, tous de même robe fauve, avec des cornes évasées, l'échine haute, l'allure lente et souple. Trainant la charrue, dont le soc était relevé, ils gravissaient la pente, et quand une pousse de ronce, tendue en travers de la route, tentait leur mufle baveux, ils ralentissaient ensemble l'effort, et la chaîne de fer, qui liait le premier couple au timon, touchait terre et sonnait. François , le long de leurs flancs, s'en allait , tout sombre. Une pensée l'occupait, qui n'était point celle du travail quotidien.
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Un parfum de forêt mouillée s'élevait vers le ciel calme et laiteux. Il ne faisait pas de brise ;aucun oiseau ne chantait ; la campagne semblait uniquement attentive aux dernières gouttes, formées pendant la nuit , et qui s'écrasaient au pied des arbres avec des vibrations de métal. Quelque chose avait dû mourir , dont le monde demeurait accablé. Et , en effet, sur les collines de Challans, au large de la Fromentière, le grincement lointain d'une charrue, les appels d'un toucheur de boeufs, disaient le commencement des labours d'automne.
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Enfants, comprenez bien pourquoi la France est appelée douce. On l’a nommée ainsi à cause de sa courtoisie, de sa finesse, de son cœur joyeux et tout noble. Mais la douceur n’est pas faible, elle n’est pas timide. La douceur est forte. La douceur est armée pour la justice et pour la paix. Elle ne fait pas d’inutiles moulinets avec son épée, mais elle en a une le long de son flanc, et elle en tient la garde dans sa paume solide et calme.

Sans elle il n’y a que violence. On la reconnaît tout de suite dans les victoires qu’elle remporte. Elle a pitié de ceux qu’elle a vaincus. Elle se les concilie, elle sait que le monde ne peut être sage sans une puissance qui règle et punit, mais elle sait aussi qu’il ne peut être heureux si les âmes ne sont pas conquises, charmées, libres dans leur amour, reconnues pour des hautes puissances, traitées en immortelles. La France justicière, la France guerrière, la France conquérante est encore la douce France.
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N'est pas beau ce qui est beau , mais est beau ce qu'on aime .
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Il ne faut jamais hésiter à demander les postes où le danger, le sacrifice, le dévouement sont plus grands : l’honneur, laissons-le à qui le voudra, mais le danger, la peine, réclamons-les toujours. Chrétiens, nous devons donner l’exemple du sacrifice et du dévouement. C’est un principe auquel il faut être fidèle toute la vie, en simplicité, sans nous demander s’il n’entre pas de l’orgueil dans cette conduite : c’est le devoir, faisons-le, et demandons au Bien-Aimé Époux de notre âme de le faire en toute humilité, en tout amour de Dieu et du prochain…
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Cette douceur de la solitude, je l'ai éprouvée à tout âge, depuis l'âge de vingt ans, chaque fois que j'en ai joui. Même sans être chrétien, j'aimais la solitude en face de la belle nature, avec des livres, à plus forte raison quand le monde invisible et si doux fait que, dans la solitude, on n'est jamais seul. L'âme n'est pas faite pour le bruit, mais pour le recueillement, et la vie doit être une préparation du ciel, non seulement par les oeuvres méritoires, mais par la paix et le recueillement en Dieu. Mais l'homme s'est jeté dans des discussions infinies : le peu de bonheur qu'il trouve dans le bruit suffirait à prouver combien il s'y égare loin de sa vocation.
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Si vous saviez combien je désire finir ma pauvre et misérable vie, si mal commencée et si vide, de cette façon dont Jésus a dit, le soir de la Cène, "qu'il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ce qu'on aime" ! J'en suis indigne, mais je le désire tant ! Les bruits de guerre reprennent... c'est un état très doux pour l'âme : se sentir toujours si près, si au seuil de l'éternité, c'est une douceur extrême et en même temps cela est bon pour l'âme.
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La ligne collatérale [des Baltus] était demeurée dans l’ombre, en tout cas ; elle avait mérité d’une autre manière : au service du blé, du seigle, de l’herbe et de la forêt.
(p. 14, Chapitre 2, “Les trois Baltus”).
