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Critiques de Yannick Haenel (365)
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Bleu Bacon

Affrontement des plus physique et métaphysique avec les tableaux de cette exposition pour Yannick Haenel qui, encore une fois, nous livre une oeuvre d'art litteraire et picturale. Nous savons que pour l'écrivain la peinture est une catharsis, tant pour le peintre que pour celui qui regarde un tableau. Et l'écrivain, sensible par ses mots, essaie de faire partager ses émotions et ses découvertes lors d'une confrontation aux oeuvres maitressses des grands peintres de toutes époques, pris cette fois « au piège » d'un Bacon dont on sait qu'il recèle de mystérieuses répulsions et attractions pour de nombreux spectateurs..



De migraine ophtalmique en apaisement progressif, de réflexions, interrogations en découvertes inouïes telles que, sur un tableau de Bacon, le pied gauche interverti d'un Oedipe qui donne une réponse incomplète à la Sphinge, - pour Haenel la réponse à la fameuse énigme est « homme et meurtrier » tout à la fois.



La lumière intérieure de l'âme se fait dans l'obscurité, de couloir en couloir, de couleur en couleur, de voix en voix qui sont celles des tableaux, ou parvenues d'une explication de spécialiste, tel ce rapprochement jusqu'à la dernière torsion du mouvement comme du choix de la couleur qui donne le titre de ce nouvel opus, le bleu Bacon, celui du Vert Veronese ou du Jaune Utrillo. Ainsi cette peinture bleu tendre d'un filet d'eau inspire une douceur particulière au conteur et devient comme la spécificité d'un peintre qui n'était guère connu auparavant pour inspirer douceur et sentiment de plénitude.



Bacon en impose et le regard de l'analyste voit s'ouvrir les portes de la compréhension d'un peintre qui livre ses secrets en pleine lumière, exposant les chairs nues et les carcasses qui apitoient l'oeil le plus tendre et le plus compatissant.



J'ai rarement lu un témoignage d'une telle force et beauté, et Bacon m'apparaît comme un des peintres les plus sensibles et les plus humains, tandis qu'il demeure pour la plupart des regardants un guignol post moderne sans intérêt, inspirant dégoût et mépris.



Yannick Haenel demeure sans conteste un esthète de l'écriture et la met au service de la peinture, depuis de longues années, sachant que l'art passe par une catharsis indispensable pour être sauvé de l'ignorance et de la peur, en déchirant le rideau opaque des impressions erronées.
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Jan Karski

Cette lecture achevée, j'ai interrogé, comme de coutume, internet pour plus de détails, et j'ai trouvé la véhémente critique de Claude Lanzmann qui réalisa le très long film documentaire Shoah en 1985 constitué de nombreux témoignages des victimes de la Shoah, et de prises de vues sur les lieux où se déroulèrent ces tragédies.  Lanzmann, reproche à l'auteur Yannick Haenel , d'avoir eu l'outrecuidance d'avoir plagié les dialogues de son film sans en avoir demandé l'autorisation.  Philippe Sollers, directeur chez Gallimard de la collection L'Infini (Yannick Haenel a été plusieurs fois édité dans cette collection) , précise "que l'épreuve de ce texte lui a été soumis, ce que conteste Lanzmann". De son côté, Haenel se justifie en revendiquant la liberté du romancier. C'est effectivement ce côté romancé qui me gène dans cet ouvrage, la réalité se suffit pour dire les atrocités constatées et que "la parole redonne vie aux morts".
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Tiens ferme ta couronne

Ce livre m'a fait vivre une expérience étonnante : je vous la raconte en deux mots.

D'abord, j'ai pesté : je ne comprenais rien ou pas grand-chose. Le propos, métaphorique, allégorique, philosophique, symbolique me laissait plus ou moins à la porte. J'avais beau vouloir entrer, rien à faire. Il me semblait parfois m'approcher du but : tiens, c'est peut-être une quête de la Vérité dont il est question. Oui mais quelle Vérité ? N'y a-t-il qu'une Vérité ? Non, c'est plutôt l'histoire d'un looser halluciné, paumé et frappadingue (c'est lui qui le dit), vivant en marge d'une société plutôt violente, un homme qui chercherait à atteindre une espèce de royaume (perdu?) où régnerait encore l'innocence. Oui, c'est plutôt ça, une espèce de parcours spirituel vers une forme de pureté qui n'existe plus dans notre monde sinon sous forme de traces, notamment dans l'Art et peut-être aussi dans la beauté de la nature. Encore faut-il être capable de la voir, cette beauté, qui peut n'apparaître que de façon fort éphémère. « Lorsque l'on agit contre son propre intérêt (lorsqu'on se sabote), [comme le fait le narrateur] c'est toujours par fidélité à une chose plus obscure dont on sait secrètement qu'elle a raison. »

Contente de mes interprétations, je retombai cependant quelques pages après dans des sphères plus ou moins nébuleuses dans lesquelles je poursuivis ma lamentable errance.

Bon, très bien, me suis-je dit, si tu me résistes, sacré bouquin (oui, oui, il a quelque chose à voir avec le sacré ce bouquin!), je vais t'avaler d'UN COUP comme un verre d'alcool un peu fort (d'ailleurs notre narrateur picole pas mal dans le livre, de la vodka notamment).

Et je l'ai lu d'une traite cherchant ainsi à dompter l'animal sauvage (il est aussi question d'animaux sauvages dans le livre!)

Et là, MIRACLE, tandis que je voulais au plus vite en sortir, j'y suis rentrée. En effet, alors que j'avais cessé depuis longtemps de chercher un sens à tout, tout me parlait. J'étais sous l'emprise.

