AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Yannick Haenel (366)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La solitude Caravage

A quinze ans, Yannick Haenel étudie au Prytanée de La Flèche et découvre une partie d'un tableau du Caravage : Judith décapitant Holopherne. Ignorant qu'il s'agit d'une mise à mort, il ne voit que le beau visage d'une jeune femme. Celle-ci va être la porte qui va lui permettre, au fil des années, d'entrer dans l'univers du peintre.

Ici, la biographie de Caravage est brièvement évoquée car le propos de l'auteur est autre. C'est une méditation sur l'œuvre du peintre. Des premiers tableaux (Le Petit Bacchus malade, Garçon à la corbeille de fruits, Bacchus) au Martyre de Sainte Ursule qui est l'œuvre ultime, le cheminement de l'artiste est clair. Yannick Haenel écrit : "par son art, le peintre s'efforce de se rendre présent aux temps sacrés, il éclaire le monde depuis l'invisible auquel l'ouvre la peinture." La vie tumultueuse du peintre et son œuvre ne se contredisent pas. "C'est à ce pays spirituel aussi sombre qu'efficace que la peinture du Caravage nous invite; et si le crime y est prégnant, c'est parce qu'il ne saurait exister de grâce sans qu'en même temps le malfaisant ne se jette sur vous."

De Milan à Porto Ercole, une vie se dessine, une œuvre aussi. On y voit un artiste brillant être tour à tour protégé et rejeté par les Grands de ce monde. Souvent, il fuit. Traqué, il ne cesse jamais de peindre l'Histoire sainte en donnant la part belle à la figure du bourreau et en se représentant lui-même, épouvanté certes, mais de plus en plus proche du Christ.

L'intensité et la grandeur de la peinture du Caravage nous sont rendues avec magnificence par la plume de Yannick Haenel qui égrène pour nous de profondes méditations sur l'œuvre de génie du célèbre artiste.

Une belle lecture.

Commenter  J’apprécie          80
Le Trésorier-payeur

Une belle découverte, ce roman bâti après une rencontre littéraire et une exposition à Béthune dans les locaux de la Banque de France. Un déclic pour s'engager dans une sorte de conte dédié à l'argent, à notre folie de capitalistes de l'entasser, de l'enfermer dans des coffres, au lieu de le dépenser à tout va comme une bonne énergie !

Ouvrage à la fois savant et fantasque où l'on suit les aventures d'un curieux anti-héros dont le cerveau en constante ébullition va découvrir le Graal et partir à la conquête de son propre bonheur à l'aide des femmes.

Commenter  J’apprécie          80
Le Trésorier-payeur

Un roman qui se passe à Bethune, à la Banque de France, un héros qui aurait voulu etre philosophe et devient banquier...

cela ne parait pas très glamour et pourtant....

Ce livre est une splendeur tant dans les idées que dans la sensualité des scènes amoureuses et la beauté des femmes.

Une réussite qui mériterait un prix !!!



Commenter  J’apprécie          80
Evoluer parmi les avalanches

Nous sommes le 21 mars 2020, cela fait 6 jours que je suis confinée chez moi , je saisis un livre au hasard dans ma malle aux trésors de livres à lire. En voici les premiers mots :

"Les phrases de ce livre s’élancent derrière ma tête, elles frôlent mes oreilles, tournent sur elles-mêmes et forment des sons qui viennent glisser sous vos yeux. C’est ainsi que s’écrivent mes désirs. C’est ainsi que m’apparaît la solitude. Je ne connais pas de plus belle aventure que celle d’être soudain seul – et de se détacher."

Je détache mes yeux du texte, regarde le ciel à travers la fenêtre tandis qu'un "waouh" s'échappe de ma bouche. Je prends une large bouffée d'air, je sais que je ne reposerai pas ce livre avant d'en avoir atteint la dernière phrase. ¨

Phrase. Ce livre parle de phrases. Les phrases comme remèdes, les phrases comme mantra. Les lettres s'envolent, on les voit littéralement former des mots qui entremêlent, s'unissent à la perfection.

