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Critiques de Tennessee Williams (189)
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Un tramway nommé Désir

MALAISE

C'est le premier mot qui me vient à l'esprit lorsque je referme Un tramway nommé Désir. Un malaise car on sait que Blanche n'est pas toute blanche, mais…



Mais l'on sait également qu'elle a eu à subir, et à subir beaucoup. Alors, son truc à elle, c'est de se bâtir un monde qui convient mieux à ses attentes. Bien sûr, elle fait quelques entorses à la réalité parfois, même, de très grosses entorses… Bon d'accord, elle est complètement mytho…



Mais à sa façon, elle est sincère. Elle ment sa vie juste pour la rendre vivable. Et, de mensonge en mensonge, de sparadrap en sparadrap pour colmater les plaies de l'existence, celle-ci n'est plus qu'un immense pansement. Elle vit dans son imaginaire.



Oui, mais le problème, c'est que dès lors qu'elle débarque chez sa jeune soeur Stella à la Nouvelle-Orléans, son très pragmatique beau-frère, Stanley aura tôt fait de faire tomber les masques et de dépendre le décor.



Lui est explosif, macho, terre à terre face à elle, romantique, éthérée (éthylique même parfois), pleine de rêves de petite fille. Leur relation tourne vite à la confrontation. Au milieu d'eux, Stella fait le tampon tandis qu'elle est enceinte.



Je n'ai pas à en dire davantage, sans doute en ai-je déjà trop dit. Difficile d'évoquer cette grande pièce de Tennessee Williams sans faire référence au film d'Elia Kazan qui en est issu, lequel réalisateur avait déjà créé la pièce quelque années auparavant.



Difficile, lorsqu'on a vu le film d'imaginer Stanley autrement que sous les traits de Marlon Brando qui, sincèrement, crève l'écran et efface même la pourtant exceptionnelle Vivian Leigh. La légende Brando est née ici, par cette pièce d'abord (rôle qui l'a révélé au théâtre) puis par le film (rôle qui l'a révélé au cinéma). J'imagine combien cela doit être difficile pour les acteurs à présent de reprendre ce rôle mythique après le grand Marlon.



On connaît par ailleurs la polémique que suscita le gain de l'Oscar de la meilleure actrice par Vivian Leigh tellement son appropriation du rôle de Blanche semble une simple mise à l'écran des propres désordres psychiques et non tant une géniale performance d'actrice. Je vous laisse en juger par vous-même.



Bon, bon, bon, mais fi des potins autour d'un film, car c'est le texte de Tennessee Williams et la tension narrative créée qui doit nous intéresser ici. Oui, effectivement, il le revendiquait mais c'est vrai, il y a vraiment un parfum de Tchékhov là-dedans. Tchékhov, le maître incontesté des ambiances de plomb entre personnes qui se détestent enfermées dans une même pièce.



Et ici, comme si l'ambiance de plomb, au sens métaphorique ne suffisait pas, l'auteur y adjoint l'ambiance de plomb au sens littéral, c'est-à-dire physique, la chaleur, la moiteur, la transpiration dans cette Nouvelle-Orléans de fin d'été, dans cette ambiance de délabrement propre à cette ville, jadis florissante.



Tout le sud croulant des États-Unis, admirablement rendu par William Faulkner se retrouve ici, dans la baraque de Stella et Stanley. Mais ce n'est pas tout, il y a ce titre, cette animalité contenue dans le titre et qui transpire, elle aussi de la pièce, le désir, sous toutes ses formes, le désir de Mitch, le désir de Stella, le désir de Stanley ou le désir de Blanche.



Sans oublier votre désir, j'espère, je venir goûter à cette pièce. Une pièce qui met mal à l'aise car elle aborde encore bien d'autres aspects que la faible recension que j'en ai faite, les abus subis par les personnes souffrant de désordres psychiatriques, le rejet des homosexuels et de ceux qui les ont côtoyés, etc., etc. En outre, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.



P. S. : Je soupçonne — sans preuve aucune, juste à l'intuition — que le sulfureux refrain « Voulez-vous coucher avec moi, ce soir » du sulfureux titre de Christina Aguilera pour le film Moulin Rouge soit un clin d'œil à peine déguisé à l'une des répliques de Blanche, où elle prononce en français précisément cette même réplique à Mitch qui, n'étant pas francophone, ne comprend pas, évidemment.
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Soudain l'été dernier

La Louisiane de Tennessee



L'auteur de “Un Tramway Nommé Désir”, prolifique dramaturge américain, semble avoir quelques leitmotivs et “Suddenly Last Summer” écrit en 1958, prenant place quelque part à la Nouvelle Orléans et adapté au cinéma avec Liz Taylor, Monty Clift et “The Great Kate” (Hepburn bien sûr), ne déroge pas à la règle : démence, violence, ironie et fragilité exacerbée.



Le lecteur plonge dans une atmosphère rongée par le poids du secret. Il pèse sur les épaules de personnages instables, au bord de la folie. Encore un thème récurrent pour Williams, qui écrit à une époque où la psychanalyse émerge et ses méthodes expérimentales les plus violentes ont encore toute licence.



Le personnage de la mère joue un rôle central, revancharde et drapée dans son déni, on sent une relation privilégiée mais désaxée avec son fils disparu, parallèle intéressant avec la relation mère-fils dans “La Ménagerie de Verre”, autre grande pièce de Williams, la dimension autobiographique fait indéniablement intrusion dans l'oeuvre.



Egalement avec le fils disparu de cette mère en deuil, Sebastian, comment ne pas voir y une analogie patronymique avec Saint-Sébastien, idole queer avant l'heure… L'homosexualité du personnage, toujours tue, toujours sue, hante comme une ombre le récit, thème là-encore qui n'est pas inédit pour le dramaturge, lui-même homosexuel, qui fait plus qu'évoquer l'homosexualité dans sa pièce, il la théâtralise, en fait une des clés de l'intrigue et s'ingénie à la ceindre de mystère et d'évocations alambiquées, dans une atmosphère de scandale étouffé.



