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Citations de Yann Queffélec (605)


«  Parce que je voulais te redire que je t’aime
Et que ce mot fait mal quand il est dit sans toi » ,,.

LOUIS ARAGON.
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«  Il disparut, elle disparut . La séparation d’avec le grand amour éclair ouvrit son cœur en deux , et ce fut comme dans les magazines à maman : la folle intuition qu’elle en mourrait de chagrin. Et que ses parents l’auraient bien cherché .
Pourquoi son père ne l’a regardait - il pas?
Sa mère non plus?
Qu’est - ce qu’ils fichaient dehors au bout du traversier , à scruter la vallée comme deux idiots ?……..
La vallée des péchés mortels ? » …
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Eddie était seul, la plupart du temps, livré à lui-même, à ses questions et vadrouilles. Quand on cherche sa mère on est seul au monde, et personne n’y peut rien. On marche beaucoup, beaucoup trop.
La nuit aussi, il y pensait, faisait des colères. Et regardait la lune, il s’emportait contre elle : « Non, maman, t’es pas là-haut ! Pas là-haut ! Quand c’est que tu seras là ? T’auras qu’à me réveiller si je dors, y faut pas que je dorme, y faut pas. »
[…]
On l’applaudissait, on tremblait, on riait. Imite le canard, Eddie. Imite l’écrevisse, imite le hibou, imite la chèvre. Imite Célestin quand il s’endort à table. Et par ses mimiques et sa voix, Eddie se faisait canard, hibou, chèvre, écrevisse… se faisait Célestin.
Célestin en pleurait de rire, sa manière à lui d’exprimer son amour envers un pitio que n’avais jamais vu sa mère, sa maman, et n’en parlait jamais. Et sans doute ne la verrait jamais.
Eddie n’en parla plus. Il en avait parlé à Toï et Toï lui avait répondu en catalan. Il en avait parlé à sa grand-mère et sa grand-mère en avait pleuré. A son grand-père et célestin l’emmena voir les pensées.
Ils s’assirent sur le muret : « Regarde ces fleurs, pitio,.. Elles courent sans bouger, elles s‘inclinent au vent, se redressent, elles se redressent toujours. Et jamais elles n’ont peur de la vie. » Il ne savait pas pourquoi il disait ça, Eddie l’écoutait. « Elles ne disent rien, pitio, elles savent tout ce qu’il faut savoir du vent qui sait tout, lui. » Eddie l’écoutait. « Elles ont l’air de partir, de revenir, comme le vent. » Eddie l’écoutait, regardait les pensées. « Ta maman, pitio, elle est aussi belle que ces fleurs, belle comme le vent. Si quelqu’un sait où elle est, où elle va, c’est lui. » Célestin lui prit la main. « N’aie jamais peur de la vie, pitio, redresse-toi »
Ils remontèrent au mas. « Un moment viendra, pitio, il faudra bien me mettre quelque part. Le chêne est creux, penses-yµ. La simplicité des fleurs et du vent, c’est pour moi, penses-y. »
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Appuyée au muret, Muriel regardait l’horizon s’enténébrer, les Berman n’allaient plus tarder. Que savaient-ils d’eux ? Rien. Ni quelle langue ils parlaient, ni de quel pays ils sortaient, ni dans quel pays devait finir leur évasion. Ils avaient oublié leurs prénoms. C’étaient les Berman, des étrangers, ils seraient trois. Ils auraient été dix ou vingt que le mas n’aurait pas fait la différence et la soupe non plus, excepté le talon de jambon. Le mas était aussi grand et cachottier qu’on désirait qu’il fût, et la Terre entière pouvait tenir dans le chaudron quand celui-ci pendait à la crémaillère au-dessus du feu. Et le feu parfumé d’herbes de lave était bien le digne fils d’un volcan du Bon Dieu. Les Berman pourraient demeurer aux Fabrègues aussi longtemps que la guerre les pourchasserait, dût-elle ne jamais s’arrêter. Bienvenue aux étrangers, bienvenue aux Berman.
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En salopette à l’entrée d’un hangar de bois ouvert sur l’eau dormante de l’étang, Pierre Poujol soliloquait à voix basse, à voix haute, une peau de chamois trempée dans les mains. Il disait « Samuel » comme il aurait dit : « J’ai peur. », il se rongeait les sangs malgré Dieu, se prenait à douter. Est-ce qu’il avait parlé ? L’officier Müller ne serait-il pas déjà là s’il avait parlé ? L’officier Müller pouvait s’en remettre à la nuit pour faire d’une pierre deux coups, et prendre la main dans le sac les Juifs et les passeurs de Juifs, vouloir les abattre tous au clair de lune.
