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Critiques de William Faulkner (569)
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Sartoris

Tout le monde connaît cette célèbre phrase de Proust: « Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même ».

Mais Proust a aussi écrit: «Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère ».

Et il nous faut, me semble-t-il, apprendre ces langues.



C’est le sentiment que j’ai eu en lisant avec, cette fois, un immense bonheur, ce roman dont je n’avais pas su comprendre la langue il y a plus de trente ans, l’abandonnant au bout d’une cinquantaine de pages, dérouté, dans mon souvenir, par la lenteur du rythme et la complexité de l’écriture.

Et donc,si je reste toujours le lecteur de moi-même, les années, les lectures m’ont bien changé, au point de ne pas me retrouver dans celui qui n’a pas aimé ce livre il y a trente ans.



Car ce roman est beaucoup moins complexe dans sa construction que Lumière d’août, lu il y a quelques mois, à l’incitation de belles critiques d’ami.e.s babeliotes, et donc plus facile à aborder.



Je l’ai trouvé riche de tant de thèmes différents, où passent cruauté, désespoir, tendresse et amour; et de tant de personnages inoubliables, attachants, émouvants, déroutants, irritants.



Tout d’abord, le récit raconte un moment de l’histoire des Sartoris, situé juste après la première guerre mondiale, qui illustre la déshérence, la décrépitude, de ces grandes familles aristocratiques du Sud des Etats-Unis, abaissées, appauvries par leur défaite lors de la Guerre de Sécession, mais qui refusent de se soumettre, d’accepter la volonté et la puissance de ceux du Nord, de ces yankees qu’ils détestent.

Et les Sartoris, comme, sans doute, bien d’autres familles de cette époque, revivent, ressassent leur passé glorieux, leurs faits d’armes.



Et puis, ces grands propriétaires terriens devenus un peu moins grands, moins prospères en tout cas, restent sans égards pour la communauté noire, les nègres, comme ils les appellent, qui, d’esclaves sont devenus des travailleurs exploités ou, au mieux des domestiques, telle Lenora s’occupant de la cuisine et de la lessive, tel aussi le vieux Simon, serviteur négligent, roublard et retors. Tous ces « nègres » sont traités comme des incapables qu’il faut diriger, surveiller, soumettre, voire humilier..



Les plus jeunes, les frères Johnny et le « jeune » Bayard, ont ajouté un autre volet à l’histoire familiale. Celle de leur participation, par goût de l’aventure et du risque, à la dernière phase de la guerre de 14-18, comme pilotes d’avions de combat. Et l’un d’eux, Johnny, y est mort; et son frère Bayard, revient chez lui, traînant en permanence le sentiment de culpabilité de n’avoir rien pu faire pour le sauver.

Mais en réalité, on comprend que cette guerre, qui fut celle gagnée grâce à l’engagement des yankees en Europe est vécue majoritairement comme la réussite du Nord des États-Unis, et à laquelle le Sud ne sentit pas impliqué.



Et puis, le roman, sur un rythme lent et envoûtant, nous fait vivre les relations complexes entre les hommes, entre les hommes et les femmes, faites de frustration, de colère et de souffrance, parfois tempérées d’instants de tendresse, et où, très souvent, les liens se tissent puis se délitent.



Au premier rang, la famille des Sartoris, et tout d’abord le « vieux Bayard », homme du passé, malade refusant de se faire soigner, propriétaire terrien marqué par la lassitude et manquant d’esprit d’entreprise, tenant à se déplacer à la Banque qu’il possède en calèche à chevaux conduits par son domestique noir, Simon.



Et puis, le « jeune Bayard », rongé par le sentiment de la culpabilité, par la tentation suicidaire, dont nous suivrons le parcours fait de frenésie désespérée, et d’une brève période de paix et d’amour, jeune homme perdu qui cherche d’abord à défier la mort par des courses folles en voiture, puis à fuir ce Sud en parcourant le monde, jusqu’à une fin tragique.



La seule personne solide dans cette famille c’est la très vieille mais très alerte grand-tante Jenny, qui fut la femme du père du vieux Bayard, John Sartoris, et qui mène la maison d’une façon pleine de rudesse mais non dénuée de tendresse, racontant sans cesse les faits et gestes légendaires des Sartoris durant la guerre de Sécession. .



Un autre personnage complexe et émouvant est Narcissa Benbow, femme indépendante, mais fusionnelle avec son jeune frère Horace, homme falot et indécis, qui sera pris dans les filets d’une femme pulpeuse et mariée. Narcissa aura une brève idylle avec le jeune Bayard, et donnera naissance au dernier des Sartoris, qu’elle prénommera de son nom de famille, Benbow, peut-être pour lui faire échapper à la fatale destinée de la lignée.



Le roman fait aussi la place à toute une série de personnages secondaires truculents,au premier rang, le vieux domestique Simon, mais aussi le vieux Docteur Peabody, ou inquiétants comme le caissier Snopes, voyeur et auteur de lettres anonymes.



La beauté unique de ce roman,qui préfigure, je pense, les futurs chefs-d’œuvre d’architecture romanesque de Faulkner, vient de la narration elliptique et complexe, au rythme lent, parfois même lancinant, et de la description incroyablement belle de la nature, des paysages et des bêtes, une nature que l’on croit voir, sentir.



En conclusion, je me suis fait cette réflexion: à quoi sert cette critique? Si j’en avais lu une du même tonneau il y a trente ans, cela n’aurait rien changé à mon avis, à ma perception de l’œuvre, je n’étais pas prêt à lire Faulkner. Et donc, je crois qu’elle ne peut s’adresser qu’à celles et ceux qui aiment déjà ce genre de littérature….et donc qui n’en ont pas besoin. Et elle ne pourra convaincre celles et ceux, qui, comme je l’étais autrefois, aiment les narrations fluides et sans mystère.