C'est aussi le thème de “La chatte sur un toit brûlant” mais seulement là où l'adaptation cinématographique avec Paul Newman et Liz Taylor interdisait toute allusion à ces aspects de la pièce, celle de “Soudain l'été dernier” fut plus libérale et reçu l'accord du Code de production du cinéma (qui imposait de soumettre toute oeuvre cinématographique avant sa sortie à une éventuelle censure) concluant que puisque le film décrivait l'horreur d'une vie dissolue, il pouvait être considéré comme moral, voyez…



Son “mode de vie” présida sans doute à la disparition de Sebastian Venable, dont le trépas convoque pour l'imaginaire une sorte de tableau allégorique fascinant et horrifiant, après un dernier été à Barcelone (où l'auteur et son compagnon passèrent aussi quelques vacances)… une pièce à lire entre les lignes (et n'oubliez pas l'anti-moustique, nous sommes en Louisiane…).



Qu'en pensez-vous ?
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Vieux Carré

La pension de famille est une source inépuisable d'inspiration. Aussi sordide que la Maison-Vauquer, celle du 722 Toulouse Street, dans le Vieux Carré, est tenue par Mrs Wire qui propose des chambres miteuses à des clients criant famine.

« L'Ecrivain », jeune homme de 27 ans, vient d'y poser son maigre bagage pour tenter sa chance dans le monde des lettres. Jane est une New-Yorkaise de bonne famille en couple avec Tye , un rabatteur alcoolique et drogué. Nightingale est un peintre tuberculeux de troisième zone friand de jeunes hommes. Deux vieilles dames élégantes Mary Maude et Miss Carrie, font les poubelles pour se nourrir. Quant au "photographe" du dessous, il organise des orgies nocturnes. Mrs Wire, elle, dissimule derrière son excentricité la douleur de la perte de son fils.



Difficile de parler d'une pièce que l'on n'a jamais vue sur scène. Ecrite en douze scènes quelques années avant la mort de Tennessee Williams (1979), elle n'a pas de réel fil conducteur. Ancrée dans l'année 1938, elle semble être le réceptacle des souvenirs du dramaturge, lorsque celui-ci était encore Thomas Lanier Williams III, et tirait le diable par la queue.

Vieux Carré narre donc des tranches de vies abimées, sordides, et crues. L'ensemble peut paraitre un peu confus, comme un brouhaha venant d'une demeure décrépite. Au crépuscule de sa vie, Williams ne cache rien de la précarité, de la sexualité, hétérosexuelle ou homosexuelle, de l'alcoolisme, des addictions, de la misère sociale et affective, de la solitude qui tue. Il y a tout Tennessee Williams dans Vieux Carré, avec un cri « muet », celui d'un homme fatigué qui se souvient du jeune homme naïf qu'il fut autrefois, un jeune homme qui faisait difficilement ses premiers pas dans sa vie d'adulte.
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La statue mutilée

Un Williams nommé désir: Tennessee...

De cette grande lignée des hommes de lettres américains, en cette humble édition du Livre de Poche qui le rend accessible à tous.

Trouvaille en Emmaüs de ce recueil de onze nouvelles somptueuses, ciselées, aiguisées. Avec une préface de Maurice Pons (qui a traduit ces short stories), s'il vous plaît.

Ce sont des histoires brûlantes, sensuelles, parfois doucement désespérées.

Ces nouvelles vous caressent, vous emmènent faire un tour et vous laissent, la dernière phrase achevée à la gourmandise pour la suivante. Onze fois. onze merveilleuses et passionnantes fois.

Tennessee Williams, me fait toucher les âmes et lire les désirs (encore...), obsessions et terreurs de certains de nos frères et sœurs humains. C'est parfois poignant, comme une jeune femme recluse, un iguane attaché... Ou bien un petit homme et son ami la chatte. Ou encore... mais j'enjoins de tout cœur le babéliote qui ne les a pas encore découverte, à goûter et s'imprégner de ces pages si belles qu'elles m'en paraitraient miraculeuses.

Excessif, Horusfonck?

Allons donc!
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La chatte sur un toit brûlant

Il était pourtant

sans projection,

sans protection...



Miroir déformant

d'un écorché vif

qui trompe l'espoir

dans l'alcool

pour oublier les méandres

d'une loyauté au delà de la mort.



Il expie dans son mutisme

la mort d'un ami.



Refuser de voir,d'entendre

rester cloitrer dans sa souffrance.



Pourtant la vérité s'extirpe et s'expose

dans toute son impudeur.



Dire oui ,accepter ,

assumer sa souffrance

sans la tasser dans les tréfonds de son être.



Faire surgir la vérité pour survivre !



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Le printemps romain de Mrs Stone

Le soleil se couche sur les escaliers qui mènent de Trinita di Monte à la Piazza di Spagna. Une dernière cigarette à fumer sous le lampadaire. Je lève les yeux au ciel, comme pour regarder une dernière fois l'azur du ciel. J'aperçois la Signora Mrs Stone sur le balcon de son hôtel particulier. Veuve, la cinquantaine, le temps dérive sur sa peau, elle dérive dans ses appartements. Actrice renommée dans un temps ancien, mais l'âge a eu raison de sa carrière. Autour d'elle, virevoltent des comtesses et de jeunes éphèbes romains venus lui soutirer quelques lires de sa fortune.



Alors que les odeurs de calzone et d'amour à l'italienne flirtent avec mes narines, la vie de Mme Stone dérive. De son noble statut que lui ont conféré richesse et notoriété, jusqu'où sa dignité va l'emmener pour survivre à la solitude d'une dame encore belle mais devenue âgée. Le beau Paolo lui tourne autour, lui raconte des histoires, fabuleuses et tristes. Elle n'est pas dupe, elle sait le jeu, les tenants et les aboutissants, de Paolo et des dames de la bourgeoisie qui l'entourent mais dans la froideur des draps blancs, lorsque la lune s'étend et que sa lumière dérive sur le vide de sa chambre et de sa vie, Mme Stone se penche à son balcon, l'impression de vide s'accentue. Une ombre s'écarte du lampadaire...



