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Critiques de Shirley Jackson (336)
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Hantise (La maison hantée)

Hugh Crain a fait construire Hill house au XlX eme siècle. C'est un manoir immense, labyrinthique, fait pour tromper et désarçonner les visiteurs, les murs ont des angles faussés qui modifient les perspectives et trompent les visiteurs, les couloirs sont interminables avec un nombre de portes impressionnant. Ces portes ne restent jamais ouvertes, elles claquent toutes seules. On se perd sans cesse dans cette maison inhospitaliere aux dimensions gigantesques. La rumeur la dit hantée. Personne depuis 80 ans ne l'a habitée plus de deux jours.

Le professeur Montague, anthropologue, expert en analyse des phénomènes surnaturels loue la maison pour vérifier ce qui s'y passe. Il s'entoure de trois personnes pour l'aider dans ses recherches. Eleanor, vieille fille fantasque qui s'est longtemps occupée de sa mère maintenant décédée, Theodora et Luke le neveu de l'actuelle propriétaire. Ils s'installent tous les quatre à Hill house pour quelques jours.

L'auteure a su distiller le malaise dans l'atmosphère sans déployer une artillerie lourde. Tout met mal à l'aise, l'accueil hostile des domestiques, la maison lugubre, sombre, maléfique où les invités se perdent sans cesse. La décoration austère, surannée. La maison semble vivante et réagit aux envahisseurs, elle semble vouloir se débarrasser d'eux et manifeste son mécontentement dès la nuit tombée. Bruits, coups frappés contre les murs, chuchotements, rires, air glacial, le manoir se déchaîne la nuit et perturbe le sommeil des invités et transforme leurs rêves en cauchemars.

L'esprit fantasque d' Eleanor va glisser subrepticement vers la folie. Ses comportements inattendus et irraisonnés vont déstabiliser le lecteur et ajouter à la confusion et à l'ambiance déjà électrique instaurée par Shirley Jackson.

Petite remarque: j'ai noté que comme dans "nous avons toujours vécu au château" l'auteure met en scène deux personnages féminins qui sont l'opposé l'un de l'autre, un incarne la raison et l'autre la folie.

Livre lu pour le challenge #automnemélancolique.
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La loterie et autres contes noirs

Les éditions Rivage proposent un recueil de contes noires de l'Américaine Shirley Jackson. Celle-ci s'est imposée dans le monde de la littérature fantastique à un moment où les femmes étaient très peu représentées. Elle a inspiré nombre de grands noms de l'horreur, à commencer par Stephen King.



La première parution de sa nouvelle La Loterie, dans les colonnes du New Yorker en 1948 fit l'effet d'une bombe. On peut dire qu'elle a d'emblée attiré l'attention sur elle et la publication n'a jamais rencontré un aussi grand nombre de désabonnements et de courriers hostiles suite à cette histoire.

C'est elle qui ouvre le recueil et force est de constater que plus de 60 ans après, elle impacte durablement le lecteur. Comme dans la plupart des nouvelles ici présentes, nul besoin de renfort surnaturel ou d'hémoglobine et entrailles à tout va. Le mal, chez Shirley Jackson, s'insinue dans un quotidien tout ce qu'il y a de plus banal, qu'il prenne la forme d'une singulière coutume villageoise ou de la mesquinerie d'une aimable ménagère ou encore une jeune étudiante éprouvée par le deuil de sa mère.



Chaque conte, même si subjectivement certains m'ont plu plus que d'autres, est en soi un petit bijou et une démonstration de l'art de la nouvelle, si difficile. Shirley Jackson sait jouer sur des craintes et des fantasmes tout ce qu'il y a de plus communs, comme dans "Paranoïa". Elle enrobe parfois le caractère glauque de ses chutes dans des descriptions aux tons élégants et surannés comme dans "La possibilité du mal" (une de mes favorites).

Tout est finement et très efficacement mené.



La lecture de la postface permet de mieux appréhender certains thèmes récurrents chez l'auteure au vu de sa vie et des états dépressifs qui l'assaillirent régulièrement. Il en va ainsi de l'image duale de la maison, à la fois havre de sécurité ou de réussite sociale et prison ("La bonne épouse") ou de l'ambiguïté du lien conjugal  ("La lune de miel de Mrs Smith" et "Quelle drôle d'idée").



Je me suis efforcée, non sans difficulté, de ne pas lire ces contes noirs les uns à la suite des autres mais de les espacer pour pleinement savourer le talent de nouvelliste de Shirley Jackson. Les décennies ont passé mais ses histoires gardent une fraîcheur indéniable puisque les attitudes et travers humains restent peu ou prou les mêmes, quelle que soit l'époque.
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La loterie et autres contes noirs

Je dois avouer que je ne connaissais pas cette auteure.

Les deux premières nouvelles m'ont bien vite mise dans le bain "La loterie" et "la possibilité du mal ".

L'auteure maîtrise à merveille l'art de la nouvelle, j'avais l'impression de retrouver des ambiances à la Stephen King, aussi apprendre qu'elle avait écrit "la loterie " en 1948 et le tollé général provoqué par sa publication dans New Yorker n'a fait qu'ajouter à mon plaisir de lecture.

L'auteure par petites touches installe la tension, la noirceur, explore le côté sombre des monsieur et madame tout le monde. Point besoin de psychopathes ni de tueurs en série, le mal est chez vous (la relation de couple et la famille en prennent un sacré coup), ou chez vos voisins, ou dans votre centre ville, ou dans votte lieu de villégiature ("les vacanciers" angoissante à souhait ), la méchanceté des gens n'a pas de pas limite.

Un roman noir comme je les aime avec cerise sur le gâteau une nouvelle consacrée aux fantômes très bien réussie aussi.

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Hantise (La maison hantée)

Une vaste demeure labyrinthique. Un groupe de jeunes gens invités à assister à des phénomènes paranormaux par un scientifique un peu barré. Des portes qui claquent. Des personnages hantés par leur passé. Voilà tous les ingrédients réunis pour construire un récit d'horreur soft où l'ambiance souffle l'effroi sur le lecteur.

Shirley Jackon, auteur prolifique de ce genre de littérature manie parfaitement les codes.

Le lecteur embarque aux côtés de Eleanore Vance, une jeune femme de trente-deux ans qui voit dans l'invitation du professeur Montague à passer un séjour dans la maison de Hill House, l'occasion de s'échapper de sa petite vie de ratée.