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Rien ne caractérise mieux cette manière que ces duos d’amour, dansés tantôt par un homme et une femme, tantôt par deux gitanes, et qui succèdent aux figures d’ensemble. Les amoureux s’écartent, se rapprochent, passent avec une œillade, s’évitent d’un tour de rein, ne se touchent jamais, et se parlent tout le temps, font un dialogue avec des attitudes, des regards, des sons de castagnettes, – mâles et femelles d’après le timbre, – avec le geste du pied, de la main, et l’arc changeant des lèvres. La guitare et la mandore pleurent langoureusement. Un tambour de basque se démène endiablé, et toutes les bohémiennes qui ne dansent pas, celles aussi venues en curieuses et qui assiègent la porte, ponctuent le fandango de cris aigus. Les olé ! pleuvent. Des phrases entières partent dans un éclat de rire. Bah ! les étrangers ne comprennent pas. J’ai saisi au vol deux ou trois de ces exclamations, que chacune lance au hasard. Elles disaient : « Vive la mère qui t’a enfanté ! », ou bien « Bobadilla, trois minutes d’arrêt ! », ou bien « Voyez cette belle Encarnacion, monsieur, monsieur ! » C’est à la fois burlesque, truqué, naïf et d’un art indéniable.
J’ai dit que ces bohémiens de l’Albaycin étaient très apprivoisés. Avec quelques bravos, un compliment, plusieurs bouteilles de vin blanc discrètement demandées, et que les bohémiennes, d’ailleurs, avaient bues « à la France », j’avais cru comprendre que nous jouissions d’un commencement de réputation auprès de la troupe de D. Juan Amaya. J’en fus assuré par lui-même, au moment des adieux. Une Française et son mari étaient entrés dans la salle, pendant les danses. Quand ils se levèrent pour partir, le capitaine s’approcha de moi, et me dit, avec une dignité affectueuse :
– Monsieur, les gitanos et les gitanas sont touchés de vos bons procédés. Ils vous proposent, pour vous marquer leur gratitude, d’exécuter devant vous quelques pas qui ne se dansent pas devant les dames.
Je remerciai D. Juan Amaya, et je rentrai dans Grenade.
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C’étaient quelques grandes dames qui avaient leur habitation aux environs, des baigneuses installées pour l’été dans les villas de la côte, de vieilles filles pauvres, errantes et dignes, comme il en abonde en Angleterre, et qui venaient de Westgate, de Birchington, de Minster, de Deal, d’autres coins encore de ce Kent réputé pour son climat tiède et pour son air excitant et léger. Toutes ces personnes avaient été présentées les unes aux autres, soit qu’elles fussent des invitées, soient qu’elles fissent partie du club de tennis de Westgate. Elles formaient un groupe fermé, lié par un rite, une sorte d’aristocratie passagère où beaucoup d’entre elles étaient fières de se montrer. Le ton de la conversation était enjoué. Les jeunes filles et les joueurs qui avaient été éliminés du tournoi s’arrêtaient un moment, et se mêlaient à cette petite cour mondaine, où une femme surtout était entourée, adulée et comme royale. Puis, ils se dirigeaient vers une cabane, située au milieu du rectangle que divisait une haie de fusains, et autour de laquelle étaient disposées des tables pour le thé.
– À tout à l’heure, lady Breynolds ?... Je suis sûre, chère lady Breynolds, que Réginald va gagner !...
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Madame L’Héréec, ne voulant pas travailler ce soir-là, avait pris une plume, et s’était mise à repasser à l’encre de Chine des parties à demi effacées du dessin, pour occuper l’activité de ses mains adroites et fines.
Elle faisait deux ou trois traits, à petits coups, et se renversait en arrière, pour juger de l’effet. Simone lisait, les paupières baissées, sans hâte, marquant d’un sourire aussitôt effacé des passages qui lui plaisaient.
Pauvre madame Corentine L’Héréec ! ceux qui l’avaient vue autrefois l’auraient facilement reconnue. Elle avait à peine vieilli : toujours le même teint de blonde, la même mine chiffonnée, dont l’expression naturelle était le rire, les lèvres minces, mobiles sur de petites dents blanches, le nez court, et ces jolis yeux bleus, peu profonds, mais si vivants ! C’étaient les mêmes cheveux ondés, de couleur cendrée, presque trop abondants, qu’elle tordait et attachait très bas sur la nuque. La finesse du cou ne s’en voyait que mieux, un cou d’enfant, d’une pâleur bleuissante par endroits, et qui sortait élégamment de la robe noire échancrée, comme jadis du col blanc de la Perrosienne.
