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Critiques de Toni Morrison (1253)
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Frank Money jeune noir, est parti faire la guerre de Corée avec ses deux amis d'enfance. Chez eux à Lotus en Géorgie, il n'y a pas d'avenir à part à s'éreinter dans les champs de coton. Mais il revient seul, et ne peut rentrer chez lui, brisé, mal à l'aise d'être toujours vivant.

Sa jeune soeur Cee, qu'il a toujours protégée l'appelle au secours. Alors, il traverse l'Amérique pour la retrouver.



Un très beau livre court ( 143 pages), intense et poignant. En un mot: superbe.
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Playing in the dark : Blancheur et imaginat..

Dans "Playing in The dark", Toni Morrison montre son agacement en vers les critiques.

L'étude "africanisme américain" des romans mixtes n'est pas réalisée, du coup Toni Morison s'est mise au travail !

Avec son talent d'écrivain, elle a montré comment l'étude "africanisme américain" révèle des cotés cachés de certains romans populaires avec une écriture à la fois technique mais compréhensible pour un non initié, .

Le livre est court, et donc le message passe sans effort, et il permet d'offrir la possibilité de lire les romans autrement.
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Ma liberté à moi

Trois enfants vivent dans une grande boite où ils ne manquent de rien. La seule chose qui nous interpelle c'est que la porte ne peut s'ouvrir que de l'extérieur. Dit comme ça, on pourrait penser à une histoire sordide, mais pas du tout, c'est seulement que "pour leur bien" les adultes de leur entourage ont décidé de les y mettre afin qu'ils utilisent leur liberté à bon escient. En effet, ces enfants, bien qu'ils soient responsables dans leur foyer sont dissipés à l'école ou font des bêtises d'enfants à l'extérieur. Alors c'est par mesure éducative qu'ils se retrouvent enfermés avec une profusions de jouets et bonbons de toutes sortes.



Ma liberté à moi : quel titre !



J'ignorais que Toni Morrison (pourtant une de mes romancière chouchou!) avait écrit des livres pour la jeunesse, alors quand je l'ai vu sur les étagères de la médiathèque locale, la question ne s'est pas posée : non seulement je devais l'emprunter mais ça devait être ma première lecture de l'année !



Si le graphisme n'a rien d'extraordinaire par rapport à ce qu'on a l'habitude de voir, j'ai été complètement conquise par ce texte qui devrait être remis dans les mains de chaque parent. C'est non seulement en tant que parent que j'ai été touchée, mais aussi en tant qu'ancienne enfant.

Ce texte amène à réfléchir sur l'excès de zèle dont chaque parent peut faire preuve malgré lui, en voulant tout donné à leur enfant et s'attacher davantage à ce qu'il a qu'à ce qu'il est. Cette histoire permet de comprendre que comme le dit le proverbe "il faut que jeunesse se passe" et pour cela , que les enfants se conduisent comme des enfants, et non comme des poupées modèles qu'on peut voir mais pas entendre. De quoi nous rappeler subtilement qu'il est dans la nature des choses qu'ils s'expriment et débordent, que cela ne fait pas d'eux pour autant de mauvais garnements et qu'ils ont des besoins (de jouer, d'être libre, écoutés , etc) qui ne sont pas les nôtres.



Une excellent surprise pour démarrer l'année (et je l'espère, donner le ton à mes lectures de l'année!).
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Home

Frank Money est hospitalisé après son retour de la guerre de Corée. Il se trouve en psychiatrie en raison des séquelles restés. Sauf que lui ne comprends pas pourquoi il s'y trouve. Alors il prend son mal en patience et se laisse guider par l'équipe médicale, continue ses soins et patiente en profitant des ces moments de tranquillité.



Puis, un jour, il reçoit une lettre d'une femme lui indiquant que Cee, sa sœur, est mourante et qu'il doit revenir auprès d'elle au plus vite. Alors Frank s'enfuit de l'hôpital avec presque rien sur lui et va traverser tout le pays jusqu'en Georgie, là où il a grandi.



On suit ainsi Frank dans son périple. Il n'est pas pressé. Il avance en fonction des occasions qui se présentent et nous raconte son histoire au gré de ses rencontres et de ses souvenirs. Son enfance, le racisme, la ségrégation, les champs de coton, tout est évoqué avec douceur. Il nous parle ainsi de ses parents, toujours absents, travaillant dur pour que toute la famille survive, puis de sa petite sœur, Ycidra (Cee), plus fragile, plus frêle dont il s'est beaucoup occupé. Frank évoque ensuite son adolescence, son entrée à l'âge adulte et les raisons de son engagement dans la guerre de Corée.