Elle accepte donc avidement la proposition et rejoint le groupe composé de quatre personnes, le professeur, un membre de la famille des propriétaires de la maison et une autre jeune femme.

Ensemble, ils vont donc passer quelques jours et surtout quelques nuits dans la demeure où, comme tout bon scenario de maison hantée se respecte, la tension et l'horreur vont aller crescendo.



Le récit respecte les codes de ce type de littérature. La vaste propriété est abondement décrite et semble à elle seule être un personnage à part entière du roman. Les personnages ne comprennent rien à ce qui leur arrive, entre ceux qui réfutent toute cause surnaturelle et ceux, au contraire, enthousiastes à la limite de la caricature, une belle brochette d'idiots s'offre à notre regard.

La maigreur du récit, à peine 280 pages, permet de garder un certain rythme même si à vrai dire il ne se passe pas grand-chose hormis la métamorphose de notre héroïne et de sa psyché.



J'ai passé un bon moment avec cette lecture, en grande partie dû à l'ambiance de cette fin d'octobre propice à l'imaginaire, mais je n'en garderai pas un souvenir impérissable. J'ai trouvé la fin précipitée et les personnages peu crédibles dans l'ensemble. La faute à certains traits de caractère exacerbés rendant entre autre, la femme du professeur, parfaitement ridicule, ce qui était sûrement l'objet du propos, mais surtout non crédible.

J'ai lu meilleur récit sur ce thème.
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Hantise (La maison hantée)

Le roman de Shirley Jackson (1916-1965) parut aux Etats-Unis en 1959, mais ne fut traduit et publié en France que 20 ans plus tard.



Entre temps, il avait été adapté au cinéma par Robert Wise en 1963, pour devenir un classique du genre.

Une autre adaptation cinématographique sortira sur les écrans en 1999 réalisée par Jan de Bont....



Mais quid du livre ?

L'écriture riche et soignée de l'auteure a quelques aspects un peu vieilli, je rappelle qu'il fut écrit dans les années cinquante...



Nous sommes dans le domaine du fantastique "classique", j'entends par là, un fantastique, jouant surtout sur l'atmosphère, l'ambiance, les sentiments et ressentis des personnages plus que sur la recherche d'effets chocs...



L'histoire ?

Le Dr Montague, mène une expérience ayant trait au paranormal.

Pour cela, il réunit un petit groupe dans une monumentale bâtisse : Hill House, construite au XIX siècle par Hugh Crain un industriel de sinistre réputation.



Dans le groupe, Elèonore, jeune femme renfermée, cherchant à se libérer d'un triste passé, une artiste fantasque, et un bellâtre neveu de la propriétaire.

Des personnages très dissemblables qui vont vivre des événements plus qu'inquiétants dans l'ambiance lourde de la maison Craig....



J'ai apprécié la lente montée de l'angoisse, et la psychologie complexe des personnages.



En outre, je ne suis pas surpris que Stephen King ai dit de ce roman qu'il était "Le meilleur roman fantastique de ces cent dernières années".



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Hantise (La maison hantée)

Prenez une maison maléfique, deux jeunes femmes ayant déjà connu des expériences surnaturelles par le passé, un professeur passionné de phénomènes étranges et inexpliqués, quelques personnages secondaires antipathiques, et c'est parti pour quelques heures d'angoisse...du moins en théorie.

Car ce roman est quand même très classique, l'histoire n'a rien de vraiment originale et malgré un suspense bien présent il m'a manqué quelque chose pour que ce roman soit réellement palpitant.

Il faut dire que tout ça manque un peu de logique et de crédibilité, il se passe des choses certes, mais on ne sait pas trop ce qui en est à l'origine et rien ne sera vraiment expliqué au final.

J'ai eu l'impression que les personnages étaient tous un peu largués, qu'au fond personne ne savait ce qu'il venait faire dans cette galère et moi non plus !

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La loterie

De petits bijoux de nouvelles, construites de façon simple et efficace.



Ce sont souvent des situations assez ordinaires, mais tranquillement l'insolite s'installe. Je ne sais pas si c'est voulu, mais plusieurs de ces nouvelles mettent en situation des personnes qui se font littéralement marcher sur les pieds. Est-ce que Shirley Jackson avait ce problème ? En tout cas, elle sait induire notre colère lorsque des personnages sont dans cette situation.



C'est un livre assez difficile à classer. Plusieurs de ces nouvelles mettent en scène des situations qui ne sont rien de moins qu'ordinaires, mais où le personnage est démuni. La dernière, la loterie, sort du lot avec sa chute.



J'ai beaucoup aimé. De petits chocolats de toutes les saveurs.
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Nous avons toujours vécu au château

Dans une grosse demeure qu'au village on appelle le château vivent Constance, Mary Katerine et l'oncle Julian.

Seule Merricate sort pour aller au village chercher des provisions. Constance craint le regard et les remarques perfides des villageois, ce qu'ils ne se privent pas de faire avec Mary. L'état de santé de l'oncle Julian ne lui permet pas de sortir ou alors seulement un peu dans le jardin.

Ils vivent donc en huis clos, satisfaits des petits plats que Constance leur concocte avec les fruits de son potager, des balades et rêveries de Mary dans le parc clos, fermé qui les tient en sécurité, et des ressassements de l'oncle Julian sur une certaine journée, six ans plus tôt qui a vu tous les autres membres de la famille mourir empoisonnés.

Bien que disculpée, les soupçons pèsent toujours sur Constance.

Cet équilibre étrange mais harmonieux est rompu par l'arrivée du cousin Charles qui, s'il semble tout à fait agréable à Constance, suscite tout de suite la répulsion d Mary.



Voici un court roman à l'ambiance singulière. Sérénité et équilibre maintenus par la douceur et la bienveillance de Constance, protection et sécurité garanties par petits rituels superstitieux de Mary, tension complice lorsqu'ils reçoivent de rares visiteurs qui atteint un paroxysme après un nouveau drame qui frappe la famille.

On ne sait trop où on met les pieds avec cette histoire. Si la narratrice est une jeune femme , on a l'impression de découvrir le récit d'une enfant. Je me suis souvent demandé si les personnages étaient vraiment en vie, s'ils hantent la demeure ou bien s'ils sont des reclus volontaires jusqu'au dénouement où tout s'éclaire….

