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Critiques de Shirley Jackson (336)
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Nous avons toujours vécu au château

Un mystère entoure la famille Blackwood.

Pourquoi les trois membres qui la composent vivent-ils retirés du monde ? Pourquoi Mary Katherine, la plus jeune, est-elle la seule à s'aventurer dans le village pour acheter des provisions et emprunter des livres à la bibliothèque ? Pourquoi les habitants du village détestent-ils tant les Blackwood, en particulier Constance, la sœur de Mary Katherine ? Pourquoi la demeure des Blackwood a-t-elle besoin d'autant de protections contre les intrusions ?



Petit à petit, Shirley Jackson développe ses personnages et son intrigue, afin d'apporter une réponse (parfois indirecte) à certaines de ces questions. Le tout dans un récit obsessionnel, glaçant et inquiétant.

J'ai beaucoup aimé les trois personnages principaux de ce classique de la littérature gothique : ils sont attachants malgré (ou peut-être du fait de) leurs défauts. Mary Katherine, en particulier, est très débrouillarde et résiliente : c'est elle qui protège de sa grande sœur plutôt que l'inverse.

L'intrigue en elle-même est assez "plate" et il ne se passe pas grand chose hors de la description de la vie de tous les jours des trois Blackwood. Seuls l'arrivée d'un visiteur imprévu et un incident (à la fin du récit) apportent un peu de rythme à l'histoire.

Malgré tout, ce roman reste une lecture rapide et agréable, aussi obsédante que les talismans de Mary Katherine.
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Hantise (La maison hantée)

Il y a du roman gothique dans cette sombre histoire d'une expérience proposée par le Dr Montague à deux participantes, Eléonore et Théodora, censées posséder des pouvoirs psychiques, en plus du propriétaire, Luke, de sonder les manifestations étranges d'Hill House, maison au passé trouble. Parce que, plus encore que ces quatre personnages qui vont découvrir progressivement les manifestations dont il est en effet question, c’est la maison, son aspect labyrinthique et oppressant, son extérieur tout aussi inquiétant, qui est le véritable personnage du roman.



Par l’intermédiaire principalement d’Eléonore, dans la présence d’un étrange point de vue narratif – elle a tout de la première personne mais utilise la troisième –, nous assistons en effet à la prise de pouvoir du bâtiment sur les hommes, de manière d’abord subtile, puis de plus en plus éprouvante, pour nous mener à un dénouement finalement attendu, indéniablement préparé dès les premières pages.



Contente d'avoir enfin pris le temps de découvrir ce roman, même si je ne pense pas en garder un souvenir impérissable.
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Hantise (La maison hantée)

Hantise/La maison hantée fait partie de ces romans cultes qu'il est difficile d'appréhender d'un œil neuf. La maison hantée est après tout devenue un trope du genre horrifique sur tous les supports possibles. Et ce roman de Shirley Jackson est facilement consacré comme une oeuvre fondatrice de ce type de littérature. Mais sans plus tarder, qu'en ai-je pensé ?



J'ai été agréablement surprise par ce roman, que j'attendais comme assez convenu ou simplet. Je n'accroche pas aux romans d'horreur trop directs et gores qui ne construisent pas vraiment d'ambiance. Mais avec Shirley Jackson, c'est tout le contraire. Elle a une plume précise et évocatrice, qui offre à sa maison hantée une aura somme toute particulière. C'est simple, la maison est traitée comme un personnage à part entière, parfois de manière très littérale. Eleanor, notre narratrice, la compare rapidement à un visage malveillant, pire malsain.



Hill House semble fortement inspirée de la maison construite par Sarah Winchester, aberration architecturale soi-disant bâtie sur l'ordre des victimes de son défunt mari, vendeur d'armes, pour expier les pêchés de ce dernier. On y retrouve l'idée d'une demeure vaste et sombre, construite pour volontairement perdre les habitants. La maison bénéficie bien sûr d'un passé violent et obscur, entre secrets de famille et décès tragiques. Mme Dudley, la domestique en charge de s'occuper de l'endroit pendant la journée, se contente de répéter la même phrase comme un jouet cassé... Et ce n'est que l'un des multiples éléments qui installent cette atmosphère saisissante.



Les scènes de hantise sont d'une grande intensité. Du moins elles l'ont été pour moi qui suis facilement impressionnable. Le récit choisit de construire la menace souvent autour du bruit, nous avons donc de longs passages où l'autrice prend le temps de décrire des bruits nocturnes malsains, coups contre les portes, choses qui semblent glisser dans les couloirs, murmures gutturaux dans la nuit... (je frémis en écrivant ces lignes). La précision de l'écrit permet de nous les imaginer sans peine.



Nous suivons de plus les événements du point d'un personnage des plus fragiles. Eleanor est une jeune femme qui a été associée à événements paranormaux dans sa jeunesse, d'où son invitation à passer quelques jours à Hill House pour aider le Docteur Montague dans ses recherches. La jeune femme a vécu dans un grand dénuement, dévouée pendant plus de dix ans à sa mère gravement malade et sûrement envahissante et abusive. HIll House représente la première fois de sa vie où elle peut faire preuve d'indépendance et se sent acceptée dans un cercle, ce qui la rend assez rapidement dépendante affective des autres personnes qui l'entourent mais aussi de la maison elle-même.