Et c'est beau à en pleurer.
Commenter  J’apprécie          81
La solitude Caravage

L'auteur donne vie à l'oeuvre du Caravage, c'est passionnant, à travers ses descriptions la toile devient récit, on entre dans la toile comme on lit un roman, les personnages et les situations évoqués ont une force incroyable magnifié par l'ombre et la lumière.



Le chapitre 41 est splendide et résume la passion de l'auteur pour Caravage. La violence des tableaux illustre le caractère bouillonnant du peintre.



Si vous avez la chance de visiter Rome ne manquez pas les églises de St Louis des Français, St Agostino et bien d'autres, vous y verrez ces fameux Caravage.



Ce livre vous offrira une lecture intense , l'auteur du livre vibre face à ces tableaux.
Commenter  J’apprécie          80
Le sens du calme

Bon, il faut absolument que je fasse une critique sur ce livre. C'est ce que je me dis depuis que je l'ai terminé, il y a deux nuits. Mais les mots ne viennent pas facilement, alors je vais essayer de bricoler quelque chose. Je ne peux pas faire autrement. C'est un peu comme au début du livre, quand un tout jeune Yannick se trouve dans l'incapacité d'écrire ce qu'il ressent ; sauf que, dans mon cas, une page blanche ne me semble pas appropriée.

Ce que je peux dire avec certitude, c'est que le Sens du Calme va devenir mon compagnon de voyage, et ce même si je ne prends pas l'avion. Je vais l'emmener partout, non pas comme un talisman (la place est déjà prise), mais plutôt pour ne pas oublier la raison de ma volonté d'être libre. C'est le troisième livre de Yannick Haenel que je lis ; ayant adoré ses précédentes oeuvres et m'étant renseignée sur lui, ayant lu des critiques et vu des interviews, je me disais que j'avais fait un rapide tour de ses horizons idéologiques, que j'allais sûrement apprécier ce livre assez mystérieux (le résumé n'aide pas beaucoup, mais il intrigue). Ce que je savais, en ouvrant le Sens du Calme, c'est que j'avais affaire à une sorte d'essai qui allait traiter de la parole, du langage, et finalement de la littérature au sens large du terme. Je me disais que j'allais passer un sympathique moment, à sourire de temps en temps, à apprécier la prose de Yannick, que j'aime tant. Mais je ne m'attendais pas à ça. Au départ, cela ressemblait assez à ce que j'avais prévu, l'aspect autobiographique fort sympathique en plus, qui effectivement m'a fait sourire, plus d'une fois. L'ambiance était chaleureuse, je me retrouvais un peu, voir beaucoup dans les digressions de Yannick... Et puis, je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais au lieu de rester tranquillement à bavarder d'une douce folie s'apparentant peut-être à un genre de clairvoyance, j'ai débarqué au coeur des choses. C'est comme si vous alliez à une exposition sympa, et que vous vous retrouviez à l'intérieur d'un magnifique tableau, au centre de la scène représentée. Mon esprit avait deux choix : penser que Yannick Haenel était tout à fait dingue, et refermer son livre; ou admettre que ce dont il parlait existait bel et bien, et m'embarquer avec lui dans ses expériences autour d'une chose à laquelle, j'en suis intimement persuadée, beaucoup de gens ne croient pas, ou ne veulent pas admettre qu'elle existe de cette manière. Je suis floue ; c'est vrai. Mais ce qui est abordé dans ce livre est personnel à chacun, et en même temps universel. Nous n'avons pas tous les mêmes mots pour en parler. D'ailleurs, c'est tout le lyrisme de la prose de Yannick qui s'y rapporte : le fait que son sujet n'ait pas d'appellation stricte lui permet des envolées métaphoriques et poétiques de toute beauté. Ce livre parle de la vie; il tente de libérer les esprits. Il offre une vision des choses haut perchée par rapport à la réalité uniforme dans laquelle nous croyons vivre ; digne, peut-être, d'un fou. Mais si nous changions de point de vue ? Alors, c'est toute une dimension nouvelle qui s'ouvre. J'avais conscience, intuitivement, avant d'ouvrir le livre, de son existence. Mais pas à ce point.