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Nous avons toujours vécu au château

Livre d’horreur subtil, dont le sang est absent et qui se rapproche même de l'églogue au charme rustique, comment ce château réussit-il à nous faire frissonner ? Certes, on y trouve de nombreux morts, mais je pense que la terreur distillée vient plutôt de la tension entre l’histoire racontée et le sentiment que Shirley Jackson parvient à faire naître en nous: la tendresse pour le monstre.

Toute honte bue, nous nous identifions à un personnage objectivement terrifiant tandis que le cousin qui tente de ramener un peu de normalité dans ce délire victorien nous arrache des grognements de mépris.

Or, qu’est-ce que ce monstre, finalement ?

C’est un enfant. Le pervers polymorphe cher à Freud. L’adorable gosse qui manœuvre son monde, dont on fait les quatre volontés, irrationnel, imperméable à la réalité, capricieux et tellement attachant qu’on lui pardonne tout. Qui va phagocyter maman et virer papa, et dont la toute-puissance le conduira à choisir la mort contre la vie.

« Malheur au pays dont le roi est un enfant » dit l’Ecclésiaste. Et contemplons notre faiblesse d’adulte, ajoute Shirley Jackson en susurrant les pires horreurs à notre oreille.
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Nous avons toujours vécu au château

Alors que ma PAL croule sous les nouveautés en tout genre et que je meurs d’envie de lire, voilà que ma main innocente va me sortir un vieux romans qui prend la poussière depuis quelques années sur mes étagères.



Autre petit truc marrant, ce roman est affublé partout de l’étiquette "Fantastique", il a été édité dans la collection "Terreur" chez Pocket et pourtant, l’élément fantastique y est absent.



Certes, la narration de Mary- Katherine Blackwood, dite Merricat, y est pour quelque chose, elle qui s’invente des voyages sur la Lune et qui enterre des tas de choses pour se protéger des autres.



Autres qui ne sont sont pas des goules ou autres vampires loups-garous, mais les gens du village…



Pour Merricat, aller faire les courses, c’est limite traverser la ville de Bagdad tant les habitants sont hostiles aux derniers représentants de la famille Blackwood, à savoir Marie-Katherine, sa sœur aînée Constance et leur oncle Julian.



Merricat me fait un peu penser à Mercredi Addams qui aurait laissé tomber le gothique et les trucs d’outre-tombe. Tous les membres de sa famille ont beau avoir été empoisonné à leur table (parents, frère cadet, tante par alliance) avec du sucre, on ne dirait pas que ça la chagrine tant que ça.



En tant que narratrice, on suit tous les méandres de ses pensées, on la suit dans ses courses au village, on est témoin de la bassesse des villageois, puis, on l’accompagne au château, là où elles vivent, mais on a l’impression que les deux sœurs Blackwood ne nous laissent jamais vraiment franchir leur seuil de cette grande bâtisse dont elles ont condamnés des pièces depuis le décès de leurs parents.



Petit à petit, on entre un peu plus dans le récit grâce aux élucubrations d’oncle Julian, survivant de l’arsenic dans le susucre dont Constance, sa nièce dévouée (et accusée libérée faute de preuves de crime familial) s’occupe avec attention.



Il ne faut rien rater des causeries sans queue ni tête de l’oncle, car c’est lui qui vous apprendra la vérité, même si, ayant eu pour professeurs Holmes, Poirot et Columbo, je l’avais déjà entrevue assez vite.



C’est un roman angoissant de par ses ambiances sombres, de ces deux filles qui vivent recluses dans leur manoir, suivant des rituels journaliers pires que ceux de Sheldon Cooper (TBBT), vivant dans leur monde et coupées de toute vie sociale, hormis la visite d’un cousin.



On en vient à se demander si la santé mentale de Marie-Katherine et Constance n’a pas été atteinte par les pertes qu’elles ont subies et les traumatismes qui en ont découlé, sans oublier l’hostilité des gens du village qui les oblige à fermer toutes les portes du parc du château.



À un moment donné, l’auteure va pousser l’angoisse à son paroxysme, laissant le lecteur dérouté de par la froideur de comportement de Merricat et de Constance, qui feront comme si de rien n’était, oblitérant la violence des faits qui se déroulent sous leurs yeux et faisant ensuite comme si tout allait bien.



Un roman qui pourrait en rebuter certains à cause de ses longues descriptions ou de ses scènes où il a l’air de ne pas se passer grand-chose, un roman aux ambiances angoissantes, sans que l’on sache exactement d’où elles viennes, deux filles recluses, quasi, dont l’une vit en accomplissant des rituels afin de se protéger des autres et qui donne l’impression d’être totalement passé à l’ouest niveau santé mentale.



Je me demande même, à la fin, si, comme dans le film "Les autres" ou dans le roman "Le tour d’écrou", nous ne serions pas face à un personnage qui, englué dans son traumatisme, ne se serait pas inventé des survivants vivants avec elle dans ce château et les faisant intervenir selon ses envies, afin de ne pas sombrer un peu plus dans la folie.



Et c’est là que l’élément fantastique interviendrait… Tout s’expliquerait… CQFD


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Nous avons toujours vécu au château

« Merrycat, dit Connie, veux-tu une tasse de thé ?

Oh, non, fit Merricat, tu vas m’empoisonner.

Merricat, dit Connie, voudrais-tu fermer l’œil ?

Dans un trou au cimetière, au fond d’un vieux cercueil ! »



Comme une comptine au goût de citrine. Comme un souvenir de rêve d’enfant. Comme un conte intemporel. Comme le souffle d’un petit animal pris au piège. Comme des amulettes brillantes rangées sur du velours, puis enfouies sous la terre. Comme un vent frais venu de loin. Comme l’écho d’une vieille musique… ce court récit d’un autre temps, s’insinue, se glisse dans vos pensées, vous imprègne et vous laisse rêveur et chamboulé, mélancolique. Le poison œuvre lentement, laissant les sentiments se parer d'étranges couleurs, comme la vigne sauvage qui entoure à jamais ce Château où elles ont toujours vécu, et où elles vivront encore et encore, aussi longtemps que sera lu ce petit bijou de littérature gothique écrit par Shirley Jackson, il y a maintenant 53 ans.