Je pense donc que c'est un roman dans lequel il faut se plonger en se laissant porter par l'écriture sans s'interroger sur la moindre formule. Certains passages sont éblouissants d'ailleurs. Il ne faut pas lire ce roman par à-coups, une page par-ci, deux pages par-là. Le charme n'opère pas.

Bon, venons-en au sujet : le narrateur, 50 ans, vit seul dans un petit studio parisien dont il sort très peu. « ...ma vie, que je croyais une aventure, tournait autour de mon ordinateur, devant lequel j'étais posté dix heures par jour, autour de mon frigo, qui était inlassablement vide, et de quelques bars de Gambetta… où j'allais m'enivrer en racontant n'importe quoi à n'importe qui. » Il est « un type qui n'a aucune ambition - ou qui la place dans un lieu que la société ne répertorie pas », il occupe ses journées à lire ou à regarder des films de façon obsessionnelle, notamment Apocalypse now de Coppola qui tourne chez lui en boucle.

Il a écrit un scénario de sept cents pages sur la vie d'Herman Melville : The Great Melville qu'aucun producteur n'a retenu. En effet, l'auteur de Moby Dick le fascine, et notamment, « l'immensité qui peuple la tête d'un écrivain comme lui. »

Lorsqu'on le lui demande, le narrateur précise que son travail porte sur « l'intérieur mystiquement alvéolé de la tête de Melville », ce qui évidemment fait fuir tout le monde ! Il faut dire que ce garçon se pose beaucoup de questions comme s'il portait en lui une forme de grandeur, d'absolu qu'il rechercherait, une espèce de vérité (attention, c'est là que ça se corse et que l'on décolle) que l'on atteindrait par exemple par l'art, à condition de vouloir consacrer à cette quête spirituelle une grande partie de sa vie, ce qui suppose que l'on n'entre pas tout à fait dans le moule proposé par la société : travail, réussite sociale, famille, enfants… car il faut rester « disponible » et « pur » d'une certaine façon, être capable de percevoir les signes de la vérité, d'où la nécessité d'avoir l'esprit (et la vie qui va avec) libre !

Encore faut-il savoir ce que l'on veut faire de sa vie ! Tiens, finalement, c'est peut-être ça la question essentielle de l'oeuvre… Sait-on ce que l'on veut faire de sa vie ? Est-on capable « de vivre dans la vérité ? »

Or, d'après une phrase de Melville, « en ce  monde de mensonges, la vérité est forcée de fuir dans les bois comme un daim blanc effarouché » et donc, il faut la traquer, en rechercher les traces, partir à sa poursuite. Il va donc tenter d'entrer en contact avec Michael Cimino, réalisateur du Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter = le chasseur de daim), un homme qui cherche le scénario « qui saura attirer Dieu dans ses pages ». Le narrateur est persuadé que ce réalisateur le comprendra puisque dans ce film ci-dessus cité, un chasseur joué par Robert de Niro poursuit un daim qu'il ne tue pas finalement. Or, ce daim serait « le survivant d'un monde régi par le crime, il témoigne d'une vérité cachée dans les bois » et il tiendrait tête à la criminalité qui a envahi le monde. Le moment suspendu où le chasseur ne tire pas symbolise une espèce de moment de grâce, de vérité : soudain et seulement à cet instant précis, le mal n'existe plus, le crime s'interrompt sur terre et une forme de pureté semble retrouvée. Seulement, ce moment de vérité, encore faut-il être capable de le voir, de l'entendre.

« La vérité n'est pas un concept immuable, elle apparaît et disparaît, c'est une épiphanie, elle n'existe qu'avec l'éclair qui la rend possible. »

Michael Cimino incarnerait donc celui qui a eu le courage de dénoncer « le secret de la fondation de l'Amérique, son destin criminel : les génocides des Indiens, la démence de l'impérialisme militaire au Vietnam, et tous les crimes sur lesquels était fondée en secret la démocratie. » Cimino est celui qui dit la vérité, il est le daim blanc et son œuvre en garde la trace.

Et c'est vers cette vérité que notre narrateur va avancer dans une quête complètement folle, pleine de mésaventures archi-loufoques : il croisera Isabelle Huppert, rencontrera Cimino à New York, devra s'occuper de Sabbat, le dalmatien de son voisin, discutera avec une concierge peu aimable et visitera en bonne compagnie le Musée de la Chasse. « La vérité ne fuit pas les rois qui l'aiment et qui la cherchent. Au contraire, elle fait signe partout, il suffit d'ouvrir les yeux, de lire les livres, d'écouter ce que le temps vous dit. », alors, s'il est un roi et s'il tient ferme sa couronne, peut-être la trouvera -t-il…

Finalement, je crois que c'est une œuvre qui me restera si j'en crois le besoin que je ressens déjà de relire régulièrement certains passages… Ça valait donc le coup d'insister et de tenir ferme… son livre !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Tiens ferme ta couronne

Roman très apprécié par une frange de la critique littéraire r et notamment. récompensé du prix Médicis en 2017 ce roman de Yannick Haenel laisse une impression finalement un peu mitigée..entre réflexion très érudite et intello sur le pouvoir de la littérature et du cinéma et déambulation un peu onirique à travers Paris - Berlin et New York le récit, d'abord intéressant surtout si on s'intéresse au cinéma de Michael cimino et de Coppola, perd peu a peu le lecteur dans une seconde partie qui possède un côtép germanopratin un peu trop prégnant.. l'ensemble donne au final une impression de vacuité malgré une plume de qualité évidente.. dommage!!
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Les Renards pâles

L'antihéros, chômeur SDF, devenu Renard Pâle du roman dérangeant Les renards pâles de Yannick Haenel, prend la parole pour évoquer sa vie, sa solitude, son vide intérieur, son désoeuvrement, son "choix suicide", sa dégringolade et sa descente aux enfers dans une Rue de Chine toute parisienne.