Finalement, ce livre est gage d'espoir et délivre pour moi un message ; le suivant : il n'y a qu'un pas à faire.
Commenter  J’apprécie          83
Jan Karski

Je ne pensais pas être vraiment emballée par ce livre. Habituellement, le thème de la Seconde Guerre mondiale, voir de la guerre tout court, c'est assez peu pour moi. J'ai eu à en lire un certain nombre pendant mon cursus scolaire, et aucun ne m'avait vraiment transportée. Comment dire... Des choses horribles y étaient décrites, mais c'est comme si elles m'étaient étrangères et lointaines. J'y étais imperméable.



Mais là, c'était différent. Encore une fois, Yannick Haenel propose une vision différente de celles que l'on a l'habitude de voir exposées, et il le fait avec une sensibilité vraiment touchante. Il réussit à nous mettre à la place de toutes les personnes que lui-même et Jan Karski défendent, par le biais d'une biographie pour le moins innovante... Évidemment, force est de rappeler que cela apporte un caractère particulièrement insoutenable à la lecture; j'ai parfois été obligée de m'arrêter pour la journée parce que ce livre me rendait malade d'empathie... Et certaines choses, terribles, sont écrites de telle sorte que je ne pouvais en supporter qu'un nombre limité. Il s'agit là d'une des forces, à mon sens, du livre. Jamais je n'avais autant ressenti l'horreur de la Seconde Guerre mondiale, et cela parce que Yannick a la plume et la façon d'écrire faisant que ça sonne terriblement juste avec une intensité assez incroyable.



De plus, il s'applique à perpétuer le message de Jan. Il s'agit d'abord d'un hommage -d'un très bel hommage. Mais ce livre traite également du thème du messager, ce que moi j'appelle "le passeur". Il y a de très belles choses dessus, Yannick en parle vraiment bien, et ça donne matière à réfléchir sur beaucoup de points.



La troisième partie du livre, apparement très critiquée, m'a paru au contraire très innovante et intéressante. Je la trouve bien dosée; certe Yannick interprète ce que Jan a pu penser, et il ne peut s'agir de l'exacte vérité, mais il ne prend pas sa place. J'ai trouvé que leurs deux voix se mélangeaient pour n'en former qu'une seule. Et puis le point de vu adopté pendant cette partie (ainsi que dans le reste du livre, de façon un peu moins directe) était très intéressant, car différent de ce qu'on a l'habitude de lire; de plus, je trouve que ça se tenait. Certains trouve qu'il est trop virulent; mais étant donné qu'il est exprimé par un résistant polonais ayant assez peu de recul, finalement, je le trouve plutôt juste.

Je rajouterais, sur cette troisième partie, le fait que la littérature n'a pas de limite; ainsi est-il parfaitement concevable, pour moi, que Yannick écrive tout en se mettant à la place d'un personnage historique, et que ses idées et celles de Jan Karski se mélangent, tant que cela tient la route (et ça me paraît tout à fait vraisemblable ici). Justement, il me semble que cette troisième partie est nécessaire, dans le sens où elle permet d'aller plus loin sur le propos du roman, et qu'elle créée un rapprochement entre Jan Karski et le lecteur, ce qui le rend bien plus réceptif à mon sens.
Commenter  J’apprécie          80
Tiens ferme ta couronne







Je viens de lire les critiques de ce livre, moyennement enthousiastes mais de mon côté j'ai été emballée et embarquée par ce texte vivant, à la fois réaliste et poétique

Dans toutes ces pages somptueusement écrites je n'ai pas connu une seule minute d'ennui

