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Myriem Bouzaher (Traducteur)
EAN : 9782253943310
154 pages
Grasset (25/09/2002)
3.88/5   24 notes
Résumé :

" L'intolérance la plus terrible est celle des pauvres, premières victimes de la différence. Il n'y a pas de racisme entre riches : eux, ils produisent éventuellement des doctrines de racisme ; mais les pauvres en produisent la pratique, bien plus dangereuse. Les intellectuels ne peuvent lutter contre l'intolérance sauvage, car, face à la pure animalité sans pensée, la pensée est désarmée. Mais il est... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Umberto est un auteur que j'adore retrouver, même s'il force à l'humilité : il parle 17 langues, peut autant vous parlez du Moyen-Âge lituanien que de la géopolitique de Nouvelle-Zélande, alors que moi j'annonce à grands cris à qui veut l'entendre que je parviens à retenir 50 verbes irréguliers d'une langue étrangère avec moins de 5 % d'erreur.

Ceci étant dit, j'adore ses analyses, et même si je ne suis parfois pas d'accord avec ses conclusions, je trouve qu'il est rare aujourd'hui de trouver des gens capables de vous expliquer ce qui se cache derrière un sujet d'actualité en quelques pages, sans avoir recours à un jargon incompréhensible ou à des formules toutes faites.

Ici, nous abordons donc l'utilité de la guerre, le fascisme et ses éternelles repousses, l'évolution de la presse, la morale des athées et la gestion des migrations. Même si certains textes ont été écrits il y a plus de dix ans, j'ai été surpris de les trouver toujours très actuels, et même souvent plus explicatifs que les analyses récentes que j'ai pu lire sur l'un ou l'autre sujet. Et quand des textes restent pertinents alors que le sujet d'actualité qui les a motivés a disparu des mémoires, c'est quand même un très bon signe…
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Même si la pensée d"Eco, dans les annees 90, est toujours d'actualité, l'expression est quand même assez peu claire et c'est dommage, du fait de la capacité de recul et d'analyse de l'auteur sur les grands sujets qui font et défont le monde : guerres, dictatures, presse..
Sur la guerre, le propos n'est pas des plus limpide, mais éclaire bien les faits : les guerres modernes sont devenues taboues, conceptuelles, cachées, et les morts sont des problèmes ; c'est sur le fascisme, que le vécu et le recul d'Umberto Eco font mouche ; la mémoire sur les dictatures européennes du 20ème siècle, éclairent tout à fait les prémices de ce qu'on vit aujourd'hui avec les populistes.
Sur la différence entre fondamentalisme et intolérance (dernier texte), l'analyse est également intéressante, parce que l'auteur en présente tous les aspects (linguistique, historique, humains...)
En résumer, le propos manque un peu de percussion et surtout de profondeur. En fait, Éco n'est pas un philosophe, seulement un observateur et un analyste politique de notre époque ! Mais le plus dommageable c'est qu'on termine ce petit livre en ayant l'oppression d'avoir reçu une leçon de morale...
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
En général, une communauté qui s'estime dépositaire de valeurs très répandues (les pays démocratiques, disons) établit les limites de ce qu'elle juge intolérable. La condamnation à mort pour délit d'opinion n'est pas tolérable. Le génocide n'est pas tolérable. L'infibulation (pratiquée chez nous, du moins) n'est pas tolérable. Aussi décide-t-on de défendre ceux qui subissent des dommages aux limites de l'intolérable. Mais une chose doit être bien claire: cet intolérable est intolérable pour nous, pas pour «eux».

Qui est ce «nous»? Les chrétiens? Pas nécessairement. Des chrétiens très respectables, même s'ils ne sont pas catholiques, appuient Milosevic. Le plus beau, c'est que ce «nous » (fût-il défini par le traité de l'Atlantique Nord) est un Nous imprécis. C'est une Communauté qui se reconnaît sur certaines valeurs.

Donc, quand on décide d'intervenir en se fondant sur les valeurs d'une Communauté, on fait un pari : il consiste à poser que nos valeurs, et notre sens des limites entre tolérable et intolérable, sont justes. C'est là une sorte de pari historique semblable à celui qui légitime les révolutions, ou les tyrannicides: qui me dit que j'ai le droit d'exercer la violence (et quelle violence, parfois) pour rétablir ce que j'estime être une justice violée? Pour celui qui s'y oppose, il n'y a rien qui puisse légitimer une révolution: simplement, celui qui s'y engage croit, parie, que son action est juste. Il n'en va pas diversement pour la décision d'une intervention internationale.

Une telle situation explique l'angoisse dont nous sommes saisis en ces jours. Il y a un mal terrible auquel s'opposer (la purification ethnique) : l'intervention guerrière est-elle légitime ou non? Doit-on faire une guerre pour empêcher une injustice? Selon la justice, oui. Et selon la charité? Une fois encore, se pose le problème du pari: si avec une violence minimum, j'ai empêché une injustice énorme, j'aurai agi au nom de la charité, comme le fait le policier qui tire sur un assassin fou pour sauver la vie de nombreux innocents.