Donc, elle ne sert à rien, ou presque.





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Le bruit et la fureur

Eh bien, quelle traversée! Je ne suis pas fâché d'être arrivé au bout. Ce fut éprouvant.

Pour comprendre, il faut se référer au titre, qui est une citation de Shakespeare: (Life) is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing ((La vie) est un récit conté par un idiot, plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien). Je ne crois pas spoiler quoi que ce soit en disant que la première partie est en effet racontée par un idiot, au sens médical du terme. Cela donne une narration très bizarre, mêlant passé et présent, et fondée essentiellement sur les sensations. Le plus souvent on ne sait pas très bien ce qu'on lit. Ce fut donc éprouvant à déchiffrer.

Mais le plus éprouvant c'est le bruit et la fureur, la haine domestique, le racisme, la maladie mentale et physique, la débauche, un univers absurde et sans espoir, sinon celui distillé par l'illusion. Nous sommes dans une famille blanche désargentée du Sud, en pleine dégénérescence, employant des domestiques noirs, comme il se doit. Plus la déchéance s'accroît, plus la haine et racisme augmentent. Peu de personnages conservent un semblant d'humanité.

Et donc Faulkner entraîne son lecteur dans une descente aux enfers. Et il le fait notamment à travers les flux de conscience de personnages désaxés ou désespérés. C'est tout à fait impressionnant.

Mon entrée en matière n'était peut-être pas très encourageante, mais c'est un très grand roman, qui a marqué son époque. Les points de comparaison qui viennent à l'esprit sont Le Voyage au bout de la nuit, de Céline, et Berlin Alexanderplatz de Döblin. Alors quand vous aurez un peu de temps et de courage, plongez dans Le bruit et la fureur.
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Lumière d'août

Fascinée par la puissance, l’épaisseur de cette écriture qui n’a pas peur de s’embarquer dans la profonde et terrible folie des hommes. Subjuguée par cette technique « d’amassement d’un mystère et d’enroulement d’un vertige » dont parle Edouard Glissant dans Faulkner, Mississippi (merci Tremaouezan).



Fascinée par ces personnages intenses, égarés, étranges, déglingués, de la tragédie moite du Sud faulknerien.

Christmas bien sûr, qui a tout d’un blanc, qui ne sait guère plus qu’une chose de son père inconnu: il est noir, et cette information pèse comme une malédiction sur sa destinée; Christmas qui se voit « lui-même, de loin pour ainsi dire, sous les traits d’un homme attiré vers un gouffre sans fond ».

Mais peut-être encore plus Hightower, pasteur devenu paria, Doctor of Divinity ou Définitivement Damné, « oublieux de l’odeur dans laquelle il vit, cette odeur de dessiccation obèse, de linge sale, comme un signe précurseur de la tombe », Hightower si intensément lié au fantôme de son grand-père décédé pendant la guerre de Sécession qu’il se considère lui-même «mort un soir, vingt ans avant d’avoir vu la lumière», ne pouvant se sauver qu’en s’en allant mourir à l’endroit où sa «vie avait déjà cessé avant d’avoir réellement commencé».

Des personnages qu’on sent irrémédiablement prisonniers de quelque chose, coincés, acculés.

« Quand il se mit au lit, ce soir-là, il était décidé à s’enfuir. Il se sentait comme un aigle, dur, suffisant, puissant, sans remords et plein de vigueur. Mais cela ne dura pas, bien qu’il ignorât alors que, pour lui comme pour l’aigle, sa propre chair aussi bien que tout l’espace, ne serait jamais qu’une cage. »



Envoûtée par le sidérant tourbillon Faulknerien, par les tremblements, les dérèglements, les paradoxes, les contradictions de cet univers impressionnant. Éblouie par cette Lumière d’août.

Ce n’est pas confortable, mais c’est très fort.
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Requiem pour une nonne

Un livre étrange, mélange de théâtre et de roman historique.



Deux volets bien différents : d’une part, une affaire criminelle sous forme de scènes et de dialogues et d’autre part, l’histoire de la prison, de la ville et donc aussi de l’Amérique.



Cette œuvre du Nobel 1949 est une lecture un peu ardue. Parfois teinté d’humour, le texte est très dense, parfois métaphorique ou philosophique. L’histoire commence avec des pionniers, des Indiens et une affaire de cadenas, le choix d’un nom pour la ville et la construction d’un tribunal.



Dans ce même tribunal sera éventuellement condamnée l’accusée du volet théâtral, mais ce n’est pas elle le personnage principal. Cette servante qui tue un bébé pour empêcher sa maîtresse de s’enfuir me semble peu crédible et parait plutôt un prétexte pour des discours et des réflexions sur Dieu, sur le bien et le mal, sur les pièges du sentiment de culpabilité et la prison des conventions.



Adapté pour le théâtre par Albert Camus, un texte riche, mais lourd de forme et de sens.

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Le bruit et la fureur

Un roman magnifique qui porte bien son titre. Attention : lecteur inattentif et adepte des lectures faciles et divertissantes où l'auteur te prend par la main en surlignant les actions d'un coup de violon et qui fait régulièrement un rappel des épisodes précédents, passe ton chemin. Avec Faulkner, on n'est pas sur l'auto-route balisée menant au fast-food de la littérature à emporter. Il faut s'accrocher pour gravir à mains nues cette montagne mais quand on arrive au sommet, on est récompensé au centuple par la profondeur du champs de vision qui s'offre à nous. Un conseil de lecture : faites vous un petit arbre généalogique avec repères chronologiques dès le début, ça vous aidera par la suite à vous y retrouver.
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Le bruit et la fureur

« C’est une histoire, contée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien » : extrait de Macbeth de William Shakespeare, dont William Faulkner s’est inspiré pour son titre.