Tennessee Williams vient ici me raconter une histoire de vieillesse et de dignité, dans une histoire très propre, trop même, pour laquelle il m'a manqué de la fougue et de la passion. Une vieille histoire dans une vieille édition sur le prix à payer pour garder une certaine dignité, tout en continuant à survivre, un être à la dérive.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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Un tramway nommé désir : suivi par : La chatte ..

Depuis le temps que ce bouquin traînait sur mes étagères, il avait fini par prendre la poussière. C'est en faisant du rangement que je l'ai retrouvé, avec un plaisir indéniable. C'est mon premier livre de cet auteur et vu tout le tapage médiatique fait autour (le film a beaucoup aidé), j'avoue que j'y suis allée à petits pas. Enfin, les deux premières pages seulement car Tennessee Williams a le don de vous absorber et de vous faire oublier qu'il existe un monde en dehors de votre livre.



L'histoire est pourtant somme toute banale : Une famille d'un riche planteur se réunit pour l'anniversaire du grand-père. On y trouve la grand-mère, Gooper, le fils aîné, son épouse Edith et leurs cinq enfants, le fils cadet, prénommé Brick et sa femme Margaret, un docteur et un révérend, amis de la famille. Tout y passe : alcoolisme, héritage, mal-être sexuel... bref, tout ce que l'on pourrait trouver dans la rubrique faits divers. Margaret et Brick ont du mal à s'entendre et se chamaillent. Brick préfère se réfugier dans l'alcool plutôt que d'affronter les véritables problèmes, notamment son inactivité sexuelle. Et pour cause... Brick aime t-il les femmes ? Avait-il eu une relation avec son ami Skipper, mort d'abus de drogue et d'alcool ? Margaret, quant à elle, justifie le titre de cette pièce. Elle se sent comme "une chatte sur un toit brûlant". Elle ne supporte pas son beau-frère et sa belle-soeur et encore moins leurs enfants. Elle présume qu'ils vont faire main basse sur l'héritage.



La violence et le mensonge sont également présents et structurent la pièce. Ainsi, alors que l'on croyait le grand-père condamné, la grand-mère annonce que les résultats de ce dernier sont bons. Et zou, que fait ce dernier ? Il dit à son épouse qu'elle n'a plus à le commander et fiche tout le monde à la porte avec pertes et fracas. Tout le monde sauf Brick à qui il veut faire avouer qu'il est responsable de la mort de Skipper. Sur ce, Margaret annonce qu'elle est enceinte... On se croirait presque dans un vaudeville mais la tension est si grande qu'on en oublie vite l'idée... surtout lorsqu'on se rend compte que la grand-mère n'a pas dit toute la vérité. Allez, je n'en dis pas plus pour ne pas tout déflorer.



Il faut absolument lire cette pièce, elle est grandiose !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Un tramway nommé Désir

Nouvelle-Orléans, quartier français. Un soir, Blanche Dubois arrive chez sa sœur, Stella, et son beau-frère, Stanley Kowalsky. La jeune femme ne peut se résoudre à la pauvreté du couple et ne cesse de rappeler la richesse qu’elle a connue. Blanche est une femme très sensible, tout en nerfs. « Il faut que je sois avec quelqu’un, je ne peux pas rester seule… parce que comme tu t’en es aperçue, je ne vais pas très bien. » (p. 30) Immédiatement, Stanley prend sa belle-sœur en grippe : il ne succombe pas à ses manières et ne supporte pas ses prétentions aristocratiques. « De la féérie ! C’est ce que je cherche à donner aux autres ! Je veux enjoliver les choses. Je ne dis pas la vérité, je dis ce que devrait être la vérité ! Que je sois damnée si c’est un péché ! » (p. 180) Et surtout, Stanley ne croit pas à son histoire. Il se renseigne et finit par découvrir le honteux secret de Blanche, qui n’est blanche que de nom.



Stanley est clairement une brute sans raffinement et tout dans sa nature s’oppose à la fragilité nerveuse et inquiète de Blanche. La rencontre entre un esprit malade et un esprit brutal ne peut qu’être âpre et violente. Blanche ne supporte pas les attaques et les contrariétés et Stanley ne supporte pas les méandres tortueux du comportement de sa belle-sœur. Tout les oppose, indéniablement, mais la tension sensuelle est palpable, voire épaisse. Blanche a beau crier son dégoût pour la brute que sa sœur a épousé, Stanley a beau se moquer des chichis de sa belle-sœur, quelque chose ne peut que s’enflammer entre eux, qu’ils le veuillent ou non.



Une fois n’est pas coutume, j’ai découvert le livre grâce au film. Marlon Brando beuglant sa rage et hurlant le nom de sa femme, ça m’a fait un petit quelque chose la première fois que je l’ai entendu ! Et l’acteur sait parfaitement magnifier un t-shirt blanc… La pièce de Tennessee Williams est superbe, mais les didascalies ont fini par m’épuiser. L’auteur a une idée très claire de son texte et de la mise en scène qu’il veut. Mais l’abondance d’indications scéniques m’a lassée puisque les dialogues y sont presque noyés. Ici se pose donc une question récurrente quand on parle de théâtre : un texte théâtral est-il fait pour être lu ou pour être vu ? Je me garde bien d’y répondre et ne peux que vous inviter à lire le texte et à voir le film de 1951.

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Un tramway nommé Désir

Sourd malaise en ressortant de ce huit-clos moite, torride et étouffant, et c’est presque avec soulagement que l’on sent l’atmosphère s’alléger quand les médecins emportent la déglinguissime Blanche vers l’asile.



