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Critiques de Sophie Van der Linden (234)
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La fabrique du monde

Ce court roman présente sobrement les conditions de vie d'une jeune ouvrière du textile dans la Chine industrielle actuelle. Mei a dix-sept ans, c'est son frère aîné qui a la chance d'aller à l'université. Elle, elle doit travailler, même si elle a les capacités intellectuelles et la volonté nécessaires pour poursuivre des études.



Vie en dortoir de douze, confort sommaire, chefaillon impitoyable dans le dos à l'usine, horaires et cadences infernaux, surtout en fin de commande, lorsqu'il faut mettre les bouchées doubles pour honorer le contrat dans les délais. Tant pis pour les temps de pause et les nuits encore plus courtes. Tout cela pour un salaire indécent et quelques jours de congés annuels.



Un espoir est-il envisageable pour ces ouvriers exploités ? La révolte est-elle possible ? Collective ou individuelle ? Quid du consommateur occidental ? N'attendons pas un semblant de législation du travail, encore moins de syndicalisme, dans un pays où les droits de l'homme ne sont pas respectés. Pour l'instant ces "petites mains" ne peuvent que subir, hélas, supporter ce sort d'esclave grâce à quelques parenthèses lumineuses, au mieux, et rêver, comme Mei... Et se réjouir que l'occident s'habille à prix modique grâce à elles !?!?



Joli roman, on peut déplorer certains clichés en milieu de parcours.
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De terre et de mer

Henri, un jeune ouvrier, artiste peintre amateur , venu de Paris, accoste sur l’île de B. Il est venu reconquérir la femme qu’il aime, Youna et dont il est sans nouvelle depuis plus de trois ans, absence consécutive à son service militaire. Il a fait ce long voyage avec un bouquet d’arums quelques peu étiolés maintenant. (Henri connaît-il la signification de l’arum maculatum dans le langage idoine ? : l’ardeur !) Mais Youna l’éconduit, elle préfère vivre seule et jouir d’une certaine liberté . Elle ne l’hébergera pas pour la nuit, car l’île est un microcosme fourmillant redoutable et ici, tout se sait, et elle tient à sauvegarder sa réputation .

Une nuit d’errance donc pour Henrin à la belle étoile, de rencontres, dans un paysage marin attachant, une nuit pendant laquelle il réalise amèrement que Youna ne sera jamais à lui, au petit matin, le piètre bouquet d’arums, filant dans les vagues, confirme, définitivement cette triste évidence.

Il reprendra donc le bateau, le cœur meurtri, mais quand le sloop jette les amarres, il aperçoit une silhouette blanche, qui court, éperdue, sur le môle, qui tente de gagner le bateau. « Une forme, que les mouvements heurtaient rendaient floue, abstraite, grandit encore, muta en une tache turbulente dans le paysage calme, une empreinte vide sur un papier lisse, un accident sur une plaque de métal. » Trop tard, définitivement, trop tard, cruellement, irrémédiablement trop tard car quand le bateau accoste sur le continent, les cloches sonnent le tocsin, c’est le 2 août 1914, la mobilisation générale est décrétée , la suite , faite de drames, de chagrin, on peut l’imaginer sans peine.

Un amour qui ne se concrétisera pas, un amour flou pour l’éternité.

Un petit roman attachant, raffinée, délicat comme un effluve salin.

Sur les pas d’Henri, nous croisons d’autres personnages singuliers, nous assistons à des scénettes pittoresques, nous ressentons leurs sentiments, nous humons l’iode vivifiante , et nous nous imprégnons des multiples parfums cette île à la fois réelle, imaginée et sublimée par Sophie Van der Linden .

Un petit texte choisi pour illustré la prochaine réunion de notre club littéraire avec pour thème « l’Amour flou ».



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De terre et de mer

Comme un morceau de musique classique au milieu des titres du hit-parade, ce livre joue sa courte et douce mélodie entre deux ouvrages plus rythmés et c'est très agréable.

Une mélodie très courte, quelques moments de vie d'îliens que croise Henri. Henri dont l'histoire n'est qu'un prétexte à assembler de poétiques instantanés, tout comme Youna écrit des poèmes "mais aussi des histoires, qui ressemblent un peu à des poèmes."

