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Citations de Valérie Zenatti (419)


II était là avec sa guitare, son sourire timide, t'imagines pas comme il était timide. II nous a dit, Je sais pas me battre, je ne peux pas faire grand-chose pour vous, mais si vous avez envie d'entendre quelques pauvres chansons, je suis là, et tu parles qu'on avait envie. Il a commencé à chanter Suzanne, comme ça, avec un soldat qui lui tendait un micro relié à un petit haut-parleur, sa voix et sa guitare, pas de scène, pas d'accompagnement. Tu es dans le désert, tes potes sont morts ou blessés, et toi tu entends cette voix qui d'habitude sort de ton tourne-disque, et il y a ce type devant toi qui baisse les yeux la plupart du temps, qui n'arrive pas à soutenir nos regards, qui a l'air de dire , je suis juste un type avec une guitare, ne me regardez pas comme ça, mais sa voix, Mathilde, sa voix qui sortait de lui, là pour nous, ça valait bien la désertion de Dieu.
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(...) mais c'est un sandwich soigneusement emballé qu'il porte à sa bouche après avoir baissé son masque et formulé une prière express où il remercie Dieu de faire sortir le pain de la terre et d'avoir tout créé par la parole. Des effluves d'œuf dur me transpercent avant d'atteindre ma voisine qui s'asperge de parfum le poignet droit dans lequel elle enfouit son nez en cherchant des yeux un soutien complice de mon côté. Je suís une parfaite inconnue, mais à cet instant je suis la seule personne au monde capable de la comprendre, ...
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On peut se délester de l'héritage de ses pères pour inventer une nouvelle vie.
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Lors d’une visite de contrôle, mon médecin s’étonna que je ne me sois pas affolée d’avoir perdu le toucher. Non, non, ce n’est pas anodin et aucune communication scientifique sérieuse ne répertorie l’hypoesthésie comme symptôme du virus. C’est soit un signe de vieillesse, soit un signe de maladie grave, me dit-il. Compte tenu de votre âge, je penche pour la deuxième option, c’est préoccupant.
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Reprenons tout depuis le début s'il te plaît : je suis une fille, tu es un garçon, nous habitons à cent kilomètres l'un de l'autre. Je peux imaginer sans problème la vie d'un jeune Américain qui vit à dix mille kilomètres d'ici. C'est normal : j'ai la télé, le satellite et, au moment où je t'écris, il doit y avoir au moins cinq séries où on met en scène des jeunes dans des collèges américains. (Ma mère appelle ça une transfusion culturelle.) Mais "ta vie à toi", Gazaman, je ne peux pas l'imaginer. Et ce n'est pas normal. Nous sommes séparés par des années de guerres, d'attentats que des Palestiniens font chez nous, d'opérations militaires que notre armée fait chez vous. (...)
Mais tout ça ne me dit pas à quoi ressemble ta vie. (p.30-31)
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- Mais les Palestiniens commettent des attentats tous les jours , on ne peut pas discuter avec eux ! proteste Ilana.
- La question n'est pas de savoir si on peu ou non. On doit le faire ! Pour eux, autant que pour nous.
- C'est-à-dire? intervient Rachel ?
- Si nous restons dans les territoires, si Tsahal continue à tenir en joue toute une population civile, le pire arrivera. Nous ne serons plus de beaux pionniers aux yeux du monde - nous ne le sommes déjà plus d'ailleurs. Mais le pire, c'est que nous n'oserons même plus nous regarder dans une glace. Et il y aura de plus en plus de morts...pour rien. Sil les actions que vous menez étaient vraiment glorieuses, tu nous en aurais touché deux mots, non ? dis-je en plantant mon regard dans celui de notre camarade.
( p 213)
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Alors, quand les secondes d'insomnie résonnent dans son crâne comme la scansion d'une défaite, que l'angoisse du jour qui se lèvera sur une nuit blanche étouffe sa poitrine, pour se bercer et réussir à s'endormir enfin, Jacob répète doucement son prénom, Jacob, Jacob, Jacob.