Qui est « l’idiot » ? Sans doute, le narrateur de la première partie, Benjy, autrefois appelé Maury comme son oncle, mais dont on changea le nom, car ce n’était pas faire honneur à l’oncle d’appeler comme lui son neveu, déficient mental, accusé d’une tentative de viol, et condamné à la castration. Peut-être également le narrateur de la deuxième partie, son frère, Quentin, qui se suicide alors qu’il est étudiant à Harvard parce qu’il est amoureux de sa sœur, Caddy, et que la situation est inextricable. Peut-être enfin le narrateur de la troisième partie, Jason, le troisième frère, sacrifié pour la réussite de Quentin et par l’attention nécessitée par Benjy, qui en devient aigri et détestable.



Quel est « le bruit » ? Peut-être celui des gémissements permanents de Benjy qui aimerait retrouver sa sœur, Caddy. Peut-être celui de la montre de Quentin, dont le temps est compté et qui ne peut penser qu’à sa sœur Caddy. Peut-être celui des maux de tête de Jason qui ne peut oublier les reproches qu’il fait à Caddy.



Quelle est « la fureur » ? Peut-être celle de Caroline, la grand-mère, issue d’une vieille famille et qui se plaint de tout, tout le temps. Peut-être celle de Caddy, abandonnée enceinte, abandonnée par son mari, abandonnée par son frère préféré. Peut-être enfin celle de Quentin, la nièce qui s’appelle comme son oncle, à qui Jason fait payer tous les malheurs du monde.



Que veut dire « qui ne signifie rien » ? C’est une histoire du sud des Etats-Unis qui se déroule en 1928, en revenant sur des épisodes du début du siècle, dans laquelle une famille se déchire, avec un thème récurrent de sexe et de mort. Il n’y a pas de morale et les personnages sont antipathiques à l’exception de Dilsey, la vieille servante noire, dont le portrait apporte un peu de lumière dans cette folie et cette haine.



J’ai abordé ce roman dans le cadre d’une lecture commune et je voudrais remercier mes compagnons pour plusieurs raisons.



Sans vous, je serais restée au bord de la route, car il faut bien l’avouer, je crois que c’est la lecture la plus exigeante que j’ai entrepris dans les dernières années.



Sans vous, j’aurais sans doute arrêté à mi-parcours, en raison des ellipses, des absences de ponctuation, des failles spatio-temporelles si déstabilisantes.



Sans vous, je n’aurais pas découvert ce livre considéré comme la base des changements de points de vue narratifs en rupture avec le roman du XIXe siècle.



Pour finir et donner le ton à ceux qui voudraient découvrir ce roman, voici ce qu’indique Maurice Edgar Coindreau, le premier traducteur de William Faulkner en France, dans la préface : « La composition de The Sound and the Fury suffirait, à elle seule, à décourager le lecteur paresseux. Et cependant, ce n’est pas la plus grande des difficultés ».



A vous maintenant de vous faire votre propre avis !

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Tandis que j'agonise

Exploration des tréfonds de l'Amérique comme de ceux de l'âme humaine dans ce périple à la fois dantesque et misérable pour amener la dépouille de la mère sur les terres de sa famille.



Il se dit que c'est James Joyce qui a inspiré avec son Ulysse le format du roman choral à Faulkner; m'est avis que pour le coup c'est bien Faulkner qui est à l'origine des innombrables romans choraux publiés aux Etats-Unis par de jeunes auteurs passés par les cours de creative writing. Or, sans conteste, c'est lui le maître du genre avec ce profontissime Tandis que j'agonise.

Là où chez d'autres la convocation de plusieurs narrateurs ne fait que multiplier les points de vue et donner du rythme au récit (ce qui est déjà bien!), chez Faulkner c'est à chaque fois un nouvel univers intime qui s'ouvre à travers les yeux de ses personnages et leurs murmures intérieurs. Un univers borné, miséreux, tragique, matériel, mais qui révèle des âmes agitées et plus denses qu'il n'y parait.

C'est dérangeant Faulkner, ça saigne, ça pue, mais c'est d'une force incomparable.

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Le bruit et la fureur

Merci aux nombreux babeliautes qui dans leurs billets ont alerté sur la difficulté d'approche de cette oeuvre, ils m'ont aidé à me préparer au lâcher prise.

Merci à Maurice Roger Coindreau, émérite et talentueux traducteur des grands auteurs américains des années 30, d'avoir dans sa préface fait le choix de révéler l'intrigue in extenso, remis tous ses éléments dans l'ordre tout en alertant les lecteurs sur le risque de passer à côté de l'oeuvre en cas d'approche trop rationnelle. Paradoxe étonnant d'un spoil total qui en dit juste assez pour que tout reste encore à découvrir...



Armée de ces précieuses recommandations, j'ai enfin pu aborder ce texte longtemps craint et vivre une expérience de lecture inoubliable,car on ne lit pas tant ce bruit et cette fureur avec les yeux qu'avec la peau, les nerfs, l'oreille et le nez, tous ces sens révélant la réalité d'une famille d'une certaine Amérique dans sa vérité la plus nue, qui la bave aux lèvres, qui la larme à l'oeil, qui la rage au-dedans, le goulot à la bouche ou le feu aux fesses, décadents et damnés sous le soleil morne d'un Sud en décrépitude, sous le regard de leurs servants noirs qui pour rien au monde ne voudraient leur ressembler.