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Hantise (La maison hantée)

Il y a de nombreuses années, j'ai découvert le film La Maison du Diable de Robert Wise que j'ai eu tôt fait de classer parmi mes films préférés. Mais ce n'est que récemment que j'ai eu la chance de tomber sur le livre de Shirley Jackson, La Maison hantée, qui a inspiré le cinéaste.



Le livre me brûlait les doigts tellement j'avais envie de me plonger dans cette histoire de maison infestée de fantômes. Après Pique-Nique à Hanging Rock et ses disparitions mystérieuses, me voilà partie sur la piste d'entités maléfiques !



Le moins que l'on puisse dire, c'est que j'ai adoré et que j'ai bien frissonné. Je n'ai pas eu peur, il n'y a pas de quoi sauter au plafond mais l'atmosphère est assez chargée pour se sentir concernée par tout ce qui arrive aux personnages.



L'écriture est fluide, abordable et l'auteur réussit admirablement à créer une ambiance délétère ! Il n'y a pas de goules ou de vampires, pas de litres d'hémoglobine mais de brillantes scènes pleines de "jump scares".



Donc si vous aimez les huis clos, les personnalités confuses, les monstres dans le placard, les portes qui se referment toutes seules et les hurlements d'effroi pendant la nuit, ce livre est fait pour vous !
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Nous avons toujours vécu au château

Mary-Katherine et Constance Blackwood vivent avec leur vieil oncle Julian dans la grande maison familiale, loin de la ville, isolées dans une terreur qui a pris racine après le retentissant procès pour meurtre qui a agité leur famille. « Les gens du village nous haïssent depuis toujours. » (p. 8) Quand elle n'est pas obligée de descendre en ville pour ravitailler la maison, la très jeune Mary-Katherine passe sa journée en jeux et manies d'enfant, tandis que Constance veille au fonctionnement millimétré de la maison et aux soins de l'oncle grabataire. Les deux sœurs font tout pour se préserver des rumeurs et du scandale, mais la journée funeste qui a précipité leur destin est sans cesse ressassée par Julian qui, bien que sénile, se veut le témoin fidèle des événements. « Nous ne demandons rien à personne. N'oublie jamais ça. » (p. 27) L'arrivée inopportune et intéressée du cousin Charles Blackwood bouleverse le quotidien reclus de la maison.



Entre candeur et cruauté, ce roman gothique distille tout au long des pages un malaise constant. Entre ces deux sœurs liées à tout jamais par un secret terrible, la folie guette, nourrie par les obsessions et la solitude. Shirley Jackson m'a déjà délicieusement angoissée avec La loterie et autres contes noirs. Même plaisir avec ce roman que j'ai dévoré en une matinée !
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Hantise (La maison hantée)

La maison hantée est un récit déroutant où s’entrecroisent insanité et appréhension dans l’entretien d’une angoisse latente chez le·a lecteur·rice dont les mots le·la séquestreront. La plume de Shirley Jackson, maîtresse incontestée du roman gothique, est, comme à l’accoutumée, brillante et rusée mais néanmoins très accessible et rassemble tous les ingrédients nécessaires quant au déploiement d’une atmosphère hypnotique et palpitante. Ce remarquable huis-clos instille à la dérobée un véritable malaise chez les personnages qui rapidement contamine le·a lecteur·rice. L’auteure met alors en péril la moindre de nos convictions, jusqu’à douter de l’existence des personnages, en agissant selon deux points de vue, d’une part schizophrènique, d’autre part paranoïaque. Les relations entre les différents personnages sont obscurs, obliques et ne font que consolider la mise en branle de nos certitudes. Cette maison, hostile, est personnifiée et développée comme la personnage principale du récit, venant alors infester une folie croissante en chacun·e des protagonistes. Le véritable tour de maîtresse de Jackson est la suggestion perfide de phénomènes surnaturels sans en donner la preuve concrète, ne cédant pas aux clichés tapageurs des romans d’horreur : ici, aucun giclement de sang, pas de fantôme ou monstre carnivore mais bien l’abolition de la frontière entre réalités tangible et chimèrique au profit d’une aliénation imperceptible parfaitement incarnée en la personne d’Eleanor, tantôt narratrice, tantôt étrangère au récit, indice trahissant une schizophrénie pénétrante. Le style soigné de l’auteure aspire l’âme des personnages et semble tester les nerfs du·de la lecteur·rice dans une ambiance qui suinte le délire fantasmagorique. C’est un roman absolument captivant et frénétique, qui obsède longtemps après sa lecture.
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Nous avons toujours vécu au château

Je connaissais l'univers de Shirley Jackson après la lecture saisissante (version roman graphique) de La loterie et me doutait qu'ici j'allais retrouver cet univers.... Une histoire que chaque lecteur peut interpréter et en tirer les conclusions qu'il veut tellement d'interprétations sont possibles. Un roman noir, sombre que l'on peut catégoriser comme gothique, évoquant à la fois un drame familial (dont je ne dirai rien), la présence de deux sœurs très très unies, vivant recluses et où flotte un climat de folie oppressant. Tout tient justement dans l'ambiance créée par l'auteure, le poids de cette ambiance où rien n'est terrifiant et pourtant tout est étrange, sombre, inquiétant. C'est une histoire qui, une fois terminée, vous poursuit, vous interrogé, moins que La loterie qui m'avait terrassée mais à laquelle je penserai à chaque vois que je passerai devant une demeure abandonnée en imaginant ce qui a pu s'y passer.....
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La loterie et autres contes noirs

Dans ces courtes histoires, vous trouverez :