Ce malaise, Blanche l’avait d’emblée installé dès son arrivée dans le petit appartement miteux que sa soeur partage avec son mari dans le quartier français de la Nouvelle Orléans. Elle vient déranger l’ordonnancement brut et sensuel de ces deux-là : Evanescente, exaltée et capricieuse, elle envahit l’espace de ses malles, de ses crises et de ses mensonges. Des mensonges auxquels Stanley le mari ne croit pas ; il prend en grippe cette femme mythomane enfermée dans ses illusions de grandeur façon Scarlett O’Hara et ses dérisoires tentatives de manipulation. Entre eux, la tension électrique qui monte inexorablement ne peut qu’exploser…



La sexualité animale mâtiné de folie de ce drame sudiste exhale à chaque réplique, exacerbée par l’exiguité des lieux et les nombreuses (presque trop dans la mesure où elles ont un peu gêné ma lecture) indications scéniques de mouvements et de lumières.



Vite, revoir le film !

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La chatte sur un toit brûlant

De Tennessee Williams, je ne connaissais rien, à ma grande honte, hormis le fait qu'il était mort étouffé par un capuchon de tube de dentifrice. Reconnaissons que ce fait n'est ni glorieux ni significatif de la carrière d'un dramaturge. Toutefois, ce titre, "La chatte sur un toit brûlant", était dans ma tête depuis presque toujours car comment l'oublier une fois qu'on l'a entendu ?



Intrigant et troublant, ce titre est à l'image de la pièce. Trois actes et beaucoup de personnages mêlés dans une trame complexe. Un décor qui ne change pas mais qui offre plusieurs dimensions en perspective, voilà ce qui pour moi est déjà nouveau et original.



Avec le titre, j'avais en tête le joli minois d'Elizabeth Taylor, puisque la pièce a été adaptée en 1958 pour le cinéma par Richard Brooks, soit trois ans seulement après sa première représentation sur les planches de Broadway.



On peut dire que "Maggie la chatte" n'a pas vraiment réussi à trouver sa place dans la famille de son époux, Brick. Ce dernier, que l'on découvre alcoolique et dépressif, est un des fils d'un riche planteur de coton qui, malade, devrait bientôt passer l'arme à gauche. Avec une rapidité et une efficacité surprenantes, Tennessee Williams parvient à dépeindre à la fois la personnalité propre à chacun des personnages mais encore leur détresse commune et la complexité de leurs rapports ; c'est vraiment remarquable.



J'admire avec quel talent il parvient aussi, en l'espace d'une pièce, à aborder autant de thèmes brûlants : la famille, l'amitié, l'amour, la pression sociale, la convoitise et l'ambition, l'homosexualité, l'alcoolisme, la maternité, le mariage... Ça donnerait presque le tournis. L'écriture de Williams est directe et crue, elle ne s'encombre pas de détours, c'est sans doute en cela qu'elle semble autant impacter le public.



Je suis désormais curieuse de découvrir la pièce et le film, tout comme de lire "Un tramway nommé désir" qui attend lui aussi dans ma PAL depuis bien longtemps.





Challenge MULTI-DÉFIS 2018

Challenge 1914-1989 - Edition 2018

Challenge USA
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Un tramway nommé Désir

Ce qui est vrai pour toutes les pièces, à savoir qu'il vaut bien mieux les voir que les lire, est sans doute particulièrement souhaitable pour "Un tramway nommé désir" tant Tennessee Williams donne en didascalies de longs détails sur les nombreux mouvements des acteurs. C'est bien sûr avec l'œil du metteur en scène que le dramaturge brosse ses scènes ce qui donne sur les planches un rendu énergique mais qui, sur les pages, alourdit le texte et plombe quelque peu le rythme.



Cet aspect pratique mis à part reste une belle oeuvre dont les personnages forts ne peuvent laisser le lecteur/spectateur indifférent. "Mensonges, sexe et trahison" aurait été un titre moins subtil et moins énigmatique mais aurait tout aussi bien transcrit les douloureux thèmes de la pièce.



Blanche, Stella, Stanley et Mitch, pour ne citer que les rôles principaux, évoluent dans plusieurs espaces, du plus privé - la salle de bains - au plus public - la rue. La différence de classe sociale entre les femmes et les hommes, la dissimulation de Blanche, la mesquinerie de Stanley, la naïveté de Stella et la veulerie de Mitch composent un cocktail amer à avaler, et pourtant addictif.



Il me tarde désormais de découvrir l'adaptation cinématographique d'Elia Kazan avec la superbe Vivien Leigh et le beau ténébreux Marlon Brando dans les rôles clefs.





Challenge MULTI-DÉFIS 2018

Challenge ATOUT PRIX 2018

Challenge 1914/1989 - Edition 2018

Challenge ABC 2018 - 2019
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La chatte sur un toit brûlant

La Chatte sur un toit brûlant est une formidable pièce que j’ai eu l’occasion de voir au théâtre récemment. A mon retour, j’ai ressorti le livre de ma bibliothèque, et l’ai relu avec plaisir.



Plaisir tant cette pièce est riche.



Le décor se réduit à la chambre à coucher de Brick Pollit et de son épouse Margaret, et l’action se déroule le jour du soixante-cinquième anniversaire du père de Brick.

Toute la famille est conviée pour l’occasion, et le moins que l’on puisse dire, elle va se déchirer.



Tennessee Williams excelle par ses dialogues à la dépeindre : le grand-père est un riche propriétaire d’une immense plantation, on lui a diagnostiqué un cancer mais on le lui cache.



C’est une famille basée sur le mensonge, la dissimulation, les ressentiments, le dégoût de soi, les conventions, une morale étriquée, et les bassesses.



Le caractère de chacun de ses membres est très bien décrit, avec toute leur complexité. Ils ont vraiment de l’épaisseur.



Bien évidemment d’abord celui des principaux : Brick, ancien grand sportif, qui se réfugie dans l’alcool pour oublier la perte d’un ami proche ; Margaret, la chatte sur un toit brûlant, son épouse délaissée sexuellement mais toujours amoureuse de lui, une femme forte et lucide qui lutte non seulement pour reconquérir son mari, mais aussi pour rester elle-même dans cet environnement ; le père de Brick, étonnamment tolérant pour l’époque.

Je n’oublierai pas les autres intervenants.



La pièce, en trois actes, décrit l’explosion de cette famille et aborde de nombreux thèmes: le désir féminin, la violence, l’alcoolisme, la cupidité, la lâcheté, la maladie et la mort.