Nous sommes au début des années 1950, Frank est un soldat noir. Il a vécu beaucoup de drames. Il reste forcément hanté par le conflit où il a vu beaucoup de soldats morts, des compatriotes, des hommes de couleur, mais aussi des coréens, des femmes et des enfants. Dans son esprit restent encore les images de sang, de corps, des tirs et des villages entièrement brûlés. Tant de visions qui ne laissent pas un homme indemne.



La lettre qu'il reçoit le ramène à la réalité. Sa sœur a besoin de lui. Voilà si longtemps qu'ils ne se sont pas vu. Qu'a-t-elle fait toutes ces années ? Que lui est-il arrivée ?

"Home" c'est le retour à la maison, un retour aux sources auprès des siens, en homme libre et vivant. C'est le voyage de la guérison, pour lui et Cee.



Un roman très court dans lequel tout est dit. Une très belle plume, une écriture douce et poétique, sans rancœur, ni mépris. Mon premier roman de l'autrice, Prix Nobel de la littérature américaine, et j'en reste enchantée.


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Paradis

Voici un livre que j'ai bien failli laisser de côté tellement il est dur, tellement il nous heurte, tellement il nous étouffe... Paradis. Non. Pas du tout. Ruby, ville construite par une communauté Noire, pour s'échapper du vice. Vivre en autarcie. Une ville construite sur plusieurs générations. Et nous suivons la voix de 9 femmes. Une ville où règne la religion, de celle qui oblige, de celle qui oblige. Une ville repliée sur elle-même... Une ville pleine de conflits, de non-dits, de racisme... Certes, l'écriture pourrait se suffire à elle-même, parce que c'est Morrison, mais l'atmosphère pesante du roman nous en détache... nous pèse... nous fait manquer d'air... Dommage !
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Sula

Un roman difficile à raconter tant il est flamboyant. Nel et Sula sont amies depuis l’enfance dans une Amérique profonde des années 20. Elles vivent dans un quartier de relégation où la boue et le froid rendent le quotidien difficile.

Nel est issue d’une famille traditionnelle, ordre et propreté sont la règle, la mère faisant régner la terreur sur la maisonnée. La maison de Sula est ouverte aux quatre vents, accueille les pauvres et les orphelins sous la direction d’une grand-mère unijambiste, figure excentrique du Fond.

Liées par une relation fusionnelle, elles partagent des expériences – pas toutes plaisantes – des rires, des glaces et des désirs :

« Comme chacune avait compris depuis longtemps qu’elle n’était ni blanche ni mâle, que toute liberté et tout triomphe leur étaient interdits, elles avaient entrepris de créer autre chose qu’elles puissent devenir. ».

Toni Morrison fait s’étendre l’histoire des fillettes de 1920 à 1965. On assiste ainsi à leur entrée dans l’âge adulte et à l’évolution de leur relation, bien loin des rêves qu’elles pouvaient nourrir. On aime Sula pour sa liberté, sa candeur et sa profondeur, son goût pour le plaisir. On a de la tendresse pour Nel qui s’échine à mener une vie conforme aux enseignements de sa mère.

C’est aussi l’occasion pour l’auteur d’évoquer la condition des afro-américains et la place qui leur est faite dans une société où la ségrégation fait loi. Un roman comme une fable cruelle, c’est poétique, tragique, violent. Que dire du style de Toni Morrison sinon qu’il est coloré, qu’il crée un univers particulier dans lequel les dialogues permettent aux personnages de s’incarner et les descriptions de nous faire voyager, éprouver la chaleur ou sentir les odeurs ?

Un très beau roman dont j’ai relu plusieurs fois les dernières pages pour ne pas perdre de la subtilité du message délivré.



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L'origine des autres

Deuxième essai de Toni Morrison sur la littérature et les personnages noirs dans les romans, L'Origine des autres est un recueil qui contient des "résumés" de six cours que l'auteure américaine a dispensé à l'université. Une fois n'est pas coutume, Toni Morrison y aborde les sujets qu'elle connait le mieux : l'identité afro-américaine, la littérature (la sienne mais pas seulement) et l'histoire des Noirs aux Etats-Unis.



Ses réflexions sont toujours très incisives, très justes (et dans un langage limpide!) et son admiration pour la littérature et les possibilités qu'elle offre plus que contagieuse. Certes, on sent fortement (comme dans ses romans) l'influence de la morale chrétienne, surtout quand elle parle d'amour ; d'amour de soi et/ou d'amour de son prochain.