Une tradition macabre

Une vieille toquée obsédée par la vertu et ses roses

Une jeune fugueuse

Un homme paranoïaque

Un voyage de noces qui pourrait tourner à l'aigre

Une odieuse petite voisine

Un bon samaritain quelque peu inquiétant

Une orpheline peu amène et sibylline

Les pensées macabres d'une épouse heureuse

Un mari trompé

Des fantômes sous la pluie battante

Des vacances prolongées moins agréables qu'espérées



Shirley Jackson distille une angoisse justement dosée dans ses textes. Les tranches de vie qu'elle présente sont courtes, mais impeccablement découpées. Et ses portraits sont précis, parfaitement caractérisés. Son économie de mots pour ménager le suspens et la révélation est magistrale ! Elle propose des critiques sociales assez acerbes et ne se prive pas d'ironiser contre la e moyenne et la bonne société des petites villes. Personne n'est à l'abri de la sauvagerie latente qui ne demande qu'à éclater. Si certains textes flirtent avec le fantastique, ils sont surtout la manifestation littéraire des angoisses intimes des pauvres individus confrontés à l'incertitude et à l'indicible. « Vous vous rendez compte du ridicule de cette conversation ? On croirait entendre des enfants qui se racontent des histoires de fantômes. Nous allons finir par nous convaincre de quelque chose d'horrible. » (p. 61) Évidemment, cette lecture m'a follement rappelé mon cher Stephen King dont les nouvelles savent si bien capter les tourments de l'âme pour en faire de purs objets d'horreur.
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Nous avons toujours vécu au château

Merrycat a dix-huit ans, une belle soeur blonde et fine cuisinière et un vieil oncle en fauteuil roulant. Elle court les bois avec son chat Jonas et descend deux fois par semaine au village pour faire les courses avant de revenir vers la belle demeure religieusement entretenue par elle et sa soeur Constance...Cela pourrait sembler le début d'un roman idyllique, mais ici un drame datant de plusieurs années rode toujours en arrière-plan. Qu'est-il arrivé exactement au reste de la famille? Et pourquoi cette tension haineuse entre la demeure et le village? Tout se cristallise avec l'arrivée du cousin Charles, qui fait trembler l'équilibre qui semblait si parfait.

Je connaissais de nom ce roman, le titre est mémorable, mais sans savoir exactement le genre, et j'ai été happé avec force. Ce n'est pas tout à fait mon genre de littérature, ce mélange savamment distillé d'horreur et de bonnes manières, ce déchirement du voile sur la nature humaine, mais c'est tellement bien écrit, tellement inéluctable, que je me suis laissée entraîner et que je suis prête à le recommander!

Plonger dans ce château, c'est affronter l'horreur et l'innocence, et tout cela forme finalement un livre très marquant.
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Nous avons toujours vécu au château

Les soeurs Blackwood vivent isolées avec leur oncle invalide, ostracisées par leurs voisins. La plus jeune, Merrycat, est une adolescente fantasque aux manies étranges. Un changement inattendu dans le quotidien de la famille va venir bouleverser leur vie.



Le livre baigne dans une ambiance bizarre et onirique, vaguement inquiétante, qui m’a beaucoup plu. On pourrait appeler ça un huis-clos familial, dont les éléments perturbateurs viennent de l’extérieur pour s’immiscer dans le quotidien de personnages « excentriques ». La tension monte jusqu’à ce qu’un évènement y mette fin. La plume est agréable, c’est bourré de très bonnes idées et les personnages principaux sont très attachants malgré (ou peut-être plutôt à cause de) leur étrangeté.

J’ai vraiment beaucoup aimé et je recommande si vous aimez les romans « à ambiance ».
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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Nous avons toujours vécu au château

MIEUX VAUT TARD…







Il était bien temps sans doute que je lise Shirley Jackson, et notamment ce très célébré roman qu’est Nous avons toujours vécu au château, que bien des gens recommandables… eh bien, me recommandaient. En notant toutefois que cette romancière autour de laquelle je tournais depuis bien trop longtemps a connu quelques autres réussites majeures dans les domaines de l’horreur et du mystère, comme le roman Maison hantée, qui a inspiré à Robert Wise sa géniale Maison du diable, ou la nouvelle « La Loterie », qui a semble-t-il déchaîné les passions à l’époque outre-Atlantique.







À vrai dire, je n’en savais guère plus – je ne savais même pas si le présent roman relevait du fantastique ou du policier ; certes, il a été publié en « Rivages/Noir », mais ça a également été le cas d’autres œuvres plus ambiguës, voire ouvertement surnaturelles (je serais bien preneur d’une réédition du John Silence d’Algernon Blackwood, moi, au passage, hein). Si, il y avait bien une chose : beaucoup de gens, parlant de ce roman, usaient du terme « gothique », mais dans sa perspective littéraire originelle, même « réactualisée » dans le cadre de la Nouvelle-Angleterre des années 1960 ; ça n’aurait pas déplu à un auteur local cher à mon cœur, je suppose…







J’ai donc entamé la lecture de ce roman avec un mélange (explosif ?) d’attentes très élevées et d’innocence virginale (si, si). Mais il a bel et bien sa magie : dès le premier paragraphe, il s’empresse de confirmer certaines attentes, et en même temps malmène certitudes et préconçus avec une jubilation perverse…







PAS FIABLE – VRAIMENT PAS FIABLE







Je m’appelle Mary Katherine Blackwood. J’ai dix-huit ans, et je vis avec ma sœur, Constance. J’ai souvent pensé qu’avec un peu de chance, j’aurais pu naître loup-garou, car à ma main droite comme à la gauche, l’index est aussi long que le majeur, mais j’ai dû me contenter de ce que j’avais. Je n’aime pas me laver, je n’aime pas les chiens, et je n’aime pas le bruit. J’aime bien ma sœur Constance, et Richard Plantagenêt, et l’amanite phalloïde, le champignon qu’on appelle le calice de la mort. Tous les autres membres de ma famille sont décédés.







OK. Pareille entrée en matière nous saute à la gueule, et en braillant : « JE SUIS LA NARRATRICE ET JE NE SUIS PAS FIABLE DU TOUT MAIS ALORS VRAIMENT PAS DU TOUT !!! » Délibérément, bien sûr – le propos est maîtrisé de bout en bout. Reste que cet emploi du procédé du « narrateur non fiable » a justifié, presque systématiquement, que l’on établisse ici une filiation avec Le Tour d’écrou, de Henry James – sans doute, c’est la référence primordiale s’il doit y en avoir une, mais la violence de l’attaque en force me tire aussi bien du côté du Lovecraft du « Monstre sur le seuil », quant à moi. Et j’imagine que, derrière les deux, il pourrait y avoir Poe – le gothique à proprement parler, si jamais, c’est encore au-delà.







Il y a quelque chose de brutal, ici – dans un roman par ailleurs subtil –, dont je suppose que l’on peut dériver une clef de lecture : la « révélation » tant attendue (en fait devinée, au moins dans les grandes largeurs, dès ces premières lignes, et c’est pour partie leur fonction) n’est finalement que d’une importance limitée, et l’essentiel est ailleurs.







