Citations de René Char (1425)
Evadné
L'été et notre vie étions d'un seul tenant
La campagne mangeait l'odeur de ta jupe odorante
Avidité et contrainte s'étaient réconciliées
Le château de Maubec s'enfonçait dans l'argile
Bientôt s'effondrerait le roulis de sa lyre
La violence des plantes nous faisait vaciller
Un corbeau rameur sombre déviant de l'escadre
Sur le muet silex de midi écartelé
Accompagnait notre entente aux mouvements tendres
La faucille partout devait se reposer
Notre rareté commençait un règne
(Le vent insomnieux qui nous ride la paupière
En tournant chaque nuit la page consentie
Veut que chaque part de toi que je retienne
Soit étendue d'un pays d'âge affamé et de larmier géant)
C'était au début d'adorables années
La terre nous aimait un peu je me souviens.
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Le poète ne peut pas longtemps demeurer dans la stratosphère du Verbe. Il doit se lover dans de nouvelles larmes et pousser plus avant dans son ordre.
NUSCH
Les sentiments apparents
La légèreté d'approche
La chevelure de caresses.
Sans soucis sans soupçons
Tes yeux sont livrés à ce qu'ils voient
Vus par ce qu'ils regardent.
Confiance de cristal
Entre deux miroirs
La nuit tes yeux se perdent
Pour joindre l'éveil au désir.
Lunes et nuit, vous êtes un loup de velours noir, village,
sur la veillée de mon amour.
A l'horizon remarquable
Les grands chemins
Dorment à l'ombre de ses mains
Elle marche au supplice
Demain
Comme une traînée de poudre.
La souffrance connaît peu de mots.
Si l(homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d'être regardé.
L'esprit du château fort, c'est le pont-levis.
A la seconde où tu m'apparus,
mon coeur eut tout le ciel pour l'éclairer.
Il fut midi à mon poème.
Je sus que l'angoisse dormait.
N'oublie pas où mène le chemin.
(Cité dans Manifeste des œuvriers - Roland Gori, Bernard Lubat, Charles Silvestre)
ÉVADNÉ
L’été et notre vie étions d’un seul tenant
La campagne mangeait la couleur de ta jupe odorante
Avidité et contrainte s’étaient réconciliées
Le château de Maubec s’enfonçait dans l’argile
Bientôt s’effondrerait le roulis de sa lyre
La violence des plantes nous faisait vaciller
Un corbeau rameur sombre déviant de l’escadre
Sur le muet silex de midi écartelé
Accompagnait notre entente aux mouvements tendres
La faucille partout devait se reposer
Notre rareté commençait un règne
(Le vent insomnieux qui nous ride la paupière
En tournant chaque nuit la page consentie
Veut que chaque part de toi que je retienne
Soit étendue à un pays d’âge affamé et de larmier géant)
C’était au début d’adorables années
La terre nous aimait un peu je me souviens.
Il faut trembler pour grandir.
à Paul CELAN
Cher compagnon,
songeant à vous, dans le
pays du Rhône, j'étais
heureux de vous imaginer
semant des roseaux et
cultivant la vigne,
avec les beaux outils
de vos poèmes...C'est
vrai, la terre, la poésie
vous aiment. Mon amitié
s'en réjouit.
Renè CHAR
Paris ?, après le 28. 1. 1955
Dédicace d'un exemplaire de la première édition de Recherche de la base et du sommet suivi de Pauvreté et privilège
La Parole en archipel
POURQUOI LA JOURNÉE VOLE
Le poète s’appuie, durant le temps de sa vie, à quelque
arbre, ou mer, ou talus, ou nuage d’une certaine teinte,
un moment, si la circonstance le veut. Il n’est pas soudé
à l’égarement d’autrui. Son amour, son saisir, son
bonheur ont leur équivalent dans tous les lieux où il
n’est pas allé, où jamais il n’ira, chez les étrangers qu’il
ne connaîtra pas. Lorsqu’on élève la voix devant lui,
qu’on le presse d’accepter des égards qui retiennent,
si l’on invoque à son propos les astres, il répond qu’il est
du pays d’à côté, du ciel qui vient d’être englouti.
Le poète vivifie puis court au dénouement.
Au soir, malgré sur sa joue plusieurs fossettes d’ap-
prenti, c’est un passant courtois qui brusque les adieux
pour être là quand le pain sort du four.
p.374
Fureur et mystère/Feuillets d'Hypnos
104
Les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri.
p.200
REDONNEZ-LEUR...
Redonnez-leur ce qui n'est plus présent en eux
Ils reverront le grain de la moisson s'enfermer dans l'épi et s'agiter sur l'herbe.
Apprenez-leur, de la chute à l'essor, les douze mois de leur visage,
Ils chériront le vide de leur coeur jusqu'au désir suivant;
Car rien ne fait naufrage ou ne se plaît aux cendres;
Et qui sait voir la terre aboutir à des fruits,
Point ne l'émeut l'échec quoiqu'il ait tout perdu.
Les enfants réalisent ce miracle adorable de demeurer des enfants et de voir par nos yeux.
[177]
L’homme qui ne voit qu’une source ne connaît qu’un orage. Les chances en lui sont contrariées.
[208]
Enfonce-toi dans l’inconnu qui creuse. Oblige-toi à tournoyer.
[212]
Brusquement tu te souviens que tu as un visage. Les traits qui en formaient le modelé n’étaient pas tous des traits chagrins, jadis. Vers ce multiple paysage se levaient des êtres doués de bonté. La fatigue n’y charmait pas que des naufrages. La solitude des amants y respirait. Regarde. Ton miroir s’est changé en feu. Insensiblement tu reprends conscience de ton âge (qui avait sauté du calendrier), de ce surcroît d’existence dont tes efforts vont faire un pont. Recule à l’intérieur du miroir. Si tu n’en consumes pas l’austérité du moins la fertilité n’en est pas tarie.
[219]
Vie qui ne peut ni ne veut plier sa voile, vie que les vents ramènent fourbue à la glu du rivage, toujours prête cependant à s’élancer par-dessus l’hébétude, vie de moins en moins garnie, de moins en moins patiente, désigne-moi ma part si tant est qu’elle existe, ma part justifiée dans le destin commun au centre duquel ma singularité fait tache mais retient l’amalgame.
[223]
Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté.
[235]
REDONNEZ-LEUR ...
Redonnez-leur ce qui n'est plus présent en eux,
Ils reverront le grain de la moisson s'enfermer dans l'épi et s'agiter sur l'herbe.
Apprenez-leur, de la chute à l'essor, les douze mois de leur visage,
Ils chériront le vide de leur coeur jusqu'au désir suivant ;
Car rien ne fait naufrage ou ne se plait aux cendres ;
Et qui sait voir la terre aboutir à des fruits,
Point ne l'émeut l'échec quoiqu'il ait tout perdu.
Les Voisinages de Van Gogh
TE DEVINANT ÉVEILLE
POUR SI PEU…
UNE BERGERONNETTE MARCHE
SUR L'EAU NOIRE
Maintenant que nous sommes délivrés de l'espérance et
que la veillée fraîchit, nul champ sanglant derrière nous,
tel celui que laisserait un chirurgien peu scrupuleux au
final de son ouvrage. Que le geste paraît beau quand
l'adresse est foudroyante, la suppression du mal acquise !
Bergeronnette, bonne fête !
Mare de Réalpanier, 1984.
p.834
L'idée du calme est dans un chat assis.