Pour moi c'est aussi un roman initiatique sur des passages obligés de la vie ou il arrive que l'on stagne ,que l'on soit passif et obsessionnel, tout cela pour déboucher à la fin du roman sur une autre vie comme si l'on sortait d'un tunnel et que le paysage s'éclairait

Après j'ai aimé l'humour et les aventures innombrables et cocasses du personnage

J'ai complétement adhéré à ce livre et bien sûr j'ai revu Voyage au bout de l'enfer et La porte du paradis tant les critiques de ces deux films donnaient grande envie de les revoir
Commenter  J’apprécie          80
Tiens ferme ta couronne

C'est le récit d'un hurluberlu, d'un sacré bonhomme un peu décalé, un écrivain incompris qui a du mal à vendre son projet invendable de scénario, "The Great Melville", à des producteurs peu inspirés, frileux et engoncés dans leur obsession pour le fric. On pourrait s'attacher à ce personnage narrateur dans ses déambulations cocasses et aventures rocambolesques; une sorte de Don Quichotte des temps modernes. Mais, contrairement à Cervantès, Yannick Haenel ne fait rien pour le rendre empathique. Bien qu'il nous fasse rire par moment par sa fragilité et sa maladresse qui sont l'occasion de scènes ridiculement comiques, il ne parvient pas à dissiper le malaise qui s'installe dès les premières pages du roman.

Car Jean, notre narrateur écrivain, est là pour nous donner la leçon. Ses actes, ses rencontres, sont toujours l'occasion de longues et confuses digressions sentencieuses sur le sens de la vie, sur la littérature, le cinéma, l'art. Il insiste sur le mystère qui se cache derrière tout ça..., que lui seul peut comprendre parce qu'il sait voir.

Ce ton professoral agace, car on est loin de Melville, de Faulkner ou de Proust. On est loin de Cimino et de Coppola. C'est dommage, car on sent bien par moment que l'inventivité de Yannick Haenel pourrait nous faire voler. Mais elle est régulièrement plombée par cette prétention de toujours vouloir nous éclairer.

Commenter  J’apprécie          80
Les Renards pâles

D'un homme qui se replie dans sa voiture à l'embrasement de Paris, ce roman couve une révolte. Il cherche à échapper à la tyrannie d'un monde qui contrôle tout. Le récit passe de l'individuel au collectif. Tout d'abord, c'est la solitude qui ouvre un monde nouveau, des sensations réelles, une liberté qui échappe au travail, au logement, à l'argent. Puis des signes mystérieux viennent donner du sens à la vie errante : des inscriptions sur les murs, "La société n'existe pas", "La France, c'est le crime", un étrange dessin (poisson, renard, dieu?), des rencontres, la reine de Pologne qui jette un livre dans une piscine, des éboueurs maliens, un pied de clochard échappant des poubelles. La deuxième partie oublie tous ces noms, elle vêt de masques la révolution, elle fout le feu aux papiers d'identité et aux voitures, elle invente un espoir noir dans un monde qui ne survit qu'en écrasant ses déchets humains. Cette révolte est-elle possible? Le roman permet de la rêver, étape nécessaire avant le réveil.
Commenter  J’apprécie          81
Je cherche l'Italie

Chaque instant, et chaque détail compte dans cette errance tantôt contemplative, tantôt observatrice, tantôt désenchantée, tantôt hallucinée, tantôt pleine de colère...La réalité du narrateur. Ce beau regard de l'auteur, en fait Un récit magnifique à la pensée intègre, sans convention, mais avec conviction de l'instant, des moments indéfinis entre présent et passé, mais pour quel futur ? Les mots s'accordent au moindre détail. Une écriture élancée, mais sans légèreté, comme la beauté... Parcourir Florence de cette façon est un vrai plaisir pour le lecteur. L'art et la politique se superposent en tableaux lumineux et sombres entre les phrases de Yannick Haenel, Georges Bataille et tant d'autres... Magnifique
Commenter  J’apprécie          80
Les Renards pâles



Un jour, le jour des élections présidentielles, il est contraint de quitter son appartement dont il ne payait plus le loyer depuis des mois. Chômeur, reclus, il commence à vivre dans sa voiture. Peu à peu, il se détache de sa vie d’avant et se marginalise.



