Si on connait bien Gilles Servat chanteur, on connait un peu moins le conteur. le conte, tradition orale par excellence, se raconte et s'écoute. Dans Couleurs, Gilles Servat nous partage des textes, restés au fond d'un tiroir, qui ne se prêtaient pas toujours à cette oralité. A la frontière entre le recueil de contes et de nouvelles, Couleurs, se conjuguant à tous les temps mélange les genres. D'une histoire à l'autre, Gilles Servat nous mène en terres de légendes, nous voguons entre passé, futur et présent entre terre et mer avec des palettes de personnages hauts en couleur. Pour n'en citer que quelques-uns, Serge-Thomas-Edgar-Louis-Lucien Achefer, au nom à rallonge est voué à être raccourci alors que Paul et Antoinette voient leur conte de fées s'éventer brusquement. Couleurs, nouvelle éponyme est un hymne à la nature où notes de musique trouvent leurs accords dans les couleurs de l'arc en ciel. Notre narrateur se prend parfois à soliloquer, s'engageant dans des réflexions existentielles, choquant parfois la bienséance. Trégor est une ode à la mer, à la Bretagne et aux anciens. le récit de la GPE (grande panne d'électricité) et d'Alain le Bras (dit Lebras-long) pourrait prêter à sourire, il est pourtant un cri d'amour et de défense de la langue bretonne. La ville lumière n'est pas en reste, il la glorifie à sa façon, s'épanchant sur le 11ème arrondissement et ses années ORTF, tout en philosophant sur les édifices parisiens. Couleurs, c'est un recueil poétique et engagé où humour et réflexion se côtoient et se confondent.
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Puis j'ai su que les victimes de 1848 étaient enterrées aussi, dans le soubassement de la colonne, avec celles de 1830. Emouvant. C'est quand même ces gens-là qui ont viré les rois une bonne fois pour toutes. Depuis, à part un épisode tragicomique au nom burlesque de Napoléon III, on vote dans un isoloir, qu'on soit pauvre ou rupin. On se fait baiser aussi, bien sûr, mais ça me botte que la voix du prolo compte autant que celle du patron.
Ici, j'ai rencontré Yann-Ber Piriou qui, en breton, dresse des châteaux de sable pour les chevaux de la mer. Yann-Ber Piriou un jour m'a conduit chez une paysanne nommée Anjela Duval. Tressant ses longs cheveux blancs avant d'aller traire ses bêtes, elle s'adressait à l'œil du soleil - lagad an heol - , comme le fit le premier druide, en cette langue ancienne et belle que le Trégor, dans son écrin, a portée jusqu'à nous. Et le soleil, en breton, lui répondait.
- Tu plaisantes ! Parmi tous ceux qui poireautent en se tirant les crottes du nez, bloqués dans les embouteillages autour de la colonne, combien savent qu'il y a des insurgés enterrés sous le socle ? Qui est au courant, à part les touristes visitant Paris avec un guide ?
Gilles Servar. Il est des êtres beaux.