Tout cela simplement par des dialogues percutants et de nombreux face-a-face de grande intensité.



C’est une pièce non dénué d’humour, un humour noir bien entendu, elle est rythmée, aux rires succèdent les larmes, et je suis sorti ravi tant du théâtre que de ma relecture ensuite.

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La Ménagerie de verre

Je suis sortie de la lecture de "La ménagerie de verre" dans un état d'esprit assez positif mais je suis devenue un peu plus tiède les jours passant. Peut-être est-ce dû au fait que j'avais été très impressionnée par certaines de ses pièces les plus célèbres lorsque j'étais jeune et que celle-ci ne me paraît pas dégager tout à fait autant de force ; peut-être aussi qu'avec l'âge, le théâtre de Tennessee Williams me convient moins bien.



On croit souvent à tort, me semble-t-il, que "La ménagerie de verre" est la première pièce de Tennessee Williams. Ce n'est pas le cas. Je n'ai pas fait le compte exact, mais ça doit être quelque chose comme la huitième ou la neuvième. En revanche, c'est bien sa première pièce à succès, et c'est probablement celle qui est la plus ouvertement autobiographique. Elle est centrée sur un seul lieu (un appartement) et trois personnages : Tom, Laura, et leur mère Amanda. Tom travaille dans une fabrique de chaussures, mais ne supporte pas l'univers étriqué dans lequel il vit, rêve de voyages et écrit des poèmes. Laura, sa soeur, souffre d'un boitement et, surtout, d'une timidité maladive qui la rend inapte à toute vie sociale. Contrairement à son frère, elle semble s'être résignée à son sort et ne vit guère que pour sa collection de petits animaux en verre (d'où le le titre de la pièce). Amanda, que son mari a quitté il y a déjà bien des années, est sans cesse inquiète pour son avenir et celui de Laura. Elle a pour obsession de lui trouver des prétendants et de la marier - ce qui paraît un projet vraiment très optimiste, vu les circonstances. Elle passe beaucoup de temps à ressasser le passé et à titiller ses enfants, et si les trois personnages, vivant constamment ensemble dans un petit appartement de Saint Louis, sont très proches les uns des autres, leurs relations sont difficiles. Va survenir un quatrième personnage, Jim, collègue de Tom, qu'il a connu, ainsi que Laura, à l'école. Il est invité pour un dîner à l'appartement familial. Amanda voit naturellement en lui le prétendant tant attendu. Or, il se trouve que Laura garde un souvenir de lui qui relève du fantasme amoureux. le revoir va réveiller en elle des émotions particulièrement fortes.



D'une part, c'est une pièce que j'ai trouvée touchante parce qu'elle est construite autour de Laura, si fragile, si différente des autres, et qui ne peut pas répondre à ce que la société attend d'elle. Son personnage reste pourtant presque en marge et n'est pleinement développé que dans la septième et dernière scène. Amanda et Tom, qui m'ont semblé moins intéressants, occupent le devant de la scène le reste du temps, c'est-à-dire pendant une grande partie de la pièce, ce qui m'a quelque peu donné l'impression d'une très longue scène d'exposition. Mais j'ai eu d'autre part la sensation que le côté autobiographique de la pièce était à la fois revendiqué et pas toujours forcément bien assumé. Difficile de ne pas reconnaître la famille de Tennessee Williams - à condition, bien sûr, de connaître un peu sa biographie - dans les trois personnages principaux, d'autant que si les prénoms de Laura et Amanda sont fictifs, le prénom Thomas est bien celui de l'auteur, et que Laura est surnommée Rose Bleue (or le prénom de la soeur de Tennessee Williams était Rose). le tragique de la véritable histoire familiale a été très atténué : Rose, atteinte d'une maladie mentale, a été lobotomisée sur décision de ses parents. Dans "La ménagerie de verre", Amanda, si elle se montre carrément pénible avec ses enfants, n'est pas un personnage complètement nocif et négatif. Et le destin de Laura reste ouvert, même si l'on imagine qu'il n'y a guère de possibilité d'un avenir lumineux pour elle - elle semble d'ailleurs, en donnant sa licorne en verre à Jim, renoncer désormais à tout espoir. La violence qui deviendra l'une des caractéristiques du théâtre de Tennessee Williams est certes présente, mais très contenue. Peut-être trop contenue. Quant au symbole de la petite licorne en verre dont la corne va être brisée, il fonctionne à deux niveaux : l'allusion très directe à la lobotomie de Rose - qui ne peut être comprise, là encore, que si l'on a connaissance de la biographie de Tennessee Williams - masque presque totalement, au moins dans un premier temps, d'autres interprétations possibles, que je trouve plus intéressantes.



Un mot sur les didascalies et la construction de la pièce. On trouve de longues et nombreuses didascalies dans "La ménagerie de verre", qui donnent beaucoup d'indications sur l'interprétation de la pièce, son aspect symbolique, la psychologie des personnages et la scénographie. Tennessee Williams, dans sa volonté de mettre en scène un drame qui est déroulé dans la mémoire d'un de ses personnages et passé au crible de cette même mémoire, a donc imaginé des rideaux servant de filtres, ainsi qu'introduit l'utilisation d'images et d'intertitres à projeter sur écran. Il a créé Tom, personnage qui possède aussi la fonction de narrateur et s'adresse directement au public. Il y a là, et notamment dans ce qui concerne les images et intertitres, un aspect novateur, qui m'a pourtant paru redondant et un peu artificiel, voire lourd. Je trouve aussi que Tennessee Williams donne un peu trop de détails dans ses didascalies, ce qui peut entraver, me semble-t-il, la créativité d'un metteur en scène.



Une jolie pièce, donc, malgré les quelques réserves que j'ai pu émettre ici, notamment l'aspect autobiographique dont l'auteur a du mal à se dégager.





Challenge Théâtre 2017-2018
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La chatte sur un toit brûlant

Depuis le début de l'été, je me replonge de temps à autre dans quelques grands classiques du théâtre Williamsien... Tennessee de son prénom. J'ai d'abord présenté - La ménagerie de verre -, puis le "fameux" - Tramway nommé Désir -.