Mais qu'est-ce qu'un Renard pâle? C'est ici un groupe de sans papiers masqués dont la figure emblématique est (le renard pâle) Dieu anarchiste des Dogons du Mali, qui défie la France prêt à mettre le feu aux poudres. C'est "la communauté de l'absence de limites" prête à une nouvelle révolution.

Yannick Haenel (romancier qui a reçu le prix du roman FNAC et le prix Interallié pour Jean Karski en 2009) touche ici au douloureux problème de l'exclusion des marginaux. D'un côté ils s'excluent tout seuls refusant d'être assistés, d'un autre ils gênent une société qui les rejette.

De nombreuses références à la pièce de Beckett En attendant Godot, posent le problème de l'identité et du sens de la vie.
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La solitude Caravage

Un ouvrage très érudit qui prend pour point de départ une passion nouvelle pour un tableau du Caravage. Ensuite, les chapitres alternent entre histoires de la vie du peintre et descriptions commentées de ses tableaux.

Un texte extrêmement bien écrit, d'une érudition fine et agréable, qui donne très envie de (re)voir ces tableaux. Par contre c'est une lecture très intellectuelle que j'ai trouvée un peu longuette par moments...
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Les Renards pâles

Chômage, loyers en retard, expulsion. Cet homme se retrouve à la rue, s'abrite dans une voiture, mais il le vit comme une émancipation.



D'une manière générale, ceux qui expriment leur pessimisme sur la société occidentale m'intéressent, sauf les petits malins qui s'engouffrent dans la brèche pour recruter côté 'droite de la droite'.

Loupé, ici : ce discours en faveur des laissés pour compte m'a plus souvent hérissée que convaincue.

On subit les considérations geignardes et hargneuses d'un poseur qui se veut "artistiquement" marginal, et ses br@nlettes intello-socio-politico-poético-philosophiques.



Ouvrage prétentieux, pénible, globalement imbuvable.



Je ne me décourage pas et compte toujours découvrir 'Jan Karski' de cet auteur.
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Les Renards pâles

Cela avait pourtant bien commencé.

Pendant toute la première partie du livre, écrite à la première personne, nous suivons un homme qui devient SDF, vit dans sa voiture, et s'installe dans une vie en marge. Petit à petit, il est attiré par des signes étranges, qui laissent penser qu'une insurrection se prépare. C'est bien écrit, bien amené. Je me suis laissé aller au parcours du personnage.

Et puis patatras! vient la deuxième partie et sa logorrhée insurrectionnelle, indigeste et peu crédible. Être sans-papiers devient une revendication, qui permettrait de faire trembler la société capitaliste. Tous les exclus se rassemblent pour transformer leur exclusion en affirmation. Et on mâtine cela d'un peu de mythologie africaine.

On a l'impression que l'auteur laisse libre cours à ses fantasmes, révolutionnaires comme sexuels. "Société tu m'auras pas": c'est du ressassé, entendu cent fois. Et surtout cela me paraît un contre-sens complet. Comment imaginer que les immigrants sans-papiers sont venus faire la révolution en Europe? Il me paraît évident que leur but est avant tout de trouver une place dans la société européenne pas de la subvertir. Il me paraît même un peu indécent d'utiliser les injustices et les épreuves terribles subies par les migrants pour donner l'idée d'une insurrection qui a tous les traits de fantasmes post-soixante-huitards. En tout cas, j'ai trouvé que cela sonnait tout à fait faux. Je crois qu'il ne manque pas de bons livres sur les réalités de l'immigration. C'est sans doute de ce côté qu'il vaut mieux se tourner.
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Tiens ferme ta couronne

Le narrateur, un type un peu paumé, passe son temps à errer « dans l'appartement en quête d'un reste de vodka, ouvr[ant] et referm[ant] le frigo en pestant contre le fait qu'il n'y avait jamais rien à manger. »

A part boire et se vautrer dans le canapé devant des films qu'il visionne inlassablement, de façon hallucinée, il ne fait rien .

Il a bien écrit un scénario consacré à l'écrivain star de son panthéon personnel, mais personne n'en veut. Aussi, lorsqu'un ami lui donne le numéro de téléphone privé de Michael Cimino, se met-il à rêver de rencontrer ce réalisateur mythique et de lui faire lire « The great Melville ».

Je n'avais jamais rien lu de Yannick Haenel, quoique j'en aie entendu dire beaucoup de bien. Lorsque j'ai reçu la proposition, via une Masse critique privilégiée, de découvrir son nouveau roman, avant même qu'il sorte, j'ai sauté sur l'occasion.

Résumer ce livre est une tâche ardue, voire impossible : il n'y a pas vraiment d'histoire à proprement parler. Dès la première page, le lecteur est désarçonné par l'univers étrange d'un narrateur qui n'est jamais vraiment nommé, si on excepte un moment (à la page 81) où il est poursuivi par un homme qui l'interpelle « Jean, Jean ». J'ai lu que l'auteur utilisait ce prénom pour désigner un double de lui-même dans d'autres ouvrages. Je n'en sais pas plus. J'ai toutefois remarqué, ici et là, des allusions qui font penser que le narrateur ressemble à Yannick Haenel. Il est écrivain, fête son cinquantième anniversaire, évoque plusieurs fois le groupe des « renards pâles » (le titre d'un de ses précédents romans) et est fasciné par une carabine Haenel qui porte donc son nom. (Après vérification, j'apprendrai que cette arme existe bel et bien.)