J'ai trouvé cet essai enrichissant - mais bon, c'est Toni Morrison, quand il s'agit d'elle il me semble toujours que l'objectivité est une notion qui me devient totalement étrangère ! - avec des arguments très pertients bien sûr. Toutefois, j'ai préféré Playing in the Dark que je trouve plus complet, plus abouti. L'Origine des autres ne contient pas de synthèse globale ici, un détail qui m'a laissé un peu sur ma faim. Malgré ce détail, je dirai quand même que c'est une lecture dont tout amoureux des lettres américaines et/ou de littérature en général ne devrait pas se passer !
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Beloved

Un roman dur, triste et vaguement dérangeant sur la vie d'une esclave en fuite, poursuivie par le fantôme d'une de ses filles... On reconnaît bien l'écriture de Toni Morrison, très proche du parler parfois, avec plein d'allées-venues dans le temps et entre les personnages, ce qui déjà m'a déstabilisée.

Ensuite, la pointe de fantastique dans ce roman par ailleurs très "humain" est également déroutante. Enfin, quelle chape de tristesse, je n'ai pas réussi à être captivée par ces pages, bien trop sombres à mon goût, il m'a fallu des semaines pour en venir à bout.

Bien consciente que ce roman est un bon livre, je pense qu'il n'est pas tombé au bon moment pour moi, et que je suis totalement passée à côté... A réessayer dans quelques années ?
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Beloved

Roman époustouflant, fascinant où Toni Morrison nous entraine avec un grand talent à ressentir, à vivre les sentiments du peuple noir, victime de l’esclavage dans les années 1870 aux États -Unis. Là où le quotidien est humiliation, maltraitance, mépris et relégation à l’état animal, lorsque ces êtres brisés n’ont pas déjà été tués ou poussés à mourir, il peut advenir de préférer la liberté de la mort de ceux qu’on aime aux conditions de cette vie d’esclave, quitte à donner cette mort à ses propres enfants. On ne s’étonne pas alors, que sur la crête de la folie, la limite entre les vivants et les morts s’estompe.

Ce récit est inspiré de la véritable histoire de l'esclave Margaret Gardner, ce qui lui donne une profondeur et suscite une urgence à la réflexion sur le sujet abordé surtout en ces jours du XXIème siècle où l’on assiste à la recrudescence de la pensée xénophobe et raciste.

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Jazz

Challenge Nobel 2013/2014

6/15

Voila voila... Je l'ai lu, je n'ai pas tout compris, je dois bien l'avouer. Je ne sais pas s'il s'agit d'un problème de traduction, mais certaines phrases m'ont semblé incompréhensibles. Il semble y avoir des parallèles avec un passé parfois très lointain, mais lesquels exactement ? Certaines situations m'ont semblé être tirées par les cheveux. Les personnages principaux ont surmonté, difficilement, la folie de leurs origines, pour finalement être aliénés par la Ville. Folie inévitable ?

Peut-être aussi que je ne connais pas assez le jazz pour apprécier le rythme syncopé de la narration.

Bref, je ne sais pas, ça fait beaucoup de flou autour d'une intrigue assez intéressante, même si assez classique. Après Home, c'est un peu la douche froide.
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Beloved

Commencé l’an dernier au moment de sa pioche, abandonné parce que pas du tout adapté à mon état d’esprit et avec une structure franchement trop compliquée pour moi, sans parler du sujet qui traité de cette manière ne m’intéressait pas du tout !



J’ai repris sa lecture il y a peu histoire d’honorer la pioche, en retrouvant toutes les sensations désagréables j’ai quand même continué quelques jours. Vu que je n’avais pas compris grand-chose dans le déroulement ce n’était pas “compliqué” de continuer, même décousu ! Je suis presque, presque arrivée à la fin mais j’ai abandonné et cette fois-ci définitivement ! Pour résumer je n’ai rien compris et ce avec déplaisir !



J’ai pris la décision cette année de ne pas lire des livres encensés, adulés s’ils ne m’inspiraient rien ou ne me donnaient pas envie, celui-ci a clôturé mes mésaventures de lectures non désirées !



Challenge Plumes Féminines 2022

Lecture Thématique janvier 2022 : Etats-Unis et Canada

Pioche PAL juin 2021
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Sula

Ohio, de 1919 à 1925. Dans le village de Fond, quartier noir de Medallion, vivent Sula et Nel, deux petites filles âgées d'une douzaine d'années. Nel est plus claire de peau , Sula plus sombre. Malgré les commérages des habitants, les deux amies sont très liées, voir inséparables. Elles sont toutes les deux filles uniques, ce qui les rapprochent encore plus.

