Thomas H. Cook

...elle n'était plus une jeune fille en soi, mais rien que le symbole douloureux et dévastateur de mon sentiment d'infériorité (p. 238)

Comme l'indique le 4éme de couverture, Thomas H Cook se livre ici à l'exercice du roman de prétoire et c'est donc au procès de Sam Madison, universitaire pédant mais plein d'esprit accusé d'avoir tué sa femme. Si le talent de l'auteur lui permet d'animer avec réussite ce procès qui ne repose que sur de faibles présomptions de culpabilité - du vent, dit à plusieurs reprises l'avocat de Sam Madison - on sent rapidement que celui-ci n'est qu'un prétexte pour raconter une autre histoire : celle de l'incompréhension mutuelle qui peut s'instaurer dans un couple. Thomas H Cook analyse un thème qui lui est cher : celui des non-dits, des chemins qui se séparent à cause des replis sur soi et de la fausse image que chacun se fait de l'autre.

C'est là que se situe le thème de ce roman subtil mais parfois un rien ennuyeux avec ce lent pas de deux entre le passé et le présent.

Toute grande prise de conscience se paie au prix fort, m'avait un jour dit Sandrine, peut-être en guise d'avertissement. Mais jusqu'à l'épreuve que fut pour moi mon procès, toutes les miennes avaient été infimes et peu cher payées.

Disons simplement que la guerre froide lui avait fait chaud au coeur, raison pour laquelle on l'avait baladé de bureau en bureau, ses espoirs de décrocher l'entretien qui lui conférerait une réelle autorité éternellement contrecarrés par son ardente conviction que l'intérêt de l'humanité primait sur l'intérêt national, point de vue qui lui avait valu de se faire de nombreux amis parmi les réformistes radicaux des pays du tiers-monde, mais aucun à Washington.

Ce drame se résume à cette simple vérité : on ne meurt qu'une fois.
Quoique.

Avec le temps, tout change, sauf le passé.

La jeunesse, comme on dit, est un autre pays.

Au bout du compte, j'ai préféré théoriser sur la vie plutôt que de la vivre.

Soudain elle fut prise d'une bouffée de colère contre elle-même, contre le fait qu'elle ait pu l'autoriser à l'aimer comme il l'avait fait, ou l'ait aimé en retour, qu'ils se soient laissés aller à se raconter qu'ils étaient seuls au monde et qu'aucun autre cœur que les leurs ne pouvait être brisé.

- Ambrose Bierce appelait la diplomatie : l'art de fabriquer des mensonges plausibles.
J'avais ri sur le moment, mais pas Julian. Au contraire : son regard s'était assombri et une ombre s'était répandue sur lui.
- Pour vraiment réussir ce tour, Philip, il faut être un maître du crime.

Les fous faisaient ce genre de choses, tuaient avec une monstrueuse impartialité, la nature arbitraire de leurs actes symbolisant parfaitement leur démence. P.302

Il faut que vous compreniez quelque chose à propos des Saints. Nos chefs ont été tués. Nous avons été pourchassés jusqu'à ce que nous trouvions Salt Lake. Nous ne sommes pas un peuple amer mais un peuple éreinté par des années de détresse. P. 253

Quand le chemin se fait dur, les durs font leur chemin.

Cet après-midi là, nous avions décidé mutuellement de ne plus nous revoir. C'avait toujours été une sorte de pis-aller, une relation toujours un peu contrainte que notre liaison: deux personnes qui auraient dû se croiser dans la nuit sans se voir mais qui, on ne sait comment, s'étaient au contraire accrochées l'une à l'autre, deux grains de poussière livrés aux caprices d'une brise d'été. Nous nous étions liés en nous écartant momentanément de notre routine habituelle, si bien que ma lucidité m'avait fui et que, pour cette raison, nous avions fini au lit comme les moitiés de deux feuilles différentes réunies dans le tourbillon d'une même bouche d'égout.

(...) nous sommes tous, limités, aussi tourmentés les uns que les autres par des amours conflictuelles, essayant, du mieux que nous le pouvons, de trouver notre place entre la passion et l'ennui, l'extase et le désespoir, la vie à laquelle nous ne pouvons que rêver et celle qui nous est insupportable.

Un amour ne peut naître que d'un amour qui meurt.

Peut-être que nous sommes tous limités,aussi tourmentés les uns que les autres par des amours conflictuelles, essayant, du mieux que nous le pouvons de trouver une place entre la passion et l'ennui, l’extase et le désespoir, la vie à laquelle nous ne pouvons que rêver et celle qui nous est insupportable.

Pour moi, mon père était un homme rustre et ignare qui plaçait sa fierté dans sa grossièreté et son ignorance, qui les exhibait même comme des titres honorifiques.

A cet instant, il avait compris ce qu'il n'aurait jamais pu deviner : la vengeance a un goût amer. Elle n'avait pas rempli ce vide en lui, ni apporté la moindre paix.

Derrière le bureau, un grand portrait de Brigham Young. Une caractéristique de Salt Lake. La photo de Young était accrochée dans les restaurants, les magasins de vêtements, d’alimentation, les cafés. Version Salt Lake du culte de la personnalité. Au début, Tom avait trouvé cela intéressant, mais au fil des années, il en avait été agacé et considérait que c’était une chose supplémentaire qu’il n’aimait pas à Salt Lake. Il s’aperçut qu’il avait ignoré être dépourvu de foi jusqu’au jour où il était allé dans un endroit où la foi était tout.