J'avais tant aimé "La fabrique du monde" que j'ai été un peu déçue que l'histoire n'est pas plus de fond, mais j'avoue aussi, avoir fait une jolie balade sur l'île de B.



Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour m'avoir offert cette balade.
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L'incertitude de l'aube

A Beslan,Ossetie du Nord (fédération de Russie ) le 1er septembre 2004 ,jour de fête et de rentrée scolaire ,Anushka, petite fille de huit ans ,court avec Miléna, sa meilleure amie sur le chemin de l'école, accompagnée de son grand- père qu'elle aime tant mais il marche si lentement......

A peine arrivée elle va se retrouver avec un millier d'autres personnes, adultes et enfants, prisonnière de terroristes tchétchènes dans un gymnase, sans eau, ni nourriture, dans la chaleur, séparée de son grand-père ...

Elle ne comprend pas ce qui arrive.

Elle avait pris le bruit des mitraillettes pour des pétards et ne pouvait rien imaginer d'autre que la fête de la rentrée scolaire.

Brutalement, Anushka découvre la violence, le chaos, la peur, l'injustice, l'horreur.

Elle a faim ,soif,trop chaud terriblement soif, essaie de penser à autre chose ............

Les souvenirs, sensations et sentiments de son quotidien la rassurent , puis viennent des prières, des comptines, des chants, des poèmes , des contes.

La déshydratation la fait délirer et son imagination crée des esprits et des animaux qui la réconfortent....

Au terme de la prise d'otages, trois jours après, explosion....

panique, les terroristes tirent faisant trois- cent trente et une victimes dont cent- quatre - vingt six enfants.....



L'auteur ne" raconte pas ", elle a choisi la petite fille en guise de narratrice....

Nous pénétrons peu à peu dans son imaginaire protecteur.

L'écriture lumineuse, délicate, sans pathos, aérienne , dans l'innocence est d'une telle force poétique, si intense et si sensible qu'elle nous place, nous lecteurs , en souffrance, enfermés en nous- mêmes lorsque la chaleur devient insupportable et l'air irrespirable,

tout imprégnés d'une saleté poisseuse et d'une angoisse décuplée !

Ce roman historique grave, court, poétique, pudique, poignant, fort et bouleversant qui prend aux tripes est un bel hommage à l'enfance !

UN ouvrage magnifique, lumineux et terriblement humain , actuel , Hélas!!





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De terre et de mer

Ses yeux errent sur le paysage qui défile. Henri arrive en gare de R. et, bouquet d’arums en main, se dirige vers la côte de cette cité bretonne pour embarquer sur un sloop faisant la traversée vers l’île de B.

Troublé et maladroit, il fait tanguer l’embarcation.

L’air iodé le séduit, il s’emplit du bleu de la mer estivale.



« Comment dire le silence ? À l’égal du secret, il est une part dissimulée au monde que personne n’est en droit de forcer. »

Et pourtant, Henri vient chercher des réponses au silence de Youna. Silence qui a investi et envahi l’absence de réponses à ses lettres envoyées lors de sa dernière année de service militaire.

Lui n’a pas choisi le silence.



C’est un homme, un étranger, sur ce sol ilien, et il sera là, à la croisée des vies du coin : un restaurateur dont le contentement jaillit de denrées commandées sur le continent, un coureur qui s’entraîne au marathon, un fermier attentif aux moindres variations de la nature, un touriste musicien qui compose dans la quiétude ilienne…

Obscurité d’un café, craquement des coquillages de la grève sous ses semelles, odeur âcre du goémon, voûte céleste d’une chapelle en ruines. Plaisir de banalités qui jalonnent les quelques heures de jour et de nuit passées sur ce sol.



Il faut se laisser porter par la contemplation, par la beauté de la plume artistique de l’auteure. Tout est effleuré avec finesse et poésie.

Autour de ces retrouvailles pour tenter de remplir l’absence, c’est un cheminement de quelques heures, de quelques pensées, de quelques sensations des uns et des autres. Quelques pages pour saisir au vol des esquisses de vies, effleurer une relation moribonde, percevoir la fragilité de l’instant et de la liberté.