Eleanor se montre donc souvent instable et est la plus sensible à l'aura malsaine de la maison, et suivre ses pensées s'avère parfois éprouvant. Elle forme un contraste saisissant avec Théo, une autre membre invitée par le Docteur Montague pour son intuition infaillible. Théo est un personnage également complexe qui semble constamment jouer un rôle. Il est difficile de répondre de ses sentiments réels envers Eleanor ou envers quelque autre personnage. Les deux derniers étant le Docteur Montague, éminent scientifique souhaitant étudier le paranormal, qui servira souvent de pilier rationnel, et Luke. Luke est un peu particulier car il est héritier de la maison, il aime le brandy et les bons mots.



L'ensemble forme un casting qui se révèle assez intéressant. C'est aussi un huis-clos psychologique assez bien construit en sus du roman d'horreur qu'on attendait. Les dialogues sont alors très bien écrits, notamment dans les moments où la maison est particulièrement taquine. Ils se lancent régulièrement dans des joutes verbales savoureuses pour tenter de surmonter leur terreur sous-jacente.



Pour moi, c'est une très bonne lecture qui surprend. Elle contient tous les éléments de la maison hantée traditionnelle mais avec une finesse psychologique bienvenue et une écriture souvent magistrale. Le roman est vraiment parvenu à me faire peur et à redouter la nuit. C'est donc un roman classique à lire pour les fans d'horreur qui font plus dans la subtilité que dans le gore tapageur.








Lien : https://lageekosophe.com/
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Nous avons toujours vécu au château

Nous avons toujours vécu au château



Nous sommes bien désolées, moi et ma conscience, de ne pas avoir lu cette pépito-classique du roman gothique avant !



Mon avis:

Les codes du roman gothique sont tous présents, mais présentés différemment: la jeune fille en détresse ne cherche pas le refuge chez un beau jeune homme venu la sauver sur son noble destrier, la demeure immense -ici un "château"- abrite la famille au lieu d'être inquiétant. Alors d'où vient le malaise ?

La famille est riche, à l'abri du besoin. Mais l'on apprend très vite qu'une tragédie a eu raison de presque tous les membres de la famille. Pourquoi ? Dans quelles conditions ?



La plume de Shirley Jackson instille malicieusement le doute et l'inquiétude au fur et à mesure des pages, nous ballottant entre empathie et frayeur... jusqu'à nous saisir les tripes là où on s'y attendait le moins.



Merveilleux !
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Nous avons toujours vécu au château

Il est bizarre ce petit livre que je n'arrive pas vraiment à classer dans un genre spécifique; littérature d'ambiance peut-être. Car tout est flou, la frontière entre réalité et fiction entre autres mais pas uniquement. Car qui sont vraiment ces personnages? Mais est-ce si important après tout? Parce que la relation entre Constance et Merrycat illumine l'histoire, transcende la méchanceté des villageois, les visées hégémoniques du cousin et la condescendance des supposés amis. L'écriture a quelque chose d'aérien, donne un ton qui révèle tellement bien la connivence entre les deux sœurs que le lecteur devient emporté par cette vague de complicité en dépit des aléas d'évènements moins heureux. Le rôle de l'oncle n'est pas anodin non plus et sert d'ancrage à cette mystérieuse cohabitation. En somme un livre intrigant, très original, que j'ai savouré de A à Z.

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Nous avons toujours vécu au château

Une chose est sûre : au village, on n'aime pas les Blackwood. On les haït même, Mary Katherine et Constance, ces deux sœurs qui vivent recluses avec leur vieil oncle infirme et acariâtre depuis la disparition tragique de tous leurs proches. Les rumeurs vont bon train, prétendant la maison hantée et l'aînée empoisonneuse. Retranchée dans son manoir, la famille Blackwood semble bien être maudite, après avoir affiché une splendeur incongrue. Et si l'on gratte un peu la surface, le passé des jeunes femmes est fort trouble. Bref, il ne fait pas bon déguster les mûres du jardin, chez les Blackwood, surtout quand elles sont sucrées à l'arsenic.



Petit bijou d'humour noir, Nous avons toujours vécu au château, le chef-d’œuvre de l'auteure américaine Shirley Jackson est l'un des classiques du genre. Elle développe, dans ce roman paru en 1962 mais qui n'a pas pris la moindre ride, un talent exceptionnel pour le thriller, à mi-chemin entre le gothique et la chronique du secret familial. Partant d'une thématique presque banale - une femme élève avec bienveillance sa jeune sœur suite au décès tragique de leurs parents, Shirley Jackson distille au détour d'une phrase des vérités inquiétantes et brode sur un rythme obsédant les doutes démoniaques et les angoisses d'un lecteur qui ne sait jamais sur quel pied danser.



Même sans être adepte du genre, on est forcé de reconnaître le talent ... il faut donc se laisser tenter. Et pourquoi pas prolonger la découverte avec la lecture du très subtil Indésirable de Sarah Waters ou encore du terrifiant Le Blanc va aux sorcières d'Helen Oyeyemi mais là il vaut mieux avoir le coeur bien accroché.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Hantise (La maison hantée)

The Haunting of Hill House, ou La Maison hantée, publié en 1959, est un roman d'horreur psychologique considéré par beaucoup, y compris Stephen King, comme l'un des meilleurs du genre. Le King en dira même qu'il est "le meilleur roman fantastique des cent dernières années".