S'il n'y a pas d'histoire, il y a néanmoins un fil rouge qui coud ensemble les étranges pièces de ce patchwork.

Notre homme est l'auteur d'un scénario de sept cents pages consacré à Herman Melville, un de ses dieux littéraires dont il constate que, en dépit de son talent, personne ou presque n'a lu les œuvres. Michael Cimino est le seul capable de réaliser ce film qui représente « la pensée de Melville – la population de ses pensées. Cette population de pensées est un monde et même les livres et écrits publiés par Melville ne suffisent pas à donner une idée de l'immensité qui peuple la tête d'un écrivain comme lui. » Ce qu'il résume par une expression qu'apparemment il aime beaucoup puisqu'il la répète comme un leitmotiv : « l'intérieur mystiquement alvéolé de [sa] tête ». Il distillera donc sa quête tout au long de son roman, en l'interrompant par une foule de réflexions et d'anecdotes, d'épisodes tragi-comiques, de toute une galerie de personnages hauts en couleur, comme le Baron, Guy « le Cobra », la femme vêtue de fausse hermine, etc.

Le texte est ponctué par des listes de noms qu'il se répète comme des mantras, écrivains, réalisateurs, personnages de romans ou de films.

Les phrases très longues sont interrompues par d'innombrables parenthèses qui contribuent à égarer le lecteur, des formules en anglais, des citations de Melville, Fitzgerald, Shakespeare et quantité d'autres. Bien entendu, les références au cinéma sont légion. Notre héros analyse des passages de « Voyage au bout de l'enfer » et se passe en boucle et ad nauseam « Apocalypse now », établissant des parallèles avec la réalité. Il est, par exemple, obsédé par une scène de chasse au daim blanc qui se trouve déclinée sous diverses formes tout au long du récit.

Le personnage central est irritant au plus haut point (à mon avis). Il vit seul dans un appartement qu'il va bientôt être obligé de quitter, et dans lequel il se comporte comme un vrai clochard, créant autour de lui un chaos indescriptible, passant son temps avachi devant son écran et se nourrissant principalement de hamburgers ou de la nourriture périmée qui traîne dans son frigo et surtout, buvant sans limite à tel point que cela me donnait la nausée. Par exemple, invité au restaurant, il avale plusieurs bouteilles de vin, du champagne, de l'armagnac et poursuit la soirée en faisant la tournée des bars, de telle sorte qu'il finit dans un coma éthylique, absolument incapable de se souvenir de ce qu'il a fait.

Pour répondre à cette démesure, des scènes de sexe orgiaques qui me mettent mal à l'aise.

Il se comporte comme un adolescent irresponsable. Avant de partir, son copain lui demande deux services a priori simples : sortir le chien et arroser les plantes. Autant cet ami est méticuleux (il a laissé sur des fiches des consignes bien précises, telles que brumiser la verdure, nettoyer le feuillage, respecter un régime de croquettes très strict pour le chien) autant le narrateur est bordélique : son appartement est jonché de canettes de bière, il se présente dans un restaurant chic avec un chien dont il a oublié la laisse, il pense ressusciter des végétaux réduits à l'état de squelettes grisâtres et cendreux en les plongeant simplement dans l'eau...

Tout le récit baigne dans une atmosphère mystique : l'ami s'appelle Tot (comme le dieu égyptien Thot, dieu du savoir et juge des âmes?) et le chien Sabbat. Le cerf de Saint Hubert trotte allègrement au fil des pages, une scène dantesque se déroule face au retable d'Issenheim, les « Métamorphoses » d'Ovide fournissent l'épisode récurrent du chasseur Actéon transformé en cerf pour avoir surpris Diane au bain. Dans l'appartement désordonné, une sorte de sanctuaire rassemble des papyrus et une hirondelle, symboles de renaissance, tandis qu'une boîte oblongue en forme de cercueil abrite le manuscrit.

Le récit est ponctué d'anecdotes qui prennent la forme de scènes cinématographiques très visuelles : l'invitation au restaurant dont l'entrée est gardée par un maître d'hôtel arrogant et agressif qui ressemble à Emmanuel Macron et qui tourne au burlesque lorsque notre narrateur se croit poursuivi par deux moustachus. L'accident de voiture de Pointel avec un cerf sur une route déserte dans une forêt polonaise est proprement hallucinant. Il y a aussi un enterrement cauchemardesque, un film imaginaire résumé par Cimino et bien d'autres.

A la fin de ma lecture, je ressens un sentiment étrange. Le livre est sans doute très riche et rempli de symboles ésotériques que je n'ai pas été capable de déchiffrer. Il est certainement très intéressant. Mais avec moi, la rencontre ne s'est pas faite. Ce n'est pas le genre de livres qui me plaît et je ne pense pas en lire d'autres du même auteur.

Ce qui ne m'empêche pas d'être très reconnaissante envers Babelio et son opération Masse critique, ainsi qu'aux éditions Gallimard qui ont eu la gentillesse de me permettre de le découvrir en avant-première.
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Jan Karski

Lecture scolaire en HLP littérature. Thème "Histoire et violence".



Bon... mes premières impressions au tout début ont été : "J'ai du mal, je crois que je ne vais pas accrocher. 180 pages réparties en 3 chapitres seulement, alors que j'aime les chapitres plutôt courts... de longs paragraphes, pas vraiment de dialogue. C'est compact, pas agréable à lire pour moi. le style d'écriture aussi j'ai du mal. C'est assez particulier. Bon, il faut que je m'habitue aussi..."



Et je dois dire que... eh bien oui, je me suis habituée.