Entre ciel, mer et terre, c’est juste vingt-quatre heures qui s’égrènent sur l’île de B. comme une petite parenthèse pour tenter de saisir l’insaisissable.

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L'incertitude de l'aube

Cela aurait dû être un jour de fête pour Anushka. Miléna, sa meilleure amie, est venue la chercher avec sa mère pour qu’elles aillent ensemble à l’école. Demain c’est la rentrée des classes alors aujourd’hui on fait une fête où tout le monde sera là, parents, enfants et enseignants. La mère d’Anushka n’a pas pu l’accompagner car elle est enceinte et a besoin de se reposer, mais peu importe puisque son grand-père, qu’elle adore, sera là. Malheureusement, rien ne va se passer comme prévu et la cérémonie va rapidement tourner au drame…





Sophie Van der Linden s’empare ici d’une tragédie survenue il y a dix ans et dont certains se souviennent probablement encore… Je préfère ne pas trop en dévoiler afin de ne pas faire perdre au récit une partie de sa tension dramatique… Néanmoins, je dois dire que j’ai été profondément émue et bouleversée par l’intensité du texte. L’histoire est racontée du point de vue d’Anushka, à travers ses yeux d’enfant. Ce qui frappe d’abord c’est, malgré son jeune âge, l’absence de candeur dans sa voix. Elle a conscience que quelque chose de grave est en train d’arriver et que sa vie est en danger. Alors, pour échapper aux pensées macabres qui l’assaillent, elle s’évade dans son imaginaire, libère son esprit dans des contrées lointaines et enchantées. La violence de la réalité se mêle donc à une vision fantasmée, créant un véritable décalage entre les deux situations et augmentant la tension du texte.





L’atmosphère est particulièrement oppressante. La faim, la soif, la chaleur et les meurtrissures du corps sont autant de sensations douloureuses parfaitement décrites par l’auteur et qui rendent la lecture encore plus réaliste et font accroître le malaise. La poésie du texte, où s’entremêlent prières et ritournelles, se mêle à l’horreur de la situation. Un récit court, plein de sensibilité et de talent, sur l’enfance gâchée par la barbarie des hommes. Une écriture puissante et terriblement poignante.
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La fabrique du monde



Sans en avoir l'air, ce livre nous interpelle sur notre consommation. L'auteur nous donne une vision assez pessimiste de la situation de la femme encore aujourd'hi en Chine. Si Mei a quitté son village et les siens pour venir travailler dans cette usine aux rythmes infernaux, et y vivre dans d'ignobles conditions, c'est pour que son frère aîné puisse faire de grandes études. Même si elle en a largement les capacités intellectuelles, comme on le constate à mesure que se déroule l'histoire, Mei est une fille et de fait n'a pas le droit de faire des études.

C’est pour que nous puissions porter des chemisiers pile assortis à nos jupes, un par jupe tant qu’à faire au prix où on nous les vend, que Mei se tue à la tâche comme des milliers d’autres adolescentes en Asie. Comme pour nos téléphones, nos tablettes et bien d’autres biens de consommation, il y a ceux qui les consomment et ceux qui les fabriquent… C’est peut-être ça, la fabrique du monde, la manufacture dans les usines chinoises de presque tous les objets portés ou utilisés par le reste du monde. Elle se demande d’ailleurs si les occidentaux pensent à elles en achetant leurs vêtements : « Est-ce qu’il leur arrive de penser à nous ? »



Un tout petit et bien grand livre, plein de sensibilité et de multiples attentes pour Mei.

J'ai ressenti avec ce roman une grande émotion proche de celle que j'ai éprouvée dans le magnifique livre "La petite fille de M. Lynn" de Claudel ....

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La fabrique du monde

Une lecture qui m'a laissé haletante et en larmes. Une écriture si vive qu'elle coupe le souffle et entraîne de page en page à une vitesse effrayante (roman lu en à peine une heure et demie). Une histoire douloureuse que celle de Mei, d'amour impossible, de fatigue physique et morale, de torture mentale d'un secret qui mène à la folie.