Classique ayant été adapté plusieurs fois au cinéma, puis à la télévision, avec plus ou moins de bonheur, d'ailleurs.

Tous les ingrédients sont réunis pour nous faire frissonner, l'immense demeure (Hill House, un manoir), des rumeurs et histoires étranges qui circulent, des morts, qui eux ne circulent plus, etc.

Le docteur John Montague, veut y mener une expérience scientifique, mené par sa passion pour le paranormal. Il y invite donc à y passer l'été, quelques personnes plus ou moins déjà expérimentées. Seules d'entre elles accepteront. Eleanor et Theodora. Luke Sanderson, jeune héritier du manoir sera également présent.

On plonge très vite dans le récit, le docteur relatant l'histoire de la demeure et tous les élements s'y rattachant. Nous voilà donc dans l'ambiance dès le début, et c'est appréciable. Les habitants du village craignent le manoir et les propriétaires ne l'habitent pas. L'auteure n'a pas été avare en description des alentours, et le cadre apparemment idyllique, entre collines et ruisseau, n'est pas juste là pour faire du remplissage, mais vous le verrez très vite à la lecture.

Ce n'est pas un roman qui nous fera sursauter au détour de chaque page par des apparitions saugrenues (ou pas) ou des esprits frappeurs. Non, là, Shirley Jackson joue avec nos nerfs autant qu'avec ceux des personnages, et s'engouffre dans la brèche de leurs névroses... ah elle est forte, hein.

Un roman qui nous embarque et ne nous laisse pas vraiment en sortir. Il marque les mémoires.
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Nous avons toujours vécu au château

Mary Katherine Blackwood, dix-huit ans, vit avec sa soeur Constance et leur oncle Julian dans leur grande maison de famille. Détestées de tout le village, les deux soeurs vivent comme des recluses dans leur propriété entourée de barbelés. Cela fait six ans que leurs parents, leur frère et leur tante sont morts empoisonnés par du sucre à l’arsenic lors d’un repas de famille. Constance avait préparé le repas et s’était empressée de nettoyer le sucrier avant l’arrivée de la police. Elle avait donc été soupçonnée puis finalement acquittée. Mary Katherine n’avait pas participé au repas, car elle était une fois de plus punie dans sa chambre. Quant à l’oncle Julian, il a miraculeusement survécu bien que lourdement handicapé. Depuis il perd la mémoire et tente de fixer ses souvenirs dans un livre qu’il écrit sur cette tragédie. Constance ne sort plus jamais de la propriété familiale. Seule Mary Katherine se rend encore au village deux fois par semaine pour y faire des courses et y emprunter des livres à la bibliothèque. Elle y affronte courageusement la méchanceté des villageois et les moqueries des enfants. Mais l’arrivée d’un cousin va menacer cet équilibre déjà fragile…



Quel étrange roman ! Il entraîne le lecteur dans un monde incertain. Peut-on se fier à la narratrice ? Est-elle folle ? A-t-elle assassiné sa famille pour se venger d’avoir été punie ? Est-elle victime de la tragédie familiale et de la jalousie des villageois ? Est-elle même vivante ? L’oncle Julian prétend qu’elle est morte à l’orphelinat pendant le procès de sa soeur. Mais l’oncle Julian n’a plus toute sa tête. Lui-même demande régulièrement si la tragédie a réellement eu lieu. Que penser de Constance qui couve Mary Katherine comme une enfant mais ne s’aventure jamais hors des limites du jardin ? Et que dire de ce cousin qui semble très intéressé par la fortune familiale ? Le roman de Shirley Jackson se lit dans l’inquiétude. Il nous plonge dans une atmosphère de terreurs enfantines et de rituels magiques, brouillant la frontière entre imaginaire et réalité. Si certaines réponses sont finalement apportées, le mystère ne se résout jamais totalement. On referme le livre comme on se réveille à la lisière du rêve. Ce n’est pas à proprement parler un roman fantastique, mais c’est un fantastique roman.

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La loterie et autres contes noirs

Contes de faits

Attention chef d’œuvre !

Je ne connaissais ni le livre ni l’auteur. Comme bien souvent, c’est la couverture qui m’a attirée, et l’édition dans la collection « noir » de Rivages a achevé de me convaincre.

Ces nouvelles, publiées en 1949 sont intemporelles et d’une cruauté inouïe.

Rien de fantastique ni de surnaturel (sauf pour « A la maison ») : de simples faits, des observations, des gens ordinaires menant leur vie ordinaire dans de petites villes ordinaires… En surface, tout va bien, tout se déroule « normalement »… Et puis le tableau se fissure, un petit détail, et tout vole en éclats.

C’est brillant.

Noir, noir, noir… mais brillant.



À noter la postface passionnante « Shirley Jackson, la métaphysique de l’angoisse » écrite par Myles Hyman, le petit-fils de l’auteure, qui signe également la couverture hypnotique.

