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Citations de Saint-John Perse (269)


Exil
À Archibald MacLesthh



III / B

   « Toujours il y eut cette clameur, toujours il y eut cette
grandeur,
   « Cette chose errante par le monde, cette haute transe
par le monde, et sur toutes grèves de ce monde, du même s
ouffle proférée, la même vague proférant
   « Une seule et longue phrase sans césure à jamais inintelligible...

   « Toujours il y eut cette clameur, toujours il y eut cette fureur,
   « Et ce très haut ressac au comble de l’accès, toujours, au faîte
du désir, la même mouette sur son aile, la même mouette sur son
aire, à tire-d’aile ralliant les stances de l’exil, et sur toutes grèves
de ce monde, du même souffle proférée, la même plainte sans
mesure
   « À la poursuite, sur les sables, de mon âme numide... »
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Et par là-bas s'en furent, au bruit d'élytres de la terre, les grands Itinérants du songe et de l'action : les Interlocuteurs avides de lointains et les Dénonciateurs d'abîmes mugissants, grands Interpellateurs de cimes en exil et Disputeurs de chances aux confins, qui sur les plaines bleuissantes menaient un oeil longtemps froncé par l'anneau des lunettes.
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« … Mes dents sont pures sous ta langue. Tu pèse sur mon cœur et gouvernes mes membres. Maître du lit, ô mon amour, comme le Maître du navire. Douce la barre à la pression du Maître, douce la vague en sa puissance. Et c'est une autre, en moi, qui geint avec le gréement... Une même vague par le monde, une même vague jusqu'à nous, au lointain du monde et de son âge... Et tant de houle, et de partout, qui monte et fraye jusqu'en nous...
« Ah ! Ne me soyez pas un maître dur par le silence et par l'absence : pilote très habile, trop soucieux amant ! Ayez, ayez de moi plus que don de vous-même. Aimant, n'aimerez vous aussi d'être aimé ?.. J'ai crainte, et l'inquiétude habite sous mon sein. Parfois, le cœur de l'homme au loin s'égare, et sous l'arc de son œil il y a, comme aux grandes arches solitaires, ce très grand pan de Mer debout aux portes du Désert...
« Ô toi hanté, comme la mer, de chose lointaines et majeures, j'ai vu tes sourcils joints tendre plus loin que femme. La nuit où tu navigues n'aura-t-elle point son île, son rivage ? Qui donc en toi toujours s'aliène et se renie ? – Mais non, tu as souri, c'est toi, tu viens à mon visage, avec toute dette grande clarté d'ombrage comme d'un grand destin en marche sur les eaux (ô mer soudain frappée d'éclat entre ses grandes emblavures de limon jaune et vert!). Et moi, couchée sur mon flanc droit, j'entends battre ton sang nomade contre ma gorge de femme nue.
« Tu es là, mon amour, et je n'ai lieu qu'en toi. J'élèverai vers toi la source de mon être, et t'ouvrirai ma nuit de femme, plus claire que ta nuit d'homme ; et la grandeur en moi d'aimer t'enseignera peut-être la grâce d'être aimé. Licence alors aux jeux du corps ! Offrande, offrande, et faveur d'être ! La nuit t'ouvre une femme : son corps, ses havres, son rivage ; et sa nuit antérieure où gît toute mémoire. l 'amour en fasse son repaire !
« … Étroite ma tête entre tes mains, étroit mon front cerclé de fer. Et mon visage a consommer comme fruit d'outre-mer : la mangue ovale et jaune, rose feu, que les coureurs d'Asie sur les dalles d'empire déposent un soir, avant minuit, au pied du Trône taciturne... Ta langue est dans ma bouche comme sauvagerie de mer, le goût de cuivre est dans ma bouche. Et notre nourriture dans la nuit n'est point nourriture de ténèbres, ni notre breuvage, dans la nuit, n'est boisson de citerne.
« Tu resserreras l'étreinte de tes mains à mes poignets d'amante, et mes poignets seront, entre tes mains, comme poignets d'athlète sous leur bande de cuir. Tu porteras mes bras noués au-delà de mon front ; et nous joindrons aussi nos fronts, comme pour l'accomplissement ensemble de grandes choses sur l'arène, de grandes choses en vue de mer, et je serai moi-même ta foule sur l'arène, parmi la faune et tes dieux.
« Ou bien libres mes bras !... et mes mains ont licence parmi l'attelage de tes muscles : sur tout ce haut relief du dos, sur tout ce nœud mouvant des reins, quadrige en marche de ta force comme la musculature même des eaux. Je te louerai des mains, puissance ! Et toi noblesse du flanc d'homme, paroi d'honneur et de fierté qui garde encore, dévêtue, comme l'empreinte de l'armure.
« Le faucon du désir tire sur ses liens de cuirs. L'amour aux sourcils joints se courbe sur sa proie. Et moi, j'ai vu changer ta face, prédateur ! Comme il arrive aux ravisseurs d'offrandes dans les temples, quand fond sur eux l'irritation divine... Toi dieu notre hôte, de passage, Congre salace du désir, remonte en nous le cours des eaux. L'obole de cuivre est sur ma langue, la mer s'allume dans les temples, et l'amour gronde dans les conques comme le Monarque aux chambre du Conseil.
« Amour, amour, face étrangère ! Qui t'ouvre en nous ses voies de mer ? Qui prend la barre, et de quelles mains ?... Courrez aux masques, dieux précaires ! Couvrez l'exode des grands mythes ! L'Été, croisé d'automne, marbré d'or où croissent les monstres, les héros. Et la mer au lointain sent fortement le cuivre et l'odeur du corps mâle... Alliance de mer est notre amour qui monte aux Portes de Sel Rouge ! »
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C'est le soir sur ton Ile et à l'entour, ici et là, partout ou s'arrondit le vase sans défaut de la mer ; c'est le soir couleur de paupières, sur les chemins tissés du ciel et de la mer.
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        J'ai aimé un cheval…


