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Critiques de Robert Merle (1113)
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La Mort est mon métier

Élevé dans une discipline militaire par un père catholique limite fanatique, Rudolf Lang ne retiendra qu’une chose de son enfance : il faut obéir aux ordres des adultes sans discuter, et cette leçon sera apprise au-delà de toutes espérances. À la mort de son père, Rudolf s’engage volontairement dans l’armée lors de la première guerre mondiale, à l’âge de seize ans seulement. Il y conserve la présence rassurante d’une hiérarchie tout en gagnant une certaine valorisation de ses actes.



À la fin de la guerre, ses pas le portent naturellement vers les corps francs puis vers la SS récemment créée. Son obéissance lui permet de monter rapidement en grade. Lors de la seconde guerre mondiale, on lui confie la direction du camp d’Auschwitz, malgré ses désirs de combattre. Ses talents d’organisateurs devrait, selon ses supérieurs, l’aider à atteindre les quota élevés de juifs à éliminer.



Rudolf met désormais toute son énergie et toute son inventivité pour atteindre le but qui lui est fixé. Sa seule crainte est de décevoir ses supérieurs et de subir le déshonneur qu’entraîne un ordre non-exécuté. Les hommes, les femmes et les enfants qu’il élimine ne sont que des chiffres sur un bout de papier.



Inspiré par les témoignages de l’authentique commandant du camp de concentration d’Auschwitz, ce roman de robert Merle est glaçant. Cette obéissance aveugle en la hiérarchie, l’absence totale d’opinion personnelle sur les ordres qu’il reçoit est réellement inhumaine. Certes, toute son éducation ne l’a préparé qu’à ça : être le rouage fiable d’une machine qu’il ne cherche même pas à comprendre. Mais on a bien dû mal à pardonner à l’inexistence de la moindre petite parcelle de révolte.
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La Mort est mon métier

Qu’il est dérangeant de lire La mort est mon métier ! Écrit à la première personne, il raconte la vie d’un monstre, d’un psychopathe qui a envoyé des centaines de milliers d’êtres humains dans les chambres à gaz du camp de concentration d’Auschwitz.

Le roman commence en 1913. Il retrace très brièvement la Première Guerre mondiale, les exigences démesurées des alliés vis-à-vis de l’Allemagne vaincue, la montée de l’antisémitisme, celle du nazisme et la Seconde Guerre mondiale.

C’est l’histoire d’un homme dénué de toute empathie, de toute humanité. Les pages qui concernent son « travail » en tant que commandant d’Auschwitz sont éprouvantes. Mais elles ont le mérite de montrer comment grâce à lui, et d’autres bien sûr, la Solution finale a pu être mise en place.

A défaut d’être une lecture agréable, c’est une lecture nécessaire.


Lien : https://dequoilire.com/la-mo..
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Le Jour ne se lève pas pour nous

« Je me disais : Mais qu'est-ce que je fais là, bon Dieu, enfermé dans cette boîte en fer sous l'eau ! Je ne sais même pas dans quel océan ! Il faut à tout prix que je sorte de là ! Et que je revoie le ciel ! »





Qui a dit que je ne mettrai jamais les pieds dans un sous-marin ? C'était sans compter sur la littérature, capable de nous balader absolument partout, même dans des engins militaires dont la discrétion est le maître-mot, et qui conservent en leur sein des secrets-défense bien gardés… itinéraires compris ! Curieuse, j'ai passé 70 jours et nuits dans un sous-marin nucléaire lanceur d'engin (SNLE), avec ces hommes pour qui, pendant plus de deux mois, le jour ne se lèvera pas. « Enfermés que nous sommes dans notre grand poisson d'acier, nous ne ressentons le passage du jour à la nuit que par les nuances artificielles qu'on impose à la lumière électrique ». Enfoncés dans les profondeurs marines, engoncés dans une eau froide et puissante qui enserre la coque, nous avons respiré de l'air artificiel, avons eu envie d'ouvrir les fenêtres, sommes aperçus que c'était impossible, avons voulu revoir le ciel, les nuages et respirer le grand air, pris notre mal en patience, avons été attentifs aux empreintes sonores des autres bateaux pour lesquels nous devons absolument demeurer plus qu'invisibles : inaudibles, inexistant. D'où l'absence de communication avec l'extérieur. Car les SNLE sont nos vigiles nationaux à propulsion nucléaire ; ils effectuent des patrouilles de surveillance et de dissuasion, avec leurs missiles balistiques à charge nucléaire, que le personnel bichonne en espérant surtout ne jamais avoir à s'en servir.





« Si Jonas est un monstre, l'élément dans lequel il baigne en est un autre, et combien plus puissant ! »





L'auteur a raison d'écrire qu' « apprendre un milieu, c'est apprendre d'abord un langage ésotérique. » Bientôt, on est comme un poisson dans l'eau d'entendre que « le crabe untel est un trans » (le quartier-maître travaille aux transmissions), que la marée (la mission) finit dans 70 jours, que selon les « bruits de coursives », le boula a laissé la cuisse de Tetatui dans un sale état (le boulanger n'a pas rangé la cuisine du chef après avoir cuit son pain), ou encore qu'untel a donné un coup de fourchette à bidule parce qu'il n'avait pas reçu de familigramme - oui là il lui a vraiment donné un coup de fourchette, parce qu'il croyait que la censure l'empêchait de recevoir un télégramme familial ; l'enfermement, ça ne fait pas que du bien !





« C'est ce que j'appelle le syndrome de la sixième semaine. Tout se conjugue : l'usure des forces physiques, le confinement, l'absence prolongée de lumière et de mouvement, la monotonie des « quarts », et le fait aussi qu'on est encore trop éloignés du retour pour puiser dans cette pensée une énergie nouvelle ». Ça vous rappelle quelque chose, amis covidiens ?





Robert Merle l'a éprouvé, qui a eu l'autorisation de réaliser deux séjours parmi les sous-mariniers et de les interviewer. Il a transformé ces interviews en roman, mettant en scène un médecin de bord qui effectue sa première mission, découvre tout en même temps que nous ou presque, et pose toutes les questions que sa qualité d' « éléphant » (de novice) lui permet. L'expérience est immersive et instructive : Avec le héros nous apprenons, sommes au centre des anecdotes et recueillons les confidences. Ce faisant, Robert Merle dévoile cet univers au plus grand nombre.

Mais dans le même temps, le côté interviews pédagogiques à répétition prend parfois plus une tournure de reportage que de roman. Et c'est un peu dommage, pour qui s'attendait à une intrigue romanesque. Car d'intrigue il n'y a pas vraiment, si ce n'est la routine quotidienne avec son lot d'anecdotes qui font tout le sel de la marée - coupés que l'on est du reste du monde.