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Hantise (La maison hantée)

Un grand classique de l'épouvante que j'avais envie de lire depuis longtemps! Je connaissais déjà l'histoire pour avoir vu plusieurs adaptations cinématographiques. J'ai tout de même été étonnée par la fin, qui diffère de celles que je connaissais. J'ai aussi été surprise de découvrir toute la finesse de l'écriture, notamment en ce qui concerne les caractères des personnages. J'ai beaucoup aimé les dialogues, à la fois drôles et intelligents, et presque lyriques par moment. L'ambiance est vraiment maîtrisée.



C'est un thriller psychologique autant que surnaturel, puisque ce sont les personnalités des protagonistes et les relations qu'ils développent qui forment vraiment le noeud de l'intrigue. Très peu d'explications sont données sur les phénomènes paranormaux dont ils font l'expérience. Maison hantée, manifestations parapsychiques ou lieu métaphorique? Le mystère de Hill House demeure complet, et c'est pour ça que Shirley Jackson demeure la reine incontestée du néo-gothique!
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Nous avons toujours vécu au château

Il n'est pas aisé de faire la chronique d'un livre comme celui-ci !

Je suis d'habitude le lecteur type pour ce genre de roman un peu tordu, je ne boude pas mon plaisir lorsqu'il s'agît de me glisser sous un escalier pour accompagner les pensées d'un fou ("Méchant garçon"), suivre les aventures d'un adolescent dans une cité imaginaire ("L'autre rive"), un monde effrayant ("Le livre des choses perdues"), ou la forêt des premiers âges ("L'homme qui savait la langue des serpents").

J'ai toujours pensé que cette littérature là - en plus d'offrir de la fantaisie - se permettait comme nulle autre d'ouvrir des portes sur des visions inédites et originales, dont on ne perçoit que le pâle reflet au bord de nos routes balisées et rassurantes.



Sur le principe, donc, cette histoire d'une riche famille recluse dans son immense propriété, contrainte de vivre avec le poids d'un drame passé, avait tout pour me plaire.



Je recommande malgré tout ce livre pour son originalité et peut-être que la plupart des futurs lecteurs ne peineront pas comme j'ai peiné à suivre le récit, enfermé que j'étais dans la pensée lisse et angoissante de la narratrice. Franchement, être dans la tête de cette Mary Blackwood est un calvaire, dont la route est ponctuée de pensées sirupeuses, dégoulinantes d'amour, et de rituels absurdes et infantiles.

Aborder l'histoire au travers du point de vue de cette gamine à qui "il manque un quart d'heure de cuisson" m'a heurté dans mon plaisir, m'a obligé à sans cesse couper dans les longueurs de pages. Et pourtant, le récit est relativement court, c'est plutôt bien écrit, et l'histoire est intéressante.



C'est peut-être là, finalement, ou madame Jackson a bien réussi son coup. Faire d'une bonne histoire un récit malaisant parce qu'il nous est conté par un personnage déglingué.

Ça a parfaitement fonctionné. Mais ce fut un peu pénible.
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Hangsaman

Nous sommes dans l'Amérique des années 50. Natalie, la narratrice, est une jeune fille de dix-sept ans en passe de faire son entrée à l'université. Lors d'un cocktail donné au domicile familial, elle va vivre un évènement traumatisant, dont elle s'évertuera à nier l'existence. Une fois à l'université, elle a bien du mal à trouver sa place et à se lier d'amitié avec d'autres étudiants. Ses questionnements récurrents et sa quête d'identité vont égarer le lecteur dans les méandres de son esprit confus.

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Le début du récit se concentre sur l'existence de Natalie au sein de sa famille, avant son départ pour l'université. Une famille patriarcale plutôt désunie, même si, d'un point de vue extérieur, rien ne semble transparaître. J'ai ressenti une certaine passivité de Natalie vis-à-vis de son entourage. Sa mère n'a de cesse de se plaindre auprès d'elle de sujets qui la rendent malheureuse, le mariage en général, son mari en particulier. Un mari écrivain, condescendant et narcissique, qui ne fait aucun cas de l'opinion des autres. Alors, comme une échappatoire, Natalie remplit ses cahiers d'histoires, en s'inspirant de son quotidien. Des écrits qui, chaque jour, sont soumis à l'approbation paternelle, seul maître et juge en la matière.

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Une première partie déjà déstabilisante, où Natalie s'échappe de sa réalité grâce à l'imaginaire. Un imaginaire fantasmé qui peut survenir à des moments inattendus, au détour d'une conversation.

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La partie consacrée à l'université est celle que j'ai trouvé le plus intéressante. A la figure du père se substitue celle du professeur de littérature, Langdon, tout aussi égocentrique. Et à la figure de la mère, celle de l'épouse de Langdon, tout aussi malheureuse en ménage. J'ai beaucoup aimé la description du milieu universitaire à cette époque. Ici, un milieu plutôt littéraire et féminin, où la compétition sociale est rude. Mal à l'aise, plutôt introvertie, Natalie ne sait quelle attitude adopter ni comment s'intégrer parmi ces jeunes femmes, dont certaines sont particulièrement opportunistes et superficielles.