Un petit roman écrit avec maestria qui soulève, retourne et projette au loin. Choquant, émouvant, poignant, un vrai concentré d'émotions fortes. Une incursion dans un monde cruel duquel on ne ressort pas indemne.
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La fabrique du monde

Usine de confection, Chine. Privée de paye pour avoir manifesté et tenu tête à un contremaitre, Mei est coincée dans le dortoir de l'usine. Elle ne peut rentrer dans sa famille pour nouvel an. Cependant elle n'est pas seule : le nouveau contremaître est présent. Commencent 3 jours de passion. Mais ensuite ? La chute sera proportionnelle à l'ascension.

La fabrique du monde : des centaines de jeunes filles attachées (ou presque) à leur machine à coudre pendant 12 heures ou plus. Sans oser élever la voix. Dans des conditions de travail déplorables. C'est la descriptions des usines européennes du 19è siècle. Mais c'est maintenant.

C'est aussi la découverte de la colère, de la révolte, et de l'amour. Des sentiments extrêmes, en résonance avec le peu de considération que les patrons ont pour ces filles, le mépris affiché envers ces campagnardes sans éducation faciles à remplacer .

Ni larmoyant ni culpabilisant, c'est un court roman qui se laisse lire agréablement. Mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable, malgré une certaine poésie.
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De terre et de mer

Henri est un amoureux éconduit et malheureux.

Au point de partir chercher une explication auprès de celle qui s'est isolée sur une île bretonne. le jeune peintre passe vingt-quatre heures sur place, croisant dans ses déambulations quelques habitants, aubergiste, fermier, pêcheur, enfants et un improbable marin allemand.



Pour qui connaît l'île de Batz, ce petit livre contemplatif à une saveur particulière. On s'y promène plus aisément dans la description des lieux, jusqu'à l'évocation du jardin exotique, rêve insolite d'un bourgeois botaniste.

La petitesse de l'île, sa circonférence rapidement parcourue, la population attentive aux faits et gestes de chacun, tout concourt à parfaire le tableau d'un lieu en huit-clos, serein, protégé, magnifié par la nature, les oiseaux, les embruns.



La vigilance s'impose. On sent une menace à venir, une chute brutale dans les destins, qui viendra en fin de livre par la compréhension des dates et de l'actualité du monde tout proche.



J'ai savouré les pages, les mots, le tableau maritime décrit tout en finesse et émotion, les non-dits derrière la poésie du récit et l'effroi final quand le tocsin sonne.

La palette, soudain, se brouille.



Très belle lecture.

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La fabrique du monde

Mei, tu es une jeune Chinoise de 17 ans, tu aurais tellement aimé poursuivre tes études, mais voilà, tu es une fille, alors c’est ton frère qui est allé à l’université.

Pour toi ce fut l’usine avec ses chaînes de production aux cadences infernales, avec des journées qui n’en finissent pas à fabriquer des pantalons ou des tee-shirts pour des inconnus dont tu te demandes si parfois ils pensent à toi.

Le contremaître est intraitable et injuste et la direction ira jusqu’ à te priver de ton salaire que tu attendais pour rejoindre ta famille pendant trois jours pour les fêtes.

Ces trois jours, tu les passeras seule, à l’usine, dans le dortoir déserté par tes camarades.

Tu y trouveras le bonheur cependant, mais, petite Mei, une fois de plus, pour toi le prix à payer sera bien trop élevé.



Moi, qui vis si loin de toi dans le confort, je ne regarderai plus jamais de la même façon un vêtement qui porte l’étiquette « made in China » car désormais, tu as une place dans ma tête et dans mon cœur grâce à Sophie Van der Linden qui te donne la parole dans un magistral premier roman.



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L'incertitude de l'aube

J'avais vaguement entendu parler de cette prise d’otages de Beslan, qui, en septembre 2004, ébranla la Russie lorsque des terroristes séparatistes tchétchènes armés prennent des centaines d'enfants et d'adultes en otage dans un gymnase surchauffé de l'école, aboutissant à 344 morts et 186 enfants.



Sophie Van der Linden, grande romancière jeunesse se met dans la tête d'une de ces petites filles victime de la prise d''otage, Anoushka, qui pour tenter de combattre sa a peur va inventer un univers onirique lui permettant de fuir ces trois jours de tension extême.