Totalement emmenée dans la première partie, la plus indéchiffrable par la raison mais la plus sensitive à travers les pensées fugaces et versatiles de Benjy le simple d'esprit, j'ai failli renoncer dans la deuxième, tant le long monologue de Quentin le frère suicidaire est morbide et malsain. Passé ce cap pourtant la lecture devient plus fluide et remet en place les repères, et je n'ai plus pu lâcher le livre, fascinée par la rage sourde et la méchanceté sans rémission de l'oncle Jason, éternel frustré de la famille, par la déliquescence de cette famille qui se révèle notamment à travers l'astre noir du personnage de Quentin, double de sa mère Caddie. Eblouie enfin par contraste par la lumineuse Dilsey, la vieille servante belle dans son humanité jusque dans ses vieux os, écrasant de sa lumière la famille maudite de planteurs ruinés.

Ce livre est une merveille qui m'a donné à sentir comme jamais l'Amérique, et entrer enfin dans l'univers de Faulkner.
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Monnaie de singe

J'avance à pas mesurés dans l'oeuvre de Faulkner, un auteur que je redoute. Le hasard a bien fait les choses en me mettant dans les mains ce premier roman, dont je perçois qu'il est beaucoup plus abordable que ses écrits à venir, et déjà l'auteur me fait moins peur.

C'est difficile de parler d'oeuvre de jeunesse tant "Monnaie de singe" écrit dans sa vingtaine au retour de la première guerre, démontre une maturité, une expérience de la matière humaine et une perception de la nature très marquées. A tort ou à raison, j'ai ressenti la "jeunesse" de son écriture, fluide et déliée, parfois même un peu trop démonstrative. Cette même écriture qui va plus tard, une fois distillée dans les alambics de l'expérience (et de l'alcool), se sédimenter en ce qu'elle contient de plus brut et de plus essentiel.

Malgré quelques scènes moins efficaces, "Monnaie de singe" se lit comme un très bon film avec d'excellents acteurs; la pesanteur du Sud est là, le poids lointain de la guerre européenne également à travers la figure mutique du jeune lieutenant revenu mutilé au pays. J'ai particulièrement aimé la manière dont Faulkner met en scène la nature, le printemps éclatant mais impavide dans lequel évoluent les personnages agissant comme une sorte de spectateurs de leurs pulsions, leurs frustrations, leurs mesquineries et leur grandeur.

Je crois en fait avoir trouvé une clé qui me permettra d'aborder Faulkner : l'atmosphère de ses romans, qu me semble jouer un rôle tout aussi significatif que l'intrigue, les personnages et l'écriture. A vérifier dans Le bruit et la fureur ou Lumière d'Aout...

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Tandis que j'agonise

Comment expliquer simplement tout ce que j’ai ressenti à la lecture de ce livre, Prix Nobel de littérature en 1949, monument de la littérature Américaine, histoire ô combien noire mais qui pourrait être drôle, si l’humour noir de ce roman pouvait être considéré comme drôle.



J’apprécie l’humour noir et trash, mais là, j’ai ri jaune.



J’ai vu une famille pauvre assister au déclin de leur mère (et épouse pour le père), j’ai vu un fils aîné fabriquer un cercueil sous les yeux de sa mère agonisante qui a tout supervisé, j’ai vu deux fils louper le grand voyage de leur mère car ils étaient sur la route pour gagner encore quelques dollars.



J’ai assisté, impuissante, au voyage totalement fou d’un veuf et de ses 5 enfants, le corps de la décédée reposant dans le cercueil à l’arrière de la charrette, pour aller l’enterrer dans un autre comté, répétant à tous que c’était sa décision à elle.



Un périple qui n’était pas de tout repos, qui fut dangereux, aux multiples périls dont la montée des eaux et des ponts emportés, plus la chaleur qui amènera des odeurs pestilentielles et des charognards. Un voyage qui causera l’explosion de la famille.



Nous sommes face à un roman bourré de noirceur, qui a de l’humour, car la farce est grotesque mais noir, car rien ne prête à rire dans ces pages.



Le style de Faulkner est particulier. Déjà, il nous propose un roman choral et je pense qu’en 1930, ce n’étais pas aussi courant que maintenant. Chaque membre de la famille prendra la parole, dans un monologue, une introspection qui lui sera particulier, puisque chaque personnage a ses tics de langage, ses manies, ses obsessions, ses mots bien à lui.



Au départ, j’ai eu un peu de mal, ayant l’impression que le récit était une cacophonie sans nom et puis, en persévérant un peu (c’était Faulkner, que diable), j’ai trouvé mon rythme de lecture et j’ai eu du mal à en sortir à la moitié du récit, mais bon, fallait bien aller au turbin.



Véritable roman de moeurs rurales, Tandis que j’agonise met en scène une famille du Sud Profond, dans le même genre qu’Erskine Caldwell, car le père Anse Bundren a la mauvaise foi chevillée au corps comme l’avait Jeeter Lester (La route au tabac), mais moins prononcée que ce dernier, bien que les références à "Dieu m’est témoin" parsèment aussi ses dialogues, mais de chrétien, Bundren n’en a que le nom.



Toute sa vie, Anse Bundren l’a passée à gémir, n’a jamais été un grand travailleur, ni un homme de parole et on se demande avec suspicion pourquoi diable il tient tant à respecter les dernières volontés de son épouse sur son lit de mort. C’est louche… Surtout que dès le début du roman, la principale intéressée ne pourra pas nous le confirmer, vu qu’elle a cessé de parler.



En plus, ce crétin est parti sans pelle pour creuser une tombe ! Mais il nous rabâche sans cesse qu’il doit acheter un dentier pour arriver à manger les aliments que Dieu a fait pour lui… Je pense que de tous les personnages de la famille, il est le plus égoïste.