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J'ai aimé te lire et t'écrire, Tal. Tu comprends peut-être aujourd'hui que, parfois, ça n'a pas été facile pour moi de le faire, et pas pour des raisons politiques.
Tu es une fille bien. Généreuse. Et fragile.
Bien sûr, on pourrait continuer à s'écrire, la Toile le permet, mais je veux effacer, pour un temps, ces dernières années de ma mémoire, et tu en fais partie. Je veux être neuf, là-bas, au Canada. Ne pas être rattaché à cette terre qui tremble jour et nuit, cette terre qui t'empêche de dormir, d'être égoïste. Un jour vous, nous, nous nous apercevrons qu'il n'y a pas de gagnant possible dans la violence, que c'est une guerre de perdants. Un gâchis.
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Il a pris place en face d'elle, a desserré son poing pour tenir entre le pouce et l'index la plaque d'immatriculation d'Attali, il a parlé, il parle, un camarade est mort aujourd'hui, un autre il y a quinze jours, je n'ai pas compté les morts que j'ai vus depuis qu'on a débarqué, est-ce qu'ils sont des dizaines, des centaines, je me suis dit chaque fois, tu ne le connais pas, tu ne sais rien de lui, tu ne connais pas sa voix, ne sais pas où il est né, ce qu'il aimait, ce qui l'effrayait enfant, ce qu'il voulait faire après la guerre, c'est comme s'il n'avait pas existé. On pouvait continuer d'avancer parce qu'on était ensemble, Attali, Ouabedssalam, Bonnin et moi, depuis le 22 juin, on était devenu une famille, alors la mort de Bommin, la mort d'Attalli, c'est pas comme les autres, c'est comme si un cousin ou un frère était tombé, comme si une partie de nous s'était arrêtée de vivre.
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Garde tous tes rêves intacts, Tal. Les rêves, c'est ce qui nous fait avancer.
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Je remonte par la rue Petrowicz, retrouve la rue Olga Kobylyanska, j’aime prononcer cette phrase, égrener les noms des rues et connaître les trajets qui mènent de l’une à l’autre, j’aime que ta ville me soit si familière, Aharon. Ici, la nuit de ta mort a rejoint celle de ta naissance, la nuit des paroles oubliées a rejoint celle du silence, son immensité immobile, j’aime que nos enfances soient ainsi mélangées, et pas seulement nos enfances mais les traces qu’elles ont laissées en nous, vivantes, ne demandant qu’à prendre des formes nouvelles au contact des mots, des images qui nous traversaient, des découvertes que nous faisions, en retournant vers ta ville,
en la quittant, en y revenant encore, tu m’as enseigné la fidélité à soi-même
et la liberté, tissées dans un même geste, un même corps, l’adulte pouvait
rejoindre l’enfant et l’enfant rejoindre l’adulte, la vie était tout sauf figée,
elle était plus que jamais mouvement, voilà, c’est peut-être l’image que je
cherche depuis ta disparition, elle est un peu floue puisqu’il s’agit d’un
mouvement, celui que je te dois, celui qui donne du courage, qui fait que
l’on ne reste pas pétrifiés dans le passé mais au contraire vivants, portant en
nous tout ce que la vie a déposé, et innocents encore, capables d’aimer, de
croire à l’amour et de lancer un regard circulaire sur chaque jour, effleurant
à la fois l’instant et la parcelle d’éternité contenue dans cet instant, je te dois
cela, oui, la conscience aiguë du dérisoire et du sacré de nos vies.
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Par la grâce des mots de Jacob,du ton distingué qui les sculpte,des gestes souples qui les accompagnent,l'appartement se transforme en château de Versailles et les deux femmes sont fascinées par la lumière qui inonde subitement la pièce,elles entrevoient une vie chimérique où les hommes parleraient aux femmes comme à des êtres précieux,dignes de respect et d'amour...
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Valérie Zenatti