Cette fois, c'est au tour du tout aussi grand - Une (et non pas LA) chatte sur un toit brûlant - immortalisé(e) au cinéma par Richard Brooks à la mise en scène, et par une pléiade d'acteurs géniaux, dont Paul Newman, Elizabeth Taylor et surtout l'époustouflant Burl Ives dans le rôle de "Père".

Le film a tellement marqué les esprits que peu savent que Tennessee Williams en a détesté l'adaptation (très édulcorée et "remaniée") au point que passant devant l'entrée d'un cinéma qui projetait le film il cria aux spectateurs dans la file d'attente : "Rentrez chez vous !".

Kazan l'avait déjà beaucoup contrarié en lui demandant, pour le théâtre, une réécriture qui imposait à Williams un retour de "Père" dans le troisième acte. Il s'était soumis à la volonté de Kazan par peur de courir le risque de perdre le metteur en scène avec qui il voulait absolument travailler.

Lorsqu'on essaie de présenter une pièce du répertoire de cet auteur il est difficile de ne pas répéter que toutes ses pièces ont des thèmes récurrents : la famille, en général ce sont les figures de la mère et de la soeur, comme c'est le cas des deux pièces que j'ai mentionnées en introduction, l'homosexualité, l'alcool, le mensonge, la trahison, la différence de classe etc...

Dans - Une chatte -, c'est la première fois que Williams donne la parole au père ( à son père ), et c'est la première fois qu'ils "échangent" par théâtre interposé.

On dévore ces trois actes avec avidité tant dans cette oeuvre le talent de l'auteur nous saute aux tripes à chaque réplique.

Écriture, dramaturgie sont à l'apogée du génie de Tennessee.

C'est précis, ciselé, puissamment "parlant".

Les personnages ont la dimension des grandes figures de la tragédie antique ( je me risque, mais j'y crois...).

C'est un classique, et il (elle) est donc incontournable.
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La Ménagerie de verre

Nous sommes à Saint-Louis, aux Etats-Unis, dans les années 1930. Amanda vit seule avec ses deux enfants, Laura et Tom , et ses souvenirs. Du père de famille, il ne reste qu'un portrait accroché au mur du salon, et beaucoup de rancune dans les coeurs de chacun. Pour ne pas sombrer, Amanda ne manque pas une occasion de leur raconter son âge d'or, cette époque où elle était courtisée par tant d'hommes, avec un tel acharnement qu'on se demande si ces souvenirs ne sont pas moins issus de son passé que de ses rêves.



Mais son regard se porte aussi vers l'avenir quand il s'agit de ses deux enfants : de l'avenir professionnel de son fils qu'elle veut voir évoluer dans l'entrepôt dans lequel il travaille, de l'avenir sentimental de sa fille handicapée, terrifiée par tout ce qui excède le champ de sa ménagerie peuplée d'animaux de verre.



Pour elle, ses enfants sont tout. Voir son fils s'éloigner est un crève-coeur. Pour lui, c'est une question de survie, il a besoin de fuir, de partir pour respirer loin de cette mère qui l'étouffe et qui veut l'empêcher d'être ce qu'il veut. Son manque d'air est contagieux, l'atmosphère lourde nous gagne et parvient à nous étouffer, peu à peu, nous aussi. Nous commençons à manquer d'air dans ce huis clos plein à rabord de l'hystérie maternelle, de tensions sourdes, d'envies constantes de provocations de la part de Tom envers sa mère, de leur volonté de secouer cette jeune fille qui ne vit que pour ses figurines de verre.



Lorsque Jim ,un camarade de travail de Tom dont Laura était amoureuse dans ses jeunes années, vient briser le glacis de cette ménagerie, c'est comme un soulagement, une libération pour tous. Une impression fugace et terrifiante de bonheur et d'espoir.



C'est Tom qui mène le bal de la narration, en nous contant l'histoire qui se joue et va se jouer devant nos yeux. On comprend rapidement qu'il est l'alter ego de papier de l'auteur. Une des plus belles pièces de Tenesse Williams au même niveau sans doute qu'un tramway nommé désir ou la chatte sur un toit brulant, pourtant plus connues..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Soudain l'été dernier

On a tous en tête le maillot blanc de Liz dans le film vénéneux de Mankiewicz…



Mais voir au théâtre la pièce de Tennessee Williams – qui détestait cette brillante adaptation cinématographique de son oeuvre- est une expérience bien différente.



Plus d'images qui focalisent la vision en fixant dans la réalité ce qui est peut-être un fantasme ou une vérité relative . Plus de plans audacieux sur les rues blanches de Cabeza de Lobo : rien qu'une scénographie qui se ferme ou se dépouille au gré d'une parole toute proche de la folie et toujours ouverte à la poésie.



Violet Venable est une femme en bout de course, qui se veut la grande prêtresse de la mémoire de son fils, auquel elle voue un culte aveugle. Catherine, sa nièce, détient une autre vérité sur ce fils disparu, le bien nommé Sébastien : elle l'a vu mourir. Et n'a pu empêcher sa mort qui, à bien des égards, ressemble à un suicide ou à un sacrifice doloriste quelque peu pervers. Pauvre Sébastien, dévoré par les enfants pauvres qu'il a pourtant attirés à lui en les appâtant par l'entremise de Catherine vêtue – ou plutôt dévêtue- par le célèbre maillot blanc, devenu transparent dans les flots…



Dévoré…



Toute la pièce est sous le signe de la dévoration : dévoration naturelle – et hautement allégorique- des bébés tortues sur les îles Encantadas -au nom bien fallacieux- décimés par les oiseaux de mer, le jour de l'éclosion de leur oeuf protecteur. Dévoration incestueuse de Sébastien par une mère castratrice, prête à tout pour garder près d'elle ce garçon solitaire, ce garçon poète, à la sexualité refoulée, inavouable et tourmentée. Dévoration du fils par ces « ragazzi »… espagnols, (comme ce fut le cas plus tard par le poète italien, Pasolini sur les bords du Tibre) : un poète transgressif pris au piège de ses propres fantasmes. Dévoration de Catherine qui glisse insensiblement vers la folie -ou vers la lobotomie qui cruellement l'en délivrerait- pour avoir été l'appât manipulé de cette mise à mort.