Qu’on ne s’y méprenne pas : Nous avons toujours vécu au château est bien un « roman à mystère », mais il est probablement d’abord un tableau angoissant de la névrose et de la haine – un concentré de malaise, d’autant plus savoureux en bouche qu’il se montre pervers et impitoyable.







OSTRACISME VILLAGEOIS







Suivons donc notre guide, l’enjouée Mary Katherine, qui se rend au village pour y effectuer les courses de la semaine. C’est une épreuve – et terrible… La jeune femme, avec sa fausse candeur de narratrice, qui n’a cependant rien d’une pudeur, dépeint un monde hostile, un microcosme villageois qui en a après elle et les siens – sur le mode pathétiquement lâche de la moquerie vicieuse à peu de frais, pratiquée par ces ersatz de « petits chefs », qui évacuent leurs frustrations sur les cibles les plus faciles de crainte de s’attirer l’ire d’autres plus à même de se défendre. Un héritage de la cour de récréation, typique de ces petits villages aux mentalités étriquées et bornées, où les réflexes de coqs de la basse-cour tournent aisément à l’exclusion de ce qui ose différer ne serait-ce qu’un tout petit peu – car il faut aller dans le sens du groupe, aucun autre sens n’est concevable : atavisme grégaire.







La scène est horriblement gênante – révoltante, même. Shirley Jackson y fait preuve d’une parfaite maîtrise de ses outils, point de vue biaisé et répétitions délibérée des mêmes allusions lourdingues mais qui se croient spirituelles, faux-semblants et non-dits, dans un cruel jeu de dupes qui serre le ventre. Elle sait aussi susciter une certaine empathie, voire sympathie, pour Mary Katherine – même si nous nous méfions d’elle, et peut-être d’autant plus quand, au détour d’un paragraphe, la narratrice exprime son vœu muet que tous ces imbéciles haineux meurent sur-le-champ…







COMBIEN DE SUCRES ?







Mais l’affaire est intrigante, aussi. Pourquoi tant de haine ? Car c’est bien de haine qu’il s’agit, sous le vernis de plaisanteries pas drôles. Pour l’heure, nous n’en savons encore trop rien, même si quelques indices surnagent de temps à autre : il doit y avoir un problème avec la sœur de Merricat, Constance – une sombre histoire, dans un passé proche… Probablement une histoire d’empoisonnement ?







Les indices sont distillés au fur et à mesure, très savamment. C’est finalement l’oncle Julian (oui : Merricat mentait en prétendant dès le premier paragraphe que, hors Constance, tous les membres de sa famille étaient décédés…), un vieux gâteux coincé dans son fauteuil roulant sinon son lit, qui, au fil de ses ressassements, auxquels il confère une vertu proprement littéraire, lâche enfin le morceau (de sucre).







Les Blackwood étaient une riche famille de la région. Dans ce « château » qui n’en est un que métaphoriquement, disons que c’est une grande, prétentieuse même, bâtisse bourgeoise de Nouvelle-Angleterre, vivait toute une famille étendue. Mais, il y a six ans de cela, un drame s’est produit : quatre membres de la maisonnée sont morts – les parents des deux filles, leur petit-frère et leur tante, soit l’épouse de Julian – qui lui-même n’en a réchappé que de peu, étant dès lors condamné à l’invalidité. L’affaire, on s’en doute, avait fait grand bruit. On a compris qu’il s’agissait d’un empoisonnement à l’arsenic – qui avait été versé dans le sucre. Constance n’ayant pas pris de sucre (et la petite Mary Katherine, douze ans, étant alors punie dans sa chambre), c’est donc la fille aînée des Blackwood qui a été accusée de l’odieux assassinat et parricide, matricide, fratricide (et, euh, tanticide ? Pardon…) : il y a eu un procès, mais impossible de trouver la moindre preuve… Constance, bénéficiant de la présomption d’innocence, a été acquittée.







Mais, pour les villageois, il ne fait guère de doutes qu’elle est bien la coupable – que le juge n’en ait pas décidé ainsi n’y change rien, elle a bel et bien commis ce crime abject ! Nous ne savons pas grand-chose des relations des Blackwood avec les villageois avant le drame – mais il a en tout cas servi de défouloir libérateur : les gens du coin haïssent les débris de la famille Blackwood, au premier chef la coupable Constance, mais, par un détournement révélateur, cette haine affecte tout autant les victimes supposées que sont éventuellement Mary Katherine et en tout cas Julian. C’est la famille entière qui est maudite, car perverse – les enfants du coin raillent les participants au drame, serinant toujours la même comptine idiote et cruelle, où Constance offre du thé à sa petite sœur, qui préfère ne pas prendre de sucre…







Cette haine bien pratique, en même temps, peut se muer en fascination puérile: gamins et adolescents bravaches se mettent au défit d’approcher la demeure du crime, et, plus singulier encore, quelques bonnes femmes du coin jouent à se faire peur, en allant… prendre le thé chez les Blackwood.







Tout en écoutant le récit sans cesse repris du drame par l’oncle Julian – obsédé par ce qui s’est alors produit, et qui emmagasine les notes, depuis six ans, pour un livre qui ne paraîtra jamais. Aveu du vieux bonhomme : il n’y dira pas la vérité – mieux vaut embellir, en pareil cas, c’est plus intéressant ; ce en quoi il est bien l’oncle de sa nièce Merricat…



UNE UTOPIE RECLUSE







Mais ces visites sont exceptionnelles – encore que réglées comme du papier à musique, de même que les courses de Mary Katherine au village, qui obéissent à un rituel bien précis. Car tout est rituel, ici…







Mais, pour l’essentiel, les trois Blackwood survivants vivent en reclus. De Résidence – non, pardon… Bref : Mary Katherine est en fait la seule à sortir du « château ». Oncle Julian, invalide, en est physiquement incapable. Constance en est psychiquement incapable : très affectée par le crime, le procès et les accusations portées contre elle, la haine ouverte, enfin, des villageois, mêlée de fascination perverse pour sa personne d’empoisonneuse supposée, elle ne peut pas aller au-delà du jardin où elle fait pousser ses légumes pour la cuisine.