"Parce que toi, Ouri Sadé, petit habitant même pas majeur de Jérusalem, tu comprends ce qu'est un attentat? tu es déjà mort dans un attentat? Tu as déjà été blessé dans un attentat? Tu as déjà vu un attentat de près? Tu crois que tu sais tout parce que tu allumes ta télé chaque fois?! Mais la télé, Ouri, elle ne te fais pas sentir l'odeur, elle ne te fais pas entendre le silence, la seconde de silence qui suit l'explosion, la seconde où tout le monde est hébété, pétrifié! Et les cris, après, les plaintes, les pleurs, les gémissements, ils pleurent tous comme des gosses, les blessés, même ceux qui ont cinquante ans! Elle ne te les montre pas non plus, la télé, elle n'est pas encore sur les "lieux de l'attentat" avec ses reporters en vie, entiers, en bonne santé, ses caméras et ses gros micros. Personne encore ne sait que, dans l'après-midi, il y aura les enterrements de gens qui partaient au travail le matin, qui avaient payé leur ticket pour la mort, et l'avaient composté en plus. Tu crois qu'on rembourse aux familles des victimes le ticket? Merde, Ouri! Si toi tu ne comprends pas tout ça, comment veux-tu que le monde ait une petite idée de cet enfer? Et puis, qu'est-ce que ça peut nous faire, qu'il sache, qu'il voie, qu'il comprenne, le monde? ça ne change rien à ce qui s'est passé, à ce qui se passera demain, ici ou à Gaza.
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Le jour où je travaillerai dans un hôpital uniquement pour des patients qui auront le cancer, une maladie du coeur, des jambes cassées, ça voudra dire que tout va bien, qu'on a un pays normal. Ca fait trois ans qu'on soigne les blessés par balles, par éclats de missile. Quand j'ai choisi de devenir infirmier, je pensais soulager les souffrances inévitables, celles qui proviennent du dérèglement mystérieux des corps, pas du dérèglement des hommes. Qui va arrêter ça? Et quand?
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C'est la ville de tous ses romans, même ceux dans lesquels elle n'apparaît pas, c'est la ville qu'il n'a pas besoin de nommer pour qu'elle existe, elle est là, enneigée, protectrice, peuplée de Juifs cultivés et inquiets, c'est la ville bordée par la Pruth, la rivière de son enfance, la rivière de la vie, des promenades avec ses parents, la rivière de la mort, Juifs noyés dans les eaux glacées, c'est la ville des écrivains et des poètes, Paul Celan, Ilana Shmueli, Gregor Von Rezzori, c'est la ville le plus à l'est de l'ex-empire austro-hongrois, Czernowitz, dont le nom prononcé par Aharon avait l'éclat d'un mythe.
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Un petit bureau, une dernière page écrite, un stylo encore ouvert, des mots tracés à la main d'une écriture que je connais si bien, des lignes penchant de la droite vers la gauche, les derniers mots d'un écrivain sont déjà une relique, une adresse à ceux qui restent, ils ont sans doute la même importance que les millions de mots qu'il a écrits tout au long d'une vie mais ils prennent la valeur bouleversante de ce qui demeure interrompu et à jamais inachevé. (p. 20)
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On ne peut écrire sur des grandes catastrophes avec des mots trop grands.

(A. Appelfeld)

page 49
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La littérature doit concilier les trois temps, le passé, le présent, le futur, autrement elle n'est qu'Histoire, journalisme ou science-fiction.

(A. Appelfeld)

page 30
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On me dit, La vie continue, comme si je ne le savais pas, comme si la question n'était pas justement que la vie continue sans lui.

page 25
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Encore un jeudi sans lui et je suis fébrile, rien ne va plus, les vidéos ne me relient plus à lui, ne m'apaisent plus,je n'entends plus sa voix directement ,une source en moi se tarit,un mouvement s'épuise, j'aurais aimé que janvier ne s'acheve pas si vite,je pressens qu'il va falloir quitter ce temps de fusion avec lui et la question me poursuit ,comment vais-je vivre,c'est une question très précise ,comment retrouver une vie dans laquelle d'autres mouvements que ce temps suspendu entreront,je relis les notes prises en l'écoutant, certaines sont très claires ,d'autres gardent leur part de mystère. Je les classe.
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