En relisant ces mots écrits au tout début de ma lecture, cela n'avait pas l'air d'être gagné. Mais si, je me suis habituée. À l'écriture de l'auteur, son style. Et j'ai réussi à plonger dans le récit, dans cette période historique si dure qu'on ne peut la qualifier avec de simples mots, mais qui m'intéresse tant.



Il y a eu des moments où j'ai encore eu un peu de mal, la lecture ne m'était pas complètement fluide. Je pense que ce qui m'a un peu "gênée" dans le deuxième chapitre, c'est surtout que ce soit écrit à la troisième personne. J'ai eu plus de mal à me sentir proche de Jan Karski et au fil du temps, je me rends de plus en plus compte que je préfère les récits à la première personne. Je me projette davantage, enfin du moins plus facilement, dans le récit.



Néanmoins, il y a eu d'autres moments où j'ai vraiment été dedans. Captivée par le récit. Et finalement, ce fut une très bonne lecture, raison pour laquelle je l'ai noté 4/5.



On lit ce texte qui est dur, éprouvant par nombreux moments. le récit de l'auteur qui raconte ce qu'a vécu Jan Karski. Cette « déshumanisation », mot qu'il emploie lui-même, face à ces situations inqualifiables qu'ont subi des millions de personnes pendant cette période de guerre. « À ce stade, écrit Karski, ils étaient complètement déshumanisés. »



Descriptions de faits tellement abominables qu'elles ont été remises en question de par leur véracité… Je sais même pas quoi dire. Il n'y a pas de mot pour justifier comment l'être humain a pu être capable de choses pareilles.



Le chapitre 3 est une fiction, néanmoins j'ai apprécié qu'il soit écrit à la première personne : cela nous permet de nous sentir plus proche de Jan Karski et de ses pensées, même si cela fut imaginé par l'auteur.



Yannick Haenel utilise beaucoup le pathos ; il fait appel aux sentiments. Peut-être que cela n'aura pas été apprécié pour tout le monde, mais cela a marché pour moi.

Le contenu du chapitre 3 est lourd, composé de 70 pages sans paragraphe. En temps normal je n'aurais pas du tout aimé cette mise en forme. Mais là, je ne suis pas trop posé de questions. C'est à travers ce pdv à la première personne que j'ai ressenti des centaines d'émotions en lisant les pensées de Jan Karski sous la plume de Yannick Haenel. Cette injustice, cette hypocrisie de la part de tant des personnes. Ces personnes qui ont refusé de voir la vérité en face. Cette passivité des Alliés. Qui ont choisi de fermer les yeux.

Il ne fait aucun doute qu'à travers ce roman, l'auteur a voulu dénoncer l'inactivité des Alliés quant à l'extermination des juifs. Leur part de responsabilité, d'une certaine façon.



Parfois, je trouvais certains passages du livre tellement aberrants que je levais les yeux de mon livre quelques secondes, pour intégrer ce que je venais de lire. Cela me paraissait tellement absurde que des personnes puissent être à ce point inconscientes de tout cela.

« Je me souviens d'une vieille dame couverte de perles et de rubis, qui s'était jetée sur moi pour me dire qu'elle venait de lire la scène où la Gestapo me torture, et qu'il n'y avait rien de plus beau que cette scène : le moment où l'on me torture, c'était magnifique. »



J'ai fini ce livre sans savoir comment décrire ce que je ressentais. Mais sincèrement, je suis très reconnaissante d'avoir pu découvrir cette oeuvre.

C'est un roman qui questionne la notion de témoignage, de témoin, et qui vise aussi à remettre en question certaine choses. (et de rappeler que l'extermination des Juifs, c'est un crime de l'humanité commis par l'humanité elle-même...) L'oeuvre s'intègre ainsi parfaitement dans le parcours de HLP étudié en ce moment, et malgré la polémique qu'il y a eu autour de cette dernière, ce fut un très bonne lecture pour ma part.
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Jan Karski

S'il est des livres qui permettent de passer un agréable moment sans laisser de traces une fois la dernière page achevée, le livre de Yannick Haenel n'est assurément pas de ceux-là pour moi!



Articulé en trois grands chapitres, on découvre d'abord le témoignage de Jan Karski face à la caméra de Claude Lanzmann dans son film Shoah; puis c'est le résumé du livre qu'il a publié dès 1944, Histoire d'un Etat secret (réédité en 2004 sous le titre Mon témoignage devant le monde); enfin, dans la troisième partie, Y. Haenel prend la parole au nom de Jan Karski, retrace son itinéraire de courrier de l'Armée de l'intérieur polonaise, son parcours dans le résistance polonaise et son combat pour faire entendre sa voix auprès des grands de ce monde pour sauver les Juifs polonais.



Au-delà des polémiques qu'a pu susciter ce livre, celui-ci a pour moi plusieurs vertus: tout d'abord, je découvre l'importance de la Résistance polonaise durant la seconde guerre mondiale, qui n'a apparemment accepté aucune compromission et qui a été la plus précoce à se mettre en route en Europe.

Par ailleurs, même si le témoignage sur les camps et sur le ghetto de Varsovie est absolument terrifiant, je resors de cette lecture un peu moins ébranlée qu'après celle de Si c'est un homme de Primo Levi, car, ici, tout au long de son parcours dans la clandestinité, Jan Karski "profite" de petits gestes de solidarité, de manifestations d'humanité, qui lui permettent d'ailleurs d'en sortir vivant et qui laissent un peu espérer... Sa rencontre et son mariage avec Pola, une juive polonaise, avec qui il y a une entente parfaite, est aussi pour moi porteur d'espoir.

Enfin, on a ici un "roman" qui pose forcément question sur le problème du témoignage, sur "et moi, est-ce que je l'aurais cru?", "qu'est-ce que j'aurais fait?",...



