Citations de Thomas Vinau (1181)
Nos cernes sont nos nids
Les oiseaux gris
qui vivent dans les gares
picorent nos départs ratés
quand vient le soir
ils retournent nicher
au fond du regard las
d'une mendiante fatiguée
Les jours qui passent ont une couleur particulière. Les prémices sont pleines et silencieuses. Quelque chose se fomente. Je m'y précipite calmement. Avec la confiance farouche des bêtes qui se font trahir. Avec mon amour effrayé. Avec ma méfiance de ciel gris qui sait qu'on finit par nous reprendre tout ce que l'on nous a offert.
Il ne faut pas bouder notre fierté les jours où nous parvenons à sauver quelque chose.
Prendre le pas de la lumière. En longer les rayons. S'y baigner les pieds. Grapiller ce que l'on peut de cette fausse fraîcheur nouvelle. Récolter les reflets qui ne mènent nulle part. Avancer léger dans les battements de cils de l'instant.
Et puis un jour, on se rend compte que le monde est plus grand que nos yeux. Et on reste là, perdus. Au bord du vertige.
Tu sais ce que nous avons tous en commun? Nous sommes des fuyards debout. C'est le Non qui nous tient. Ne renonce jamais à refuser.
La clarté que l'on nous refuse nous la volerons avec le feu. Nous coiffons la nuit au poteau. Nous rallumons les nues. Nous sommes la suie qui ne mérite pas l'azur. Nous sommes la chair rouge des braises. La petite viande perdue. Au début le sang et le feu ont la même couleur. Au début seulement. Ensuite il ne reste que la nuit. Il y a des oiseaux qui n'ont pas droit au ciel. Ils le voleront. Nous partagerons de force. Nous prendrons ce qu'on nous refuse. Nous sommes la faim des flammes. Le feu qui se tord. Le feu affamé d'air. L'esprit affamé de la justice. Nous sommes les flammes sans lumière. C'est la nuit que nous voyons le mieux, car c'est elle qui nous accueille. C'est le noir qui nous éclaire. La nuit est notre règne, la forêt notre patrie. Nous sommes les fils des bois perdus, de la route, de la boue des chemins. Nous sommes les fauves en exil. Les apatrides. Les moins que chien. Nous sommes les rats et les renards, les hérissons, les ailes tranchantes de grand-duc. Nous sommes les yeux de la mule aux flancs lacérés. La chair à canon et à usine, la viande pour leurs grosses dents. Nous sommes les invisibles, le choléra, le nègre, l'ongle noir de Satan. Nous sommes la famille de vos sacrifices, les cornus, les sauvages, les bouffeurs d'ombre, les récalcitrants. Nous sommes le vent qui souffle sur les braises, les morts pour rien dans la brume de l'Empire, la rage des chiens. Venez avec moi, je vous offre l'outrage, le brûlure, la ruade, le galop. Je vous offre la liberté des flammes sans lumière.
J’ai eu peur. J’avais peur de grandir. Peur de devenir comme tout le monde. Peur d’accepter cette drôle de farce. Peur de passer à coté. Peur de la médiocrité. Et puis j’ai un peu voyagé. J’ai eu deux trois amis. J’ai lu deux trois livres. J’ai rencontré deux trois femmes. Je me suis dit que ça valait la peine. De jouer le jeu. D’accepter la farce. Alors je m’y suis mis. J’ai trouvé une place. J’y ai fait mon trou. J’ai aimé quelqu’un. J’ai eu un fils. Alors j’ai eu peur pour lui. Peur de demain. Peur de la mort. Des enculés d’en face. Ils sont forts, les enculés d’en face. Toujours plus forts. J’ai eu peur pour lui. Peur de ce qu’il allait devenir. Peur de ce que j’étais devenu. Maintenant j’ai peur de ce que je ne deviens pas. Et puis j’en ai marre d’avoir peur. Ca ne marche plus d’ailleurs. Je n’ai plus peur. J’en ai juste marre.