Mais le pari est double. D'un côté, on parie que nous sommes en accord avec le sens commun, que ce que nous voulons réprimer est quelque chose d'universellement intolérable (et tant pis pour qui ne le comprend pas ou ne l'admet pas encore). D'un autre côté, on parie que la violence que nous justifions réussira à prévenir des violences plus grandes.
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Les phénomènes que l'Europe essaie encore d'affronter comme de l'immigration sont en réalité des cas de migration. Le tiers monde frappe aux portes de l'Europe, et y pénètre même si elle n'est pas d'accord. Le problème n'est plus de décider (ainsi que les politiciens font semblant de le croire) si l'on doit admettre à Paris des étudiantes portant le tchador ou combien de mosquées on va construire à Rome. Le problème est de savoir que, au prochain millénaire (et, n'étant pas un prophète, je ne vous donnerai pas une date précise), l'Europe sera un continent multiracial ou, si vous préférez, «coloré». Et ce sera comme ça, que cela vous plaise ou non.

Cette rencontre (ou ce heurt) de cultures risque d'avoir des issues sanglantes, et je suis convaincu que, dans une certaine mesure, elle les aura, qu'elles seront inévitables et dureront longtemps. Mais malgré tout, les racistes devraient (en théorie) être une race en voie d'extinction. A-t-il existé un patricien romain ne supportant pas l'idée que les Gaulois, les Sarmates ou des Juifs comme saint Paul puissent devenir eux aussi des cives romani ou bien qu'un Africain monte sur le trône impérial, comme cela fut le cas? Ce patricien-là, nous l'avons oublié, il a été vaincu par l'histoire. La civilisation romaine est une civilisation de métis. Les racistes diront que c'est la raison de sa dissolution, mais il a fallu cinq cents ans – et cela me paraît être un laps de temps qui nous autorise, nous aussi, à faire des projets pour le futur.
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Et les quotidiens? Pour s'hebdomadairiser, ils augmentent leur nombre de pages, pour ce faire, ils s'arrachent la publicité, puis, pour avoir davantage de pub, ils augmentent encore les pages et inventent des suppléments, pour meubler toutes ces pages, ils doivent raconter quelque chose, pour raconter ce quelque chose, ils doivent aller au-delà de la pure et simple nouvelle (laquelle, d'ailleurs, a déjà été donnée par la télé), et ils s'hebdomadairisent de plus en plus, contraints d'inventer de l'information, de transformer en information ce qui n'en est pas.

Un exemple. Il y a quelque temps, recevant un prix à Grinzane, j'ai été présenté par mon collègue et ami Gianni Vattimo. Les spécialistes en philosophie savent que mes positions divergent de celles de Vattimo, mais que nous nous témoignons malgré cela une estime réciproque. D'aucuns savent que nous sommes des amis fraternels depuis notre jeunesse et que nous aimons nous taquiner dès qu'une occasion conviviale nous en offre la possibilité. Ce jour-là, Vattimo avait donc choisi la voie de la convivialité, faisant une présentation affectueuse et spirituelle, à laquelle j'ai répondu sur un ton tout aussi badin, soulignant par des piques et des paradoxes nos perpétuelles divergences. Le lendemain, un de nos journaux consacrait l'intégralité de sa page culturelle à l'affrontement de Grinzane qui, paraît-il, marquait la naissance d'une nouvelle fracture, dramatique et inouïe, au sein de la philosophie italienne. L'auteur de l'article savait pertinemment qu'il ne s'agissait pas d'une information, même pas culturelle. Il avait simplement créé une affaire qui n'existait pas. Je vous laisse le soin de trouver des équivalences dans le domaine politique. Mais l'exemple culturel est intéressant : le journal devait construire une affaire car il avait à remplir trop de pages consacrées à la culture, à la variété et aux faits de société, dominées par une idéologie du spectacle.
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[S]i l'objectif de la paléo-guerre était de détruire le plus d'ennemis possible, la caractéristique de la néo-guerre semble être d'essayer d'en tuer le moins possible, car, si on en tuait trop, on encourrait la réprobation des médias. Dans la néo-guerre, on n'est pas désireux de détruire les ennemis, parce que les médias nous rendent vulnérables face à leur mort – non plus événement lointain et flou, mais évidence visuelle insoutenable. Dans la néo-guerre, chaque armée évolue sous l'enseigne du victimisme, Milosevic déplore d'horribles pertes (Mussolini en aurait eu honte) et il suffit qu'un aviateur de l'OTAN se crashe pour que tout le monde s'émeuve. En somme, dans la néo-guerre, celui qui perd aux yeux de l'opinion publique, c'est celui qui a trop tué. Il est donc juste que, à la frontière, personne ne s'affronte et personne ne sache rien de l'autre. Au fond, la néo-guerre est à l'image de la « bombe intelligente», qui devrait détruire l'ennemi sans le tuer, et on comprend que nos ministres affirment : «Nous, des heurts avec l'ennemi ? Pas du tout! » Et que beaucoup de gens meurent quand même, c'est techniquement négligeable. Au contraire, le défaut de la néo-guerre, c'est que des gens meurent mais qu'on ne gagne pas.
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Les textes réunis ici ont deux caractéristiques en commun. D'abord ils sont occasionnels, nés sous la forme de conférence ou d'intervention d'actualité. Ensuite, malgré la variété des thèmes, ils sont de caractère éthique, c'est-à-dire qu'ils concernent ce qu'il serait bien de faire, ce qu'on ne devrait pas faire, ou ce que l'on ne peut faire à aucun prix .
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