Quand je vois les dates, par exemple de sa rencontre avec Roosevelt (28 juillet 43) et les titres des journaux de l'époque, je ne peux m'empêcher de penser qu'il s'agit vraiment d'une période très récente et qu'au-delà du problème de l'action, il y a aussi la question de ce que je fais quand je reçois des informations me relatant, aux quatre coins du monde, des atrocités qui se déroulent encore de nos jours!... Et là, on est en plein dans l'actualité!...
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Jan Karski

On vous l'a répété : l'extermination des juifs est l'horreur poussée à l'extrême ; dans ce livre, on répète aussi : la vie de Jan Karski, vue de différentes manières, et son message : témoignage de l'abjection d'un camp - vécu sciemment pour retranscrire fidèlement.



Cette fois-ci, vous ressortirez peut-être un peu plus imprégné, de ce cri. Car le crime est encore dépassé par une autre réalité : l'indifférence (ou l'impossibilité d'ouvrir les yeux ?) : les alliés auraient certainement pu empêcher l'ampleur du désastre, si, comme Jan Karski, ils avaient accepté d'être de vrais témoins. Lui, ne voulait pas cicatriser de cette souffrance, pour qu'on ne l'oublie pas.



Le texte est haché, puis il se termine en des phrases sans paragraphes. Il m'est arrivé de m'y perdre, mais j'ai été touchée.
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Le Trésorier-payeur

Un grand merci à l’équipe de Babelio et aux éditions Folio Gallimard pour l’envoi de ce roman très littéraire lors de la dernière opération Masse critique.

Au vu des critiques , j'étais impatiente de le lire et je pensais qu’il me plairait car il aborde des univers que je connais bien (l’art contemporain, la banque de France), mais cela n’a pas été le cas.

Malgré quelques beaux passages, j’ai surtout trouvé qu’il y avait des longueurs et je lisais un chapitre après l’autre sans avoir envie de les enchaîner. Malgré les incises qu’il glissait tout au long du texte (qui m’ont d’ailleurs paru un peu inutiles et artificielles), j’ai eu du mal à voir où l’auteur voulait en venir et je me suis sentie un peu perdue dans ce roman foisonnant, qui aborde des thèmes aussi variés que l’économie, l’art contemporain, la finance, la charité, la religion, l’érotisme, la philosophie, etc. Il y avait cependant parfois au détour d’un développement un peu longuet une idée lumineuse ou une phrase magnifiquement écrite qui me donnait envie d’aller plus loin, mais le roman dans son ensemble me laisse relativement perplexe, et je me rends compte en le refermant que je n’ai pas mis de traits sur le visage du personnage principal, ce fameux Trésorier Payeur du nom de Georges Bataille, ce qui me semble assez significatif du fait que je ne suis pas entrée dans l’histoire. Dommage car je ne doute pas que ce roman pourra plaire à des lecteurs qui en attendaient autre chose que moi et qui ont peut-être un esprit moins cartésien.



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Le Trésorier-payeur

Un livre qui se déroule à Béthune, à l'ex banque de France devenue un centre d'art contemporain, ce n'est pas souvent qu'on le voit. l'écriture est juste prodigieuse. On voit que Yannick Haenel a été subjugué par le lieu. On ne peut pas dire les choses autrement. C'est d'ailleurs parce que ça se passait là que je l'ai lu. je ne l'aurai pas pris autrement. C'est un livre érudit, profond, poétique, philosophique et intérieur. Ce n'est pas une histoire banale, tout est matière à réflexion et à introspection. Un philosophe qui travaille dans une banque, un sage qui s'interroge sur le sens de la vie, un souterrain qui est l'occasion de travailler sur le moi profond ... C'est un livre hors du commun. Il y est aussi question de sensualité, d'érotisme, de femmes mais aussi de charité, dans le sens originel du terme : l'occasion pour notre trésorier-payeur de résister aux chiffres, au calcul et à l'argent.

ce n'est pas un livre simple ! et le propos du livre ne l'est pas non plus ! Maintenant je ne peux pas dire non plus que j'ai accroché ... Ce serait mentir ! mais je respecte le travail d'écriture de l'auteur. A découvrir pour ceux qui s'en sentiraient capables !
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La solitude Caravage

Caravagio ! Caravagio ! Caravagio !



Son seul nom évoque le voyage, le croisement des épées, la rue, les prostitués et les voyous de Rome. Le Caravage est tout cela, mais il est aussi un cri ; celui d’un marginal, artiste maudit avant Baudelaire, Van Gogh ou Camille Claudel, dont le regard nous plonge dans les ténèbres pour y trouver le salut. C’est cela que nous raconte Yannick Haenel dans son ouvrage publié chez Fayard.



La plume subtile et riche de Yannick Haenel nous livre l’histoire du peintre italien né à la fin du XVIème siècle. L’intérêt de la vie est d’aller au-delà de ce qui est lisible ; la recherche de la vérité. Ainsi, lancé dans cette quête, Haenel passe d’un tableau à l’autre, les inscrit dans la vie de l’artiste et livre son interprétation avec passion.



« Il y avait un fauve là-dedans. »



Tout commence par un Caravage équivoque, passionné et incontrôlable, tel un feu follet emporté par son propre génie et qui se ressource à force de beuveries dans les tavernes et les mauvaises fréquentations des ruelles les plus sombres.



Qu’a-t-il de si extraordinaire, ce jeune arrogant ? C’est qu’il peint autrement ces sujets que tant d’autres artistes ont produit avant lui. Le Caravage détourne et se moque. Il présente des corps dont « l’éclat sauvage » crée une tension nouvelle et inégalée. Son trait est brillant, révolutionnaire.