Pour les décors, Steinbeck a dû passer par-là car ils sont magnifiques, épurés, décrit avec peu de mots et pourtant, tout le poids de la Nature est dans ces pages, toute sa force, toute sa magnificence et toute sa perfidie.



Un portrait au vitriol d’une famille rurale, des introspections qui nous placent au plus près des pensées des personnages, une voyage semé d’embûches et une fois arrivés, les enfants n’en seront pas au bout de leur surprises, et nous non plus.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Une rose pour Emily et autres nouvelles

Faulkner est un des auteurs totem américains que je veux absolument découvrir mais dont je n’avais pas encore trouvé la clé d’accès; aussi, le découvrir par quelques nouvelles m’a semblé le bon rivage pour tenter de l’aborder.



C’est chose faite avec ces trois courtes histoires qui, à défaut de m’éclairer sur le sens et l’orientation globale de son œuvre, donnent un aperçu saisissant de son écriture et de sa tonalité : ici une atmosphère lourde et poisseuse de Sud sale, là la morbidité de personnages séchés ou englués dans leurs folies, partout une pesante sensation de désespoir.



La manière dont est abordée la première, « Une rose pour Emily », renforce son caractère épouvantable, avec un narrateur extérieur qui évoque l’aride et solitaire Miss Emily, enterrée vive chez elle avec ses secrets.

Je n’ai pas compris le sens de « Chevelure », qui voit un homme s’escrimer sou à sou toute sa vie pour une femme aperçue enfant devant la devanture de son salon de coiffure, mais son happy end m’a laissé un sentiment de malaise.

« Soleil couchant » et « Septembre ardent » abordent toutes deux le racisme envers les Noirs sous des angles différent, brutal dans l’une, pernicieux dans l’autre et là encore, la folie sous-jacente laisse une empreinte de terreur désagréable sous la rétine.



Mais la précision du style est parfaite, la plongée au fond des âmes des personnages est immédiate à défaut de compréhension rationnelle de leurs actes. Est-ce là le génie du grand Faulkner ? Je ressors de ce premier rendez-vous avec l’auteur poisseuse et désorientée, avec malgré tout l’envie de poursuivre l’échange.

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Lumière d'août

Ouahhh ! Quel livre ! J’avais déjà essayé de lire du Faulkner sans jamais y parvenir, sans jamais accrocher au début du récit. Mais là, le début du récit m’a littéralement subjuguée, avec le cheminement de Lena sur les routes de l’Alabama. Et à partir de là je n’ai plus décroché, j’ai adoré l’écriture, la structure du récit avec l’entrelacement des histoires de tous ces personnages. L’histoire avance et en même temps certains événements nous sont montrés par des points de vue différents sans pour autant lasser. L’histoire familiale de différents personnages est explorée et montre le poids du passé sur le présent pour les uns et les autres. Mais que c’est sombre, d’une noirceur que n’évoque guère la lumière du titre ! Par contre je ne sais pas si je me replongerais de nouveau dans un Faulkner car j’ai trouvé sa vision de la femme pessimiste et si j’ai adoré me perdre dans les méandres des pensées des divers protagonistes, je dois avouer qu’ils me sont restés assez étrangers du point de vue de leur état d’esprit, tous trop imprégnés d’une vision du monde influencée avant tout, sinon seulement, par la religiosité.Totalement étrangère à tout ce puritanisme j’avais du mal à comprendre les personnages, dont certains sont de véritables fanatiques (McEachern et Hines) sans que cela choque vraiment leur entourage, d’autres comme Joanna Burden tombe dans une sorte de délire mystique qui me paraît incompréhensible, sans parler du révérend Hightower !. Entouré de près par ces personnages Christmas n’avait pas la moindre chance, victime prise au piège d’un labyrinthe ou d’une toile d’araignée.C’est ce personnage peu sympathique, pétri de haine que j’ai le mieux compris, tant tout son parcours, de sa naissance jusqu’à sa mort est d’une logique implacable. Il y a quelque chose de la toile d’araignée dans la construction concentrique du récit. C’est fabuleux ! Mais en même temps ce qui m’a gêné c’est que malgré tout ce fatalisme, tout ce puritanisme, tout ce poids du passé et des vieilles haines (haine du nègre, haine du Yankee) mis en évidence, je n’ai pas pour autant bien compris où l’auteur voulait en venir. Sauf à avoir juste voulu dépeindre l’atmosphère poisseuse du Sud. Un chef d’oeuvre pour la forme qui je l’avoue m’a quelque peu échappé pour le sens.
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Lumière d'août

Ardu et austère, sans doute comme ces hommes du Sud à cette époque, et pour moi, loin de ce que le titre m'évoque, Lumière d'Août. Ou bien, sûrement, une lumière blanche, éclatante, insoutenable.

Si le début est entraînant et tout à la fois paisible, tout comme Lena, personnage féminin autour de qui tout commence, la suite devient vite plus complexe et sombre. Le cheminement de Lena, enceinte et qui, confiante et sereine, part à la recherche du géniteur qui lui avait promis de leur trouver un petit coin à eux, de l'Alabama au Tennessee, nous conduit comme un préambule au coeur de Jefferson, là où un crime se trame. Le récit tourne alors autour de ce crime et les quelques jours qui le précèdent et le suivent, et nous amène même dans le passé des personnages, notamment celui de Christmas, un "nègre" blanc, qui devient dès lors et pour un long moment le personnage principal aux côtés de Bunch et Hightower.

Faulkner reprend presque systématiquement les mêmes événements perçus par différents regards, expérimente le récit sous forme de dialogue, monologue ou narration, et son écriture est belle mais parfois difficile à suivre. Les époques se recoupent, les membres d'une même famille se confondent.