« L'interminable semaine qui vient de s'écouler (mais interminables elles le sont toutes) s'est finalement décidée à nous ramener le week-end. »





Alors, indéniablement, ce n'est pas le meilleur Robert Merle du point de vue romanesque, tant l'auteur a du mal à se détacher de son rôle de journaliste par lequel il a été accueilli, pour incarner le médecin éléphant qui se raconte. Il n'en demeure pas moins que c'est une plongée sous-marine originale, divertissante et intéressante pour découvrir ce milieu que peu d'entre nous ont l'occasion d'imaginer. Maintenant, comme vous pouvez l'imaginer, Chou m'a déjà préparé le visionnage du film « Le chant du loup » : Je vous dirai en commentaire si c'était bien !





« J'essaye d'imaginer ce que des yeux humains ne verront jamais : ce gigantesque poisson de cent trente mètres de long glisser dans les eaux noires - magnifique et invisible -, sans yeux, mais l'oreille aux aguets. »

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Malevil

Robert Merle fait partie de ces écrivains que j'ai toujours eu envie de découvrir, sans franchir le pas. Alors quand s'est profilée cette lecture commune, je n'ai pas hésité. Et ce fut vraiment une belle découverte en compagnie de Nicola, Sandrine, Fanny et Patounet, qui nous a ouvert le chemin vers ce livre. Imaginez, c'est pour lui la troisième lecture.



Pâques 77 : « le jour de l'évènement » : La terre est ravagée par une guerre atomique, plus d'électricité, plus de radio, une température infernale pendant quelques heures et ensuite, le silence, la grisaille d'un ciel sans soleil, la noirceur d'une terre brulée où se dressent quelques troncs, amputés de leurs branches, la tristesse sans fin d'une terre où rien ou presque n'a survécu. Car quelques chanceux, si le terme est justifié ici tant les conditions semblent inhumaines, sont toujours vivants. Ils étaient dans la cave d'un château fort, un vrai de vrai, avec remparts, meurtrières, douves et pont-levis, et cela se révélera fort utile par la suite. Car les conditions de survie sont difficiles, la vie reste précaire, et le château avec ses réserves excitera bien des convoitises. La loi du plus fort règne sur ce coin de terre, et celui qui survit c'est celui qui se montre le plus intelligent, mais aussi celui qui n'hésitera pas à tuer.

Le roman est raconté à la première personne par Emmanuel Comte, le propriétaire de ce château. Il tirait le vin dans sa cave entouré de quelques amis, lancés dans une discussion pleine d'enjeux sur les futures élections municipales. Ces préoccupations sembleront alors bien futiles. Il est maintenant question de survivre.



J'ai beaucoup aimé la structure du récit. L'auteur prend le temps d'installer ses personnages à la faveur des bornes que raconte Emmanuel. Bornes temporelles, relations d'évènements importants dans sa vie antérieurs à « l'évènement ». Importants pour lui, car ils lui ont permis de se construire, importants pour le lecteur, car ils lui permettent de faire connaissance avec tous ceux qui se retrouveront en ce jour funeste dans cette cave et de mieux comprendre les relations qui les unissent. C'est Emmanuel qui raconte, et il prend naturellement la direction des opérations, même si les décisions sont prises en commun. Cela aurait pu devenir pesant, mais l'auteur a eu la bonne idée de venir tempérer ce discours çà et là de notes ou petits chapitres rédigés par un autre des survivants, le plus jeune, le plus étranger, il n'est pas du village et ses propos sont ainsi un bon contrepoids au discours du « maitre ». J'aurais même aimé le voir intervenir plus souvent.



C'est un roman post-apocalyptique. En un instant, le monde que nous connaissons, enfin le monde tel qu'il était dans les années 1970, est détruit, et tous les repères sont modifiés. Et je pense que le choc serait encore plus rude aujourd'hui, où Internet a envahi nos vies.

Le temps et la distance, entre autres, n'ont plus les mêmes valeurs. Tout est à reconstruire. C'est passionnant de cheminer aux cotés de ce petit groupe, uni dans l'adversité. et d'affronter avec eux les problèmes qui se posent. Et l'on ne peut s'empêcher de se demander, qu'aurions nous fait à leur place. Aurions-nous été capable de survivre ?

Car, et c'est sans doute le plus intéressant dans ce récit, à côté des problèmes matériels, se superposent la difficulté des relations humaines, les tensions , les rapports de force entre individus dans le groupe, et avec ceux de l'extérieur, car il y a d'autres survivants. Face à ses conditions terribles, chacun se révèle, pour le meilleur ou pour le pire. Et faites -moi confiance, le pire est bien là. Les repères de la société évoluée du vingtième siècle n'existent plus, et des décisions seront prises qui peuvent parfois paraitre choquantes, mais qui dans le contexte, sont les seules possibles.



Le récit est fortement marqué aussi par le lieu et l'époque dans lesquels se déroulent les évènements. C''st la France rurale et fortement catholique, où le communiste fait figure de diable, et cela aura son importance dans la dynamique qui se mettra en place au sein de cette communauté. Cela explique aussi l'ascendant que prendront certaines personnes dans le récit, et pas les plus « catholiques » de toutes …



Un roman passionnant donc, qui se lit très vite, grâce à une écriture très fluide, et en même temps très évocatrice, reflétant parfaitement à la fois l'environnement, les évènements et surtout les sentiments éprouvés. Un roman qui bien que fortement ancré dans son époque, n'a pas pris une ride.
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La Mort est mon métier

Une réflexion sur les limites de l'obéissance. Il est pénible de suivre un être sans conscience qui répète lors de son procès: "Je n'ai fait qu'obéir aux ordres". La mission de Rudolf Lang était de "traiter" 2000 juifs par jour dans le camp d'Auschwitz.



"Meine Ehre heisst Treue". "Mon honneur c'est la fidélité" est la devise des SS. Le coeur du mal. Obéir à ses chefs. La hierarchie c'est Himmler.



Avant d'en arriver là, on suit la maturation d'un être, enfant en 1913 sous la coupe d'un père obsédé par le péché de chair qui tente de se racheter une bonne conscience en élevant son fils comme un soldat. C'est ainsi que Robert Merle présente son "héros" comme un être blessé et dressé dès son enfance.



Un dressage, c'est cela. Les temps sont durs en Allemagne. Le personnage grandit en même temps que la Bête immonde à l'idéologie raciste et exterminatrice. Oui, il a dit qu'il aurait préféré être sur le front de l'Est plutôt que de gérer ce camp. Mais il reste fidèle.