"Leur rencontre fut une chance, puisqu'elles purent se servir l'une de l'autre pour grandir. Issues de mères lointaines et de pères incompréhensibles, chacune trouva dans les yeux de l'autre l'intimité qu'elle recherchait."

Elles grandissent ensembles jusqu'à leur majorité, puis finissent par prendre des chemins différents.

Nel se marie et devient mère sans jamais quitter Medallion. Sula poursuit ses études, quitte le village, entre à l'Université, ne se marie pas et vit de diverses conquêtes loin de Medallion.



Plusieurs années plus tard, Sula revient dans l'Ohio. Son retour n'est pas des plus attendus. Sa vie n'est pas conforme au destin d'une femme noire de sa classe sociale. Il y a des médisances, des ragots. On la fuit, on l'ignore.



"Sula" est une histoire qui se déroule sur plus de quarante ans et dans laquelle se côtoient beaucoup de personnages. C'est le deuxième roman de l'auteure, paru à l'origine en 1973. Toni Morrison y dresse le portrait d'une femme en quête de liberté et d'indépendance, loin du chemin tout tracé des femmes de sa communauté. Des choix sont à faire, pas forcément les meilleurs, mais c'est le prix à payer pour une jeune femme, noire américaine, des années 1920, qui ne veut pas se conformer à un simple rôle de mère et d'épouse.



A travers les yeux des divers personnages, l'auteure évoque ainsi la vie des minorités jusque dans les années 1960.



Le roman est très court. Contrairement à "Home" que j'avais beaucoup aimé, ce récit m'a complétement perdu. C'est une déception, très probablement en raison des scènes trop peu développées, et des nombreux dialogues souvent trop succincts.

Je préfère les lectures plus exigeantes, plus descriptives, dans lesquelles je puisse m'attacher aux personnages et m'imprégner des lieux, ce qui n'a pas été le cas avec ce livre.


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Délivrances

C'est le 1er ouvrage de Toni Morisson que je lis.



Je voulais découvrir cette plume américaine, Nobel de littérature en 1993, dont les écrits dénoncent les dysfonctionnements et les injustices de la société américaine et plus particulièrement celles vécues par la communauté noire.



J'ai choisi celui ci, alors que ce n'est pas son plus connu, à cause de sa couverture , où le noir de la peau est transcendé par le blanc du vêtement...

Et c'est justement une histoire de peau noire sublimée par le blanc, qui est au centre de ce court roman, où l'on croise divers sujets : celui de l'enfance abusée, celui du racisme, celui de l'amour maternel, de l'amour fraternel et plus habituellement de l'amour entre un homme et une femme.



Une lecture que j'ai trouvée moins fluide que j'espérais, plus difficile aussi.

Certaine pages sont de toute beauté et l'écriture est par passage tout simplement exceptionnelle.



Je vais sans doute lire d'autres livres de cette autrice car l'écriture, certes pas facile est vraiment trop belle.

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Playing in the dark : Blancheur et imaginat..

En 2006, le musée du Louvre invitait Toni Morrison pour y faire une série de conférences sur le thème "Etranger chez soi". C'est dans ce cadre-là que je me suis intéressée à cet essai sur la littérature américaine. La question que pose Plaing in the dark est précisément la suivante : comment l'identité (blanche) américaine s'est-elle construite grâce et au détriment de la présence silencieuse des Noirs?



Dans cet essai en 3 parties, elle s'applique à démontrer comment la présence de cet Autre questionne le Rêve Américain tout en montrant comment la fameuse dichotomie du Bien et du Mal est souvent vue en termes raciaux dans les classiques de la littérature américaine. Elle explique donc par quels procédés stylistiques et linguistiques les personnages africains sont utilisés pour projeter les faiblesses de l'Homme blanc (impossible de faire porter de tels fardeaux aux personnages blancs car il incarne la supériorité de la race humaine). Pour illustrer ses arguments, Toni Morrison utilise des passages d'oeuvres prises dans le canon de la littérature américaine d'Edgar Allan Poe en passant par Mark Twain et Herman Melville.