J'ai parfois été gênée par les répétitions et une surabondance de "mais" et "cependant"!!

Ce n'est pas le Faulkner que j'ai préféré, loin de là, même si j'ai apprécié les différentes approches qu'il donne d'un même événement et la beauté fulgurante de nombreux passages. J'avoue, la lecture a été longue, ardue, et je suis soulagée de l'avoir fini, sachant que je l'avais abandonné une première fois il y a quelques années.
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Les larrons

Plus j'avance dans la lecture de Faulkner, plus je me dis qu'il ne m'en restera forcément bientôt plus. Heureusement que j'ai commencé il y a longtemps et il me restera donc le plaisir de relire les plus anciens pour refaire une critique sur Babelio. Signe de cette fin qui s'approche, me voici dans la lecture du dernier roman du maître.



Beaucoup de critiques ont souligné que c'était sans doute le roman le plus léger de Faulkner. Et il est vrai que là où Sanctuaire raconte avec une précision horrifique le drame d'un viol, là où le Bruit et la Fureur nous décrit les soubresauts d'une famille en décomposition, là ou Tandis que j'agonise évoque l'agonie et le décès de la mère et toutes les conséquences sur la famille... Les larrons nous raconte l'escapade de 3 compères pendant 4 jours en voiture, d'une petite ville du Mississipi vers la grande ville voisine de Memphis au Tennessee.



Parmi ses 3 compères, le narrateur, jeune garçon de 11 ans mais qui raconte ici cette aventure à son petit-fils, bien des années plus tard. Ce choix complexe de narration permet à Faulkner de déployer tout l'art du courant de conscience qu'il a utilisé dans la plupart de ses romans, mais avec l'enjeu plus léger d'une escapade un peu canaille. Mais chez Faulkner, rien ne peut être totalement léger et anodin, car le jeune Lucius nous dit bien qu'il a appris beaucoup de choses qui n'étaient pas de son âge dans cette virée. le choix des 3 "larrons" du titre est déjà assez symptomatique et permet à Faulkner de rester dans la satire sociale : un ancien esclave devenu employé de maison, un métis (blanc-indien) attardé que la famille du petit garçon a recueilli, et donc ce Lucius de 11 ans, caution des deux autres qui leur assure un risque moins grand de réprimande au retour si les choses ne se passent pas comme prévu.



Au delà des trois héros, Faulkner nous fait rencontrer les personnages haut en couleur du Sud. Autre différence par rapport aux autres romans, là où il choisissait de décrire la violente et sévère réalité de son Sud dans le reste de sa production, il semble ici vouloir lutter contre les a priori: le domestique noir est le plus malin et se joue des Blancs, la prostituée au grand coeur se questionne sur sa vie et son destin, les grands-pères se ressemblent par delà les races et mènent les enfants à bien comprendre les leçons que la vie leur fait rencontrer.



L'intérêt également pour le fan de Faulkner est de retourner une dernière fois dans ce comté de Yoknapatawpha qu'il nous a tant fait visiter. Pour les initiés, il y a de nombreux rappels aux autres oeuvres, notamment au tout débuts et les personnages emblématiques de Stupen, Manfred Spain ou des Snoopes, ne peuvent que rappeler de bons souvenirs de lecture. Je rapprocherais d'ailleurs ce dernier roman de la trilogie des Snoopes, beaucoup plus dans la comédie également que le reste de l'oeuvre.



Sous des abords de fable légère, Faulkner ne nous montre-t-il pas, avant de partir, son vrai visage, lui qui a beaucoup été critiqué pour son racisme supposé, alors qu'il ne faisait que retranscrire le monde où il a évolué, post-esclavagiste mais trop proche de lui pour ne pas en garder tous les aprioris. Alors qu'il fait preuve de réalisme d'habitude, il est symptomatique que ce soit quand son histoire est la plus romancée qu'on le découvre du coup plus humain... La réalité est sans doute trop noire pour beaucoup de gens, le défaut de Faulkner aura donc été de ne pas refuser de l'affronter.
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Le bruit et la fureur

Ce livre m'a mis en fureur, car je n'ai rien compris, je me suis dit : "ce mec (Faulkner ) ne sait pas écrire ! Comment ça se fait qu'il ait eu un Nobel ?"

... jusqu'à ce que je comprenne que l'auteur se mettait dans la peau de l'idiot. Benjy ne sait que pleurer ou crier.... mais je n'ai pas changé d'opinion.

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Associations d'idées, prénoms confus, rébus, énigmes, ellipses, flashbacks, une phrase fait deux pages, ni contextualisation ni liaisons... sont un exercice de style, un jeu, ainsi qu'il le dit, pour mettre de la brume sur les atrocités de l'histoire : folie, suicide, idée d'inceste, castration, jalousie...

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Faulkner cherche à décontenancer le lecteur : le lecteur paresseux n'ira pas jusqu'à la fin... Il a pitié de nous P. 150, puis P. 217, mais bon....

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Cela ne m'a rien apporté, si ce n'est de constater que certains souffrent, et d'autres jouent ; mais ça, je le savais déjà : )
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Treize histoires

Bon, alors comment je vais amener ça... Difficile de dire qu'on n'a pas été terriblement enthousiasmé par Faulkner sans passer pour le pire des imbéciles - à moins de l'avoir lu pour la première fois adolescent, ce qui autorise à avouer qu'à cet âge-là, naturellement, on a absolument rien compris. Et c'est ce qu'on fait tous les invités de Matthieu Garrigou-Lagrange sans exception lorsqu'il a consacré une série d'émissions à l'auteur. Eh ben tiens, voilà donc qui tombe bien pour moi, car du coup j'ai une excuse de taille : j'ai lu Faulkner pour la première fois à environ neuf ans, ce qui m'a probablement traumatisée et empêché de l'apprécier à sa juste valeur. (Aparté : j'ai juste omis de préciser en passant qu'il s’agissait d'un conte pour enfants, espérant que vous m’imagineriez lisant Le bruit et le fureur, le soir, après mes cours de CM1).