Pas d’adresse, pas de téléphone, il n’existe plus. Il entre alors, excité et plein de rêves, dans une nouvelle vie, celle qu’il appelle « l’intervalle ». Il parcourt le XXe arrondissement de Paris où il rencontre des gens, des artistes, des signes, qui peu à peu, forment un tout, forment l’envers de la société.



Des voix fusent. Ce nouveau président qui fustige les chômeurs et les « assistés », fait partie d’un système qu’il rejette. La vacuité de la politique, l’inutilité du vote, la réflexion sur le travail qui asservit l’homme, toutes ces pensées tournent autour de lui jusqu’à ce qu’il les assemble pour raconter l’histoire des Renards pâles...



Les Renards pâles, ceux qui soulèvent Paris. Ce « nous », ceux qui marchent vers l’effondrement de la société, qui s’adresse à ce « vous », vous qui n’entendez pas, qui ne voyez pas, qui vous prend à parti, qui met mal à l’aise.



Les Renards pâles, ceux qui amènent la révolution, ceux qui entendent les voix, guidés par la mémoire collective, portés par les révoltes passées, écrasées et tues, comme la Commune de Paris, en France et dans les colonies.

[...]



Yannick Haenel livre un texte politique et lyrique, mais trop lyrique, trop poétique, jusqu’à devenir abstrait, ce qui atténue la force politique de ce texte. Car si la politique est remise en cause, ce texte est néanmoins politique en ce sens que toute action ou non-action est un geste politique.



Ce texte est étrange à appréhender, notamment parce qu’il est scindé en deux parties liées mais dont le ton est différent. D’autre part, les signes qui ont mené à la révolte sont un peu déjà vus ; les masques, le Père Lachaise, la Commune de Paris, le SDF broyé dans le camion-poubelle des éboueurs... Enfin, l’idée est noble et forte, mais l’emploi du « vous », accusateur, place davantage le lecteur du côté de ceux qui ont intégré la société sourde. Le « nous » fédérateur de ceux qui rejettent le système ne résonne pas pour le lecteur. Les frissons d’une révolution telle qu’on la rêverait, qui enflammerait Paris, la ville des pouvoirs et des inégalités par excellence, ne sont pas au rendez-vous.



L'intégralité de la critique sur mon blog :

http://www.bibliolingus.fr/les-renards-pales-yannick-haenel-a100703753
Commenter  J’apprécie          80
Le sens du calme

Des phrases de cette autobiographie m'ont particulièrement touchées, to the core.

Pour le reste, il faut dépasser un semblant de côté prétentieux assez énervant, de l'artiste, de la prétention de l'artiste, dans la/sa vie.

Soit. Certaines phrases m'ont particulièrement touchées, to the core. Et ça, ça me suffit.
Commenter  J’apprécie          70
Notre solitude

"Dîtes-moi où habite la lumière et quel est le lieu des ténèbres".

C'est par cette phrase du livre de Job que j'ai plongé dans l'ouvrage "Notre solitude" de Yannick Haenel. S'il est question du procès des attentats de janvier 2015, il est surtout question de la voix des morts.



Il y a un an, les chroniques de Yannick Haenel illustrées par François Boucq étaient quasiment ma seule source d'information sur le procès. Je ne les lisais pas tous les jours, mais la plume de l'auteur changeait de l'écriture journalistique et il y avait une richesse dans les portraits des accusés ou des victimes que je ne trouvais pas ailleurs.

"Notre solitude" peut-être vu comme le récit de la gestation puis de l'accouchement douloureux de ces chroniques, mais ce serait très réducteur...