Dans chacune de ses parties, elle montre l'importance du langage comme facteur d'exclusion, dans la mesure où il sous-entend qu'être américain signifie être blanc ; pour preuve, aujourd'hui encore, il faut ajouter un qualificatif pour savoir de quels américains on parle : African American, Native American, Jewish American, Latino American,…

Ce qui m'a particulièrement plu c'est qu'elle part du principe (contrairement aux universitaires français trop bien pensants……) que l'Histoire et la littérature ne sont pas deux sphères distinctes qui ne se rencontrent jamais, bien au contraire. D'ailleurs, elle souligne le fait que le rôle de l'écrivain consiste bien sûr à parler de ce qui fait l'être humain mais aussi à parler dans la société dans laquelle il vit - que ce soit pour en souligner les travers ou s'en faire le fidèle reflet.



Toni Morrison est (de très loin!) un de mes écrivains américains préférés et la lecture de cet essai n'a fait que confirmer sa place de choix.
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Beloved

Ma chronique sera plus longue que d’habitude, mais comment parler d’un chef-d’œuvre en quelques lignes ? Je vais d’abord parler de la nouvelle traduction et de la postface de la traductrice qui fait corps avec le texte de Toni Morrison, puis résumer brièvement le roman de façon chronologique, ce qui peut éviter à certains lecteurs d’être rebutés par le côté éclaté de la narration (libre à vous de lire ou pas cette partie…). Je n’ai pas pu résister à donner des extraits de la postface de la traductrice dont l’analyse, brillante, magnifie encore un peu plus le texte de Toni Morrison. Pour terminer avec quelques citations dans cette traduction récente et dans celle de 1989, à titre de comparaison.



« Peut-être le roman parfait »… Ce n’est pas moi qui le dit mais la traductrice, Jakuta Alikavazovic, dans une postface enflammée, sous titrée De la liberté. Elle dit son éblouissement et son désir de ce roman dans une lecture qui adopte le temps de l’écriture… La traduction comme une lecture privilégiée : c’est beau pour celle ou celui à même d’atteindre ce Graal. Ainsi, le texte retrouve une nouvelle jeunesse, une nouvelle vigueur bienvenue, n’en déplaise aux bas-de-plafond instaurant de nouvelles formes de censures, proscrivant Beloved de nos jours dans certains établissements scolaires, aux États-Unis…



On a de plus en plus de nouvelles traductions de classiques, cela me réjouit. J’ai même du mal à résister à ce type de publication. Et pourtant j’avais toutes les raisons de reporter cette lecture avec les dizaines de romans reçus pour la sélection du Prix du livre Orange 2024... Mais je ne regrette pas de ne pas avoir résisté et de m’être plongé dans ces pages magnifiques. D’une certaine manière ce livre là, avec la postface qui se hausse au niveau de l’œuvre, bénéficiant du recul de 25 ans, me sert de mètre-étalon pour élaborer un avis sur les romans tels qu’ils se publient actuellement. J’ai comparé de longs passages de la traduction de 1989 avec celle-ci. Je préfère de loin celle-ci, sans être en mesure de dire laquelle respecte l’originale… Mais est-ce la question si l’esprit du texte est respecté ? Toute traduction est une interprétation et on l’admet facilement pour la musique de Bach, Beethoven, Mozart… Ici l’écriture et le rythme sont plus vifs, le texte plus resserré donnant une musique favorisant l’accueil du sens, de cet amour retiré et donné à la fois à Beloved.



Résumé chronologique :



1855 : Sethe, esclave dans la plantation de Sweet Home, s'est enfuie pour rejoindre la mère de son mari, Baby Suggs, la seule dont la liberté a pu être rachetée par son fils. Avant sa propre fuite, Sethe a envoyé chez sa belle-mère ses trois enfants : deux garçons et une petite fille qui commence à peine à ramper. Au cours de sa fuite, Sethe, enceinte, accouche d'une autre petite fille qu'elle prénomme Denver. Elle se croit tirée d'affaire, mais les Blancs qui recherchent les fuyards, finissent par les trouver. Cachée dans la grange, désespérée, elle tue sa fille de deux ans afin de lui épargner une vie d’esclave. Denver, elle, sera sauvée in extremis. Sethe sera emprisonnée, puis libérée et retournera vivre chez Baby Suggs où elles seront accompagnées du fantôme du bébé...



1873, Ohio, où la protagoniste Sethe et sa fille Denver essayent de reconstruire leur vie après la fin de la guerre de Sécession et l'abolition de l’esclavage. La belle-mère de Sethe, Baby Suggs, a vécu avec elles jusqu'à sa mort huit ans plus tôt. Juste avant la mort de Baby Suggs, les deux fils de Sethe, Howard et Buglar, s'étaient enfuis. Sethe croit qu'ils se sont enfuis à cause de la présence malveillante qui a hanté leur maison au 124, chemin Bluestone, pendant des années. L'histoire s'ouvre sur une introduction au fantôme : « Le 124 était habité de malveillance. Imprégné de la malédiction d’un bébé. Les femmes de la maison le savaient et les enfants aussi. » Un jour une jeune fille perdue, mystérieuse, se présente à leur porte. Elle a dix-huit ans et prétend s'appeler Beloved comme l’inscription sur la tombe du bébé que Sethe a tué des années auparavant.