Tout de même, j'avais prudemment prévu de réserver Treize histoires pour des moments où mes capacités cognitives étaient à leur maximum (ce qui est le cas la plupart du temps, cela va sans dire), réservant mes quelques instants de surcharge cognitive à des petites choses plus divertissantes. Bon, cessons de tourner autour du pot. Je n'ai pas été passionnée par Treize histoires, beaucoup plus en raison des histoires elles-mêmes qu'en raison du style.



Le recueil est réparti en trois parties plus ou moins cohérentes. La première concerne quatre nouvelles sur la guerre de 14-18 vue par le petit bout de la lorgnette, par des soldats qui ne savent plus quoi faire de leur peau après le conflit, ou encore qui découvrent le véritable visage de la guerre en pataugeant dans ce qui ressemble à une nécropole boueuse pour sauver leur peau. Je cite là Victoire et Crevasse, les deux autres nouvelles m'étant assez vite sorties de la tête, parce que le sujet m'en a semblé assez conventionnel. Et encore, Victoire ne m'a pas paru d'une nouveauté époustouflante, mais je garde en mémoire son ton terne, morose, désespérant. Crevasse, c'est autre chose : une plongée extrêmement morbide dans l'horreur de la guerre, une confrontation avec la mort - une mort savamment mise en scène par Faulkner, qui n'est pas sans rappeler les images de fosses mortuaires collectives mises à jour par les archéologues, et qui laisse difficilement de marbre.



La seconde partie, scindée en six, se déroule dans le désormais célèbre comté fictif de Yoknapatawpha, dans la non moins célèbre ville fictive de Jefferson. Il est de bon ton, paraît-il, de faire étudier systématiquement Une rose pour Emily aux étudiants des États-Unis, et de fait, même en France, c'est bien la nouvelle la plus célèbre de Faulkner. Je n'en nie pas l'intérêt, mais il me semble que plusieurs écrivains français du XIXème sont allés plus loin que Faulkner sur ce terrain-là et que le texte est, sinon surestimé, du moins un peu trop mis en avant par rapport à ses autres nouvelles, voire à pas mal d'autres textes d'autres auteurs. Il est question dans ces six nouvelles de rapports de force entre les êtres - et, forcément, entre autres, d'esclavagisme, pratiqué par les Blancs comme par les Indiens -, de traditions, de frustration sexuelle, de crime, d'hypocrisie et de discrimination sociale, de peur de l'autre, de peur tout court, et, même, de la confrontation de l'enfance à un comportement adulte que personne ne prend la peine d'expliquer. Et de beaucoup d'autres choses. Soleil couchant, dans sa confrontation des enfants Compson (personnages du roman Le bruit et la fureur) à la terreur de leur domestique noire d'être assassinée par son compagnon, et qui n'y comprennent absolument rien, m'a paru la nouvelle la plus viscérale : elle renvoie non seulement à ces moments de l'enfance de chacun, mais aussi à la situation du lecteur qui, disons-le (et j'en toucherai un mot en fin de critique), a bien du mal à remettre ses idées en ordre devant une situation qui lui est parfaitement étrangère. Ce qui est également frappant, c'est qu'on retrouve des personnages d'une nouvelle à l'autre, et que selon la nouvelle, le point de vue qu'on a sur lui varie sensiblement. Plusieurs personnages plutôt sympathiques de Chevelure deviennent soit des assassins, soit des lâches qui laissent commettre un meurtre raciste. A l'inverse, un esclavagiste indien dans Feuilles rouges se révèle faire le nécessaire pour préserver une esclave noire de la concupiscence d'un de ses compagnons.



La troisième et dernière partie est plus difficile à cerner, et j'avoue que j'ai commencé à lâcher un peu l'affaire avec Mistral, qui me rappelait à la fois Chevelure et Une rose pour Emily - nouvelles de la seconde partie -, et dont je ne voyais pas très bien l’intérêt. J'ai eu l'impression que le sujet avait déjà été plus ou moins traité plus avant dans le recueil, et même, là encore, par bien d'autres auteurs. Qu'il n'y avait par conséquent plus grand-chose à en tirer, si ce n’est le travail sur le style. Un divorce à Naples, histoire d'amour entre deux matelots, souffre en revanche peut-être d'un sujet qui n'est plus tabou depuis longtemps. Quant à la nouvelle Carcassonne, espèce de délire poétique, je laisse chacun s'en remettre à sa propre lecture. Je dois dire que j'ai plutôt décroché, pour ma part.



Finalement, à part Soleil couchant et, surtout, Crevasse, pas de révélation pour moi. Mais je dois dire que l’écriture de ces nouvelles est ce qui m'a le plus intriguée. Il y a quelque chose de profondément en phase avec le fonctionnement de l'esprit humain - et particulièrement la mémoire - dans le style de Faulkner, et même une traduction - même une traduction défectueuse, dirais-je - permet de l'appréhender. Le lecteur est balancé dans une histoire dont il ne connaît ni les tenants, ni les aboutissants, ni les personnages, et dont il n'apercevra qu’une petite partie. C’est raconté comme vous le raconterait un ami, qui omet des détails, ne cesse de faire des digressions, vous parle de quelqu’un qui s'appelle Machin mais dont vous ignoreriez jusque-là l'existence, puis vous dit qu’il tient telle anecdote d'Untel, et puis non, finalement pas d'Untel mais de Truc, et d’ailleurs l'anecdote n'est pas celle-là, et d'ailleurs il ne se souvient même plus pourquoi il vous raconte ça, ou bien c'est vous qui ne comprenez pas pourquoi. Bref, vous êtes plongés d'emblée dans treize histoires et vous devez vous débrouiller avec ce que vus avez sous les yeux. Ce qui me rappelle un commentaire de David Lynch sur ses films, notamment sur Mulholland Drive. Il disait en gros que les spectateurs croyaient n'avoir rien compris au film, mais que lorsqu'il commençait à discuter avec eux, il lui paraissait évident qu'il en avaient saisi le sens. Faulkner, je crois que c'est un peu ça. On a l’impression d'être largué, mais son écriture du récit rencontre une expérience universelle, que chacun est en mesure d'appréhender. À condition d'avoir les neurones bien au repos au moment de la lecture !
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Le bruit et la fureur