« L’ivresse est une éthique. »



Pour obtenir un tel résultat, son travail est intense. Aussi le peintre, consommé de l’intérieur, brûle la nuit son existence dans la débauche, jusqu’à un crime qui l’entraînera dans l’exil jusqu’à La Valette.



Incapable de rentrer dans le rang, malgré ses efforts, il dérape. Poursuivant ses frasques, Caravage continuera de peindre et devra échapper aux émissaires des Chevaliers de Malte. Son travail devient plus profond et sombre jusqu’à sa mort en 1610. L’artiste génial consumé par son oeuvre (soixante tableaux) et son humanité déchirée est jeté dans une fosse commune, loin de ses mécènes et admirateurs, misérable et paria.



« En usant mes yeux la nuit sur ce corps désiré, je mettais le feu à ma vie — ça s’était allumé, ça n’en finirait plus. »



Ce livre raconte aussi la manière dont Haenel a découvert et vécu avec Caravage. Comment, adolescent, il découvre un visage, celui d’une femme et elle devient l’objet ses fantasmes sans qu’il connaisse l’identité du peintre ni le tableau d’où ce beau visage était tiré. Quel malentendu ; plusieurs années après, il tombe sur un tableau du peintre, où il reconnait sa belle. Elle se nomme Judith. La voilà qui trucide froidement et tranche la chair d’Holopherne. Son amour de jeunesse est donc une tueuse ! Il apprendra plus tard que le modèle est une courtisane pour laquelle le peintre commettra (peut-être) son crime.



Qui aime Caravage l’aime absolument. Ses toiles sont comme des cailloux blancs qui traversent la vie de Haenel. Ce livre est aussi celui de son obsession pour le peintre italien. Sa fascination est telle qu’il est capable de parcourir l’Europe sur un coup de tête pour une exposition pour contempler les toiles originales. Il déchiffre, compare, organise un dialogue entre toutes ces oeuvres, analyse chaque coup de pinceau, chaque ride, tel détail sur un fruit, l’agencement des corps, la draperie rouge, la transparence d’un vase, la forme d’un noeud.



« On était invité brutalement entre Dieu et le néant. »



Mais que peut trouver Haenel dans ces tableaux de Caravage qui mérite autant d’attention ?



C’est que ces oeuvres ne sont pas une simple représentation de la vie à travers telle ou telle scène fameuse ou tel portrait. Non, Haenel y trouve une réalité plus authentique que la vie elle-même, un message dont la nature va changer au fil des tribulations d’un Caravage de plus en plus violent, en quête d’anéantissement. Le noir dans son oeuvre n’est pas une fin en soi, ou juste une esthétique, mais plutôt il dévoile un itinéraire, une quête du spirituel et de vérité. La révélation de l’invisible.



« Dieu n’est pas puritain. »



Caravage n’est pas qu’un peintre, il est sa peinture. Et quand il plonge dans les ténèbres de la débauche et du crime, le noir profond de ses tableaux espère cette lumière du Christ qui vient trancher comme une épée de feu. La bouche ouverte du Caravage, sujet de ses tableaux, est l’effarement de l’homme devant ses failles.



Sa peinture se nourrit d’une vie pleine, dangereuse et inconvenante. Elle sait la violence de notre humanité et tout son tourment. Elle nous révèle que l’homme est à la fois bourreau, témoin et martyr et que toute existence est dramatique, tout autant qu’elle peut être sublime.



Hors la nuit, la peinture est factice. En quête de sens et d’absolu, Caravage transgresse les conventions. Il rejette la morale. Il emploie son feu intérieur, hanté par son crime, pour mieux s’abandonner au rédempteur, ce Christ qui en premier a traversé l’obscurité de la mort.



Voilà pourquoi un autre titre aurait pu tout aussi bien aller à ce splendide ouvrage et hommage de Yannick Haenel : La passion Caravage.



Thomas Sandorf



Merci à Netgalley et aux Editions Fayard qui m’ont permis de découvrir cet auteur et ce très précieux livre.
Lien : https://thomassandorf.wordpr..
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Jan Karski

En préambule à mon avis sur ce livre, je voudrais évoquer mon cheminement qui m'a conduit à lire ce livre.

Adolescente, à la découverte de la tragédie de l'histoire de la seconde guerre mondiale, je m'auto proclamais résistante. J'étais sûre de mon choix jusqu'à ce que je comprenne que n'est pas Jean Moulin qui veut et surtout que je n'aurais pas résisté à la torture.

La seconde étape à été lors du visionnage du documentaire: Shoah de Lanzman, plus qu'un choc, un tsunami. Enfin, il y a 2 ans, ma visite au camp d'Audchwitz.

J'ai une énorme admiration et reconnaissance pour tous ceux qui sont su résistés et s'opposer à la barbarie.

Jan Karski, est pour moi l'un de ces hommes. Je trouve le découpage du livre de Haenel intéressant et assez pertinent.

Je ne crois pas que Yannick Haeel parle à la place de Karski. Il pose des questions importantes.

Que finalement tout à chacun peut se poser:

Que savait on des camps d'extermination ? Après le message que délivre Karski sur la demande des deux autorités juives ? Qu'a_t-on fait, dit ?



Peut on ébranler la conscience du monde ?

Cette question s'applique de façon lancinante aujourd'hui comme hier.

