On voit que l'auteur est une spécialiste jeunesse tant elle parvient facilement à se mettre dans la tête de cet enfant, apportant à ce récit terriblement dur sur le papier grâce voire legereté. A travers le regard d’une petite fille qui ne comprend pas vriament les enjeux qui se trament, on quitte la trame du fait divers de journal pour atteindre une vraie poésie et une belle émotion, dans son dénouement.



Un très beau texte, quoique un peu trop bref et parfois un peu trop abstrait (mais c'est la loi du genre), assurément le plus beau livre des trois premiers romans lus pour cette rentrée...
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La fabrique du monde

Se demande-t-on comment les vêtements Made in China que l’on porte sont fabriqués ? Mei et ses compagnes d’infortune reçoivent des commandes – mille cinq cents pantalons, cinq cents chemisiers – et n’ont que quelques jours pour les exécuter. Elles passent leurs journées à l’usine, ne se lèvent que pour avaler un bol de soupe ou regagner leur dortoir, à l’aube parfois, pour boucler la commande. Paraphrasant Voltaire et son Candide, je répondrai : "c’est à ce prix que l’on porte des vêtements en Europe."

Mei est différente, Mei aurait pu poursuivre ses études, comme le souhaitait son institutrice. Ses parents ont envoyé son frère à l’université, ils l’ont envoyé à l’usine. Mei possède un livre, cadeau de sa grand-mère défunte, différente elle aussi, survivante des événements qui ont secoué la Chine. Elle écrit des poèmes, aussi, et rêve, à une autre existence, à une autre vie possible. Certaines de ses camarades rêvent aussi, à un meilleur emploi (dans un bureau), à un mariage qui les sortirait de cet atelier. Rêve bien plus prosaïque. La révolte ? Impossible. A la moindre rébellion, c’est la paye du mois toute entière qui saute. Parle-t-on bien toujours de condition de travail ou d’esclavage ? Mei et ses compagnes ne font plus qu’un avec leur machine, et les tissus défilent, défilent, défilent, au point que le soir, il n’y a plus de place que pour l’épuisement.

Un temps, très bref, Mei s’évadera. Comme une trêve dans la répétition des jours, des gestes. Un temps trop bref. La société prime sur l’individu, et peu ont le courage de vivre leur vie, d’affronter le regard des autres, la peur des jours à venir, la solitude aussi, sous une certaine forme.

La fabrique du monde est un premier roman concis et touchant.
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Arctique solaire

Anna Boberg, peintre impressionniste suédoise du XXème siècle, avait pour habitude de se rendre chaque hiver aux îles Lofoten, archipel de Norvège, pour y peindre les paysages. Mariée à un célèbre architecte français, fréquentant les milieux bourgeois parisiens, elle n'hésitait pas une seconde à tout quitter une fois l'hiver bien installé. Promiscuité, froid, conditions extrêmes ne l'effrayaient pas. Son projet était de réaliser un tableau exceptionnel, celui qui ferait d'elle une grande artiste, en quelque sorte sa signature. Elle a ainsi passé plus de trente années à créer son œuvre majeure.



“ J'ai peint tête en l'air, le regard fixé sur ses déploiements, et vécu une apothéose quand les roses et les Mauves ont fait leur entrée en scène. Mes gestes à l'unisson de ce déluge chromatique. Zébras, tâches, morsures, les couleurs pures et la lumière en lutte.”



Anna Boberg était toujours à la recherche de la couleur et de la matière, le blanc, la lumière et le relief. Elle cherchait à ressentir le calme et le silence, mais aussi à recréer la neige, l'hiver, le froid, les montagnes et les aurores boréales.



Entre Stockholm, Paris, et les îles Lofoten, ce livre retrace l'histoire d'une femme, peintre, aventurière aux séjours solitaires en terre arctique.



Le roman est écrit à la première personne comme une introspection et aborde l'art, la nature et les souvenirs dans un texte imagé empreint de nostalgie et de mélancolie.



À travers la plume de l'autrice, l'artiste se livre, se révèle et nous fait découvrir la femme qu'elle était.



Ce fut une très belle lecture, le fruit d'un beau travail de recherches et d'études des œuvres de l'artiste dont celle du massif du Store Molla intitulé “Fjäll” que j'ai découvert grâce à ce texte.



