Voilà un roman que je voulais lire depuis très longtemps ayant beaucoup apprécié l'auteur, lors de ma lecture de "La disparition de Jim Sullivan".
Mais le titre ne me disait rien, vous êtes d'accord n'est-ce pas qu'il n'a rien de bien attirant ! Et pourtant...
Martial Kermeur est un ancien ouvrier de l'arsenal de Brest. Il vient d'être arrêté car il a poussé un homme à la mer et l'homme s'est noyé.
Immédiatement, le lecteur veut savoir pourquoi cet homme sans histoire, ayant élevé seul son fils depuis son divorce, a pu commettre ainsi l'irréparable. Alors il s'installe et écoute les confessions de Martial Kermeur, à peine entrecoupées par quelques rares questions du juge qui, en face de lui, cherche à comprendre son geste.
Le passé ressurgit.
Antoine Lazenec, la victime était un promoteur immobilier. Il est arrivé des années auparavant sur la petite presqu'île bretonne et a convaincu tout le village du bien fondé de son gigantesque projet de station balnéaire. Derrière le maire, ils ont été nombreux à être conquis et à investir, d'autant plus que le personnage, en plus d'être charismatique, sait particulièrement soigner ses relations et même devenir proche au point d'être considéré comme un ami par la plupart d'entre eux.
Martial Kermeur n'a pas échappé à la tentation. Au lieu d'acheter le bateau de ses rêves avec les 400 000 francs de sa prime de licenciement, il investit dans un magnifique appartement avec vue sur la mer.
Mais voilà, malgré les belles paroles du promoteur et un début de travaux qui défigure l'environnement, mais qui est prometteur, le projet n'avance pas et les habitants mettront des années à réaliser qu'ils se sont fait avoir, que leur argent n'a servi qu'à assouvir les caprices et le désir de luxe de Lazenec...et donc qu'ils ne le récupèreront jamais.
Ce roman est un roman social et engagé, autant le savoir avant d'en commencer sa lecture. Au delà de ce huis-clos qui réunit un juge et le prévenu, l'auteur s'attache à nous décrire une région dévastée par la fermeture de ses entreprises et la perte d'emploi qui en découle. Voilà pourquoi le maire est prêt à tout pour maintenir économiquement sa survie et donc il ne peut qu'accepter les projets de développement qu'on lui présente.
Ceci dit, ce roman est une confession, un monologue. Le juge d'ailleurs est à peine présent et ne pose que quelques rares questions. Les phrases sont longues comme le sont les pensées et les raisonnements que l'on se fait à soi-même.
L'histoire nous plonge dans un lieu, la Bretagne, convoitée pour sa manne touristique par un promoteur malhonnête. L'auteur sait nous décrire le bord de mer avec beaucoup de poésie et le lecteur imagine sans peine, le port, les bateaux, les vagues, les odeurs et surtout, l'ambiance...
Il faut reconnaître que dès le départ, on entre dans l'intimité de Martial, dans son ressenti, dans ses pensées et que la plongée dans la psychologie du prévenu est tout à fait intéressante.
J'ai éprouvé personnellement beaucoup d'empathie pour lui ce qui ne veut pas dire que j'approuve son geste car la violence qu'il ressent par rapport à sa vie, et aux difficultés qui ont été les siennes et sont celles de trop nombreuses personnes, n'excuse en rien la violence de son acte. Il a été manipulé par ce beau parleur de promoteur, il a été floué et éprouve de la honte d'avoir cru devenir son ami. Nous trouvons normal qu'à un moment donné, il ressente beaucoup de colère, d'autant plus qu'il a montré à son fils sa faiblesse, et que celui-ci a du mal à se construire un avenir meilleur.
Bien entendu, les personnages sont un peu caricaturaux, tous les ouvriers ne sont pas aussi naïfs, ni victimes de malchance, ni les promoteurs véreux et inhumains, et d'ailleurs on voit mal un promoteur devenir aussi proche des gens dans la vie normale. Mais qu'importe, le lecteur est emporté par l'écriture et la sincérité de la confession. Le ton est juste sans pathos et la tension augmente au fil des pages et du déroulé de l'histoire comme dans un polar.
Au passage, le lecteur se prend à rêver d'un autre monde où l'humain serait plus important que l'argent.
Martial ne renie pas son geste, il sait qu'il a commis un crime. Il expose les faits sans chercher à se justifier. Son avenir est donc entièrement dans les mains du juge et du fameux article 353 du code pénal, que personnellement je ne connaissais pas et que je vous invite à ignorer avant la lecture de ce livre, pour ne pas gâcher la fin...immorale certes mais, arrivé à ce stade, ce n'est pas ce que je retiendrai du livre.
Ce roman a obtenu en 2017 le Grand Prix RTL-Lire. Il était temps que je le lise !
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