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EAN : 9782343077536
242 pages
Editions L'Harmattan (03/11/2015)
5/5   1 notes
Résumé :
Tout enseignement spirituel présuppose une modalité orale et personnelle qui est le véhicule d'une transmission et d'un rapport "d'âme à âme" en l'absence desquels la voie spirituelle risquerait de demeurer trop théorique et abstraite. Schuon était un guide spirituel, et sa correspondance concerne ceux qui se trouvaient sous sa direction mais aussi ses lecteurs et tous ceux qui recherchaient ses conseils. Schuon a fait preuve d'une très grande générosité dans la dis... >Voir plus
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
[…] À l’heure qu’il est, nous sommes déjà bien vieux, et cela nous amène à jeter un regard rétrospectif sur notre passé. Je pense souvent comme il est merveilleux qu’avec l’aide de Dieu j’aie réussi à imposer mon être véritable et mon message malgré toutes les résistances du monde ambiant : à rester fidèle à moi-même et à donner au monde ce que j’ai à donner. Dans mon enfance j’avais quatre idéaux, qui à proprement parler constituent ma personnalité : l’Essentiel ou la Vérité ; le Sacré ; la Beauté ; la Grandeur. Et cela dans un monde d’erreur, de choses accidentelles, de profanité, de laideur et de mesquinerie ; ces antagonismes m’ont presque anéanti, non seulement par l’absurdité du mal, mais aussi par l’effort énorme et incessant de ma résistance intérieure ; tu dois nécessairement avoir vécu quelque chose de semblable.

Sur la base de ces quatre idéaux, je portais en moi dès l’enfance la certitude d’avoir une vocation spirituelle ; et comme il ressort des toutes premières pages de mon journal et de maintes lettres, j’attendais une « renaissance intérieure », et je caressais déjà très tôt le projet d’émigrer dans une « terre sacrée » ; de cette rupture avec l’Occident et de ce contact avec l’Orient, j’attendais tout. Et cela se réalisa : le grand voyage fut ma fuite en Algérie ; la renaissance intérieure fut la descente du Nom suprême. C’est ensuite par ma fonction spirituelle que ma vocation se réalisa, et plus tard je reçus mon message particulier, à savoir les Thèmes de méditation.

Déjà enfant je lisais la Bhagavadgîtâ et étais profondément touché par l’art hindou et bouddhique ; c’est là que je trouvai d’une part la Vérité totale, et d’autre part l’expression la plus directe du Sacré. Dans l’Hindouisme je me sentais tout à fait chez moi, il fut pour moi la patrie de la pure métaphysique et aussi du monde spirituel primordial, de même que de la nudité sacrée ; il comprend en somme toutes les possibilités spirituelles, des plus simples jusqu’aux plus subtiles et aux plus ramifiées.

En même temps j’avais dès l’enfance un rapport particulier avec la tradition des Indiens : monde primordial illimité ; aigle et soleil ; métaphysique des directions de l’espace ; le Grand Esprit transcendant toutes choses et en même temps les pénétrant toutes. Puis l’idéal de la domination de soi, de la victoire sur soi-même, de la dignité ; l’aigle montant vers le soleil, et dont on revit l’expérience dans la Danse du Soleil. (lettre à un ami, Bloomington, le 3.XI.89, pp. 220-221)
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Grenade fut une expérience précieuse. L’Alhambra est comme une fleur rougeâtre dans le désert. Les surfaces de rêve remplies d’arabesques transposent le feuillage vert et grimpant des jardins dans l’espace spirituel ; c’est bien comme notre guide espagnole nous l’avait dit : le Musulman contemple la beauté de la nature pour par là même mieux connaître la beauté de Dieu.

Avant d’arriver à Grenade — nous étions le long de la mer à proximité de Tossa de Mar — j’eus une puissante expérience en rapport avec la Shahâdah ; je vis brusquement et d’une manière tout à fait nette comment tout ce que nous avons jamais cherché se retrouve dans la Shahâdah, à savoir la doctrine métaphysique et la réalisation spirituelle : la doctrine, car la Shahâdah est un discernement entre le Réel et l’irréel ; et la réalisation, car la Shahâdah est une invocation comme tout Nom divin ; la métaphysique et l’invocation sont tout pour nous, et les deux résident dans la Shahâdah. À côté de cela, les Noms Rahmân et Rahîm ont la signification d’une invocation a priori non métaphysique de la Personne divine, alors que le Nom Allâh correspond à une invocation existentielle et nullement mentale ; Dieu est l’Invoquant, nous ne sommes que la substance.