Bien avant Jonathan Little et "Les Bienveillantes", Robert Merle réussit une prouesse. Un numéro d'équilibriste puisque en choisissant le point de vue d'un nazi, il risque de susciter de l'empathie pour un être abject.



Mais, cet angle, ce point de vue est capital pour bien comprendre cette période. Il m'a rappelé un moment où le temps semble suspendu comme quand le réalisateur de "Shoah", Claude Lanzmann, interviewe en caméra cachée un des SS d'un de ces camps.



On frémit devant la froideur du récit et on finit par saisir l'horreur de ce qu'il s'est passé.

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La Mort est mon métier

Livre dont tout le monde parle même ceux qui ne l'ont jamais lu, mais en ont tellement entendu parler que c'est tout comme...

J'ai voulu pour ma part, mettre à profit ce temps de retrait pour combler cette lacune.

Le livre se lit comme un roman et provoque chez le lecteur la même réaction que celle de Tzvetan Todorov, lorsqu'il a lu les mémoires de Rudolf Höss publiées en 1958 sous le titre le commandant d'Auschwitz parle, et dont s'est inspiré Robert Merle pour son personnage de Rudolf Lang.

« La lecture du livre de Höss provoque chaque fois en moi un fort malaise. [...] Dès que je lis ou recopie de telles phrases, je sens monter en moi quelque chose comme une nausée. Aucun des autres livres dont je parle ici ne me donne cette impression aussi fortement. À quoi est-elle due ? Sans doute à la conjonction de plusieurs facteurs : l'énormité du crime ; l'absence de véritables regrets de la part de l'auteur ; et tout ce par quoi il m'incite à m'identifier à lui et à partager sa manière de voir. […] En lisant, j'accepte de partager avec lui ce rôle de voyeur de la mort, et je m'en sens sali. »

Le roman de Merle décrit avec une grande précision la construction de la personnalité de Rudolf Lang, enfant dont le père pour expier ses propres fautes, voulait faire un prêtre.

La révolte de l'adolescent le conduit à s'engager dès l'âge de 16 ans, en 1916. Il devient le plus jeune sous officier allemand dès l'âge de 17 ans.

La défaite de l'Allemagne et les obligations humiliantes du Traité de Versailles font le reste.

L'ambiguïté de toute cette partie historique, dans laquelle le récit résonne avec un roman comme les Camarades de Erich Maria Remarque, est qu'en expliquant avec une grande précision, les conditions qui conduisent Rudolf à entrer, après-guerre, dans les Corps-Francs, puis les S.A dès 1922, à assassiner un militant communiste, à faire de la prison puis à devenir un officier SS, elle frôle, selon moi, la justification.

On assiste à l'éclosion de l'officier SS parfait qui ne discute pas les ordres, ne les confronte jamais à ce qui pourrait les remettre en cause, les accepte parce qu'ils sont des ordres de ses supérieurs et qu'il est un officier irréprochable.

« la pensée de refuser d'exécuter un ordre ne lui venait même pas» déclare-t-il au psychologue américain Gustave Gilbert.

Après la lecture du récit de Merle, le lecteur est tenté de "vérifier" la véracité de ce qui y est rapporté, et la véracité des faits rapportés est confirmée par la totalité des éléments que l'on peut trouver sur le sujet, notamment dans les rapports de Leon Goldensohn le psychiatre qui interrogea Höss, les minutes du procès de Nuremberg ou celles du procès en Pologne qui conduira à sa pendaison à Auschwitz en avril 1947.

On apprend en lisant les témoignages recueillis lors de ces procès et leurs analyses ultérieures que « [le témoignage de Höss à Nuremberg], qui allait se révéler beaucoup plus tard fut une grande exagération du nombre des victimes, dont les négationnistes feraient un jour leurs choux gras : il prétendit qu'Auschwitz avait vu mourir deux millions et demi de déportés, ce dont Robert Faurisson et ses adeptes devaient profiter pour semer la confusion » (Citation de François Delpal, Nuremberg face à L Histoire - Éditons de l'Archipel 2006)

Höss se chargea de la mise en oeuvre de "L'action spéciale" (nom de code que Himmler donna à la déportation, au gazage et à la crémation de millions de Juifs) avec le zèle d'un entrepreneur soucieux de productivité, de moindre coût et d'efficience...Dans le même temps il jouait le rôle de bon père de famille attentif au bonheur de son foyer...

Gilbert en est finalement arrivé à la conclusion que Höss « donne l'impression générale d'un homme intellectuellement normal, mais avec une apathie de schizophrène, une insensibilité et un manque d'énergie que l'on ne pourrait guère trouver plus développés chez un franc psychopathe».

Le roman de Robert Merle démontre, s'il en était encore besoin, que les thèses les plus meurtrières se satisfont de justifications simplistes à même de séduire les partisans de leur mise en oeuvre.

On en voit de nos jours les effets qui conduisent certains à nier chez l'autre la qualité d'être humain, parce qu'il est juif, parce qu'il est étranger, parcequ'il est noir ou blanc, parce qu'il est chrétien ou musulman parce qu'il est différent tout simplement.

Un livre à promouvoir plus encore qu'il ne l'a été à sa parution !

"Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef , par soumission à l'ordre, par respect pour l'État. Bref, en homme de devoir : et c'est en cela justement qu'il est monstrueux"

Robert Merle le 27 avril 1972






Lien : https://camalonga.wordpress...
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Malevil

Malevil, un château fort du Périgord, adossé à la falaise, où la vie s’écoule dans la sérénité d’un fonctionnement campagnard un peu rustique…

Autour de Malevil, la ferme de l’Etang creusée dans la falaise, La Roque et Courcejac deux petits villages, comportant des survivants, et Malejac, un bourg proche, totalement réduit en cendres…



Survivants, cendres…



Emmanuel Comte, viticulteur est en dégustation à la cave de son château de Malevil en compagnie d’amateurs. C’est alors que « l’événement » se produit : une gigantesque déflagration… puis plus rien, plus de radio, plus d’électricité ; seulement une température extérieure suffocante… aux alentours, des ruines…



« Malevil », c’est un roman post apocalyptique, dans le genre de « ravage » de René Barjavel ; ici, point de gigantesque panne d’électricité et d’incendie, mais une explosion – que beaucoup de lecteurs considèrent nucléaire – qui transforme le paysage en champ de ruines. Les « cavistes » se croient dans un premier temps les seuls survivants ; ils ne tarderont pas à découvrir que les villages de La Roque et Courcejac ainsi que la ferme de l’Etang en comptent également, quand ils se manifesteront pour voler les ressources alimentaires de Malevil, instinct de survie oblige.