De plus en plus fatigant de lire des romans. Ça faisait longtemps. Je n’ai plus le cœur assez bien accroché. Il me faut une préparation plus solide. Plus grand-chose ne passe excepté Buko. Et quelques autres.





Je m’incline révérencieusement devant l’heureux Maurice Edgar Coindreau, préfacier du roman, qui eut la chance de saisit la beauté, l’originalité et la démesure de ce livre, et qui nous assure qu’il s’agit de l’œuvre d’un maître tel qu’on n’en croise plus guère – une œuvre qui ne propose pas d’idées mais qui laisse couler des sensations dans l’écriture.





Alors, des sensations, j’en ai bien perçu quelques-unes dans des phrases étranges dotées d’une force occulte peu commune.





« L’arbre à fleurs, près de la fenêtre du salon, n’était pas noir, mais les arbres épais l’étaient. L’herbe bourdonnait dans le clair de lune où mon ombre marchait sur l’herbe. »





« je m’arrêtai

que me veux-tu

dans les bois les petites grenouilles chantaient sentant la pluie dans l’air on eût dit des petites boîtes à musique dures à tourner et le chèvrefeuille»





Le récit quant à lui m’a échappé. Sa logique, sans doute dissimulée derrière d’épais velours de poésie, d’images et de sensations, s’est faufilée sans trouver son chemin dans mon esprit distrait et volage.





Encore un roman de perdu.

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Sanctuaire

Une lecture dure pour moi... tant dans le fond que dans la forme. J'ai eu du mal avec tous les personnages au début. Je me suis perdue. Mais j'ai persisté. Et puis une histoire sordide : viol, meurtre, intimidation. Une Amérique noire, de terres reculées, bien profonde. Je suis passé au travers, mais pas indemne. Malaise du début à la fin de ce roman. Faulkner, c'est dense, c'est lourd, mais c'est un Grand. Je le conseille, dans un moment de votre vie où les choses vont bien. Mais surtout, ayez à portée de main un roman léger, pour la suite. Parce que vous aurez envie de voir le soleil briller après la dernière page, vous aurez besoin de lumière, pour reprendre le dessus.
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Tandis que j'agonise

Un livre dont on ne sort pas indemne, pétri de symboles, façonné avec une multitude d'axes de lecture, il s'agit sans conteste d'un chef d'oeuvre...

Dans un décor à la Steinbeck, une ambiance mystique aisément comparable au Beloved de Toni Morrison, Faulkner nous emmène dans une aventure familiale épique, enveloppée de mort... Ouvrage néo-romantique, les ingrédients du courant du XIXe sont tous là : isolement, nature hostile, folie, mort, tourments, mystique...

Si la lecture de l'ouvrage paraît, d'abord, difficile et la trame décousue, que les dialogues semblent tout droit sortis d'esprits simples, le lecteur s'accommode vite de ce rythme qui participe à l'atmosphère et à la complexité simplette des personnages. "Tandis que j'agonise", roman sur la misère paysanne du Mississippi des années 30, et sur une procession funèbre aventureuse, distille une vapeur de souffre, un sentiment de crainte, où rôde, latent, le jugement dernier. A chaque chapitre, son narrateur, sa voix propre, processus permettant d'entrer dans l'intimité de chaque personnage pour une immersion totale dans leur délicate rudesse. le style, ha le style! et bien voici par exemple comment Faulkner décrit Anse le père de famille au chevet de sa femme mourante: "sa silhouette voûtée a cette allure hérissée et grincheuse de hibou offensé qui cache une sagesse trop profonde ou trop inerte pour pouvoir même être conçue." ... A vos mirettes... Pour ma part, je me jette sur "Le Bruit et la Fureur"



NB : Pour aller plus loin : très belle adaptation cinématographiques par James Franco notamment sélectionné au festival de Cannes dans la catégorie "Un certain regard"

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Tandis que j'agonise

Faulkner fait dorénavant partie de ma bibliothèque et il y est en très bonne place. Après le bruit et la fureur, tandis que j agonise vient confirmer mon plaisir à lire cet auteur. Cet ouvrage est plus simple à lire que le bruit et la fureur.tous des personnages alternent en cours chapitres et poursuivent l histoire de leur point de vue. La phrase"farce très haute en couleur" se trouve en 4 ème de couverture. Ç est plutôt tragique et l écriture de Faulkner donne à certains passages sans doute grotesque une dimension terrible. A découvrir si ce n est déjà fait. Faulkner est vraiment un écrivain majeur. En tous les cas pour les deux ouvrages cités, inutile d avoir un 180 de Q.I ou d avoir suivi un cursus littéraire pour les lire sans s arracher les cheveux. . Certaines critiques laissées sur le site me semblent excessives sur la difficulté à aborder ces oeuvres. Car ce sont vraiment des oeuvres.
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