Citations de Éric Fottorino (699)
Leurs yeux brillent. Ils sont gais, ils sont jeunes. Ils sont vivants.
Je crois qu'elle n'appartenait pas davantage à son mari qu'elle ne m'appartenait.Une femme aimée vous appartient-elle jamais?Elle appartient d'abord au rêve et à la souffrance,sitôt qu'elle disparaît.
Je pense à elle sans émotion ni tristesse,comme on sourit à un souvenir qui passe.
Mon père n'avait aucune attache.Pas de famille,pas de vieille tante,pas de cousins encombrants avec qui partager de mauvais souvenirs.Il s'arrangeait pour traverser l'existence sans témoin,comme si sa vie avait été un crime parfait.
On parlait beaucoup des petits porteurs et Plantu, lui, dessinait l'onctueux Ministre dans une chaise à porteurs Louis XV. La capitalisme populaire était en marche
...je mesurai alors combien les journalistes – dont j'étais – ignoraient ceux à qui, au final, leur travail était destiné. Je retiens la leçon : un lecteur était incapable de savoir quel journal il voulait, mais il avait toujours raison.
Un interlude a commencé comme ils ont à la télé avec des cygnes paresseux et des musiques en caramel mou
Je me levai puis marchai d'un bon pas car j'etais presse de vivre.
J'aurais pu d'emblée réconforter mon père et ma mère. C'était facile, à ma descente du train, de leur montrer que ma visite à Moshé n'avait rien changé, que je les aimais d'un amour sans condition. Au lieu de ça, j'avais pris plaisir à les faire douter, à leur laisser croire par mon mutisme que je pourrais m'éloigner. Ce moment de cruauté gratuite me saute à la figure. Je ne me reconnais qu'une excuse : j'avais dix-sept ans.
J'étais passé d'un père à l'autre, je les avais additionnés. Ma mère, elle, avait fait les frais de l'opération. Je l'avais encore reléguée au rayon des êtres en souffrance. Dans ma grammaire intime le masculin effaçait le féminin.
Le procès n'est pas pour demain. En attendant il va rester en maison d'arrêt. Un lieu où la vie s'arrête. C'est précis, les mots. Sa peine c'est de ne pas encore connaître sa peine. Son avocat ne lui donne aucune date. Ni même l'espoir d'une date. La justice prend tout son temps. p.244
Jamais ces deux-là ne se sont autant parlé. La maladie les rapproche. Le temps compté. Un sourire éclaire le visage de Brun. Ce taiseux veut dire ce qu'il sait du monde qu'il quitte. Une sorte de transfusion du père au fils. […] Brun est en veine de confidence. p.125
Il se souvient. La mémoire lui revient par éclairs. Il y croyait. Ils y croyaient tous. […] Semer était sa façon de prier. Paysan n'était pas un métier. C'était ce geste ancestral toujours recommencé. Se nourrir pour ne pas mourir. Se faire l'égal de Dieu en multipliant le grain qui donne le pain. Un champ laissé en repos était un crime. Il fallait défricher le sol, l'ouvrir bien net, tracer une raie franche, semer des graines soigneusement sélectionnées. Féconder, fertiliser. Produire. Lutter sans cesse contre la nature pour s'en rendre maître. Même s'il faisait partie de la nature, lui aussi. p.115
Sur la plaque de lave de Clermont on lit cette inscription des amis des Soulaillans en date de 1983, l'année de naissance de Mo : « Pas en avant, pas en arrière. Toujours plus haut ! » Ce qui frappe, ce sont les mentions de villes et des lieux remarquables portés de part et d'autre de deux arcs de cercle. Le premier indique des destinations proches, Autun Besançon, Guéret. Le second nourrit l'imaginaire, Delhy, La Havane Kiev. Mais aussi les Monts de l’Oural et la Terre de Feu. Par ce subterfuge, Suzanne a voulu envoyer un message à son fils : court le monde, aussi loin que tu partiras, il existera toujours une route pour te ramener. Les distances sont calculées dans l'ordre des azimuts et en orthodromie - un mot savant qui veut dire « à vol d'oiseau ». Ainsi, depuis le rebord de la table au pouvoir magique l'Everest se trouve exactement à « 8453 km », signe qu'on peut tout atteindre, même le toit du monde si on sait planer par la pensée. p.87
comme toi j'ai du mal à dire papa
à dire maman
aussi je dis Lina
pas Angelina
l'ange de son prénom
je lui ai coupé les ailes
ensemble
est un mot qui tremble
toi sa chérie sa poupée
elle t'aurait peint les ongles
coiffée selon sa fantaisie
tu l'aurais distraite et de son sourire
j'aurais reçu les miettes
notre vie aurait pris des allures de fête
Cela s'appelle l'intelligence artificielle. Elle n'est guère bavarde car elle ne connaît pas le doute. Le numérique rassemble ceux qui se ressemblent.
C'est bien connu, les banques vous prêtent toujours deux parapluies quand il fait beau. Le reste du temps , à vous de vous débrouiller.
Nous avons un double numérique sachant plus de choses sur nous que nous-mêmes et poussant sous nos yeux affamés les contenus censés nous satisfaire. L'info devient une addiction. Vingt ans déjà, vingt ans seulement. Et le vent, un vent mauvais, continue de souffler.