Extraits de la postface:



Jakuta Alikavazovic : « Qu’est-ce qu’un livre parfait ? La question, à première vue, n’a pas plus de sens que celle de savoir ce qu’est un séisme parfait. Et pourtant. »…

La liberté est le thème principal de l’œuvre de Toni Morrison. « Qui, dans l’histoire des États-Unis, en a été privé d’avantage que quiconque ? A partir de là elle écrit l’histoire de Sethe. Un roman sur la liberté. Et sur son prix. »

« … une vision. Une fille qui sort de l’eau, un chapeau sur la tête. Qui est-elle ? » Au cœur du livre apparaît non l’assassine d’un bébé, mais l’assassinée, a l’âge qu’elle aurait alors, 18 ans... »



« Sa source d’inspiration : l’histoire vraie d’une ancienne esclave, Margaret Garner, qui tente de tuer ses enfants (et, pour l’un y parvient) plutôt que les rendre à la captivité. Toni Morrison est la première à le revendiquer : au-delà de ce point de départ historique, elle s’affranchit des faits. S’en remet à son imagination. On pourrait le dire autrement : pour écrire sur la liberté, il lui faut une forme libre. Et la forme suprême que prend la liberté au vingtième siècle, c’est peut-être le roman. Un roman comme une rivière en crue, qui quitte le lit du réalisme et même, semble-t-il parfois, celui de la prose. Une langue qui marie les contraires et dont l’effet ne se laisse circonscrire que par d’apparents oxymores : ainsi parle-t-on pour Beloved, de réalisme magique, de prose poétique. En résulte un roman aux multiples facettes, histoire de famille, histoire de fantôme, histoire d’amour. Histoire politique, également, et réquisitoire contre tout un pays qui longtemps aura préféré regarder ailleurs. Faire comme si de rien n’était. »

Dans son discours d’acceptation du prix Nobel en 1993, à Stockholm, Toni Morrison insiste sur le rôle du langage : « la nécessité de le défendre face aux attaques délétères dont il est la cible, face aux ersatz qui le mettent en péril : des formes d’expression qui se prétendent vivantes mais qui sont mortes. Et qui répandent la mort. Du "langage estropié qui estropie", dit-elle, diamétralement opposé de sa fonction première : "un outil qui permet de rencontrer le sens, qui sert de boussole, qui exprime l’amour". Et d’ajouter cette précision qui me semble essentielle : "il ne s’agit pas de contraindre le langage à rester en vie", ni d’"envisager cette survie comme une fin en soi. La vitalité d’une langue réside dans son aptitude à dépeindre l’existence concrète, fictive et potentielle de ceux qui la parlent, la lisent, l’écrivent". Pourquoi cette phrase est-elle essentielle ? Pour ce qu’elle dit du langage, bien entendu. Mais aussi – surtout ?- pour ce qu’elle dit de l’existence. De sa nature : car la vie que nous chérissons ou devrions chérir n’est pleine, entière qu’à considérer sa nature triple. " Concrète, fictive et potentielle". C’est parce que l’existence est telle que nous avons besoin de ce langage qu’est la littérature. »



Citations en comparant les deux traductions disponibles :



Traduction de 1989 due à Hortense Chabrier et Sylviane Rué :

« Paul D s’assied dans le fauteuil à bascule et examine l’édredon rapiécé de couleur de carnaval. Ses mains pendent, molles, entre ses genoux. Il y a trop de choses à éprouver pour cette femme. La tête lui fait mal. Soudain il se souvient de N° Six, quand il essayait de décrire ce qu’il ressentait pour la Femme-aux-Cinquante-Kilomètres.