À découvrir.
Lien : https://labibliothequedemarj..
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L'incertitude de l'aube

Nul n'a pu oublier cette prise d'otages de septembre 2004 qui a entrainé la mort de 331 personnes dont 186 enfants.



Pas facile de raconter ce drame, l'auteur choisit de se placer à hauteur d'enfant, plus précisément d'une petite fille, Anushka. Elle pénètre ses pensées intimes et livre un récit à la première personne éblouissant, à la fois digne et bouleversant, tout en retenue, pénétré d'une innocence naturelle comme d'une lucidité extraordinaire.

Dans ce gymnase, la chaleur devient bientôt insupportable et l'air irrespirable, tout imprégné d'une saleté poisseuse. "L'odeur est horrible, et remuer de l'air aussi infect, c'est pire que tout. Il vaut mieux bouger le moins possible, respirer à peine , ou alors avoir le nez entre les genoux, pour sentir l'odeur de sa propre peau."

A la lecture des mots de l'enfant, à travers la description de sa douleur et de son angoisse, dans ses rêves d'évasion, dans les extraits de contes populaires qu'elle égrène sans relâche, on sent ce petit corps suant et fébrile, déshydraté, prêt à lâcher, on l'accompagne délicatement, partagé entre la peine et l'admiration.



Tout s'assombrit autour d'Anushka mais la fillette résiste et ce récit, malgré la tragédie qui s'annonce, semble lumineux de bout en bout, attentif à la douceur des choses, porté par les rêves et les histoires ravivés par les souvenirs, comme des échappatoires nécessaires, salvatrices, pour ne pas flancher face au moment présent, supporter les pleurs et gémissements des plus petits, combattre l'envie de faire pipi ou de boire, l'envie de pleurer, de crier sa peur.



Elle fixe son attention sur chaque détail, une ampoule au plafond, ses chaussures, elle pense constamment à son grand-père, cherche chaque souvenir capable de l'emmener plus loin, comme l'énumération rigoureuse des ingrédients d'une recette, le sac plastique pour aller à la piscine, le repas qu'elle a pris avant de se rende à l'école, etc., ravive des peurs anciennes pour éviter la panique, trouve des subterfuges pour calmer la soif et l'odeur. Combat de toutes ses forces. Jusqu'à l'épuisement. Jusqu'à l'assaut des Russes. "Je m'enfonce, je m'englue […] Je m'enfonce dans le mou. Je tombe".



Ce magnifique roman dur et poignant m'a semblé " allégé " par les propos parfois drôles de la petite Anushka et par son grand courage.









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L'incertitude de l'aube

Le 1er septembre 2004, dans toutes les écoles russes est organisée une fête très populaire. A Beslan, Milena et Anushka la narratrice se retrouvent pour la fête mais une prise d'otages spectaculaire a lieu. Les fillettes sont prisonnières trois jours durant, sans eau ni nourriture, elles ne peuvent pas aller aux toilettes non plus. Pour lutter contre l'ennui, Anushka se rappelle sa vie d'avant avec son grand-père, sa mère, les histoires qu'on lui a racontées. La privation la fait halluciner, elle confond rêves et réalité, sombrant peu à peu dans l'inconscience lorsque les explosions retentissent...

Ce court roman qui raconte la prise d'otages de l'école de Beslan en Russie aborde un sujet jamais traité dans la littérature. Bravo à l'auteur pour avoir rendu hommage aux 331 victimes de l'attentat. Le sujet est dur, nous plongeons dans l'horreur de la situation de plein fouet mais Sophie Van der Linden suggère plus qu'elle ne décrit comment ces trois jours épouvantables se sont déroulés, ce qui évite trop de pathos. La petite fille narratrice de l'histoire arrive à échapper en partie à l'horreur de la situation par l'imagination, elle s'invente des histoires à partir de contes qu'on lui a racontés, mélangeant rêves et réalité, ce qui complique parfois la lecture. J'aurais aimé savoir si les deux fillettes s'en sortent, hélas l'auteur arrête son récit avant, à nous d'imaginer l'issue. Pour terminer, je dirai que ce roman nous dépeint l'horreur du terrorisme et du fanatisme quand il s'en prend à des victimes innocentes comme bien souvent.
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La fabrique du monde

Ce roman très court nous fait pénétrer dans une usine de confection textile où l'auteur nous dévoile les conditions de vie et de travail épouvantables des ouvrières chinoises, à travers l'histoire de son héroïne, la très jeune Mei. Le style, haché, minimaliste, sert bien cette première partie du roman, où les méthodes révoltantes des contremaîtres envers les ouvrières pour que les vêtements soient terminés à temps mettent pour le moins mal à l'aise. J'aurais toutefois apprécié que l'auteur s'appesantisse davantage sur le fonctionnement d'un atelier de couture.