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Sous le poids de cette situation oppressante, la tension monte, jusqu'à l'arrivée de Tony, une étudiante hors des clous et affirmée, qui va entraîner Natalie dans son sillage. Une cassure dans le ton, un changement qui s'opère, une ambivalence qui peut s'avérer effrayante pour le lecteur.

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Hangsaman est un roman obsédant, qu'il est difficile de placer dans un genre en particulier. Si j'ai beaucoup aimé cette histoire, elle m'a plongée toutefois dans une certaine perplexité, car je n'ai pas vraiment ressenti d'émotions lors de ma lecture. Ce voyage dans la tête de Natalie n'est cependant pas dépourvu d'intérêt et l'écriture de Shirley Jackson y est pour beaucoup.

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Ma chronique complète est sur le blog.
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Nous avons toujours vécu au château

Un petit bijou ! J'ai tout aimé dans ce roman, la manière de brosser les personnages et leurs relations, la façon de ménager le mystère d'une part (sur l'assassinat de la famille) et le suspens de l'autre (quand l'oncle avide va-t-il sortir du bois ? ) et surtout l'originalité dans le ton avec cette narratrice aussi merveilleuse que vaguement inquiétante, petite folle de Merricat !



Du grand art, balancé sans prétention et même avec une certaine modestie. Tout à fait de son temps dans le traitement et la thématique (l'Amérique du début des années 60, on imagine une adaptation cinématographique qui lorgnerait vers La nuit du chasseur)) et pourtant universel. J'adhère, mieux, je ressens une profonde reconnaissance à l'endroit de Shirley Jackson et une vive admiration pour son travail ! Merci.
Lien : https://www.tristan-pichard...
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La loterie et autres contes noirs

Je me souviens encore d'une nouvelle de Stephen King, L'Homme Qui Aimait Les Fleurs, que l'on peut lire dans son premier recueil, Danse Macabre (J'ai Lu 1980) où l'on suit un jeune homme arpentant les rues de New York, un bouquet de fleur à la main, à la recherche de sa bien-aimée. Une scène charmante d'un personnage transit d'amour jusqu'à l’instant où tout se disloque. A bien des égards on peut mesurer avec ce récit toute l'influence de la romancière américaine Shirley Jackson dont les romans et autres nouvelles, oscillant entre le gothique et le fantastique, prennent pour cadre des scènes de vie presque banals d'individus que l'on va conduire jusqu'au point de rupture sans employer le moindre élément surnaturelle. Outre Stephen King, ce sont de grands auteurs de la littérature fantastique comme Richard Matheson, Neil Gaiman ou plus récemment la romancière Jamey Bradbury qui évoquent l'œuvre de Shirley Jackson comme source d’inspiration et plus particulièrement cette capacité de distiller l'horreur dans la névrose, la paranoïa et les fantasmes que génèrent ses personnages se débattant dans leur quotidien d’apparence idyllique qui bascule insidieusement dans un climat de terreur. Parmi les romans rédigés sur ce schéma narratif, deux d’entre eux sont considérée comme des classiques du genre de l’épouvante. Il s’agit de Nous Avons Toujours Habité Le Château (Rivages/Noir 2012) et de La Maison Hantée (Rivages/Noir 2016) qui ont bénéficié d’une nouvelle traduction assez récente. Dans ce domaine de réactualisation des textes de la romancière, les éditions Rivages proposent donc un recueil de treize nouvelles parmi lesquelles figure La Loterie qui a contribué à la renommée de Shirley Jackson tant le texte a suscité la polémique lorsqu’il a été publié en 1948 dans la revue The New Yorker.



La Loterie : Tout les habitants se rassemblent sur la place du village. Le tirage de la loterie va bientôt débuter. Qui sera l’heureux gagnant ?



La possibilité du mal : Miss Strangeworth aime cultiver ses roses dont elle est très fière et envoyer quelques lettres anonymes bien senties à l’intention de son voisinage.



Louisa, je t’en prie, reviens à la maison : Louisa a été enlevée. S’agit-il d’une fugue ou d’une disparition. Et quelle sera la réaction de sa famille lorsqu’elle reviendra ?



Paranoïa : Mr Beresfort est suivi par un homme coiffé d’un chapeau qui semble surgir de nulle part en bénéficiant de la complicité de tous les new-yorkais.



La lune de miel de Mrs Smith : Mrs Smith vient de se marier. Mais son entourage l’encourage à se méfier de cet homme plutôt grossier dont elle ne sait finalement pas grand-chose.



L'apprenti sorcier : Miss Matt, professeur d'anglais, est au prise avec une petite voisine tout simplement détestable.



Le bon samaritain : Qui est ce brave homme qui vient au secours d’une jeune femme avinée étendue dans la rue ?



Elle a seulement dit oui : La jeune Vicky vient de perdre ses parents. La nouvelle ne semble pas l’ébranler. Il faut dire que la fillette semble disposer de quelques dons inquiétants lui permettant de prédire les sorts funestes qui vont s'abattre sur son entourage.



Quelle idée : Margaret s’aperçoit avec effroi qu’elle ne supporte plus son mari. Elle regarde avec envie le cendrier posé sur la petite table du salon.