Face au Christianisme, la Shahâdah enseigne : seul l’Absolu est absolu. C’est pourquoi chaque Envoyé de Dieu a la même valeur, chacun apporte le salut. Aucun ne peut, en tant qu’Absolu, faire en sorte que les autres se réduisent à néant ; alors que dans le Christianisme, la manifestation du Christ réduit à rien les messages de salut antérieurs. Avant le Christ, il n’y avait pas de salut, Dieu est en quelque sorte le Christ : c’est cela que l’Islam devait rejeter, et c’est la raison pour laquelle les deux points de vue sont inconciliables.

Le Christianisme correspond à une décision volitive entre l’ici-bas et l’au-delà ; l’Islam en revanche est un choix intellectuel de la Vérité, et c’est à la lumière de cette Vérité que toute chose doit être connue et évaluée. Dans la Vérité métaphysique, il n’y a ni ici-bas ni au-delà, tout se trouve en elle, et c’est ce qu’illustre l’art islamique. Tout ce qui est naturel à l’homme trouve sa place au sein de cette Vérité. Le monde est vu en Dieu, et reçoit par la même sa signification et son efficacité spirituelle. (lettre à Titus Burckhardt, Séville, le 15.VIII.54, pp. 23-24)
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De la bhakti relève le mystère « Amour » ; du jnâna relève le mystère « Paix » ; par « mystère », j’entends une réalité qui est enracinée dans l’Infini. Dans les Upanishads, l’invocation « paix, paix » revient continuellement : « Om, shânti, shânti, shânti » !

Le sens de « paix » est implicitement contenu dans le terme Islâm(1), c’est pour cette raison qu’il est par exemple dit : « … celui dont Allâh a élargi la poitrine pour l’Islam… »(2) (afaman sharaha Llâhu sadrahu li-l-islâm). Ceci est Inshirâh*, la vaste étendue que l’on respire. De ce mystère témoigne aussi ce Verset du Coran : « Et Allâh appelle à la Demeure de la Paix …(3)» (wa Llâhu yad’û ilâ dâri al-salâm) ; et ce mystère est implicite aussi dans ce Verset : « Dis Allâh ! puis laisse-les à leurs vains discours »(4)(qul Allâh thumma dharhum fî hawdihim yal’abûn). C’est aussi une indication que le sens « paix » dérive du Nom Allâh, — ce dont témoigne déjà le son de ce Nom, — alors que le sens littéral du Verset exprime l’opposition entre l’Élévation divine et la petitesse mondaine ; et l’on dit précisément ici que cette victoire de l’élévation sereine sur la petitesse doit se réaliser dans l’âme humaine.

On trouve la même juxtaposition dans ce Verset : « Ils n’entendront là (dans le Jardin du Paradis) ni discours futile, ni critique injurieuse, mais une seule parole : « Paix !...Paix !... »(5) (lâ yasma’ûna fîhâ laghwan walā ta’thîmâ illâ qîlan salâman salâmâ). Et cela nous fait penser au message de la divine nature vierge, qui selon sa nature nous élève au-dessus des choses mesquines ; l’ingrat, ai-je écrit récemment, ne peut sortir de son étroitesse, et l’égocentrique ne trouve aucun accès au Centre sacré. L’homme mesquin doit simplement avoir honte devant le ciel qui s’étend au-dessus de lui, et devant la forêt dans laquelle il introduit le vacarme de son âme.

Comme le paysage paradisiaque, la Sainte Vierge incarne le mystère « Paix ». La Paix est apparentée à la Vérité et à la Beauté.

« Heureux les pacifiques… » Au sens le plus profond, ce sont ceux qui ont part au mystère de la Paix.