La suite tourne au roman d'amour au thème ultra classique auquel je n'ai pas été très sensible, essentiellement à cause du personnage de Cheng, l'amoureux, insaisissable. Et quel dommage que cela tourne au mélo !

Une lecture assez agréable tout de même, un roman délicat mais sans doute pas assez abouti et qui ne me laissera pas une impression durable.

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La fabrique du monde

Voici mon premier commentaire de l'année 2015.



Sophie Van der Linden a choisi de raconter l'histoire de Mei, une jeune chinoise de 17 ans ouvrière dans une usine de textile.



Si la romancière, au début, réussit à restituer la dure réalité des ateliers de confection, elle use souvent de phrases courtes ou lyriques pour exprimer les rêves et les révoltes de son héroïne.



En usant de certaines tournures de style, l'auteure survole son sujet et le rend superficiel.



Une héroïne attachante, un contexte bien retranscrit mais le style prenant le pas sur l'histoire nuit à l'ensemble. Un peu moins d'allusions et plus de profondeur auraient été préférables.



Une lecture brève, facile mais manquant de consistance.
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La fabrique du monde

Un court et intense roman pour adultes, écrit par une auteur pour enfants. Il se lit d'une traite, vous emmène avec Mei, jeune chinoise qui travaille dans une usine de confection textile où il n'est question que de rendement. En 150 pages, c'est le plongeon dans une Chine actuelle mais qui semble si éloignée de nos préoccupations européennes et féministes. La-bas, Mei, n'est que peu de choses pour ne pas dire "rien". C'est son frère qui est à l'université. Elle se crève à l'usine, entres ourlets et surpiqûres, sur coton et polyester. Ses seules distractions, quelques lectures avec se amies de dortoir. Un soir, elle rencontre le contremaître, les rêves sont permis, Mei se laisse emporter...le lecteur aussi! Je n'en dis pas plus.
Lien : http://popcornoreillechien.b..
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La fabrique du monde

"Et je me vois là, dans tout ça. Une petite chinoise de dix-sept ans, une paysanne, partie à l'usine parce que son grand frère entrait à l'université. Quantité des plus négligeables, petite abeille laborieuse prise au piège de sa ruche. Enfermée là pour une éternité. Confrontant un souffle romantique à l'âpre réalité, La Fabrique du monde est une plongée intime dans un esprit qui s'éveille à l'amour, à la vie et s'autorise, non sans dommage, une perception de son individualité.

Aujourd'hui en Chine. Mei, jeune ouvrière de dix-sept ans vit, dort et travaille dans son usine. Elle rêve aussi."





Et moi là , dans tout ça , j'ai été attirée dans un premier temps par la couverture d'une esquisse angélique, puis confortée dans mon choix par le coup de coeur d'une libraire, je peux dire aujourd'hui que je m'en félicite puisque "La fabrique du monde " est une délicieuse lecture bien trop courte tant je me suis lovée entre les lignes, envolée au milieu des paysages évoqués , perdue au milieu des bruissements et des éléments ; Puis ce gémissement , ces gémissements continus des machines à coudre , entêtants.



Oui , j'ai été séduite par l'écriture épurée et troublante au travers de laquelle émane cette fragrance poétique d'une douce pureté.

Ce petit livre de 150 pages a gagné mon coeur et au-dessus-des cimes, j'ai pu accompagner Mei afin de contempler son univers, considérer non sans émotion son honteuse condition .Au-delà des règles, j'ai grignoté et partagé une part de sa liberté furtive.

C'est avec délectation que j'ai pris connaissance de chaque ligne , chaque page dans ce laps de temps donné.



Sophie van der Linden m'a comblée avec ce petit joyau , je ne peux que chaudement le recommander.
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