Yannick Haenel a non seulement le poids des morts de janvier 2015, mais aussi le regard des survivants dans son dos. Quand tout le monde avait rangé sa pancarte "Je suis Charlie", il a fait partie des rares auteurs à accepter d'envoyer de temps en temps un texte à l'hebdomadaire. Ne faisant pas partie de la rédaction décimée avant les attentats, il n'est pas partie civile. Riss lui a demandé de couvrir le procès en mettant en avant son regard extérieur. Au fil des pages, il raconte comment ce voyage dans les ténèbres fut difficile, mais aussi comment il a vu la lumière apportée par Zarie Sibony, qui travaillait à l'Hyper Casher où quatre personnes ont été tuées : Philippe Braham, Yohan Cohen, François-Michel Saada et Yoav Hattab.

L'expression "faire son deuil" m'est insupportable parce qu'elle me donne l'impression qu'elle invite à oublier Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Tignous, Wolinski ou encore Clarissa Jean-Philippe. Il n'y a pas de deuil à faire, juste un statut d'endeuillé à assumer, comme une responsabilité, le fait de se montrer digne, à la hauteur, et de tenir la barre au milieu des ténèbres, guidée par une lumière, un fil rouge...

Au fil des pages, j'ai trouvé beaucoup d'humanité, en particulier dans le portrait des terroristes, enfermés comme des animaux dans leur cage, ce qui a rendu Yannick Haenel honteux.

A plusieurs reprises, il insiste sur le vide de l'existence de ces petits trafiquants. Les frères Kouachi ont joué à la console pendant deux ans. La DGSI n'a pas jugé utile de continuer à surveiller des pantouflards. Les propos des complices sont semés d'embrouilles, de contradictions, et trahissent l'ennui de ceux qui ne font que traîner toute la journée.

"Notre solitude" de Yannick Haenel m'a fait du bien. C'est un encouragement à écrire, à améliorer notre langage, à être la voix de ceux qui se sont tus.






Lien : https://zazaa.blogspot.com/2..
Commenter  J’apprécie          70
La solitude Caravage

Alors qu'il était âgé d'une quinzaine d'années l'auteur a un véritable coup de foudre pour une figure de peinture aperçue dans un livre...Il s’agit du visage de Judith (décapitant Holopherne) peinte par Le Caravage. Image pourtant parcellaire qui sera le début d'une folle passion.

Avec beaucoup de maestria Yannick Haenel nous offre une lecture très personnelle d'un peintre halluciné et hallucinant, Le Caravage entre lumière et ténèbres, damnation et rédemption. L'auteur nous fait partager ses émotions autant que son érudition. Émotion que l'on ressent dans chaque phrase, chaque mot. Un récit très bien écrit, pas toujours facile mais qui propose une belle réflexion sur l'homme en général, ses désirs, ses pulsions ainsi que sur le mal.

Passionnant...

Commenter  J’apprécie          70
Janvier 2015 - Le procès

«Janvier 2015. Le procès » est un ouvrage hors du commun, par le sujet traité, celui des attentats contre Charlie Hebdo, la policière municipale de Montrouge, l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, par la forme qu’il prend, celui de chroniques quotidiennes de Yannick Haenel assorties de dessins d’audience de la Cour d’assises spéciale réalisés par François Boucq.

C’est un ouvrage qui laissera des traces, humaines, journalistiques, artistiques, qui éduquera à l’importance de la liberté, au fonctionnement de la justice, qui fera réfléchir sur paroles et silence, qui ne pourra laisser indifférent car l’émotion est là, les réactions aussi.

C’est un ouvrage qui tient en haleine, car c’est presque comme une enquête, qui rend dignité aux victimes et à leur famille, qui donne la parole à ceux que l’on n’avait pas entendu, qui étaient restés dans l’ombre. C’est un livre qui devait exister. Merci d’avoir tenu bon pour rendre compte, témoigner, malgré les efforts qu’il a demandés.
Commenter  J’apprécie          70
La solitude Caravage

La sensibilité de Yannick Haenel manifestée dans "La Solitude Caravage" pour cette ténébreuse peinture est, à certaines pages, portée à l'incandescence. Grâce à cela, la découverte des œuvres du peintre italien s'avère un parcours somptueux. Au moment de refermer cette lecture, j'avais déjà commandé l'œuvre complet chez Tashen.