« Malevil », un roman qui donne l’occasion à Robert Merle d’étudier les différentes possibilités d’organisation humaine, de la dictature de Fulber à La Roque, à la démocratie autour d’un chef reconnu par tous, Emmanuel, bien entouré par Peyssou, Meysonnier et Colin comme à Malevil, sans oublier le coté anarchique de l’équipe de pillards emmenée par Villemain…



L’occasion également d’aborder des thèmes comme la religion, la politique, la place des femmes dans la société, le monde rural, le rôle du chef, la monogamie…Bref, les piliers de toute organisation humaine.



Un roman qui fut adapté au cinéma avec une pléiade d’acteurs en renom dont Michel Serrault, Jean-Louis Trintignant, Jacques Villeret… mais qui fut renié par Robert Merle pour son coté réducteur et policé…



Il reste que « Malevil » est un de mes romans préférés dans le genre « robinsonade post-apocalyptique ».

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Le Jour ne se lève pas pour nous

Sympa, mais pas si intéressant que cela.



70 jours en immersion dans un SNLE (Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engin). Le fer de lance de la dissuasion nucléaire.

Dans ce roman, qui se veut réaliste, il n’y aura donc pas d’attaques, d’ennemis ou d’intenses péripéties. On suit le médecin de bord, qui s’adresse à sa fiancée (puis à une lectrice, son couple ayant explosé en vol ou plutôt sous les eaux) sous forme de journal.

Le toubib, bien qu’ayant fait une marée en SNA (Sous-marin Nucléaire d’Attaque), plus petit et destiné au combat lui, joue le rôle du candide. On apprend avec lui le fonctionnement d’un submersible, la fonction des uns et des autres, la vie à bord avec ses routines, ses tracas, ses émotions.



Ah, pour info, Robert Merle est journaliste, pas médecin militaire, il a eu l’autorisation d’embarquer et d’interviewer des marins de SNLE pour son livre.



Pour en revenir au titre. On a l’impression en lisant notamment la quatrième de couverture d’être en face d’une lecture pour initié, technique, et philosophique ( si vis para bellum et tuti quanti ). Il n’en est rien. C’est très premier degré, simple, à la limite même simpliste. Sincèrement, pour le profane, ignorant la distinction entre un capitaine de corvette et un de vaisseau, ignorant ce qu’est un ballast, c’est fait pour vous.



Pour les autres, ou après cette lecture, si on veut approfondir, préférez nettement Commandant de sous-marins de François Dupont, plus actuel (2020 contre 1986) et tellement plus immersif. Et pour un sous-marin, avouez que c’est mieux non ?
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Malevil

Que ce soit avec un univers tristement réaliste comme "la mort est mon métier" ou avec une dystopie comme "Malvil", Robert Merle est extrêmement talentueux. Sa plume nous emmène là où il veut, avec des descriptions telles que même sans imagination, nous visualisons avec une facilité déconcertante ce que nous lisons.

En ouvrant "Malvil", je m'attendais à lire une dystopie du même genre que "la route" de Cormac McCarthy mais je m'étais trompée. Certes Robert Merle parle du monde d'après, le monde d'après l'explosion d'une bombe mais l'atmosphère est bien moins noire et anxiogène. Ici il s'agit plus de s'organiser, de se réinventer des rôles pour faire fonctionner le mieux possible la vie à Malevil, château où vont se retrouver le propriétaire Emmanuel, et quelques-uns de ses amis. Chacun y aura sa place. Sociologiquement c'est intéressant de voir comment la reconstruction de cette mini société va s'instaurer en prenant en compte la personnalité, la psychologie, l'appétence des uns et des autres.

C'est un livre qui, contrairement à ce que l'on pourrait penser, étant donné le thème, n'est pas un roman "noir", il y a de la vie, de la couleur, du bruit.

Les clichés, caricatures sur les femmes sont parfois un peu agaçants mais je suis passée outre et garde de de cette lecture une impression très positive et très agréable.
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La Mort est mon métier

Pour tenter de comprendre un bourreau....

*

Et voilà, j'ai lâché le mot. "Bourreau". Qu'est-ce donc? Une personne ignoble, machiavélique, "sans conscience propre", qui obéit aveuglément à un ordre. Qui fabrique un génocide.

L'expliquer? Oui, tout à fait.

ET c'est ce que tente de faire l'excellent auteur, Robert Merle, dans cette biographie - romancée, ce n'est pas lui qui a recueilli les confessions - de Rudolf Hoess , l'exterminateur nazi de la "Solution Finale" durant la seconde guerre mondiale.

*

La biographie se compose d'une partie où l'on rencontre le jeune Rudolph Lang (le nom est changé) dans sa famille. Sa relation très difficile avec son père (tyrannique et dévot), sa mère (quasi absente et soumise), et son parcours de jeune combattant durant la 1ère GM. Prisonnier puis enrôlé dans le Parti Socialiste, de régisseur fermier jusqu'à sa fulgurante ascension comme officier nazi.

La seconde partie nous relate ses faits au camp d'Auschwitz en tant qu'organisateur de l'extermination de la nation juive; jusqu'à son arrestation et peine de mort.

*

L'auteur a réussi avec un réel talent à nous pencher avec pitié sur le cas de Rudolf Hoess. Bien sûr, ce n'est pas de lui trouver une excuse mais bien d'essayer de comprendre, à travers sa jeunesse et adolescence, pourquoi il est arrivé à cet acte ignoble.

*

Et je ne peux que citer Oscar Wilde sur le bien-fondé de ce roman : "Dire qu'un livre est moral ou immoral n'a pas de sens, un livre est bien ou mal écrit, c'est tout".

*

Aujourd'hui, on peut dire que Hoess avait une personnalité de psychopathe, un individu déshumanisé, endoctriné, élevé de manière stricte, sans affect, ni émotions. Devenant fatalement un serial killer en puissance (pathologie mentale).

Une personnalité sans ambiguïté, répondant à des ordres précis, sans avoir de conscience propre, voilà les critères de sélection d'un officier nazi.

*

Une biographie bien documentée, un texte précis et un ton froid et net, ce qui s'explique vu le contexte.

C'est un récit difficile à lire mais nécessaire et complémentaire aux témoignages des survivants de la Shoah.



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La Mort est mon métier

La mort est mon métier est un grand classique de la littérature sur le nazisme qui retrace le parcours de Rudolf Höss ou Höß (Rudolf Lang dans le livre). On y découvre son enfance, son ascension au sein du parti nazi et son quotidien de commandant des camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.