Il ferma les yeux. Est-ce qu’il aurait parlé, lui ? Marie, ma chère Marie, est-ce que je parlerai si l’officier Müller me tombe dessus ? est-ce que je tiendrai ma langue ?... Du silence d’un seul dépendait l’ensemble du réseau « Guadalquivir » à travers l’Europe. Les avait-il dits et répétés à Samuel ces mots terrifiants… Il fut secoué d’un frisson nerveux, entendit ses os craquer. Il détesta cette musique funèbre, demanda pardon en regardant la beauté du ciel mauve autour de lui, pur de tout nuage. Merci.
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Son père lui avait confié une mission d’envergure historique, Samuel exultait. Il n’était plus le simple fils à papa d’un résistant insaisissable : il était un résistant lui-même, un vrai, un homme du secret auquel on avait dit tout bas : Je ne voudrais pas qu’ils touchent à un seul de tes beaux cheveux, beaux et lisses comme les avait ta mère, mon garçon, mais s’ils portant la main sur toi, sache qu’il te faut tenir ta langue la première minute, la seule qui te donnera envie de parler, de tuer ta mère, de tuer Dieu, et de mourir. Après une minute la douleur te fera rire aux larmes et tu seras dans la joie d’avoir sauvé les autres, des milliers… Pour le moment tu ne sais rien, mais le jour venu je t’en dirai plus, chaque chose en son temps, dit l’Ecclésiaste. Va en paix, va en guerre, va sans crainte, va.
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Une mare apparut bientôt, miroir de tranquillité parmi les arbres. Rachel quitta ses vêtements et s’y plongea, veillant à ne pas mouiller son chignon. Elle ferma les yeux. Est-ce que Maud avait pu voir Samuel ? Comment lui dire, pour son pitio ? Est-ce qu’une maman peut vivre sans l’enfant qui vient d’elle, sa chair ? Est-ce qu’elle a mal ? Est-ce que Dieu savait ce qu’il faisait en créant la femme ? Cette machine à souffrir plus mystérieuse qu’un volcan ? … Même une fausse couche, Mère Nature l’en avait privée.
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Les Pellatan avaient un hôte, depuis deux jours : le nouveau-né Eddie dont on ne savait pas quel nom il allait porter. Si même il vivrait, le lait de chèvre n’ayant pas l’air de lui convenir, et sa mère n’étant plus là.
« Je n’aurais qu’à partager mon chêne avec lui, soupirait Célestin, il est bien assez grand pour deux. »
Il parlait d’un chêne foudroyé dont les racines empiétaient sur le muret du traversier devant la maison. L’arbre s’enorgueillissait d’une ombre illimitée ; l’ombre s’enorgueillissait d’un parterre vague de pensées sauvages dont le va-et-vient perpétuel au ras du sol enchantait Célestin. Adossé aux racines de l’arbre mort, il ne se lassait pas de regarder dodeliner les fleurettes, sans penser à rien, comme d’autres ne s’ennuient jamais au spectacle mobile de la mer. Vous êtes mes pensées, leur disait-il, je ne sais pas très bien ce que signifient les hochements de vos bonnes petites têtes mauves, mais nous nous comprenons.
Jamais il ne lui serait venu à l’esprit de couper des fleurs ou d’en offrir à Muriel. Les pensées sauvages étaient pollen et poussière, elles étaient beauté, renaissance, la vie. Cette nature omniprésente, à la fois mère et fille d’elle-même, faisait de Célestin sur la terre volcanique une graine desséchée prête à revivre un jour à la faveur du vent – celui-ci l’enfant des fleurs qu’il enfantait, fils aîné du pollen. Pas touche aux pensées sauvages et pas touche au vent marin, pensée sauvage de l’eau et du sel.
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Neuf mois plus tard, le paquebot Normandie a pris feu dans le port de New York et Maud a perdu de vue Michèle Morgan. Entre-temps elle a connu la guerre, au Vigan, la peur et les aléas d’une virginité sujette aux métamorphoses. Elle aurait dû s’en douter, mais l’amour est plus fort que la vie, n’est-ce pas, jusqu’à la seconde fatale où la vie se mélange à l’amour et dit : Maud, Maud, réveille-toi, je suis là.
Elle est enceinte, mon Dieu ! Elle n’y croit pas, elle oublie, elle aime trop, les mois passent, bientôt sept…bientôt l’heure d’aller accoucher aux Fabrègues, avec Toï. Vu qu’elle ne sait pas où aller et qu’elle n’a rien dit aux autres, à personne, ah non ! Surtout pas à l’amoureux qui lui a fait ça, non non non ! Des fois qu’il aille dire qu’elle ment, que c’est pas lui, qu’elle l’a trompé. Et qu’elle se fasse virer du boulot comme une pestiférée. Et qu’il ne l’aime plus.
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Un jour, il fut question d’avenir, en classe, des métiers qu’elles feraient plus tard, ouvrière, dactylo, postière, comptable. « Et toi ? …. Comme tes parents ? »
Et c’est à moi qu’elle demande ça, pensa Maud, comme par hasard !