- C’est l’amie de mon esprit. Elle me ressemble, vieux. Les morceaux que je suis, elle les rassemble et elle me les rend tout remis en ordre. C’est bon, tu sais, d’avoir une femme qui est l’amie de ton esprit. »»



La même citation dans la traduction de 2023 due à Jakuta Alikavazovic :

« Paul D s’assoit dans le fauteuil à bascule et examine le patchwork aux couleurs de fête foraine. Ses mains sont molles entre ses genoux. Il y a trop de choses à éprouver envers cette femme. Il a mal à la tête. Soudain lui revient la façon dont Sixo s’efforçait de décrire ses sentiments pour la femme des Cinquante Bornes. "Elle est une amie de mon esprit. Elle me rassemble, mon gars. Les morceaux qui me font, elle les rassemble et elle me les rend tout dans le bon ordre. Ça fait du bien, tu sais, d’avoir une femme qui est l’amie de ton esprit." »



Autre citation dans la traduction de 1989 due à Hortense Chabrier et Sylviane Rué :

« - N° Six plante du seigle pour que la parcelle d’en haut donne mieux. N° Six prend, et puis il nourrit la terre, et ça vous fait une meilleure récolte. N° Six prend et nourrit N° Six, ça fait qu’il vous donne plus de travail.

Astucieux, mais Maître d’École le fouetta quand même pour lui montrer que les définitions appartiennent aux définisseurs, et non pas aux définis. »



La même citation dans la traduction de 2023 due à Jakuta Alikavazovic :

« "Sixo plante du seigle pour donner une meilleure chance au carré du haut. Sixo prend et nourrit la terre, vous donne plus de récoltes. Sixo prend et nourrit Sixo, vous donne plus de travail."

Malin, mais le maître d’école le battit néanmoins, histoire de lui montrer que les définitions appartiennent à ceux qui définissent – et non à ceux qui sont définis. »



Un livre essentiel – rehaussé encore par cette traduction lumineuse – qui va entrer dans mon panthéon littéraire personnel, une langue vivante qui fait du bien, un livre qui lave de la médiocrité, de la barbarie.

Peut-être bien le roman parfait ! Qu’en pensez-vous ?
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Délivrances

Lula Ann vient au monde avec une peau tellement noire que sa mère ne parvient pas à l'aimer et l'élève très durement.

Devenue adulte, elle est d'une beauté époustouflante et réussit dans la vie au-delà de toute espérance.

Entrer dans un livre de Toni Morrison, c'est mettre tous ses neurones en position maximale pour saisir toutes les subtilités d'un texte qui va se révéler ardu.

Et là, surprise, une lecture aisée sans prise de tête, mais tout aussi forte et puissante que les autres.

Toujours les mêmes thèmes mais traités ici d'une façon plus contemporaine et moins alambiquée.

J'ai beaucoup aimé cette Lula Ann devenue Bride.

Encore une fois, Toni Morrisson m'a conquise, séduite, émue.

Son écriture intelligente est toujours aussi riche confirme son talent de livre en livre.
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Jazz

JAZZ de TONI MORRISON

Joe Tram a tué sa maîtresse de 18 ans, Porcas, il pleure toute la journée. Le jour de son enterrement, Violette la femme de Joe poignarde le visage de la morte. Joe n’ira pas en prison, tout le monde sait ce qu’il a fait mais personne ne l’a vu tuer Porcas et la famille de cette dernière n’a pas les moyens d’engager un avocat pour une procédure judiciaire. Alors Joe et Violette vont reprendre leur vie commune et revivre dans les larmes ce qu’ils ont vécu ensemble avant l’arrivée de Porcas. On va remonter aux sources, aux origines de Joe, né en 1873 en Virginie qui rejoindra le Nord comme beaucoup de noirs du sud vers 1917, au moment où d’autres partiront pour la guerre. Il vendra du parfum au porte à porte organisera des réunions et rencontrera Dorval, 16 ans, superbe et fraîche, la suite on la connaît.

Un roman assez court qui mélange l’histoire individuelle à la grande histoire des États Unis du début du siècle où nombre de noirs pensaient trouver au nord plus de compréhension et moins de ségrégation. Et puis le jazz bien sûr qui fait bouger les hommes et les femmes, leur fait oublier leur misère de vie.

Un beau roman dans le style traditionnel de Morrison qui mélange passé et présent, mixe les voix, pas toujours évident à suivre mais une écriture puissante et envoûtante qui raconte si bien cette vie insupportable et passionnante.
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À ton avis... : Le Vieil Homme ou le Serpen..

Un laboureur trouva dans la saison d’hiver un serpent raidi par le froid. Il en eut pitié, le ramassa et le mit dans son sein. Réchauffé, le serpent reprit son naturel, frappa et tua son bienfaiteur, qui, se sentant mourir, s’écria : “Je l’ai bien mérité, ayant eu pitié d’un méchant.”