Cette lecture est aussi douloureuse que passionnante. Robert Merle a su parfaitement faire le portrait de cet homme dénué de sentiments, d'une fidélité sans faille à l'ordre établi, qui se comporte en directeur d'usine à la recherche du rendement maximum. Son enfance explique pour beaucoup l'obéissance aveugle dont il fait preuve. le tour de force de Merle est de donner des éclaircissements sur le comportement de Rudolf Höss sans jamais chercher à le justifier.

Un livre à lire évidemment, si ce n'est déjà fait.
Lien : http://lafleurdesmots.fr/mor..
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Malevil

« On devrait vivre en portant plus d'attention à la vie. Elle n'est pas si longue. »



Des fois, le hasard d’une lecture commune fait que certains livres tout poussiéreux arrivent entre nos mains. C’est le cas de « Malevil », il était temps !

De Robert Merle, je ne connaissais que les premiers tomes de « Fortune de France », lecture d’adolescence dont j’ai gardé de très bons souvenirs. D’autres romans de l’auteur m’attiraient et en particulier « Malevil », mais comme toujours, attirée par de nouvelles sorties littéraires, découragée par l’épaisseur du livre, je l’ai toujours remis à plus tard.

Et à nouveau, je découvre que de loin, la pente paraissait plus raide qu’elle ne l’était réellement. Quel bonheur d'ouvrir enfin ce livre avec mes compagnons de cordée que je remercie infiniment !



*

En entrant dans le roman de Robert Merle, j’ai souri car c’est un autre monde qui est venu jusqu’à moi, inattendu, un monde empli de souvenirs, de nostalgie et d’émotions, celui de Marcel Proust et de sa fameuse madeleine qui rouvre les pages du passé.



« Une brève illumination, le rideau retombe et le présent, tyrannique, est là. Retrouver tout le passé dans un gâteau amolli par une infusion, comme ce serait délicieux, si c’était vrai… J’envie Proust. Pour retrouver son passé, il s’appuyait sur du solide : un présent sûr, un indubitable futur. Mais pour nous, le passé est deux fois passé, le temps perdu l’est doublement, puisque avec lui nous avons perdu l’univers où il s’écoulait. Il y a eu cassure. La marche en avant des siècles s’est interrompue. Nous ne savons plus où nous en sommes et s’il y a encore un avenir. »



*

Pour ceux qui ne connaissent pas, l’histoire se déroule dans la France rurale des années 70. Après une explosion, sans doute nucléaire, la Terre a été totalement dévastée. Restent de petits groupes de survivants qui tentent de survivre.

Emmanuel Comte et ses amis sont par hasard dans la cave à vin du vieux château de Malevil au moment de l’explosion. Les épais murs vont les sauver du souffle et du rayonnement thermique de l’explosion.



Le narrateur, Emmanuel, ancien directeur d'école devenu agriculteur et propriétaire du château, raconte comment lui et ses compagnons, vont s’organiser pour assurer leur survie avec le bétail qui a survécu, les vivres et les quelques semences qu’il leur reste.



Mais bientôt, ils vont devoir faire face à d’autres menaces. Ils ne sont pas seuls au milieu de ce paysage de ruines et de poussière.

Quelques habitants du village voisin ont survécu et se sont regroupés autour d’un curé despotique.

D’autres errent dans la nature à la recherche de nourriture. Affamés, ils se sont regroupés en bandes errantes, pillant, massacrant sans état d’âme.

Le retour à l’insécurité, l’anarchie, la tyrannie, la barbarie remet chaque jour leur survie en question et leur survie dépendra de leurs décisions.



« L'homme, c'est la seule espèce animale qui puisse concevoir l’idée de sa disparition et la seule que cette idée désespère. Quelle race étrange : si acharnée à se détruire et si acharnée à se conserver. »



Le récit d’Emmanuel sous la forme d’un journal de bord est régulièrement interrompu par un de ses amis, Thomas, qui n’hésite pas à rajouter des notes pour nuancer ses propos. C’est très bien vu de la part de l’auteur, car le changement de narrateur amène une autre perspective sur le déroulement des évènements et la manière dont les faits sont appréhendés par un autre membre du groupe.



*

« Malevil » est le genre de roman que l’on a hâte de retrouver. Ses beaux personnages, réalistes et complexes, sa narration immersive, son écriture fluide et teintée d’un humour doucement ironique et amical, tout était fait pour que le lecteur devienne insomniaque.



La narration à la première personne nous immerge totalement dans le récit et contribue à créer une empathie totale avec les personnages. Une générosité et une tolérance se dégagent dans chaque portrait fait par Emmanuel ou Thomas. On s'attache à chacun d’entre eux, en particulier Momo et sa mère, la Menou. On partage leurs joies et leurs peines, leurs rires et leurs larmes, leurs espoirs et leurs inquiétudes.



Malgré tout, la force de ce récit provient en grande partie d’Emmanuel et de son regard ouvert sur le monde qui l’entoure.

Ses qualités relationnelles lui confèrent un statut de leadership. J’ai aimé ce personnage charismatique et diplomate, confiant et ingénieux, généreux et réfléchi, particulièrement sagace pour cerner la personnalité de chacun et évaluer leurs plus grandes qualités comme leurs pires défauts.



*

Si l’histoire m’a beaucoup marquée, j’ai adoré également le style de l’auteur qui m’a littéralement happée par la minutie et la justesse des mots pour décrire notamment les personnages, tous les éléments de décor, les couleurs, les odeurs, les bruits, les sensations.



Pour s’en rendre compte, il suffit de lire le moment où l’explosion nucléaire balaie toute vie.

Les paysages d’avant, pleins de vie, de lumière et de couleurs laissent la place à des étendues lunaires sous un ciel de plomb, des espaces immobiles, silencieux et vides, peints dans des camaïeux décolorés de gris cendré.



« Il y eut un souffle de vent. Je pris une inspiration profonde, et aussitôt, une odeur pestilentielle de décomposition et de chair brûlée entra dans mon corps avec tant de force que j’eus l’impression qu’elle émanait de moi. C’était à vomir. J’avais l’impression, vivant, d’être mon propre cadavre. C’était une odeur âcre, pourrie, douceâtre, qui s’installait en moi et que j’aurais à porter jusqu’à la fin. Le monde n’était plus qu’une fosse commune, et moi, on m’avait laissé seul sur ce charnier, avec mes compagnons, pour enterrer les morts et vivre avec leur odeur. »



Le récit aurait pu être déprimant par l’horreur, la fulgurance et la violence de cette guerre nucléaire, par les descriptions de terres carbonisées et mortes, de squelettes noircis d’arbres, de végétation brûlée, d’animaux définitivement éteints, d’humanité en voie d’extinction. Il aurait pu avoir le désespoir et la désolation de « La route » de Cormac McCarthy. Mais c’est sans compter la force évocatrice de l’auteur qui n’a pas son pareil pour décrire cette vie qui renaît insensiblement par petites touches, comme des éclats de lumière.