Oui, ceux de Perros-Guirec et de Lannion, les gens de son enfance et de sa première jeunesse l’auraient retrouvée : mais ils auraient perdu sans doute quelques-unes de leurs préventions, en voyant cette chambre de King Street. La propriétaire de la Lande fleurie, arrivée dans l’île avec le mince capital de sa dot restituée, avait su, grâce à une entente parfaite du goût moyen, du caprice banal et limité du touriste, monter une sorte de bazar qui avait réussi, chose étonnante, près du double public anglais et français.
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Parvenu au point culminant du chemin, et près de descendre vers la Genivière, Pierre Noellet arrête un instant la Huasse, et se dresse, les yeux tournés à droite, vers une masse sombre comme une tache noire dans le crépuscule. C’est le château de la Landehue dans l’ombre de ses grands arbres. Un point ardent brille à l’une des fenêtres : « Ils sont arrivés ! » pense le jeune gars. Ses yeux s’animent, il sourit. Pourquoi ? une joie d’enfant, des souvenirs qui lui reviennent. Ç’a été si triste, tout l’été, de voir cette maison fermée, sans maître, sans vie. Pour la première fois, M. Hubert Laubriet a passé la belle saison loin de la Landehue. Dès lors, plus de train de voitures et d’invités, plus de chasse, plus de fanfares, plus rien. Mais les hôtes du château sont revenus, et la preuve en est sûre.
Pierre Noellet est content, et, talonnant la Huasse, il se met, pour s’annoncer, à siffler une chanson du pays.
Au même moment, M. Laubriet entrait dans la cour de la Genivière, formée par trois bâtiments : la grange le long du chemin ; puis, perpendiculaires à cette première construction, et séparées d’elle par un large passage, l’habitation du fermier d’un côté, l’étable et l’écurie de l’autre. Du dernier côté, rien ne fermait la vue : c’étaient des cimes d’arbres descendant le ravin de l’Èvre, et, par-dessus, la vallée ouverte.
Le châtelain aimait le site de la Genivière, métairie qui avait jadis appartenu à la famille de sa femme, il aimait surtout le métayer, un des hommes les meilleurs et les plus riches du pays. Il allongea son visage maigre et fin, encadré de favoris gris, au-dessus de la demi-porte d’une pièce, tout à l’extrémité de la maison.
– Bonjour, métayère ! dit-il.
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– Ma sœur Pascale, vous avez les yeux rouges.
– Pas d’avoir pleuré... C’est l’air qui est vif, ce soir.
– Oui, et puis la fatigue de la classe, n’est-ce pas ? Vous vous tuerez, sœur Pascale !
Une voix jeune, inégale, avec des trous creusés par la fatigue, répondit :
– Elles sont si gentilles, mes petites !... Et au bout de huit jours, aucune ne penserait plus à moi,... ni peut-être personne au monde.
Et elle riait.
Un murmure de mots prononcés à peine, avec des hochements de tête, et qu’on sentait avoir été dits souvent, enveloppa de tendresse sœur Pascale : « Enfant !... Quand serez-vous raisonnable ? Vous voulez vous faire dire qu’on vous aime... Croirait-on qu’elle vient d’avoir vingt-trois ans aujourd’hui ?... Aujourd’hui même, 16 juin 1902. Vous le voyez, tout le monde sait votre âge. »
Un contentement d’être ensemble, d’être au calme, de s’aimer les unes les autres, leur vint à toutes. Et celle qui avait l’autorité, levant les yeux au-delà de la cour, vers les maisons distantes et leur bordure de ciel, dit :
– Il fait bon respirer. Comme on calomnie notre air lyonnais ! Ça sent la campagne, vous ne trouvez pas ?
Dans le silence de quelques secondes, tous les yeux se levèrent, les poitrines lasses ou malades aspirèrent la joie de l’été, que la ville n’avait pas toute bue et détruite. Et il y eut plusieurs de ces âmes, adoratrices et reconnaissantes pour le reste du monde, qui remercièrent secrètement.
Elles étaient cinq femmes, cinq religieuses, en costume gros bleu, voile noir et guimpe blanche, dans le préau de l’école, allée cimentée, protégée par un toit, et qui s’étendait, derrière la maison, tout le long de la cour de récréation.