Le livre de Haenel ne dispose pas d'illustrations, pas plus en Fayard broché qu'en Folio. S'il est assez facile d'accéder aux toiles du Caravage sur Internet, on peut regretter cette frilosité des éditeurs, alors que certains Folio – je pense aux "Histoires de peinture" de Daniel Arasse – proposent un petit dossier d'images. De même, un index des œuvres qui renvoie au texte aurait été pratique.



Le récit révèle la nature intime de la relation que l'écrivain français entretient avec les tableaux du Caravage au point qu'on croit d'abord à une autobiographie, lorsqu'il décrit initialement sa fascination sensuelle pour le portait de Judith (couverture ci-dessus) durant son séjour au Prytanée militaire. Le tableau entier de la décapitation de Holopherne ne lui sera révélé que plus tard, à Rome, entraînant un épisode amoureux navrant à Rome. Il s'écoulera trente-cinq ans entre la Judith de jeunesse au Prytanée et une autre révélation devant "La décollation de saint Jean-Baptiste" qui clôt le récit : l'auteur confie que chacune des phrases de son livre paraît avoir été écrite "pour s'approcher du sacrifice qu'il met en scène ; chacune tourne autour de son office ténébreux et s'efforce d'en recueillir le mystère". Entre ces deux moments, le lecteur apprend à habiter la peinture du Caravage grâce à cette ferveur littéraire.



Les cinquante-quatre chapitres s'attachent plus aux œuvres qu'à détailler la vie du peintre dont le peu qu'on en sait est néanmoins fidèlement rapporté. L'époque est lointaine, mais il y a des rapports de police liés aux forfaits commis par l'artiste turbulent. Il existe même un inventaire d'objets produit à l'occasion d'une saisie : on y note des boucles d'oreilles, peut-être celles prêtées à Judith, perle et ruban noir, observées aussi aux côtés de la Madeleine repentante ? Caravage était un oiseau de nuit, violent et querelleur. Un meurtre lors d'une rixe à Rome finira par en faire un perpétuel fugitif (Naples, Malte, Sicile), bien qu'il continue à peindre, sollicité pour son génie. Il meurt à 39 ans d'une septicémie.



On est emporté par "La corbeille de fruits" en lisant ce qu'en écrit Yannick Haenel. On ne regarde plus la toile avec les mêmes yeux, la "vérité du réel" suscite une brèche qui révèle un abîme et les fruits sont un éblouissement : "J'ai les doigts collants quand je regarde cette corbeille. L'œil est mûr. Le soleil fait du vin. Il paraît que le Caravage ne connaît pas la nature : laissez-moi rire. Si vous n'avez jamais vu une corbeille méditer, courez à Milan."(p 151)



Nombreuses sont les œuvres du Caravage où peinture et mystère se rejoignent. Haenel établit une convergence du Caravage et du Christ : l'analyse de tableaux tel que "L'arrestation du Christ" (l'impossible proximité du Caravage, à distance sur la droite) et "La résurrection de Lazarre" (le peintre, mains jointes, seul personnage tourné vers Jésus) sont significatives de ce qui habite l'artiste, troublé et en fuite à l'époque du second. L'on y voit l'expression de la solitude du Caravage, tout ce qui, en même temps, le sépare et le rapproche de la lumière. Mais il peint : "... sa main, dans l'ombre, trace de brusques lueurs qui, en fouillant l'épaisseur du péché, scintillent à la recherche de la grâce". (p 288)

Yannick Haenel est l'un des initiateurs de la revue "Ligne de risque" qui se propose, entre autres, de "penser le néant". Alors que l'époque est celle de la marchandise, y compris en littérature, alors que "le monde s'efface à mesure que ses couleurs trempent dans une indistinction qui est la véritable agonie de l'humanité"(p 311), on comprend la démarche résolument spirituelle entreprise dans "La solitude Caravage".