*

Outre l’écriture de l’auteur dont j’ai aimé le charme un peu suranné, c’est également l’aspect prophétique de l’histoire qui m’a frappée. En effet, ce roman post-apocalyptique, entre l’anticipation et la robinsonnade, fut écrit en 1972 et reste d’une actualité déconcertante.



Ce roman peut sembler léger par son humour et ses dialogues bon enfant, mais il laisse à chacun matière à réfléchir sur les thèmes touchant à la survie et aux rapports humains face à l’adversité, à la reconstruction de la société après qu’elle se soit totalement effondré et à la remise en question des valeurs humaines.





« Il est possible que, la médecine ayant disparu, la vie devienne plus brève. Mais si on vit plus lentement, si les jours et les années ne passent plus devant votre nez à une vitesse effrayante, je me demande ce qu'on a perdu.

Même les rapports avec les gens se sont considérablement enrichis du fait de cette lenteur de notre vie. »



Sous l'angle d'une petite communauté en construction, Robert Merle pose les bases d’un nouveau modèle de micro-société. Les personnages soumis à des choix moraux doivent s’efforcer de trouver un équilibre entre les intérêts du groupe et leur conscience. Ils partagent les mêmes valeurs fondées sur la tolérance, le respect de la vie, l’acceptation des différences, le partage, d’écoute, la liberté, l'humanisme, mais sans tomber dans la naïveté, l'irresponsabilité ou la stupidité.



Cette réflexion sur la société et ses évolutions amène à aborder d’autres points autour de la religion, la politique, la force de l’amitié, la place des femmes dans la société, le monde rural et le revers des progrès technologiques.



*

Ainsi, malgré le nombre de pages, le roman de Robert Merle se lit facilement. Son écriture fluide, son récit captivant, ses personnages finement décrits me donnent envie de lire ses autres ouvrages, notamment « L’île » et « La mort est mon métier ».

Un roman à découvrir ou à se rappeler, autant dire un superbe roman qui mérite que l’on s’y arrête, ou qu'on y revienne !
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La Mort est mon métier

Le livre que j'ai entre les mains ne comporte pas de résumé.

Je ne m'attendais donc pas du tout à ce genre de lecture éprouvante.

Comme je l'ai plaint, cet enfant, terrorisé par son père, fou, sans aucun doute, ignoré par sa mère et ses soeurs...

Il m'a été difficile de lire toutes les atrocités commises " seulement " en obéissant aux ordres.

Avoir cherché le meilleur rendement pour éliminer les "unités" qui lui étaient envoyées, s'être creusé la cervelle pour améliorer les conditions d'extermination, avoir eu l'idée d'utiliser le zyklon b comme moyen d'extermination, mettre de fausses douches pour rassurer les inaptes...etc

Comment un homme peut-il faire ça ? Il se justifie en disant : « J'ai obéi ». C'est un robot, il n'a ni coeur, ni tripes, il ne ressent rien, pas d'empathie, pas d'état d'âme. C'est une machine qui exécute les ordres sans se poser de question.

Bouleversant et incompréhensible.

Et je me suis posée la question : est-ce son éducation qui l'a rendu ainsi ?

Ou était-il déjà un monstre à la naissance ?

L'inné ou l'acquis ?

Bien sûr, il est impossible de répondre à cette question.

Il est impossible aussi d'oublier la lecture d'un livre vu, pour une fois, dans mon cas, du côté des nazis.



J'ai noté son credo :

« Meine Kirche heisst Deutschland ! »

« Mon Eglise, c'est l'Allemagne ! »

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Fortune de France, tome 2 : En nos vertes a..

Et me voilà à nouveau pantelante et réjouie de retrouver le jeune et ardent Pierre de Soriac !



Dans ce second tome, nous suivons Pierre, son frère Samson et son fidèle valet Miroul jusqu'à Montpellier, où notre jeune héros est envoyé par son père pour entreprendre des études de médecine.

Dans cette France de la Renaissance, la renommée de l'Ecole de médecine de Montpellier est considérable. En 1556, c'est le premier collège à se doter d'un amphithéâtre consacré à l'examen des cadavres. Cette école a vu passer d'illustres personnages, comme Rabelais qui y a soutenu ses thèses mais aussi le Docteur Rondelet que nous apercevons en ce début de roman.

Ambiance studieuse, me direz-vous ?

Nenni.

Le valeureux et impétueux Pierre de Siorac nous entraîne, et parfois bien malgré lui, dans des aventures périlleuses et picaresques. Et même si cette époque troublée entre huguenots et papistes se targue déjà de ses atrocités, le ton employé par notre jeune narrateur reste enjoué et pétillant. A l'instar de Rabelais, ce jeune homme de seize ans, assoiffé de savoir, aime aussi la bonne chère, le bon vin et court le guilledou. Pour notre plus grand plaisir ! Mais pas toujours pour le sien ! Ses "vertes" passions se solderont par bien des déboires et parfois même par des événements tragiques. Mais je vous rassure, notre héros, fort de son honnêteté d'esprit et de son charisme, saura trouver des appuis bien placés pour se sortir des situations les plus délicates. C'est dans ce deuxième tome que l'Histoire prendra également toute sa place, en mettant en scène quelques personnages historiques comme le Vicomte de Joyeuse et son fils Anne.

Robert Merle réussit, avec un talent inouï, ce pari de mêler Histoire et aventures fictives, tout en employant une langue belle, utilisant brillamment mots anciens et occitans sans pour autant rendre la lecture difficile.



Bref, un régal !



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Fortune de France, tome 1 : Fortune de France

Un roman historique de référence. C'est un plaisir de parcourir les pages de "Fortune de France" pour la truculence des mots et expressions en langue d'oc qui semble chevillée à l'époque décrite puis, comme allant de paire, pour la vérité du fait historique et enfin pour suivre les aventures des Siorac.



A travers l'épopée d'une famille protestante du Périgord, les Siorac, le lecteur ne manque pas de détails charmants, horribles ou savoureux dont "foisonnent les Mémoires de ce temps", à partir du milieu du 16 ème siècle pour ce tome.



La vie quotidienne dans le château de Mespech n'a donc plus de secrets pour le lecteur au fil des événements qui ont lieu non seulement dans la Province mais aussi dans le royaume de France. La peste et le choléra? Non, pire: la peste et l'intolérance.