Le grand paon de nuit reste sur son pied de chaise. Au ralenti. Comme Joseph sur la sienne. Au ralenti. Pas d’ouverture à l’horizon. Pas de respiration de secours. Attendre d’atteindre le printemps. Il faudrait entailler le printemps. Il faudrait entailler les nuages. Tailler une brèche dans le ciel. Une issue de secours. Un endroit par où filer en douce.
Je me méfie. J'ai toujours peur que ça ne dure pas. Dès qu'il y a un moment de bonheur, de paix, je me répète que ça ne durera pas. Que le temps est un menteur. Qu'avoir quelque chose c'est commencer à le perdre. C'est comme cela que je fonctionne. C'est ce que la vie m'a appris. Si tôt. La perte. Le peu de fois où je l'ai oublié, le boomerang m'est revenu dans les dents. (…) La confiance ne se déclame pas. Il faut l'apprendre. Tout doucement. Il faut que quelqu'un d'autre vous l'apprenne. À grands coups de demains et de câlins.
Post-it.
Ma douce
pas eu le temps de dire grand-chose ce matin
trop en retard sur nos disparitions
on se voit ce soir
entre deux soupirs
si tu rentres plus tôt
j’ai attrapé ce matin pour toi
une petite bourrasque
toute fraîche
je me suis dis ça servira
pour son cœur
ou pour ses cheveux
elle est dans le Tupperware bleu
dans le frigo.
Le choix
J'ai le choix
soit je m'applique
à ne jamais oublier
la voix de cet enfant
qui raconte comment
on a découpé ses parents
et violé ses soeurs
sous ses yeux
alors je deviendrai un peu plus fou
soit je m'efforce
de tenter d'effacer
la voix de cet enfant
qui raconte comment
on a découpé ses parents
et violé ses soeurs
sous ses yeux
alors je deviendrai un peu plus con
c'est bon d'avoir le choix
(l'enfant lui
ne l'a plu)
Les étoiles sont déjà mortes quand leur lumière atteint nos yeux. Je me la répète parfois. Pas souvent. C'est comme regarder un vieux film super 8 sur un parent disparu. Il y a de la nostalgie là-dedans. De la douceur résignée. Une forme de paix après la tempête. Une envie de jus de tomate aussi. D'aller asseoir son cul sur le perron en sirotant un jus de tomate. De garder le goût dans la bouche. De sentir la pierre sous les fesses. De rester là. À se regarder disparaître. À devenir un souvenir de la lumière.
On tourne en rond. Il faudrait vider les greniers avec de grands balais qui remuent la poussière. Il faudrait rouler avec les vitres ouvertes dans le champ de luzerne. Cueillir les asperges sauvages. Planter son nez là où ça sent. Boire du vin au bord de la rivière. Prendre ce qui passe. Il faudrait se salir. Tous ensemble. Sans projet. Comme avant.
Mon esprit est un jardin désordonné. Une friche remplie de coton, de glace, de ronces et de fraises sauvages.
Tu sais pourquoi Sarah est belle ? Parce qu’elle est libre.
(...) tout ça s'est mélangé dans le crâne de Gaspard qui a fini au coin du feu, le corps amorphe mais l'âme dansante comme un derviche, confus, silencieux et souriant. Ce nouvel univers totalement inconnu lui inspirait pourtant une sensation étrange qu'il n'avait jamais éprouvée, la sensation d'être rentré dans son pays. ( "Le Camp des autres", Alma éditeur, 2017, p. 70)
Ici, nous pouvons ne pas échanger un seul mot de tout l'après-midi, et pourtant nous partageons. Nous sommes reliés par un regard, un bruit, un sourire. Nous sommes ensemble. Nous pouvons dès lors savourer nos silences.
La joie est belle. La joie est simple. Avec le temps je vois ça comme une sorte de sport. De régime. Une discipline.Une acuité du cœur et de l’œil. Il y a des ressources considérables à puiser là-dedans. De la force. De la beauté. De la vérité. Pourtant ce n’est pas une situation confortable. Elle demande de la vigilance. De la volonté. Pas de forcer les choses, non, mais de faire attention.Il est bien plus confortable d’être négatif….
Dust storm
Je n'aime pas beaucoup
penser à toi
c'est comme une tornade
de poussière et de cendre
à l'intérieur
de mon coeur