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La solitude Caravage

Très gros coup de coeur ! La passion de Yannick Haenel pour Caravage est touchante. Je suis moi aussi allée à l'expo du Jacquemart André et à Milan pour l'expo Dentro Caravagio, je ne peux que regretter de ne pas y avoir croisé Yannick Haenel, pour partager cette passion commune. Sa fabuleuse écriture nous emporte dans son émotion. On en redemande !
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Les Renards pâles

Après Le cercle, roman décevant, Yannick Haenel récidive avec Les Renards pâles. A noter au passage mon absence de rancune envers les romanciers, et c'est donc sans arrière-pensée que je me suis mis à la lecture de ce nouveau livre.

Les Renards pâles est un roman en deux parties. Comme dans Le cercle, Haenel nous entraine sur les traces d'un anti-héros en rupture avec la société. Ayant élu domicile dans la voiture d'un ami, après avoir été viré de son meublé pour loyers impayés, il s'organise une vie où l'impression de liberté prend tout à coup une place prépondérante, jusqu'à le mener dans une sorte d'extase. Les belles journées de printemps, la piscine municipale pour la toilette, les rencontres au bistrot, quelques soirées bien arrosées et nous voici sur les traces d'Alexandre le bienheureux. Jusqu'au jour où il croise les Renards pâles, c'est alors que tout bascule.

La seconde partie est plus confuse et sous la forme d'un plaidoyer contre l'exploitation des sans-papiers, auquel on ne peut être insensible, Haenel s'engage dans des délires révolutionnaires où, sous quelques vérités bien assénées, il noie hélas son lecteur dans un désordre de phrases qui se voudraient perturbantes, et qui en définitive, à vouloir trop dénoncer, n'ont plus rien de cohérentes.

Bref un second échec, pour cet auteur mais à qui je met une meilleure note qu'au précédent ouvrage, surtout pour la première partie et quelques réflexions bien senties sur notre société.





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Jan Karski

Jan Karski est peut-être le livre du témoignage par excellence.

Ce n'est pas tant ici le sujet que traite Haenel que la question de la transmission dans l'ensemble des espaces temporels, immédiats et futurs. Lorsque Karski entre dans le ghetto pour être celui qui a vu et donc pourra témoigner de cette vision, il est le messager immédiat, et déjà les questions sur le témoin et le message se posent : que dire pour mobiliser les alliés? Quand lanzmann prend sa caméra pour Shaoh, le témoignage devient autre : le temps bien sûr l'a transformé, mais la façon de porter le message aussi. Influence de la caméra, des cadrages en fond de plan, la "mise en scène" transforme le message. Et aujourd'hui, lorsque Haenel prend la plume, d'abord pour raconter le témoignage de Karski devant la caméra, puis dans le livre qu'il écrivit, et enfin dans un récit de fiction, il nous montre à quel point le message est fragile, sousmis à l'épreuve du temps et aux façons de le transmettre. Ce livre a suscité une immense polémique, sur la question de la vérité : peut-on s'emparer d'une vérité pour en faire un roman. Il me semble que la question n'est pas tout à fait celle-là. Mais plutôt celle de la transmission. Les témoins partent les uns après les autres, et quelle forme prendra pour demain le nécessaire témoignage?
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Jan Karski

Nouvelle plongée au coeur du drame de la Seconde Guerre Mondiale.

Mais cette fois en découvrant le témoignage d'un Polonais qui a tenté de secouer le monde entier pour dénoncer l'horreur vécue par tout un peuple, dans son pays.

J'avais été marquée par ma visite au Musée de l'Insurrection à Varsovie et en achetant ce livre, j'avais pensé que j'allais peut-être mieux comprendre "de l'intérieur" ce qui a poussé ces femmes et ces hommes à prendre les armes, à oser affronter le monstre nazi alors que la situation était désespérée.



Ce roman m'a emmenée ailleurs...

...vers les tentatives de ces messagers qui ont pris tous les risques pour tenter d'alerter les gouvernements et l'opinion publique sur ce qui se passait réellement.

...vers le reste du monde qui continue de manger à sa faim, insensible, indifférent, alors qu'un drame immense se passe.

...vers la colère et la révolte qui met en route, qui motive, qui engage.

...vers le silence qui suit l'échec de la parole, qui enferme dans un premier temps mais qui rend libre ensuite.

...vers "Le Cavalier polonais" de Rembrandt qui a su redonner vie, paix et souffle à Jan Karski.

...vers des émotions contrastées, douloureuses parfois, pleines d'espérance et de respect d'autres fois.



J'étais au courant de la polémique autour de ce livre avant d'en découvrir les pages. Et cela a passablement perturbé ma lecture. Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui est volontairement distordu, exagéré par l'auteur pour nous faire réagir ? Les trois parties distinctes, voulues par Yannick Haenel m'ont toutefois un peu aidée en ce sens et j'ai finalement lu cette oeuvre comme un roman.



Impossible, forcément de rester insensible à la lecture de ce témoignage poignant et face à tant de souffrances endurées en vain.

Et puis, toujours ces lancinantes questions qui m'habitent à chaque fois que je lis quelque chose sur cette guerre : Et si j'avais été en vie à cette époque, qu'aurais-je fait ? Qui aurais-je cru ? Aurais-je été dans le camp des faibles qui préfèrent détourner la tête ? Aurais-je pris les armes pour me battre aux côtés des persécutés ? Aurais-je pris des risques pour sauver des vies ou au contraire aurais-je dénoncé avec un sourire le juif, le résistant qui tentait de survivre ?



Jan Karki a ajouté un autre regard à ma compréhension de l'horreur du génocide nazi. C'est bien, mais qu'est-ce que j'en fais maintenant ? Comment appréhender ce Mal. Comment le transformer ? Comment éviter de le reproduire ? Comment en parler à mes élèves ?

Je referme les pages de ce livre mais pas de l'Histoire.

Elle m'habite. Elle fait partie de moi.



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