Trésors de famille : Une jeune étudiante sème le chaos en volant les effets personnels de ses camarades de chambrée.



La bonne épouse : Mr Benjamin ne supporte pas les infidlités de sa femme qui se retrouve confinée dans sa chambre. Mais pourquoi persiste-t-elle à nier l’évidence ?



A la maison : Ethel Sloane devrait écouter les habitants du village et ne pas emprunter la vieille route des Sanderson.



Les vacanciers : Pour la première fois, les Allison ont décidé de prolonger leur séjour dans leur chalet de vacances. Une bien mauvaise idée.



Si le roman La Maison Hantée a bénéficié de plusieurs adaptations cinématographiques dont la fameuse version de Robert Wise (La Maison Du Diable, Metro-Goldwin-Meyer 1963) et d’une production plus récente diffusée par Netflix qui reprend le titre d’origine The Hauting Of Hill House, la nouvelle La Loterie a la particularité d’avoir été adaptée en version BD par Miles Hyman, qui n’est autre que le petit-fils de la romancière. Outre l’une de ses illustrations ornant la couverture du présent recueil, Miles Hyman apporte un éclairage particulièrement intéressant sur l'ensemble de l'oeuvre de Shirley Jackson avec une postface extrêmement complète faisant figure d'essai.



A la différence des abonnés du New Yorker de l'époque, le lecteur d'aujourd'hui, pour un peu qu'il soit coutumier du genre, s'attendra probablement avec La Loterie à un effet de surprise qui pourra en atténuer l'impact. Cependant on peut prendre le pari que la chute de l'histoire aura tout de même de quoi le surprendre voire même de le choquer comme ça été le cas lors de sa parution. Il faut dire que Shirley Jackson s'emploie à instiller l'horreur au détour de scènes anodines, terriblement paisibles qui prennent soudainement une toute autre perspective à la lumière de conclusions abruptes qui vous glacent soudainement d'effroi. Ainsi le cadre bucolique dans lequel évolue Les Vacanciers ainsi que les villageois de La Loterie prend une toute autre apparence lorsque le rideau tombe pour laisser place, derrière ces masques de convenance, à la terrifiante réalité de l'environnement dans laquelle évolue l'ensemble des protagonistes. Il y a bien évidemment ce sentiment de malaise que l'on retrouve tout au long des nouvelles qui restituent les névroses de personnages angoissés qui font écho à l'anxiété dont la romancière semble avoir souffert tout au long de sa vie. Mais des nouvelles comme Paranoïa ou Quelle Idée sont également le reflet du mal-être plus général d'une Amérique puritaine, terrorisée par la menace communiste, tandis que la politique ségrégationniste à l'égard des afro-américains atteint son point culminant.



A l'exception de quelques apparitions étranges que l'on trouve dans A La Maison, le recueil de nouvelles La Loterie et autres contes noirs est donc dépourvu d'éléments surnaturels puisque c'est au détour de la méfiance, du doute et de l'anxiété de ses personnages, tout en captant le climat social anxiogène de son époque, que la romancière parvient à troubler le lecteur qui encaisse doucement, presque l'air de rien, les affres de ces récits aussi effroyables que bouleversants. Un sublime concentré de noirceur.



Shirley Jackson : La Loterie et autres contes noirs (Dark Tales). Editions Rivages/Noir 2019. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Fabienne Duvignau.



A lire en écoutant : Where The Wild Roses Grow de Nick Cave. Album : Murder Ballads. Mute Records 1996.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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Nous avons toujours vécu au château

Déjà, il y a le cadre pas bien avenant: un manoir-prison dont on ne sait s'il protège ses habitants de la haine des villageois ou les emprisonne dans un tête-à-tête à devenir fou. Ensuite, il y a les personnages dérangeants: Constance, qui n'aime rien moins que cuisiner, sortie innocentée sans conviction du meurtre par empoisonnement de la quasi totalité de sa famille, Mary Katherine qui, outre le lecteur, n'est visiblement pas seule dans sa tête et enfin l'oncle Julian, petit vieux qui a perdu la boule et la santé après avoir réchappé de peu à l'empoisonnement. Vient s'ajouter plus tard Charles, pervers manipulateur et cupide. Un huis clos glaçant. J'admire ces auteurs qui arrivent à pondre des livres où concrètement il ne se passe pas grand chose, si ce n'est un quotidien malaisant, mais qui au final réussissent à me faire passer par toutes sortes d'émotions. Shirley Jackson est la reine à ce jeu-là. Dès la première page, on ressent une tension, une aura étrange et oppressante qui plane, et le crescendo dramatique ne fait que s'amplifier. Liens ambigus entre les personnages, non-dits et...dits mais qui ne veulent pas dire ce que l'on pense (tu suis?), l'autrice s'amuse à piéger son lecteur par sa propre imagination. Qui est victime, qui est coupable dans ce château? Un page-turner crispant où tu n'as pas envie de savoir ce qu'il va se passer ensuite, mais ce qui s'est passé avant!
Lien : https://tsllangues.wordpress..
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Hantise (La maison hantée)

