Citations de Umberto Eco (1507)
C'est alors qu'il se réfugie dans ses veilles nocturnes comme dans un utérus maternel, et à plus forte raison il décide de fuir le soleil. Peut-être avait-il rencontré au cours de ses lectures les Revenants de Hongrie, de Livonie ou de Valachie, qui rôdent, inquiets, du couchant à l'aube, pour se cacher ensuite dans leurs sépulcres, au chant du coq : le rôle pouvait le séduire..
Les perdants, comme les autodidactes, ont toujours des connaissances plus vastes que les gagnants, pour gagner il faut savoir une seule chose et ne pas perdre son temps à les connaitre toutes. Le plaisir de l'érudition est réservé aux perdants. Plus quelqu'un sait de choses, plus elles lui sont allées de travers.
Raisonnons. Chaque effet a sa cause, c'est du moins ce qu'on dit. Ecartons le miracle, je ne vois pas pourquoi Dieu devrait se soucier de ma douche, ce n'est quand même pas la mer Rouge. Donc, à effet naturel, cause naturelle.
Dans tous ces cas, on se fie à des critères d’économie de l’interprétation. Les jugements d’authenticité sont le fruit de raisonnements persuasifs, fondés sur des preuves vraisemblables même si elles ne sont pas totalement irréfutables, et nous acceptons ces preuves car il est plus raisonnablement économique de les accepter plutôt que de passer notre temps à les mettre en doute.
Y a-t-il un « faux parfait » qui résiste à n’importe quel critère philologique donné ? Si aujourd’hui un faussaire du génie de van Meegeren réussissait à s’emparer d’une planche de peuplier datable de 1500 ou moins, s’il se procurait des huiles et des couleurs pareilles à celles utilisées par Léonard, et remplaçait La Joconde du Louvre par une copie absolument parfaite quant au style et à l’exécution et réagissant positivement à tous les contrôles chimiques en la matière, serions-nous capables de découvrir la contrefaçon ? Et qui nous dit que cela n’est pas déjà arrivé ?
La science moderne possède évidemment de nombreux critères pour établir l’authenticité d’un original. Toutefois, chacune de ces preuves semble fonctionner davantage pour établir qu’une chose est fausse que pour découvrir qu’elle est authentique.
Hannah Arendt admettait que le secret – ce qu’on appelle diplomatiquement la « discrétion », ou encore arcana imperii, les mystères du pouvoir – la tromperie, la falsification délibérée et le mensonge pur et simple employés comme moyens légitimes de parvenir à la réalisation d’objectifs politiques, font partie de l’histoire aussi loin qu’on remonte dans le passé. La véracité n’a jamais figuré au nombre des vertus politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques.
La notion courante de falsification présuppose un original « vrai » avec lequel le faux devrait être confronté. Mais nous avons vu combien sont faibles nos critères pour décider de l’authenticité. En outre, tous les critères cités ci-dessus semblent utiles uniquement quand on a affaire à des faux « imparfaits ». Y a-t-il un « faux parfait » qui résiste à n’importe quel critère philologique donné ?
seul cas de fausse attribution où l’on puisse savoir avec certitude que deux objets ne sont pas identiques, c’est celui où quelqu’un nous présenterait, par exemple, une reproduction de La Joconde, en se tenant face à l’original exposé au Louvre, et soutiendrait que ces deux objets sont indistinctement le même objet. Il s’agit d’un événement improbable, et pourtant même en ce cas, il resterait le doute que la contrefaçon présumée soit l’authentique Joconde, tandis que celle du Louvre en serait une contrefaçon malicieusement (ou de manière erronée) accrochée au mur – qui sait depuis combien de temps, par exemple quand le tableau a été retrouvé après le célèbre vol de 1911.
La difficulté, dans le cas de contrefaçons, c’est que normalement quelque chose de présent est exposé comme s’il s’agissait de l’original, alors que l’original présumé (s’il existe) est quelque part ailleurs. On n’est donc pas en mesure de prouver qu’il y a deux objets différents qui occupent en même temps le même espace.
Avec l’ironie, on dit le contraire de la vérité (« Tu es très intelligent », « Mais Brutus est un homme d’honneur »), et l’ironie fonctionne si l’interlocuteur connaît la vérité. Pour l’aider, on élabore des signaux d’ironie comme faire un clin d’œil, se gratter la gorge, donner une intonation particulière à sa voix, et à l’écrit, utiliser les guillemets, les italiques ou carrément (quelle honte) les points de suspension (cf. Weinrich, Linguistique du mensonge ). Mais si l’interlocuteur est stupide, aucun signal d’ironie n’est suffisant, alors autant se jouer de lui. Et voici que l’ironie présuppose un rapport triadique. La victime ne comprend pas l’ironie du menteur (elle prête donc foi à un mensonge) et seul un tiers témoin de l’échange comprend ce que l’ironiste voulait dire – si bien qu’ironiste et témoin se moquent de la victime.
Dans la fiction narrative, on ne dit pas le faux pour que quelqu’un y croie, ni pour lui nuire : on construit un monde possible et on demande au lecteur ou spectateur complice d’y vivre comme si c’était un monde réel et en acceptant les règles qui y sont en vigueur (animaux parlants, œuvres de magie, gestes humainement impossibles).
Enfin, « la vie de l’homme est milice contre la malice de l’homme. La Sagacité lutte avec des stratagèmes de mauvaise intention. Elle ne fait jamais ce qu’elle semble vouloir faire : elle vise un point, mais pour dérouter ; elle menace en l’air avec adresse, mais frappe réellement où l’on ne pensait pas, toujours adroite à aveugler.
On peut être un menteur indépendamment du fait que l’on dise ou pas la vérité. Iago qui accuse l’innocente Desdémone est un menteur, mais si Desdémone avait vraiment accordé ses grâces à Cassio, à l’insu toutefois de Iago, en disant la vérité à Othello, Iago aurait quand même été un menteur.
Trouble ? Je ne voudrais pas, ma douce dame, qu'en plus de réceptive vous fussiez exagérément sensible. Qualité exquise, lorsqu'elle s'associe à la grâce et à l'intelligence, mais dangereuse, pour qui va en certains lieux, sans savoir quoi chercher, et ce qu'il trouvera...
C'est une forme de pudeur, nous dit-elle, dans certains terreiros les élus dansent le visage nu, exposant leurs passions aux assistants. Mais l'initié doit être protégé, respecté, soustrait à la curiosité des profanes, ou de ceux qui, de toute façon n'en peuvent appréhender la jubilation intérieure et la grâce.
Les secrets de la science ne doivent pas toujours circuler entre toutes les mains, car certains pourrait en user mal à propos. Souvent le savant doit faire apparaître comme magiques des livres qui n’ont rien à voir avec la magie, mais sont justement de bonne science, pour les protéger des regards indiscrets. S’agissant d’arcanes dont il peut naître soit le bien soit le mal, le savant a le droit et le devoir d’utiliser un langage obscur, seulement compréhensible à ses semblables. Le chemin de la science est malaisé et il est malaisé d’y distinguer le bien du mal.
Liberté et Libération sont un devoir qui ne finit jamais. Telle doit être notre devise : n'oubliez pas.
Ce serait tellement plus confortable si quelqu'un s'avançait sur la scène du monde pour dire : « Je veux rouvrir Auschwitz, je veux que les chemises noires reviennent parader dans les rues italiennes. » Hélas, la vie n'est pas aussi simple !
Notre avenir voit se profiler un populisme qualitatif Télé ou Internet, où la réponse émotive d'un groupe sélectionné de citoyens peut être présentée et acceptée comme la Voix du Peuple.