(1) Les mots « Islam » et « Paix » (Salâm) appartiennent en effet à la même racine trilitère arabe « SLM ».
(2) Coran : 39, 22.
(3) Coran : 10, 10.
(4) Coran : 6, 91.
(5) Coran : 56, 26. (lettre à Hans Küry, Bloomington, le 31.X.81, pp. 83-84)
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[…] Ci-joint je vous envoie une copie de la dernière lettre que j’ai reçue de Titus Burckhardt. Maintenant qu’il est dans l’autre monde, j’ai le sentiment qu’il m’est encore beaucoup plus proche qu’auparavant. Sa dépouille mortelle repose à présent dans le petit cimetière en amont de Lutry, lequel a une barakah particulière. […]

Comme vous savez, je connais Titus Burckhardt depuis ma douzième année ; à l’école, nous rivalisions avec des dessins illustrant les légendes héroïques grecques. Notre amitié proprement dite commença à Riehen, dans la maison de Madame v. D. ; c’est là que nous avons eu une longue conversation sur Guénon, l’Islam et le Maghreb. Ce qui rendait précieuse la personnalité de Titus Burckhardt, c’était la combinaison entre une intelligence extraordinairement pénétrante et profonde et un grand talent artistique ; comme il ne pouvait être un artiste créatif — et c’est une chance qu’il en ait été empêché — son talent se mit entièrement au service de la vie spirituelle ; d’autant plus qu’il était en même temps très doué pour la contemplation mystique.

Rahimahu Llâh wa radiya Llâhu ‘anhu.

J’ai beaucoup estimé également la mère de Titus Burckhardt, une Rhénane qui elle aussi était très douée au double point de vue de l’âme et de l’art, et qui avait connu mon père dans sa jeunesse ; et de même sa soeur, qui était proche de lui par maints traits de caractère.

Titus Burckhardt avait en lui une sorte d’éternelle jeunesse, quelque chose de quasi libérateur ; en sa présence, on ne se sentait jamais à l’étroit. Il ne manquait certainement pas d’humour, et il avait aussi le sens de l’aventure ; il était entreprenant et savait s’adapter ; d’un autre côté, il avait un bon cœur, puis une candeur et une limpidité d’enfant. J’ajouterai qu’il était un excellent écrivain ; cela nous le savons tous.

Comme moi-même, il a vécu de longues années au bord du Lac Léman ; et notre région d’Inverness ne lui était pas non plus inconnue : il a présidé ici à plusieurs séances et est resté inoubliable aux amis d’ici.

Je mentionne tout cela parce que je ressens le besoin de l’exprimer en souvenir de mon ami. (lettre à Hans Küry, Bloomington, le 21.I.84, pp. 95-96)
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Mon rapport avec l’Islam résulte du fait que celui-ci se fonde sur le Témoignage de l’Unité ; puis de la circonstance que chacun est son propre prêtre, et aussi du fait que l’Islam pouvait m’offrir une initiation et une méthode spirituelle ; et finalement de ma rencontre providentielle avec un saint musulman.

La pensée la plus importante — et partant tout à fait décisive — dans la vie est la conscience que Dieu est le souverain Bien, dont toutes les valeurs terrestres témoignent. Ensuite viennent deux attitudes fondamentales : la résignation à la Volonté de Dieu et la confiance en Sa Bonté ; il faut se résigner à l’inévitable, et en même temps il ne faut jamais douter de la Miséricorde divine, qui a en effet pour nous le dernier mot, et qui est contenue dans le Nom suprême.

Notre rapport correct avec le monde résulte de notre rapport correct avec Dieu ; de ce second rapport, qui est en réalité le premier, résultent aussi les vertus fondamentales ; mais celles-ci sont également une condition de ce rapport.

La pensée primordiale que Dieu est le souverain Bien fait taire, par sa nature même, tout le vacarme terrestre des pensées ; sa priorité dans l’âme constitue la noblesse spirituelle, et par là même aussi le rapport correct avec le monde ambiant.

Là où nous sommes conscients de Dieu, là est toujours le Centre, et là est aussi le noyau de notre bonheur.

— Allâhu Karîm. (lettre à un ami, Bloomington, le 4.XI.89, pp. 221-222)
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