Quel ennui ! Quel dommage ! Ce livre est une farce, une véritable mascarade et je m'étonne que Stephen King le considère comme l'un des meilleurs romans horrifiques qu'il lui ait été donné de lire… J'ai eu beau chercher l'intérêt, je n'ai pas trouvé. A lire les critiques parfois dithyrambiques des autres babelionautes, je me suis demandé si nous avions lu le même livre ou si j'ai lu cette histoire abracadabrantesque les yeux fermés… Même les personnages plaisantent au sujet de cette maison hantée qui ne les hante (presque) pas. Allons, allons… il y a tellement d'autres oeuvres moins connues bien meilleures que celle-ci… Ici, pas d'épouvante ni de frissons, mais uniquement les éclats de rires des protagonistes qui pourraient très bien être au coeur d'une farce, tant les portes claquent pour rien… Ce livre n'aura eu (pour moi) de "hanté" que son titre. A éviter.

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Nous avons toujours vécu au château

Je viens de finir le roman « Nous avons toujours vécu au château » et en tournant la dernière page, j'ai ressenti une vive frustration. Comment être sûre d'avoir bien compris l'histoire ? Et alors, si j'ai bien compris, ça voudrait dire que... ou alors...

Un besoin urgent d'en parler avec quelqu'un qui l'avait lu m'a paru plus qu'important. C'est ainsi que je me suis retrouvée dans ma p'tite librairie préférée à échanger. Et oui, visiblement nous en sommes arrivées à la même conclusion. Mais le plus important de cet échange a été de comprendre que dans le genre dit gothique, il faut accepter la part de mystère et que chacun peut l'appréhender différemment, sans oublier toutefois que le surnaturel et le fantastique font partie du genre.

Alors, une fois que j'avais ma réponse et que je me suis résolue à ma conclusion, j'ai pu apprécier une nouvelle fois toute l'ampleur de ce genre littéraire et tout le charme envoûtant de ce roman.



L'intrigue se passe dans le manoir des Blackwood. Deux sœurs Constance, Merricat et leur oncle y vivent presque recluses du monde suite à un drame arrivé six ans plus tôt. Leur quotidien est décortiqué, il semble banal, on comprend, on comprend plus et pourtant Merricat nous avait prévenus, elle est facétieuse.



L'atmosphère de ce roman m'a charmée et déroutée par son ambiguïté. Il m'a questionnée et j'adore ça. La complicité des deux sœurs est très présente. Elle est un point fort et déterminant de ce roman et c'en est que plus beau et émouvant.

L'écriture classique et désuète m'a faite chavirer. Vous l'aurez compris, un gros coup cœur, pile dans le mille.
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Nous avons toujours vécu au château

Je viens de finir une lecture troublante. "Nous avons toujours vécu au château" est mon premier roman de Shirley Jackson. J'avais adoré le résumé intrigant du livre, qui nous prévoyait une lecture énigmatique, inquiétante, avec une forte influence gothique.



Et le moins que l'on puisse dire, c'est que je n'ai pas été déçu !



Nous sommes dans une demeure ancienne et désertée de ses habitants. Seuls trois membres de la famille Blackwood subsistent. Merricat, 18 ans, notre étrange narratrice, une jeune fille excentrique qui oscille constamment entre candeur juvénile et un machiavélisme troublant. Elle vit avec sa sœur Constance et l'Oncle Julian, confus et handicapé. Le reste de la maisonnée ? Décédé suite à un repas un peu trop généreux en termes d'arsenic. Autant dire que les Blackwood n'ont pas forcément la côte au village et qu'ils veulent une solitude rythmée par des rituels immuables.



Il ne faut s'attendre à du cri ou à du sang dans ce court roman, et c'est là que réside sa puissance. Shirley Jackson instille une ambiance oppressante grâce à une plume ciselée et des personnages à la fois étranges et très attachants. Merricat est une narratrice redoutablement fascinante, qui semble coincée en enfance mais qui en même temps à des tendances plutôt inquiétantes, notamment lorsque sa routine est brisée, ou qu'elle sent un obstacle entre elle et sa sœur aînée. Il est d'ailleurs assez fascinant de voir cet attachement morbide, excessif envers Constance, comme une sororité malsaine.



Quand à Julian, c'est un personnage à la fis comique mais qui participe grandement à l'atmosphère étrange du roman. Il a notamment du mal à distinguer le passé du présent, ce qui le pousse à révéler des éléments étranges qui nous sérieusement reconsidérer la fiabilité de notre chère petite folle de Merricat.



Si l'excentricité de cette dernière nous inquiète, avec sa manie pour la sorcellerie et sa langue bien pendue, l'arrivée du cousin Charles va provoquer un certain nombre d'événements malheureux qui vont sérieusement nous interroger : n'est-ce pas pas finalement l'instinct grégaire des hommes, leurs peurs irrationnelles, leur capacité à la destruction, qui sont la réelle folie ?



Un roman court qui ne plaira pas à tout le monde, car il ne cherche pas à se reposer sur des ressorts sanglants pour faire peur. Il faut se laisser séduire et inquiéter par l'atmosphère étrange et ésotérique du livre pour en apprécier la finesse. Une lecture marquante qui me donne fortement envie de lire d'autres œuvres de Shirley Jackson.