    J'ai aimé un cheval — qui était-ce ? — il m'a bien
regardé de face, sous les mèches.
    Les trous vivants de ses narines étaient deux choses
belles à voir — avec ce trou vivant qui gonfle au-dessus
de chaque œil.
    Quand il avait couru, il suait : c'est briller ! — et
j'ai pressé des lunes à ses flancs sous mes genoux d'en-
fants…
    J'ai aimé un cheval — qui était-ce ? — et parfois
(car une bête sait mieux quelles forces nous vantent)
    Il levait à ses dieux une tête d'airain : soufflante,
sillonnée d'un pétiole de veines.
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Oiseaux


V
Extrait 2

  L’homme a rejoint l’innocence de la bête, et l’oiseau peint dans l’œil du chasseur devient le chasseur même dans l’œil de la bête, comme il advient dans l’art des Eskimos. Bêtes et chasseurs passent ensemble le gué d’une quatrième dimension. De la difficulté d’être à l’aisance d’aimer vont enfin, du même pas, deux êtres vrais, appariés.

  Nous voilà loin de la décoration. C’est la connaissance poursuivie comme une recherche d’âme et la nature enfin rejointe par l’esprit, après qu’elle lui a tout cédé. Une émouvante et longue méditation a retrouvé là l’immensité d’espace et d’heure où s’allonge l’oiseau nu, dans sa forme elliptique comme celle des cellules rouges de son sang.
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Oiseaux


II

  Les vieux naturalistes français, dans leur langue très sûre et très révérencieuse, après avoir fait droit aux attributs de l’aile – « hampe », « barbes », « étendard » de la plume ; « rémiges » et « rectrices » des grandes pennes motrices ; et toutes « mailles » et « macules » de la livrée d’adulte – s’attachaient de plus près au corps même, « territoire » de l’oiseau, comme à une parcelle infime du territoire terrestre. Dans sa double allégeance, aérienne et terrestre, l’oiseau nous était ainsi présenté pour ce qu’il est : un satellite intime de notre orbite planétaire.

  On étudiait, dans son volume et dans sa masse, toute cette architecture légère faite pour l’essor et la durée du vol : cet allongement sternal en forme de navette, cette chambre forte d’un cœur accessible au seul flux artériel, et tout l’encagement de cette force secrète, gréée des muscles les plus fins. On admirait ce vase ailé en forme d’urne pour tout ce qui se consume là d’ardent et de subtil ; et, pour hâter la combustion, tout ce système interstitiel d’une « pneumatique » de l’oiseau doublant l’arbre sanguin jusqu’aux vertèbres et phalanges.