Le sujet principal de tous ces tomes est l'intolérance; propagée par les princes du royaume, dont l'ambition va au delà de la simple question religieuse, jusqu'aux simples soldats et paysans fanatisés qui exécutent les basses oeuvres.



Fantastique oeuvre mais j'espère que mon baragouinage n'aura pas déconforté le futur lecteur.
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Week-end à Zuydcoote

« Week-end à Zuydcoote ». Avec un tel titre, on pourrait penser que le roman porte sur un séjour dans une station de la mer du Nord... Alors oui, « Il y a le ciel, le soleil et la mer», mais ce week-end se déroule aux heures les plus tragiques de notre Histoire. C'est la « débâcle », les troupes britanniques et françaises, coupées de leurs arrières par l'Armée allemande, sont prises en étau dans la poche de Dunkerque. L'objectif est de rapatrier les soldats en urgence, sous le feu allemand.



Des soldats désarmés et isolés de leur unité s'acheminent en longues files vers la plage dans l'espoir d'être embarqué vers l'Angleterre. La hiérarchie n'est plus écoutée. Les règles ont disparu. Maillart, le personnage principal, déambule au milieu de ce chaos. La guerre se montre nue , dans sa laideur et sa cruauté.



Tout n'est qu'angoisse... Les troupes allemandes sont à dix kilomètres, les obus sifflent et frappent aveuglément, les chasseurs de la Luftwaffe bombardent en piqué en faisant hurler leurs sirènes. Quand ce ne sont pas les Allemands, ce sont les soldats français qui se livrent à des exactions. La mort est partout et peut frapper chacun, à tout moment.



Mais surtout, la guerre est absurde. Maillart fait des rencontres improbables. Une jeune femme reste dans sa maison contre toute logique, malgré les dangers. Des hommes se terrent dans un abri de fortune. Des soldats se résignent à l'incendie de leur navire et ne cherchent pas à s'enfuir.



Face à de tels événements, chacun réagit à sa manière et selon son tempérament. Maillart occupe une roulotte avec plusieurs copains de fortune. le cupide trafique et combine pour obtenir des profits immédiats. le prêtre se recueille et se pose des questions morales. Un soldat héroïque tire sur les Stukas au fusil mitrailleur sans craindre leurs représailles. Un Sétois fait la popote en évoquant les doux souvenirs et les projets familiaux. Et Maillart lui promène son désespoir et subit le spectacle de l'absurdité du monde.



L'évacuation de Dunkerque va revenir à l'ordre du jour cette année avec la sortie prochaine d'une superproduction signée Christopher Nolan : "Dunkerque". On peut déjà imaginer les scènes réalistes et spectaculaires bourrées d'effets spéciaux. Mais « Week-end à Zuydcoote » apporte à ces événement tragiques un regard plein de questionnement philosophique. A mes yeux, ce roman ce situe entre « Kaputt » de Malaparte et « l'Etranger » de Camus. Il y a d'une part des scènes cruelles et morbides, de l'autre ce désarroi de l'homme qui se sent étranger dans un monde et une existence dont il ne saisit plus le sens.
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La Mort est mon métier

Enfant, Rudolf Lang est soumis à une discipline de fer par son père, autoritaire et ultra-dirigiste, issu d'une lignée d'officiers de l'armée allemande. La vie de la famille est réglée à la seconde près, sans le moindre temps mort dans lequel pourrait se glisser la tentation de bayer aux corneilles. Le père, chrétien obsessionnel, est convaincu, pour se faire pardonner un péché minime remontant à 20 ans, de devoir endosser les moindres fautes de sa famille, et de vouer son fils aîné à la prêtrise. Rudolf grandit dans une atmosphère pesante, psycho-rigide et culpabilisante, sans savoir que la chaleur humaine existe, de même que le bonheur, l'amour ou l'amitié. Il ne le saura jamais. Son père lui apprend que le Bien consiste à Obéir, envers et contre tout, à ses parents, au curé, au maître d'école, et que le Mal est incarné par un Diable grimaçant qui promet les tourments de l'enfer à la moindre incartade.

Rudolf voue une haine froide et inavouée à son père et à la religion, et les rejettera en bloc à la mort du père. Agé d'à peine 12-13 ans, habitué à une vie réglée, cadrée, sans surprises ni responsabilités, donc confortable et sécurisante, il se cherche un père de substitution. Ce sera la Mère Patrie, et la carrière militaire, entrant dans les Corps Francs et dans la 1ère guerre mondiale à 16 ans. Puis viendront la SA et la SS, pour finalement atteindre le « sommet » en devenant commandant du camp d'extermination d'Auschwitz. Camp qu'il contribuera largement à développer, sa créativité et son talent pour l'organisation ne connaissant pas de limites pour mettre sur pied l'usine de mort la plus performante de l'Histoire. Le tout sans le moindre état d'âme, le moindre sentiment, hormis le sens du devoir et de l'honneur (si on admet qu'honneur égale obéissance).

Rudolf Lang est en réalité Rudolf Hoess, commandant d'Auschwitz, et le « roman » de R. Merle n'est donc pas une fiction. Ce qui ne le rend pas moins captivant, au contraire. En effet, observer et essayer de comprendre (entendons-nous : comprendre n'est pas justifier, et encore moins admettre) pourquoi et comment un être humain en arrive à devenir une sorte d'automate « dé-conscientisé » au service d'une « cause » épouvantable, a quelque chose de fascinant, comme le fonctionnement du cerveau humain. L'hypothèse de Merle semble être que les « racines du mal » se trouvent dans une enfance quasi déshumanisée. L'endoctrinement par le père puis l'armée et la propagande nazie sont aussi largement coupables. Dans la logique de Rudolf, logique militaire avant d'être nazie me semble-t-il, son comportement est parfaitement légitime, il se contente d'exécuter en bon soldat les ordres reçus, et considère qu'il n'a tout simplement pas à s'interroger sur leur bien-fondé, leur moralité, leur motivation sous-jacente. Sans pour autant renier la responsabilité de ses actes : c'est bien lui qui les a accomplis, simplement parce qu'il devait obéir. C'est criant à la fin du livre quand il apprend le suicide de Himmler, arrêté par les Alliés : « il s'est défilé », il ne veut pas assumer. Se pose alors l'autre question, effarante : Lang/Hoess avait-il conscience de tuer des êtres humains (même si les nazis considéraient les Juifs comme des sous-hommes…), de participer à un génocide ? Je suppose qu'il avait surtout conscience de devoir servir la grande Allemagne pour instaurer le fameux « Reich de 1000 ans ». Cela ne justifie rien, n'excuse rien, et cela mérite des thèses de doctorat. Ca ne m'a pas empêchée d'apprécier ce livre, très bien écrit, malgré un contenu glaçant. Tout comme il est glaçant de voir que l'Histoire a depuis lors repassé les plats de la barbarie…

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La Mort est mon métier

Voilà un livre qui laisse sa marque.