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– Ils me demandent pour être nourrice !
Louarn devint sombre. Ses joues plates, couleur de la mauvaise terre blanche qu’il remuait, se creusèrent :
– Qui donc ? fit-il.
– Des gens ; je ne sais pas : leur nom est là. Mais le médecin, c’est celui de Saint-Brieuc.
– Et quand donc tu partirais ?
Elle baissa le front vers la table, voyant combien Louarn était troublé.
– Demain matin. Ils me disent de prendre le premier train... Vrai, je ne m’y attendais plus, mon homme !...
L’idée leur était venue, en effet, avant la naissance de Joël, que Donatienne pourrait trouver une place de nourrice, comme tant d’autres parentes ou voisines du pays, et la jeune femme était allée voir le médecin de Saint-Brieuc, qui avait pris le nom et l’adresse. Mais, depuis huit mois, n’ayant pas eu de réponse, ils croyaient la demande oubliée. Le mari seul en avait reparlé, une ou deux fois, pour dire, au temps de la moisson : « C’est bien heureux qu’ils n’aient pas voulu de toi, Donatienne ! Comment aurais-je fait, tout seul ! »
– Je ne m’y attendais plus ! répétait la petite Bretonne, le visage éclairé en dessous par la chandelle. Non, vraiment, cela me fait une surprise !...
Et voilà que, malgré elle, son cœur s’était mis à battre. Le sang lui montait aux joues. Une joie confuse, dont elle avait honte, lui venait de ce papier blanc qu’elle regardait maintenant sans rien lire : c’était comme une trêve à sa misère, qui lui était offerte, une délivrance des soucis de sa vie de paysanne obligée de nourrir l’homme, de s’occuper sans repos des enfants et des bêtes.
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Un chacal dévalisait le poulailler des clarisses. Il se glissait dans un jardin, par un certain passage qu'on connaissait bien, entre deux roches, enlevait une poule qu'il emportait encore criant; le lendemain, il enlevait la meilleure pondeuse, et, s'il y avait ensuite un peu de répit, c'est que le sire aux oreilles pointues rendait visite aux basses-cours des voisins. Il fallait débarrasser le pays de cette bête puante et voleuse. Et qui le ferait plus aisément qu'un ancien officier de cavalerie? On avait emprunté un fusil de chasse à un agent consulaire. Charles de Foucauld se mit à l'affût, à bonne distance des roches, et commença d'attendre le chacal. Mais à peine se fut-il assis sur une pierre, l'arme chargée posée sur ses genoux, qu'il se mit à réciter le rosaire, selon la coutume qui lui était chère, et à méditer les mystères joyeux, douloureux, glorieux. Le temps, pour lui, passait délicieusement. [...] Le chacal n'en demandait pas plus. Il vint en trottinant, s'arrêta avant de se montrer, reconnut que l'ennemi avait l'esprit ailleurs, pénétra dans le poulailler, tua net une poule choisie, et, au galop cette fois, l'emporta. Quand les tourières vinrent interroger Frère Charles, et lui demandèrent des nouvelles de la chasse:
-Je n'ai rien vu passer, répondit-il. Ce fut son premier et son dernier affût dans les collines de Nazareth.
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Que deviendraient nos poumons sans la mer, et nos pauvres cervelles, et nos nerfs, transformés en fils électriques à courant continu ? La campagne n'a plus assez de maisons pour les surmenés qui ont besoin de repos, et c'est tout le monde. Elle ne remet pas à neuf en trois semaines. Il lui faut une saison, un printemps, un été. Elle travaille lentement, comme les boeufs, et nous n'avons pas le loisir d'attendre. La mer, qui est le grand réservoir de vie, s'est chargée de nous. Elle nous sale et nous conserve...
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J'ai presque honte de dire que la belle musique produit chez moi des effets littéraires, et que j'imagine, en l'écoutant, des histoires auxquelles, sûrement, ni Beethoven ni les autres n'avaient jamais songé. Je suppose même qu'il en est ainsi pour tout le monde, et que les notes ne sont que des ailes pour aller plus vite vers les régions de la pensée où l'habitude nous porte, que les amoureux pensent de suite à leurs amours, les gens heureux à leur nid, les âmes saintes au paradis, les poètes au monde des légendes, et que toutes les âmes s'envolent ensemble, mais vers des rêves qui diffèrent.
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