Mais tout cela n’a rien de sinistre, n’est-ce pas ? Le château des Blackwood, nous laisse entendre Constance (ou plutôt Mary Katherine ?), a tout d’une utopie, pour elle – même recluse. Ce côté presque carcéral appuie la filiation gothique du roman, et le lecteur, lui, peut à bon droit trouver cela parfaitement sinistre, mais Constance, dans cet environnement qui est le seul qu’elle connaisse, joue à la parfaite femme d’intérieur, qui siffle en travaillant, appréciant la sérénité propre aux ordres immuables et aux terrains connus. Souriante et généreuse, mère-poule à vrai dire, elle s’active en cuisine, et ses soins de tous ordres témoignent de son affection débordante pour sa sœur encore toute gamine (« Petite folle de Merricat… ») et son vieil oncle malade. TOUT VA BIEN.







Les connotations de la vieille demeure auront assurément l’occasion d’évoluer d’ici à la fin du roman – comme, aux yeux du lecteur, une métaphore qui s’incarnerait dans la pierre et les poutres. Constance n’en témoignera que davantage de ce qu’elle est portée au déni…







Mais il s’agit de protéger cette utopie – le château et la parfaite petite famille heureuse qui y vit dans une rassurante routine. C’est l’affaire de Mary Katherine. Parallèlement aux rituels de Constance, cette vie bien ordonnée autour des tâches ménagères toujours exécutées dans les mêmes conditions et selon un emploi du temps agréablement rigide, la fantasque adolescente, entre deux séjours sur la lune, assure la sécurité de la résidence par d’autres rituels, les siens, qui obéissent quant à eux (ou, plus exactement, de manière plus ouverte ?) à une forme de pensée magique. Enterrer quelque chose ici, clouer ce livre-là… Autant de talismans garantissant l’inviolabilité du foyer ! Elle a d’autres techniques tout aussi efficaces, ainsi, cette liste de trois mots : Mélodie – Gloucester – Pégase. Si personne ne les prononce, alors TOUT IRA BIEN. Et comment quelqu’un pourrait-il prononcer trois mots aussi bien choisis, avec tant de soin, tant de ruse ?







À vrai dire, Merricat, choisissant ces trois mots, n’est pas vraiment rassurée – et si elle s’y livre avec autant d’attention, c’est justement parce qu’elle devine qu’il va se produire… quelque chose.







Quelque chose de fatal à l’heureuse utopie du château.







UNE MENACE (DE PLUS)







Un jour, quelqu’un toque à la porte. Pas l’une de ces bonnes femmes du village venant chercher dans la demeure Blackwood une excitation supposée épicer leur morne quotidien de quidams, quelqu’un de bien plus inquiétant pour Mary Katherine – le cousin Charles…







Issu d’une autre branche des Blackwood, qui avait rompu avec la « château » suite au drame (il n’y a pas que les villageois du coin qui ne veulent pas avoir affaire avec Constance – les barrières sont multiples), le cousin Charles apparaît très tôt comme un sale bonhomme ; ceci étant, c’est Mary Katherine notre narratrice, elle a… un point de vue un peu biaisé ? À l’en croire, et après tout nous n’avons pas forcément le choix, Charles a très vite cherché à (re ?) nouer des liens avec Constance, comprenant très bien que la partie était d’emblée mal engagée avec Merricat. Il s’en accommode – et son comportement évolue, toujours plus autoritaire, cruel même, parfois…







C'est que Charles a une idée derrière la tête, dans le récit de Mary Katherine : c’est l’or des Blackwood qui l’intéresse – on dit que les défunts avaient accumulé une coquette fortune… Et il faut bien que Constance pioche de l’argent quelque part, pour que Mary Katherine puisse payer les courses… En fait, à ce stade, cette dernière nous avait déjà confié qu’elle avait enterré de l’argent çà et là, pour protéger le manoir.







Charles, quoi qu’il en soit, est obsédé par cette fortune. Individu cupide, égoïste et mesquin, il peut tromper Constance, mais pas Mary Katherine.







Il en résultera un nouveau drame.







Et ce sera la faute de Charles, hein !







Pas de Mary Katherine.







AMBIGUÏTÉS À LA PELLE







On met ici la balise SPOILERS ?







Au cas où ?







Allez.







Bon, le truc de base, vous le savez déjà : c’est bien la petite Mary Katherine, douze ans alors, qui est la responsable de l’empoisonnement – pas le moins du monde Constance… laquelle savait toutefois très bien ce qu’il était depuis le début, si elle ne le confesse que bien tardivement à sa meurtrière de sœur. Le premier paragraphe du roman, aussi ouvertement « non fiable », nous assure peu ou prou cette « révélation », qui n’en est du coup pas une.







Et cela n’a rien d’un problème, car l’essentiel se joue sans doute ailleurs – tout en impliquant à nouveau ce procédé primordial de la narratrice non fiable, qui subvertit subtilement toutes les « informations » contenues dans le roman, au point de rendre le lecteur bientôt paranoïaque.







Comme dit plus haut, le premier paragraphe du roman s’avère très vite un mensonge sur un point qui n’est probablement pas tout à fait un détail (du moins, c’est ce que je suppose, mais je pars peut-être déjà en vrille) : outre sa sœur Constance, un autre membre de la famille de Merricat a survécu – à savoir l’oncle Julian… qui aurait dû être une victime, du coup. Cette première incohérence incite très vite le lecteur (en tout cas le Nébal) à scruter les détails du récit de Mary Katherine pour la prendre en faute. Et cela peut arriver à plusieurs reprises, très régulièrement en fait.







Mais le plus important, dans ce registre qui est effectivement aussi celui du Tour d’écrou, c’est une ambiguïté fondamentale, que le lecteur perçoit mais subit, et qui est à même de l’inciter aux plus déments des fantasmes sur la base de la narration non fiable – éventuellement au point de s’interroger sur la dimension fantastique du récit : Merricat, après tout, ne tarit pas de commentaires sur ses rituels magiques – ou sur son anticipation de la venue de Charles, même si, dans ce dernier cas, nous sommes particulièrement incités à y voir une manipulation narrative (et à deux niveaux, bien sûr, avec Shirley Jackson qui s’amuse derrière Mary Katherine).