Cela commence avec l'enfance de Rudolf sous l'oeil noir de son père qui est à moitié fou de religion et de repentir. A partir de là, comment voulez vous que les enfants grandissent sereinement ? Il était évident que ce petit garçon allait devenir un adulte déséquilibré. Finalement, il trouvera une certaine stabilité dans l'armée. Il reçoit des ordres et il les exécute sans jamais se poser de question. L'armée lui offre un cadre très rigide dans lequel il se sent rassuré. Et toute sa vie sera élaborée dans ce sens. Donc quand il est dans les SS et qu'on lui donne des ordres, il les suit aveuglément. Et même, il n'aura des idées que quand on lui ordonnera d'en avoir.

Bref, il est très dur de plonger dans la tête de Rudolf et surtout de le sentir aussi détaché de la mission qu'on lui a confiée.

Un roman qui vogue habilement entre l'histoire et la psychiatrie.



Pioche de juin 2020 choisie par Pas-chacha
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La Mort est mon métier

Comment un livre qui dénonce d'horribles vérités peut-il être aussi passionnant ?

C'est tout le talent de Robert Merle, auquel je rends hommage !

C'est plutôt une biographie romancée, celle de Rudolph Hess ; un style dans lequel l'auteur excelle.



Ach so !

Allemagne, Bavière. Nous sommes en 1913 avec Rudolph, 13 ans, qui nettoie les vitres, et qui est terrorisé par son père, un fanatique catholique, qui doit absolument racheter sa faute. Il destine Rudolph à la prêtrise, mais celui-ci préfère les armes. Le père apprend inopinément qu'il doit aussi se charger de la faute de Rudolph, qui a cassé la jambe d'un garçon ayant insulté son père. Rudolph, lui, a confié sa faute à un prêtre au confessionnal, et il pense que c'est ce dernier qui l'a trahi. Du coup, il ne croit plus en l’Église, et il s'enfuit de la maison ; il trouve un travail, s'occupe des blessés de guerre, dont le capitaine Gunther qu'il admire. Il s'engage dans l'armée allemande.

En 1918, que va faire le soldat allemand démobilisé Rudolph, alors qu'il refuse de devenir prêtre ?

Va-t-il, comme Hitler, fomenter des crimes contre la nouvelle république de Weimar, ces messieurs en redingotes ?

Car jusque là, tout va bien.

Il est placé dans une ferme, et fonde une famille. C'est un bon père de famille.

Puis c'est l'horreur : remarqué par les cadres SS pour ses états de service, il est pris en mains par Heinrich Himmler, numéro 2 du parti nazi, il est chargé de la solution finale à Auschwitz.

Il résout le problème des cadences « d'éliminations d'unités » comme un problème mathématique, sans âme ni conscience … Il est devenu une machine à tuer, la mort est son métier.

Elsie, sa femme, ne sait rien ! Puis elle apprend, à cause de la boulette d'un officier. C'est l'horreur !

« Si Himmler t'ordonnait de tuer ton fils, tu le ferais ?

– Probablement, car ce serait un ordre ; on ne discute pas les ordres.

La guerre s'achève, il répond à la question des alliés :

"Vous avez gazé et brûlé trois millions de Juifs à Auschwitz ?

-- Oui, mais ce n'est pas de ma faute, j'avais reçu un ordre !

( En 1945, Himmler se suicide ).

-- Notre chef, mon « père » nous a lâché ! Me pendre n'est pas un problème, mais par contre, notre chef nous a lâché, il nous a trahi ; je voulais mourir avec lui....

______________________________________________________



J'adore Robert Merle ; et si vous avez l'occasion de lire ses 13 « Fortune de France », ne passez pas à côté, vous aimerez l'Histoire de France ! Sa façon de raconter Henri IV ou Richelieu par un courtisan, ami de Pierre de l'Estoile, est savoureuse !

Mais là, le défi de l'écrivain est très ingrat, et cependant, il l'a relevé haut la main.

Ce livre mérite 5 étoiles, mais si bien soit raconté le mal, ce n'est pas ma tasse de thé.

Des chercheurs devraient exploiter les points communs dans les biographies de tous les "fournisseurs de malheurs de l'humanité", afin de prévenir ces phénomènes bien plus dévastateurs, en termes de morts, que les cyclones !

Quelles en sont les causes ?

Frustration initiale ?

Le père de Napoléon s'est soumis au régime de Louis XV, Hitler et Hess avait un père sévère.

Et si le père de Napoléon avait été indépendantiste ?

Et si Hitler avait réussi à devenir peintre ?

Et si le père de Rudolph avait accepté que son fils rentre dans les armes ?



J'ai fait un début de recherche dans les livres que j'ai publiés :

qu'est ce que le mal dans « L'homme cardinal » ?

Et j'ai esquissé un début de solution dans mon deuxième livre, « Loup »....



En tous cas, bravo Robert ; ton style est tellement fluide !

Ton scénario comporte tellement de rebondissements !
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Week-end à Zuydcoote

1940. Avec l'avancée des Allemands, des troupe françaises et anglaises sur les plages à l'est de Dunkerque, tentent de fuir par la mer.

Quatre soldats vivent dans une roulotte et se serrent les coudes pour se trouver à manger et un moyen de sauver leur peau. Dans cette période difficile, l'union fait la force et Dhéry l'obèse, Pierson le curé, Alexandre le cuisinier et enfin Maillat l'aventurier illustrent ce qu'est la fraternité et la camaraderie.

Pourtant, ce contexte de guerre met les consciences à rude épreuve. Maillat, toujours en sortie, est le plus exposé. Et c'est avec ses yeux et sa gouaille que l'on découvre en deux jours, comme si on y était, ses moments de bravoure et de faiblesse.



Le premier roman du jeune Robert Merle est un coup de maître. Prix Goncourt en 1949. Au cinéma, Belmondo est inoubliable dans le rôle de Maillat. Si on a vu au moins un extrait, on lit forcément les dialogues avec la voix de Bébel.

Ce livre est inoubliable pour cela et pour la tragédie finale qui est de toute beauté.



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Roman historique lauréat du prix Goncourt publié en 1949 racontant la retraite d'un groupe de soldats français lors de la défaite franco-britannique lors de la seconde guerre mondiale. Mon titre est "week-end

chez ma mère'
à Deauville'
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