Ses parents ? Sûr que non ! Ses parents tressaient l’osier à se déchirer les doigts, ses parents se cassaient la nénette sur les traversiers du volcan à longueur d’année. Ils ramassaient des topinambours et des patates plus noires que du charbon, des oignons roses, des aubergines, des cèpes. Les meilleurs du monde, qu’ils disaient, et il fallait dire comme eux, ne pas se demander où il pouvait bien être, le monde, au-delà du volcan, et s’il existait à l’avant du paquebot Normandie. Le monde c’était Dieu fils de Marie, pour ses parents. « Sûr que j’suis pas inquiète, éluda-t-elle avec feu, du cinéma plein les prunelles. Pas inquiète du tout ! », et la classe partit d’un rire charmé.
S’inquiéter pour Maud, et puis quoi encore ! Elle était si jolie, à quinze ans, qu’on avait l’impression d’aller en classe avec une princesse de conte oriental, une vedette inconnue, et d’embellir soi-même à vue d’œil en étant sa copine. Toutes les filles lui tournaient autour, Maud par-ci, Maud par-là, lui demandaient conseil. Si l’une d’elles ferait un beau mariage avec demoiselles d’honneur et gala, plus tard, c’était Maud. On savait bien qu’elle était pauvre, mais est-ce qu’on est pauvre quand on est jolie, et qu’on plaît aux garçons ?
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Ma Bretagne est un pays qui chante à travers les âges.
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Ma Bretagne est d'Armor, le pays dans la mer.
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Yann Queffélec
D'où vient l'amour ?... Tout ce qui meurt _ se meurt d'amour. D'où vient l'amour ?... Il vient de là où Mozart est allé chercher sa "cantilène oubliée" , et Célestin la chanson des fleurs, de là où, piano juif ou guitare manouche, pas un battement de coeur ne revient qu'il ne veuille y retourner avec chacun d'entre nous, pour n'en revenir jamais plus. L'amour humain le plus mystérieux dit à la vie que la solitude est intenable, avec le temps, qu'elle rend fou. De sorte que les gens apparemment normaux viennent un jour révéler à leurs médecins qui s'en fichent : mon poignet, docteur, il me fait mal, aidez-moi, je paierai. Mon poignet, mon pied, mon dos, mon genou, je paierai. Pour chacun de mes os. La solitude n'a pas de prix.
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"Guerre" était un mot innocent, pour Maud, en 194... Il avait les yeux éteints du masque à gaz noyé dans le fourbi du grenier. Quand il la réveillait, la nuit, il ouvrait ses grands yeux éteints. Elle n'arrivait pas à capter son attention, à voir ce qu'il manigançait. Un mot aveugle, sourd , et muet. Elle écoutait l'obscurité silencieuse en vain, et se rendormait. Le pistolet de Toï n'existait pas, le maquis n'existait pas,la guerre n'existait pas et ce n'était pas d'une rafale antiaérienne à bout portant qu'était mort l'espion anglais aux snowboots.
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Quand il tombait d’épuisement son père lui disait : « Reste debout, mon grand, la foudre ne frappe que les sommets. » Une belle phrase typiquement paternelle, restée incompréhensible pour lui.
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Pourquoi les parents font-ils des enfants si c’est pour leur en vouloir d’être nés ? Pourquoi si c’est pour les confier à des nounous ?
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C’était la guerre, il y avait des miliciens partout, des occupants partout, des oreilles ennemies à l’affût dès qu’on prenait l’autocar du Vigan, même le chauffeur. Mais guerre ou pas, boches ou non, leur avenir n’était pas au pays des traversiers où les femmes ont une vie de chèvre et toujours le même bouc sur l’échine. « Et dans la foufoune, pauvres de nous ! »
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La mer descend et descendait déjà du temps des vénètes, quand ces doux gaillards flanquaient la pile aux brigades marines de César qui n'avaient jamais vu çà : la mer se dérober sous les pieds, le niveau du fleuve baisser.
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Prenant une pomme, celle-la même qui nous fit châtier du paradis, il la fait tomber à ses pieds : la gravitation, gentlemen, la chute des corps; Elémentaire mon cher Newton lui répond son compatriote Halley et,..., substituant la Lune à la Pomme , il démontre l'influence lunaire sur l'océan, influence doublée d'un effet solaire à son maximum quand les deux astres alignés visent la terre en enfilade et que le déluge fait mine de recommencer. On leur doit une fière chandelle, écrira le Français Laplace en hommage aux deux britanniques et même une chandelle lunaire. Premier océanographe ainsi désigné, il invente la dynamique ondulatoire, une théorie permettant de prévoir en tout point du globe la caractéristique et l'heure de la marée. C'en est fait du secret des mers et des superstitions. Rome se rend.
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«  Il était né dans la peur, il vivait avec elle. Plus il chocottait plus il haïssait »
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