Citations de René Girard (173)
Il est plus difficile d’apaiser le désir de violence que de le déclencher, surtout dans les conditions normales de vie en société.
Quand elle n’est pas satisfaite, la violence continue à s’emmagasiner jusqu’au moment où elle déborde et se repend aux alentours avec les effets les plus désastreux.
Différence entre le primitif qui s’intéresse à la victime et le civilisé qui s’intéresse au coupable : « Si le primitif paraît se détourner du coupable avec une obstination qui passe à nos yeux pour de la stupidité ou de la perversité, c’est parce qu’il redoute de nourrir la vengeance.
Les débats grandiloquents sur la mort de Dieu et de l’homme n’ont rien de radical, ils restent théologiques et par conséquent sacrificiels au sens large en ceci qu’ils dissimulent la question de la vengeance, tout à fait concrète pour une fois et plus du tout philosophique car c’est bien la vengeance interminable qui menace de retomber sur les hommes après la mort de toute divinité.
La sexualité fait partie de l’ensemble des forces qui se joue de l’homme avec une aisance d’autant plus souveraine que l’homme prétend se jouer d’elle.
Le problème immédiat n’est pas l’arrogance du savoir occidentale, ou son “impérialisme” , c’est son insuffisance.
Ce sont les écarts différentiels qui donnent aux individus leur “identité”, qui leur permet de se situer les uns par rapport aux autres.
L’ordre, la paix et la fécondité reposent sur les différences culturelles. Ce ne sont pas les différences, mais leur perte qui entraîne la rivalité démente, la lutte à outrance entre les hommes.
Chacun se prépare contre l’agression probable du voisin et interprète ses préparatifs comme la confirmation de ses tendances agressives.
Tout se qui est commun, dans le désir, on croit le savoir mais on ne le sait pas, signifie non harmonie mais conflit.
Les hommes ne pratiquent pas le culte de la violence au sens de la culture contemporaine, ils adorent la violence en tant qu’elle leur confère la paix dont ils jouissent jamais.
A cause de leurs dimensions considérables et de leur organisation supérieure, les sociétés occidentales et modernes paraissent échapper à la loi du retour automatique de la violence. Elles s'imaginent donc que cette loi n'existe pas et n'a jamais existé. Elles qualifient de chimériques et de fantasmatiques les pensées pour qui cette loi est une formidable réalité. Ces pensées sont mythiques assurément, puisqu'elles attribuent 1'operation de cette loi à une puissance extérieure à 1'homme. Mais la loi elle-même est parfaitement réelle ; le retour automatique de la violence à son point de départ, dans les rapports humains, n'a rien d'imaginaire. Si nous n'en savons rien encore ce n’est peut-être pas parce que nous avons échappé définitivement à cette loi, parce que nous 1'avons « dépassée », mais parce que son application, dans le monde moderne, a été longuement différée, pour des raisons qui nous échappent. C'est là, peut-être, ce que 1'histoire contemporaine est en train de découvrir.
Dans le langage courant, le terme de bouc émissaire revêt trois sens que l'on confond souvent, mais qu'il convient de bien distinguer : le sens biblique, le sens anthropologique et le sens psychosocial.
C'est pourquoi il existe une interprétation anthropologique du péché originel : le péché originel, c'est la vengeance, une vengeance interminable. Il commence avec le meurtre du rival.
Le christianisme, c'est l'incroyance.
C'est pourquoi je suis convaincu que nous sommes entrés dans une période où l'anthropologie va devenir un outil plus pertinent que les sciences politiques.
Le Job que tout le monde exècre ne peut pas différer beaucoup de celui que tout le monde vénérait.
A la différence de Lévi-Strauss, pour qui toute pensée consiste à « passer de la quantité continue à la quantité discrète », à la différence de Bergson, pour qui c’est l’inverse, Freud cherche à concilier les deux types de pensée, car il a besoin de l’une et de l’autre ; il a besoin et de stabilité synchronique et de dynamisme diachronique ; il voudrait à la fois la structure et le devenir de la structure. Il ne peut pas y parvenir ; personne ne peut y parvenir en dehors de la mimésis et de son pivot, le mécanisme de la victime émissaire. Parler de bisexualité, c’est dissoudre dans l’indifférencié ce qu’il importe, au contraire, de faire ressortir, les conséquences indifférenciatrices de la rivalité, c’est noyer une fois de plus le poisson de la rivalité mimétique.
Le sacrifice, quand il cherche à retrouver son efficacité en sélectionnant une victime toujours plus précieuse, s’en prend aux êtres mêmes qu’il devrait protéger, il régresse vers le sacrifice humain. Il perd toute sa cohérence.
Partout où les Evangiles s’implantent, les sacrifices sanglants disparaissent à jamais et la plus grande révolution culturelle de l’humanité se déclenche.