Esope



Toni Morrison (prix Nobel de Littérature 1993), son fils Slade et l'illustrateur Pascal Lemaître revisitent la fable d’Esope, “Le laboureur et le serpent”. Les illustrations de Pascal Lemaître sont simples, un peu naïves et expressives, le récit est court, et reprend la fable, modernisée, et l'intègre dans une autre fable, celle-ci originale. ou le grand-père raconte à son petit-fils son aventure avec le serpent, le thème de la confiance en l’autre se raccorde alors à celui de la confiance en soi. Très bien imaginé, simple et efficace, une belle leçon en harmonie et dans la continuité de celle d’Esope.
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Home

Il est des textes longs qui sont creux. Il est des textes courts qui disent beaucoup en peu de mots. "Home" de Toni Morrison fait parti de ces derniers.



142 pages (dans la version des éditions 10/18) pour décrire des routes vers la liberté et la rédemption. Il y a Franck, qui voulait fuir son village de Georgie, fuir cette ségrégation qui gangrène la société américaine des années 1950, fuir cette petite communauté qui ne lui propose pas d'avenir, Franck et qui rentre brisé de la guerre de Corée et qui ploie sous le poids d'un lourd secret et de la culpabilité. Il y a Cee, la petite sœur que Franck a toujours voulu protéger et qui tombe dans tous les pièges que la société présente à une jeune fille naïve dès que son grand frère n'est plus à ses côtés. Deux enfants qui ont grandi sans adultes protecteurs, entre des parents absents pour cause de multiplication des jobs sous-payés, et une grand-mère méchante et exploitante. Il y a Lilly, la petite amie de Franck, fière d’être propriétaire de sa maison malgré sa condition de femme noire. Il y a toutes ces femmes fortes qui se battent tous les jours pour leur famille.



Pour sauver sa sœur d'un médecin pratiquant l'eugénisme, Franck doit retourner dans cette ville qu'il a fuit. Sur la route il va être confronté à son passé et croiser les freins que la société blanche met à sa liberté d'homme. Il va trouver le courage d'affronter ses démons et comprendre son vrai rôle vis-à-vis de sa petite sœur. Cee n'est pas moins fracassée par la vie. Elle aussi va trouver la voie de l'émancipation, comme ces femmes qui vont l'aider à renaître.



Un roman court, très court, qui parle de la condition des hommes et des femmes noir.e.s dans le nord et le sud des U.S.A., des années du début de la lutte pour les droits civiques, de la guerre froide, de la soumission et de l’émancipation;des livres qui recensaient les lieux autorisés aux personnes noires, des hommes jetés dans l'arène pour remplacer les combats de chien, du trafic des enfants pendant la guerre de Corée et de tant d'autres faits.



Que dire du style de Toni Morrison qui n'ait pas été déjà écrit ? Percutant et parfois poétique. Elle multiplie ici les styles narratifs, donnant à voir l'histoire par le regard de plusieurs personnes tout en incluant les réflexions intimes de Franck, et tout devient limpide.



un grand petit livre d'une grande auteure, récompensée très tardivement du prix Nobel pour l'ensemble de son oeuvre prolifique. Merci aux podcasts de France Culture cette été qui m'ont donné envie d'aller à la rencontre de cette grande dame qu'était Toni Morrison.



Une seule citation : Franck rencontre un enfant au début de son périple. Quand il lui demande "quel métier veux-tu faire quand tu seras grand ?" L'enfant répond "homme". De quoi méditer !
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Beloved

Un vrai coup de cœur en cette fin d'année 2019: une lecture difficile tant par la forme que par le fonds mai on en sort bouleversé!

La forme est difficile car l'autrice a adopté le phrasé et le vocabulaire des noirs américains de cette fin de XIXème siècle (je précise que j l'ai lu en VO donc peut-être moins perceptible en français) et la chronologie n'est que peu respectée : Sethe le personnage principal semble n'avoir accès à ses souvenirs que de manière très décousue et donc le lecteur ne découvre son histoire que par flashbacks (à l'occasion je redécouvre la figure de style l'analepse!).

L'histoire est basée sur l'histoire vraie d'une famille d'esclaves qui s'est enfuie. Rattrapés par leur propriétaire, la mère tue son enfant pour lui éviter une vie d'esclave.

C'est ce qui se produit pour Sethe qui tue sa fille de deux ans ...

Toni Morrison a retracé un passage de l'histoire américaine, l'esclavage avec toutes ses horreurs. C'est brutal, cru, froid.

Même si beaucoup de questions restent en suspens (qui est vraiment Beloved par exemple?) je termine cette lecture émue et vraiment touchée par les mots de Toni Morrison.

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