Lien : https://www.lageekosophe.com
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Nous avons toujours vécu au château

Mary Katherine Blackwood, également surnommée Merricat, nous raconte ici sont histoire, qui est aussi celle de sa famille.

Très vite, on apprend qu'un drame s'est passé et que de cette famille Blackwood, il ne reste, hormis la jeune fille, que Constance, sa soeur aîné, et l'oncle Julian, cloué dans son fauteuil roulant.

Ils vivent depuis toujours semble-t-il dans une vieille demeure, plus ou moins à l'écart du monde, non loin d'un village tranquille à la vie bien rangée comme il en existe tant aux Etats-Unis. Tout se passe dans une routine voulue, à la vie agréable et sans surprise, jusqu'à ce qu'un jour le cousin Charles viennent frapper à la porte...

D'emblée, comme dans son autre chef-d'oeuvre qu'est "Maison hantée", Shirley Jackson instaure un climat malsain, bâti en grande partie sur le non-dit et l'utilisation de personnages à la psychologie torturée et très bien rendue.

Les éléments purement fantastiques sont peu nombreux, voire inexistants, jusqu'aux dernières pages où l'on bascule pleinement dans le genre, et où l'auteur parvient à inscrire son histoire dans le légendaire.

On retrouve donc des personnages mal dans leur peau, qui ont un difficile rapport au monde extérieur, à la société; ainsi que le thème de la maison hantée.

Ce roman est un véritable bijou de subtilité, relevé d'une belle histoire d'amour entre soeurs (qui peuvent être vues comme les deux pendants d'une même psyché), histoire qui perdure par-delà la mort.
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Hantise (La maison hantée)

C'est un petit roman que je possède dans l'édition du "Masque Fantastique". Deux-cent-quatre-vingt-trois pages, pas une de plus, pas une de moins, une typographie moyenne, un style concis, sans fioritures qui, bien que solidement ancré dans le réel, sait comme nul autre vous guider vers l'évanescence des pensées de l'héroïne principale, Eleonor, dite Nell, tel est "The Haunting of Hill House", traduit en français de façons pour une fois très sobre par "Maison Hantée", un roman qui inspira à Robert Wise, en 1963, l'un des films en noir et blanc les plus terrifiants qui se puissent voir ... et entendre - la bande-son est un vrai régal et constitue, avec l'histoire de la porte hantée, le seul effet spécial du film.



Si j'utilise le terme de chef-d'oeuvre, ce n'est pas au hasard. Stephen King lui-même tient ce roman de Shirley Jackson pour un sommet du livre d'épouvante tel qu'on l'aime : retors, démoniaque et énigmatique.



Qui ne connaît pas l'histoire, désormais archi-classique ? Une vieille maison appartenant à une riche famille qui ne l'occupe pas, se contente de l'entretenir et, plus surprenant, a renoncé à la louer. Pourquoi ? Mais parce qu'il s'y passe des choses bizarres. En tous cas, de l'avis des derniers locataires en date - ça remonte à quand, déjà, le jour où ils ont rendu les clefs en déclarant que la vie à Hill House était tout bonnement épouvantable ? ...



Enfin, ça remonte à loin. Et tandis que les locataires s'égayaient à qui mieux mieux dans la nature, les revues de parapsychologie faisaient leurs choux gras du destin de Hill House, somptueuse mais sévère demeure victorienne édifiée pour sa jeune épouse - qui y mourut le jour même où elle y emménagea - par l'étrange Hugh Crain. (A ce propos, retirez une lettre à son patronyme et vous obtenez Caïn. Amusant, n'est-ce pas ? )



La réputation de bizarrerie de la maison est telle que, à la fin des années 50, le Dr Montague, scientifique en renom passionné de paranormal, décide d'y tenter une expérience. Il y invite deux jeunes femmes qui possèdent, l'une en pleine connaissance de cause, l'autre en les niant, des qualités de mediums. Il se joint bien entendu à elles pour superviser le tout et, selon la volonté de la propriétaire de Hill House, qui ne consent à l'expérience qu'à cette condition, il leur adjoint la compagnie d'un membre de la famille à qui Hill House a finir par revenir.



Débute alors un séjour qui sera bref mais très révélateur.



Attention, si vous recherchez le gore, si à la mode de nos jours, vous serez déçus. Le roman de Shirley Jackson ne dégoutte ni de sang, ni de ténèbres. Il est vénéneux mais on n'y voit jamais vraiment rien, ni personne. On peut même supposer - jusqu'à la dernière page - que tout cela n'est que fantasmes de la part d'Eleonor ...



Et pourtant, sans avoir visionné l'adaptation qu'en tira Robert Wise (laissez tomber par contre le honteux remake qui s'appelle "Hantise" et qui date des années 90 : une horreur mélo et kitsh qui, en plus, se termine bien, le comble ! ), on a peur. Une peur subtile, diffuse, qui affleure, disparaît, s'évanouit tout-à-fait et puis v'lan ! vous saute dessus par derrière. Un malaise impalpable mais bel et bien réel.



Un modèle de roman d'épouvante, certainement plus dans la lignée du "Tour d'Ecrou" de James mais d'une puissance et d'une perfection qui ne sont pas loin d'évoquer les tragédies grecques. ;o)
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