La mise en scène de Stéphane Braunschweig est excellente : le décor, un jardin tropical et primitif – la jungle des pulsions humaines mises à nu- se transforme en cellule capitonnée pour agités au fur et à mesure qu'on entre dans les discours déments –ou réels ?- de ces deux femmes qui se disputent l'amour d'un homme qui, comme Tennesse Williams, n'aimait que les hommes.



Il était difficile d'oublier Kathrin Hepburn, la mère dévoreuse, Montgomery Clift le psy au regard fiévreux, et surtout Liz Taylor si charnelle et vibrante en Catherine Holly, dévastée par le chagrin et le remords.



Et pourtant, sur la scène de l'Odéon, les trois interprètes principaux de Soudain l'été dernier, y parviennent très bien : Luce Mouchet campe une mère dédaigneuse et vaguement snob, aveuglée et rigide, Jean-Baptiste Anoumon un docteur « Sugar » plus empathique et attentif que l'inquiétant Montgomery. Quant à Marie Rémond, c' est une étonnante Catherine, fragile, enfantine, nerveuse, agitée, angoissée - moins solaire et moins femme que Liz, et sans doute plus proche du rôle écrit par Tennessee en souvenir d'une jeune soeur schizophrène que leur mère, au grand désespoir du dramaturge, fit effectivement lobotomiser…



Elle fait complètement oublier Liz Taylor et m'a paru redonner au rôle, à la mise en scène , à la pièce toute sa vérité par une entière fidélité au texte, où les images naissent de la parole, et où la parole jaillit, irrépressiblement des profondeurs obscures de l'inconscient.

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Mémoires d'un vieux crocodile

Pas forcément évident de comprendre pourquoi Tennessee Williams a non seulement écrit ses mémoires, mais aussi de cette façon, sans bien connaître le contexte de cette écriture. Autrement dit, il serait quasiment nécessaire d'avoir lu une biographie de poids pour mieux appréhender cette autobiographie un peu particulière. Pour ma part, j'ai bien lu il y a déjà quelque temps la biographie de Liliane Kerjan, et j'avais auparavant écouté une série d'émissions sur Tennessee Williams, mais je n'ai pas l'impression que ça soit suffisant pour se mettre complètement dans le bain.





Ce qu'il annonce tout de go, c'est qu'il a écrit ses mémoires pour des raisons alimentaires, et ensuite qu'il a décidé d'opter pour une narration proche de la séance de psychanalyse. Catherine Fruchon-Toussaint, qui a dirigé une anthologie de Williams en 2011, s'interroge sur le motif "alimentaire". On peut nous aussi se demander si Williams était si pauvre que ça - je suis bien sûre que non - dans les années 70, pour en être réduit à écrire pour gagner sa pitance. Ce qui est certain, c'est qu'alors qu'il écrit ses mémoires, donc entre 1972 et 1975 (ce sera publié en 1975), il est passé de mode. Ses heures de gloire sont derrière lui, son théâtre, dont le style a pas mal changé, n'attire plus les foules, et il ne s'est jamais remis de la mort de Frank Merlo, qui fut son compagnon pendant quatorze ans. Il a une bonne soixante d'années, une santé de plus en plus fragile, ce qui n'est pas étonnant vu qu'il est accro aux somnifères, aux barbituriques et à l'alcool, et écrire est de plus en plus difficile. Ce n'est pas par hasard si ces Mémoires démarrent par l'évocation d'un symposium pendant lequel tout ce qui intéresse les étudiants, c'est de savoir si la carrière de Tennessee Williams est finie.





Dans de telles circonstances, et alors qu'il a déjà écrit beaucoup d'essais sur ses pièces (qu'on ne trouve pas en français), Tennessee Williams ne choisit pas d'écrire un énième essai sur son théâtre déguisé en autobiographie, ni de suivre le cours chronologique de sa vie. Le livre débute alors qu'il a peut-être 16-18 ans, peut-être plus - c'est difficile de lui donner un âge ici ou là, parce que très souvent on n'a pas de date -, qui vient de gagner un prix pour une nouvelle, je crois. Et c'est parti pour des tas d'anecdotes personnelles et pour pas mal d'histoires de fesses. Ça va se calmer au fur et à mesure de l'avancée du livre, mais il vaut mieux savoir avant de l'ouvrir à quoi s'attendre (il se trouve que je l'avais oublié, et que j'étais un peu étonnée). Ça a provoqué un énorme scandale à la publication, et beaucoup de lecteurs ont acheté ces Mémoires pour leur côté scabreux, tandis que les critiques s'indignaient : "Quoi, comment, mais il ne parle pas de son théâtre, mais enfin, c'est inadmissible !" Les mêmes le descendaient en flèche dès qu'une de ses pièces était montée, donc on peut imaginer que Tennessee Williams a choisi de leur faire un joli pied-de-nez.





Pour autant, je ne vous cacherai pas que les grivoiseries de Tennessee Williams sont un peu lassantes, un peu redondantes, un peu ennuyeuses aussi. Mais ça permet de comprendre que, par exemple, dans Le printemps romain de Mrs Stone, un de ses romans, c'est bien ses propres relations avec des prostitués de tous genres qu'il met en scène. Et à propos de mise en scène... Ce n'est pas écrit n'importe comment, malgré les allers et retours chronologiques qui nous embrouillent parfois la tête. C'est très dramatisé. Je ne sais pas s'il était aussi hystérique ou dépressif ou désagréable ou pénible à vivre qu'il le répète inlassablement, mais le fait est que beaucoup d'anecdotes prennent vite le ton de la saynète. C'est drôle ou pas - c'est vraiment très drôle au tout début, puis un peu moins, et encore un peu moins. C'est quand même une autobiographie où affleure l'humour et où Tennessee Williams ne se prive pas d'user de l'auto-dérision. Liliane Kerjan dit qu'il s'agit là d'une littérature de cancans... Je n'ai pas trouvé qu'il était langue de vipère avec les personnes dont il parle, mais il est vrai que je lis ce livre 45 ans après sa sortie et que je ne sais même pas qui sont la plupart des personnes qui sont citées, mis à part Kazan, Brando, Magnani, Frank Merlo... et en gros c'est tout. Des allusions désagréables me seraient-elles passées au-dessus de la tête ? En revanche, toutes les anecdotes rapportées ne sont pas intéressantes, c'est certain.