Si les mots sur cette peinture confinent à la démesure, si le discours a des accents mystiques, l'auteur assume ses phrases : "... elles semblent partir dans des directions qui m'échappent, et je ne les reconnais pas toujours ; mais je les laisse faire, car il me vient avec elles l'espérance qu'en se perdant elles parviennent à s'éclairer d'une lumière qui n'est pas seulement raisonnable, à glisser vers je ne sais quoi de plus ouvert que leur sens, à entrer dans un pays plus inconnu encore que la poésie, où la vérité fait des apparitions étranges, comme s'il existait encore autre chose que la nuit et le jour, un temps qui échappe à leur contradiction, qui n'a rien à voir avec leur succession, qui défait le visible en même temps que l'invisible. La peinture a lieu ici, à ce point d'éclat où l'on ne s'appartient plus, [...]." (p 288-289).



Une littérature qui se veut à la mesure de la peinture qu'elle dit. Laissant de côté l'analyse technique et les considérations de l'histoire de l'art, c'est, au fond, un livre d'amour.



Merci à "Babelio" (opération Masse critique) et "Gallimard" pour le service presse.
Lien : https://christianwery.blogsp..
Commenter  J’apprécie          70
La solitude Caravage

Dans cette belle tentative de se confronter à l'oeuvre du Caravage, Yannick Haenel mêle un récit de la vie de cet immense peintre à sa propre expérience de sa peinture, et en particulier à des événements successifs de sa vie que cette peinture a accompagnés. L'itinéraire personnel de narrateur et celui du peintre sont alternés dans cette oeuvre "d'autofiction" dans laquelle l'auteur intervient beaucoup à la première personne. Le sujet est bien sûr passionnant, l'écriture très réussie sert ce beau projet qui se lit fort bien. Quelques très belles pages et beaux passages, quelques détails marquant de la vie du grand peintre, que l'auteur met remarquablement en évidence. Certaines pages suscitent en revanche un peu plus d'impatience car l'auteur hésite entre l'essai à proprement parler, sans pour autant s'y laisser aller tout à fait, et la littérature, qui perd donc en fluidité. Le cheminement est parfois un peu hasardeux. Mais dans l'ensemble, un beau texte sur un magnifique sujet.
Commenter  J’apprécie          70
Tiens ferme ta couronne

C'est un roman qu'il faut prendre comme une navigation : on part du port avec une légère tempête qui empêche de voir à 100m, et en persistant, il faut se laisser emporter par les flots jusqu'à cet horizon qui se dégage. Et le voyage est finalement agréable si on va au bout. Si on quitte le navire avant destination, on reste avec un sentiment de noyade inutile. Tiens la barre ! C'est pas LE roman mais c'est excentrique.



TOTAL : 10/20

Idée(s) - 3 - Original(e)s

Ecriture - 3 - Accessible à tout point de vue

Intrigue - 2 - Une lecture détente sans prise de tête

Globalement - 2 - Voilà ça c'est fait !
Lien : https://www.facebook.com/liv..
Commenter  J’apprécie          70
Tiens ferme ta couronne

Je me suis ennuyé à la lecture de ce livre, pourtant finaliste du prix Goncourt. 80 % du livre parle d'un homme qui regarde des films sur son canapé en buvant copieusement de l'alcool. L'écriture de Yannick Haenel est un peu prétentieuse. Bref, vous l'aurez compris, mieux vaut passer son chemin...
Commenter  J’apprécie          70




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Yannick Haenel (2016)Voir plus

Quiz Voir plus

Qui suis-je ? Les auteurs en C

Né en Algérie, j'ai publié La Peste et La Chute. J'appartiens au mouvement littéraire de l'Absurde. Qui suis-je ?

Couteline
Char
Céline
Camus

9 questions
195 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}