L’ambiguïté du cas de Julian, par ailleurs, m’a fait envisager un temps la possibilité qu’il soit bel et bien mort – une ambiguïté éventuellement étendue à l’ensemble de la petite famille : ne seraient-ils pas tous morts, en fait, comme dans, mettons, Les Autres, d’Alejandro Amenábar (film fantastique qui emprunte d’ailleurs beaucoup au Tour d’écrou) ? Nous parlons ici d’un roman de l’auteur de Maison hantée… Et le titre même du présent livre nous y incite peut-être.







Cette référence en entraîne éventuellement une autre – via le film de Robert Wise, le cas échéant. Et si Merricat était la seule à être restée en vie, qui se serait construit un univers fantasmatique de compagnons survivants pour gérer tel ou tel trauma… quitte à incarner elle-même tous les rôles ? Le roman de Shirley Jackson date de 1962, mais Psychose, de Robert Bloch, était paru en 1959, et avait été adapté par Hitchcock en 1960 – bien évidemment, je ne parle pas ici d’influence, plutôt de quelque chose dans l’air du temps…







Vous savez quoi ? Oui, vous le savez – je parle d’autant moins d’une éventuelle influence que toutes ces hypothèses… sont fausses. Nul fantastique ici, au-delà de l’ambiance. Et la psychose façon Norman Bates, à base de trouble de la personnalité multiple, n’est pas non plus de rigueur. Qu’importe : l’ambiguïté reste savoureuse, un bel outil pour captiver le lecteur et l’impliquer dans l’histoire – et, si l’on n’y trouve rien d’aussi excessif que le cas de Norman Bates, les pathologies mentales sont bien au cœur du récit, associées à un malaise permanent.







FIGURES DU MALAISE ET DE LA NÉVROSE







C’est sans doute ce qui prime, en définitive – cette folie sous-jacente, qui peut s’exprimer de manière brutale ou insidieuse, mais toujours au prisme du malaise. Cette « petite folle de Merricat », à tout prendre, même si elle a pour fonction première de biaiser le récit, et ce en adoptant un comportement, ou du moins un discours, véritablement fou, si tant est que cela veuille dire quelque chose, laisse pourtant du champ pour que s’exprime la souffrance qui caractérise le quotidien de sa sœur Constance depuis l’empoisonnement, et sa faiblesse psychique qui en résulte. L’oncle Julian aussi y passe – dont le traumatisme n’a jamais été évacué, même au fil de ses notes où la catharsis n’opère pas, et peut-être du fait d’une certaine complaisance de sa part à sans cesse revivre le drame. Une vraie famille de dingues.







Tous trois, pour se protéger, mettent donc en place des rituels de divers ordres – et d’une efficacité à peu près aussi douteuse les uns que les autres. En fait, ces rituels sont peut-être les plus éloquents témoignages de la douleur qui suinte sous les protestations de bonheur domestique les plus invraisemblables. En tant que tels, ils participent de cet étouffant malaise qui s’exprime à chaque page de Nous avons toujours vécu au château.







Mais ce malaise s’exprime aussi au-delà de la psyché torturée de ses protagonistes – il acquiert une dimension sociale, dans les relations malsaines des survivants Blackwood avec l’extérieur, ce Village sauf erreur anonyme, dont l’abstraction même a quelque chose de menaçant dans ce qu'elle laisse supposer d'universalité.







Le roman de Shirley Jackson ne manque pas de scènes terribles, imprégnées d’une tension redoutable autant que captivante – mais les scènes les plus effroyables résident bien dans cette confrontation de deux mondes séparés par une barrière peu ou prou infranchissable, mais pas forcément bien certains de qui l’a construite au juste.







Cela peut se faire sur un mode presque humoristique, ainsi dans la scène du thé où Julian décrit par le menu la journée fatidique, six ans plus tôt, à deux voisines qui jouent à se faire peur – la plus forte et/ou perverse n’étant pas celle que l’on croit.







Mais cela peut aussi emprunter des atours plus terribles, insupportables même : j’ai déjà évoqué Mary Katherine faisant ses courses dans la communauté hostile et impudique, mais l’incendie du château et le pillage qui s’ensuit sont du même ordre. En fait, les remords exprimés ensuite par les villageois ne rendent cette scène que plus terrible encore – cérémonie païenne à laquelle se livrent des gosses mal élevés, jamais aussi heureux que quand ils cassent en toute impunité les jouets des autres, avec une méchanceté gratuite typique de ces lynchages au nom du bon droit et de la morale.







Leur puérilité mesquine vaut bien la cupidité hypocrite du cousin Charles : l’humanité ne so
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Nous avons toujours vécu au château

Au village, personne ne les aime. Ils vivent dans une grande demeure à l'écart. Nul ne vient jamais les voir, hormis une deux amies, car ils ne sont pas les bienvenue chez eux. Dans cette grande bâtisse vit un vieil homme sénile handicapée et ses deux filles.

Au cours du roman, on apprend qu'une tragédie s'est produite. Accusé de meurtre, mais finalement acquitté, le vieillard perd la raison. Ainsi on comprend mieux pourquoi les villageois les évite comme la peste.

Bon, alors, en voyant les notes et les critiques élogieuses, je me suis jeter sur ce livre. J'ai vite déchanté. Il est vrai qu'il est bien écrit, que l'atmosphère est pesante. Mais ! Mais, ce n'est pas mon style littéraire. Personnellement, je préfère quand ça bouge d'avantage ou alors que le Fantastique soit présent. Ici, la place du Fantastique est quasi nul.

Au lieu de voir les qualités de ce titre, je m'obstine à ne voir que les défauts. Même s'il est court, j'ai énormément de mal à lire, tant que l'histoire ne m'intéresse guère.

Bref, ce livre n'est pas fait pour moi.

La narration se fait à la première personne, un style que je déteste.

L'action se passe majoritairement dans la demeure et autour entre les trois personnages jusqu'à l'arrivée d'un cousin. Une tension se forme entre l'homme et la narratrice – la cadette –, mais une sympathie avec l'aînée. J'aime bien quand elle parle de différents styles de poisons pour énerver l'arrivant. Avant qu'il arrive, tout était coordonée, un jour pour le nettoyage, deux jours pour les courses en ville, un type de raps le tel jour, bref, que du trépident.

Je termine sur une énorme déception, moi qui espérait lire quelque chose de surnaturel.

S'il devait en retenir une chose positive, ce serait la belle histoire d'amitié entre les deux sœurs.
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