Et qu'en est-il de cette écriture qui serait plus ou moins psychanalytique ? C'est pas franchement ça, et d'ailleurs ça n'aurait pas de sens, car ça supposerait non seulement que Williams divague et erre sans arrêt d'un détail à l'autre, et surtout s'ouvre complètement aux lecteurs, procède à une dissection publique pour satisfaire son monde. Aucun lecteur de ces Mémoires ne voudrait se livrer entièrement aux autres, et c'est bien normal - c'est déjà bien assez compliqué de parler à un psychothérapeute ou à un psychanalyste -, il serait donc assez curieux d'attendre de Tennessee Williams, sous prétexte de sa célébrité, qu'il s'engage à tout dire de lui. Ce n'est pas comme ça que marche une autobiographie. Dans une autobiographie, c'est le jeu, l'auteur est maître de ce qu'il écrit et il procède à une composition ; bref, il est écrivain. Et le lecteur fait avec, quitte à se sentir frustré ou à traiter l'auteur de gros menteur. Là, il apparaît, je pense, que Tennessee Williams a recouvert d'anecdotes croustillantes sa vie, non seulement pour agacer les critiques, mais aussi parce qu'il y a des sujets qui sont visiblement trop difficiles à aborder. C'est à peine s'il parle de son frère Dakin et de son père. Je me suis demandé s'il allait même s'attarder sur la maladie mentale de sa sœur Rose, ce qu'il fait effectivement, mais on sent - ou du moins c'est ce qu'il me semble - qu'il a surmonté pas mal de réticences ; et je ne crois pas que ce soit par hasard qu'à un moment-clé du récit concernant Rose, il interrompe soudain son texte pour parler d'une anecdote toute récente et sans importance. Procédé qu'il utilisera à plusieurs reprises, notamment à propos de Frank Merlo.





Alors, fallait-il parler ou pas de son théâtre ? Le fait est qu'il en parle, mais pour raconter comment se sont déroulées l'écriture ou la création de telle ou telle pièce. Pour ce qui est de l'analyse de son théâtre, il est, lui, d'avis qu'il a suffisamment écrit là-dessus - et quand on lit la scène du symposium en avant-propos, on comprend bien qu'il n'ait pas envie d'y revenir. Ce sont les mémoires d'un homme vieilli, aigri, désabusé, et qui pourtant ne manque pas d'humour. On pense bien ce qu'on veut de cette autobiographie, mais ça vaut toujours mieux que de lire les inepties de Sarah Bernhardt !







Challenge Théâtre 2020
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Le boxeur manchot

Honneur aux cabossés, aux marginaux, à tous ceux qui refusent de rentrer dans le moule et paient cher leur âme de poète.

J'avais lu il y a quelques années l'intégrale des nouvelles de Tenessee Williams, mais retrouver l'auteur dans cette sélection pertinente à la traduction impeccable a été un véritable plaisir, comme une sensation de boire le nectar de l'auteur.

Les deux premières nouvelles, "Le boxeur manchot" sur un jeune gars dont la vie s'est brisée dans un accident qui se perd puis trouve la grâce, et surtout "La malédiction", celle qui s'acharne sur un autre pauvre gars pour lequel le soleil n'a de sens de briller que dans l'oeil d'un chat, ces deux-là valent à elles seules le détour.
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Un tramway nommé Désir

Un tramway nommé désir : tout un programme, toute une promesse. Une œuvre que je m étais promis de découvrir tant ke trouvais le titre sublime.

Je n ai pas été déçue mais je n ai pas non plus eu le coup de coeur. Je pense que les disdascalies à rallonge de l auteur ont gêné ma lecture. J avais hâte de lire les dialogues et j en arrivais à perdre le fil.

L histoire est troublante, bouleversante. Ayant pour cadre un quartier français de la nouvelle Orléans on y découvre Stella et son mari Stanley vivant dans un appart sordide. La soeur de Stella , Blanche, les rejoint. Tout de suite , une tension s installé entre Blanche et Stanley que tout oppose.

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La chatte sur un toit brûlant

Quand comme moi, on est un grand adepte de Faulkner, on ne peut rester insensible au charme de Tennesse Williams. Car c'est aussi ici le Sud américain qui parle à travers ses mots, celui qui n'en finit pas de régler ses comptes avec l'esclavage, celui dans lequel les grandes familles et les petites villes se déchirent.



L'ouvrage que j'ai lu comporte deux pièces, l'une à la renommée certaine "La chatte sur un toit brûlant", l'autre plus méconnue "La descente d'Orphée". Elles se répondent parfaitement dans la description de cette Amérique, puisque l'une évoque les tourments familiaux, l'autre dépeignant une ville et sa galerie de portraits d'habitants. Et un point commun dans les deux, deux femmes qui prennent en main leurs destin, Maragaret et Lady. Il faut souligner cette mise en valeur de la femme par l'auteur car c'est particulièrement précurseur, les deux pièces datant respectivement de 1955 et 1957.



Ces deux textes donnent vraiment envie d'aller les voir sur scène car on sent qu'ils ne prendront tout leur sens que mis en chair, les personnages demandant à être pleinement incarnés physiquement, pour que les mots assez simples qui leur sont dévolus prennent corps et sens. Je regarderais déjà avec plaisir les adaptations cinématographiques auxquelles elles ont donné lieu et qui ont contribué, pour la première en tout cas, à sa renommée. Avant je l'espère de pouvoir moi aussi me couler dans la peau d'un des protagonistes...
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