En premier lieu, je remercie Babelio qui, dans le cadre de Masse Critique, m'a offert l'opportunité de lire ce roman de
Denis Labayle, auteur que j'ai ainsi découvert.
L'histoire se déroule à Paris, sous l'Occupation. Lucien Déjean vit avec son père, très diminué par les gaz respirés durant la 1ère guerre mondiale, alors que sa femme et sa fille ont rejoint la zone libre. Chirurgien, il opère avec peu de moyens et de matériel des blessés toujours plus nombreux, en compagnie de Bernard, son collègue et ami. Un soir, alors qu'il rentre chez lui, un soldat allemand l'attend et lui remet une convocation : il doit se rendre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière afin d'y rencontrer un certain Helmut Garten.
Lucien, jusque-là, avait réussi à se tenir à l'écart de la guerre et à maintenir un semblant de continuité dans son quotidien, tourné tout entier vers le soin. Cette injonction allemande va l'obliger à faire des choix, à arbitrer entre ses convictions et le confort de ses malades. En effet, Garten, lui aussi chirurgien, lui propose de l'assister dans ses interventions contre la possibilité de recevoir du matériel et des médicaments. Dejean n'hésite pas longtemps. Les arguments de l'Allemand l'emportent : "Ne peut-on en rester à notre idéal commun qui est de soigner des malades quels qu'ils soient, et oublier le reste ?".
Malgré l'opposition de Bernard, le chirurgien français se laisse convaincre. Ainsi, une fois par semaine, les deux hommes vont opérer ensemble, souvent en silence, en échangeant des regards derrière leur masque - peu à peu une complicité professionnelle s'instaure, le respect mutuel s'installe, d'autant qu'on comprend implicitement que Garten n'adhère pas à l'idéologie nazie et qu'il subit, presqu'au même titre que les français, cette guerre. Déjean améliore ainsi la qualité des soins des malades accueillis dans son hôpital grâce aux médicaments.
Cette belle collaboration connaît cependant un tournant le jour où le chirurgien allemand somme Lucien de le rejoindre d'urgence, en dehors de leur accord de ne travailler ensemble que le mercredi, afin de l'aider à sauver un officier dont l'opération se déroule mal et qu'il est en train de perdre. Tous deux arrivent après quelques heures de lutte à gagner contre la mort : l'officier survivra...
Dans le même temps, Lucien se sent suivi dans la rue, épier par une jeune femme qu'il croise un peu trop fréquemment. Qui est-elle ? A-t-il été dénoncé pour ses activités avec l'ennemi ?
Je ne veux pas dévoiler davantage l'intrigue de ce roman qui pose des questions vraiment intéressantes, hors de tout manichéisme : les allemands ne partageaient pas tous l'idéologie nazie, les compromis ne sont pas toujours des compromissions, les héros ne sont pas toujours ceux qu'on croit, etc. le climat pesant, gris et morne de la période de l'occupation est bien restitué, par petites touches, sans description inutile - renforcé par le personnage du père de Lucien, malade à bout de souffle, tout en ambivalence face aux occupants. le seul bémol concerne le style de l'auteur qui manque un peu de souffle (pour moi, bien sûr), qui m'a empêchée d'adhérer complètement à la lecture d'un roman dont l'histoire par ailleurs m'a beaucoup intéressée, en cela qu'elle aborde sous un angle original à la fois la guerre et les choix et dilemmes auxquels on peut être confronté lorsque les temps sont troublés.