  L’oiseau, sur ses os creux et sur ses « sacs aériens », porté, plus légèrement que chaume, à l’excellence du vol, défiait toutes notions acquises en aérodynamique. L’étudiant, ou l’enfant trop curieux, qui avait une fois disséqué un oiseau, gardait longtemps mémoire de sa conformation nautique : de son aisance en tout à mimer le navire, avec sa cage thoracique en forme de carène et l’assemblage des couples sur la quille, la masse osseuse du château de proue, l’étrave ou rostre du bréchet, la ceinture scapulaire où s’engage la rame de l’aile, et la ceinture pelvienne où s’instaure la poupe…
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Les Patriciennes aussi sont aux terrasses, les bras chargés de roseaux noirs.
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Poète est celui-là qui rompt pour nous l'accoutumance.
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Pleurer de grâce, non de peine, dit le Chanteur du plus beau chant;
Et de ce pur émoi du coeur dont j'ignore la source,
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Et son cri dans la nuit est cri de l'aube elle-même : cri de guerre sainte à l'arme blanche
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J'ai pris la marche vers la Mer comme une illustration de cette quête errante de l'esprit moderne, aimanté toujours par l'attrait même de son insoumission.


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J'ai pris la marche vers la Mer comme une illustration de cette quête errante de l'esprit moderne, aimanté toujours par l'attrait même de son insoumission.
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« … Non point des larmes – l’aviez-vous cru ? – mais ce mal de vue qui nous vient, à la longue, d’une trop grande fixité du glaive sur toutes braises de ce monde,
« (ô sabre de Strogoff à hauteur de nos cils !)
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Que hantiez-vous si loin, qu’il faille encore qu’on en rêve à en perdre le vivre ?
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Terre arable du songe !
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Dit l'Etranger parmi les sables, "toute chose au monde m'est nouvelle!..."
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AMERS
STROPHE
II

2 —
" … Au cœur de l'homme, solitude. Etrange l'homme,
sans rivage, près de la femme, riveraine. Et mer moi-
même à ton orient, comme à ton sable d'or mêlé, que
j'aille encore et tarde, sur ta rive, dans le déroulement très
lent de tes anneaux d'argile — femme qui se fait et se
défait avec la vague qui l'engendre…

" Et toi plus chaste d'être plus nue, de tes seules mains
vêtue, tu n'es point Vierge des grands fonds, Victoire
de bronze ou de pierre blanche que l'on ramène, avec
l'amphore, dans les grandes mailles chargées d'algues des
tâcherons de mer ; mais chair de femme à mon visage,
chaleur de femme sous mon flair, et femme qu'éclaire son
arôme comme la flamme de feu rose entre les doigts mi-
joints.

" Et comme le sel est dans le blé, la mer en toi dans
son principe, la chose en toi qui fut mer, t'a fait ce
goût de femme heureuse et qu'on approche… Et ton
visage est renversé, ta bouche est fruit à consommer, à
fond de barque, dans la nuit. Libre mon souffle sur ta
gorge, et la montée de toutes parts, des nappes de désir,
comme aux marées de lune proche, lorsque la terre
femelle s'ouvre à la mer salace et souple, ornée de bulles,
jusqu'en ses mares, ses maremmes, et la mer haute dans
l'herbage fait son bruit de noria, la nuit est pleine
d'éclosions…

p.328-329
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Et au-delà sont les craies vives de vigie, les hautes tranches à grands cris abominant la nuit ; et les figurations en marche sur les cimes, parmi la cécité des choses ; et les pierres blanches immobiles face aux haches ardentes.
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… Et du mal des ardents tout un pays gagné, avant le soir, s’avance dans le temps à la rencontre des lunes rougissantes. Et l’An qui passe sur les cimes… ah ! qu’on m’en dise le mobile ! J’entends croître les os d’un nouvel âge de la terre. Souvenirs, souvenirs ! qu’il en soit fait de vous comme des songes du Songeur à la sortie des eaux nocturnes. Et que nous soient les jours vécus comme visages d’innommés. L’homme paisse son ombre sur les versants de grande transhumance !…
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