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EAN : 9782490382118
176 pages
Editions du Mont (01/03/2019)
3.5/5   1 notes
Résumé :
"La plupart de ces nouvelles ont été écrites à une période nuageuse de ma jeunesse : un entre-deux marqué par l'incertitude ou, pire, par l'indécision.
En relisant aujourd'hui ces courtes fictions, je suis frappé par ce qu'elles révèlent de mon inaptitude à prendre des risques, à tenter le saut dans l'inconnu plutôt que de suivre la voie prudente de la raison."
Jean-Louis Terrade
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Jean-Louis Terrade republie une série de neuf nouvelles, initialement publiées par les Editions Calmann-Lévy, chez un éditeur biterrois, les « Editions du Mont ».
Dans ces neuf nouvelles, le narrateur, qui est toujours un homme placé dans des contextes variés, vit des situations parfois étranges, parfois inattendues, relevant de l'univers professionnel ou de la vie quotidienne, bouclées par des chutes inopinées.
Si toutes les nouvelles puisent leur inspiration peu ou prou dans l'univers littéraire, rendant hommage à de grands auteurs du XXème siècle, deux d'entre elles sont très nettement placées sous l'égide de Jorge Luis Borges, le fameux écrivain et poète argentin qui a marqué son siècle.
Il y a souvent dans ces nouvelles une mise en abyme de la fonction d'écriture, comme dans la première, « Dernier train », qui a donné son titre au recueil : sommes-nous dans un rêve (ou plutôt un cauchemar) lorsque le personnage principal, coincé dans une micheline qui l'emporte du côté de Limoges finit par chuter, dans un récit réel, ou bien sommes-nous dans la tête de l'écrivain en train d'écrire sa nouvelle ? de même dans la nouvelle « le Disparu », on sent dès les premières lignes l'influence borgésienne : une petite annonce attire l'attention du narrateur : un particulier cherche un livre introuvable – l'occasion pour le narrateur de marcher, de Bellac à Avignon, sur les pas de l'auteur prétendu disparu.

Deux autres nouvelles sont directement placées sous le signe de l'univers professionnel : sur fond d'antagonisme entre un dirigeant paternaliste et des syndicats revendicatifs, « la Récompense » met en scène un jeune outsider, envoyé directement du siège à Paris pour gérer les ressources humaines. Une prétendue récompense sèmera le trouble et engendrera le conflit, dans un contexte de lutte des classes affirmé. de même dans « Grève du rêve », le narrateur, envoyé en émissaire par la direction parisienne, a-t-il fort à faire pour démêler un conflit latent entre une usine située à une quinzaine de Montpellier, coincé un patron autoritaire qui teste son collaborateur – aujourd'hui on dirait pour voir sa capacité à être « corporate » et à porter les valeurs de l'entreprise – et les ouvriers de l'usine, tandis que les conflits vont grossissant.
D'autres nouvelles enfin se situent au Maghreb, dans un contexte de coopération militaire : dans « le Gardien », le narrateur, exilé dans son propre appartement qu'un gardien occupe indument, ne trouve guère de consolation que dans la lecture du « Château » de Kafka. Ce coopérant qui voit son logement squatté, montrant un personnage désemparé et passif vis-à-vis de la situation qu'il subit, renvoie sans doute à un enfermement métaphorique contre lequel on ne peut lutter – une façon de rendre un bel hommage à Kafka et à ses personnages célèbres
Dans « Voyage au Tassili », le narrateur, tiraillé entre son ami et un flirt avec la soeur de celui-ci, suit un itinéraire dans le désert mené par un guide local qui n'a pas besoin de boussole pour prendre ses repères. de même dans « Les personnages », qui se situe quelque part dans une ville en proie au terrorisme - mais n'est-on pas plutôt dans un scénario adapté du « Balcon en forêt » de Julien Gracq, transposé en Algérie, que dans une nouvelle ? – le scénario nous conduira jusqu'au drame final.
Que ce soit dans »La villa aux lapins » ou dans « Voyage au Tassili«, notre narrateur vit aussi quelques flirts ou élans physiques avec la gente féminine, mais semble peiner à entamer une relation durable et épanouie.
Jean-Louis Terrade observe donc son personnage principal, narrateur placé dans différentes circonstances, d'un regard froid et distancé, subissant de façon passive ce qui lui arrive et ne lui laissant aucune échappatoire.
Quant à son regard sur les femmes, il est expliqué très nettement page 164 :
« A ma femme qui me demandait les raisons de cette association, j'ai avoué – mais était-ce vraiment pour elle qui me connaît sur le bout des doigts une révélation – que mon intérêt, ma curiosité, passionnée parfois, m'ont toujours porté vers des êtres qui évoquaient, à tort ou à raison, de fantasques personnages littéraires. »
L'auteur est donc comme un entomologiste la loupe à la main, observant ses personnages évoluer sur la scène, sans véritable possibilité d'en réchapper, « C'est, je le pense sincèrement, une des perversions de la lecture que de favoriser chez le « lecteur pratiquant » le refus effréné du réel » fait-il dire à son narrateur.
Un trait qui parlerait de l'auteur lui-même ? Libre au lecteur de se faire une opinion, mais quoi qu'il en soit, il nous livre ici un exercice littéraire d'une grande précision, dans lesquels son personnage principal apparaît dans toutes les situations diverses toujours désemparé vis-à-vis de ce qui l'entoure, peu doué pour la décision ou l'ancrage dans la réalité, mais placé sous l'égide de grands écrivains du XXème siècle.
Des personnages d'une grande solitude en somme : une vision lucide mais peu amène de la condition humaine.
Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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Dernier Train
Le cri le réveilla. Il resta quelques minutes hébété sans savoir si ce cri avait retenti à l'intérieur du train ou bien dans son rêve. En face de lui, dans le compartiment, un homme venait de s'asseoir.

Il était midi. On arrivait à Vaulry. La micheline émit un long sifflement, puis s'arrêta le long d'un appentis blanc qui portait en grosses lettres fraîchement repeintes : W.C. HOMMES-DAMES. À côté, il y avait un petit carré d'hortensias.

Dans son sommeil, le cahier avait glissé de ses genoux. En se baissant pour le ramasser, Jolte heurta du coude la jambe de l'homme ; il s'excusa, mais l'autre ne broncha pas. Sans s'expliquer pourquoi, l'écrivain n'osait pas regarder le visage de l'inconnu. Peut-être par crainte, pensait-il, de se sentir engagé par un regard, mais engagé à quoi ?

Son rêve l'avait laissé mal à l'aise. Il s'était fait une joie de ce petit voyage de retour en train, avec la perspective de noter dans son cahier les souvenirs que lui rappellerait ce paysage limousin si souvent traversé dans son enfance. Mais le réveil l'avait trouvé désemparé, sans ressort, comme ce nageur qui s'était préparé et qui, au dernier moment, devant l'eau trop noire de l'étang, recule.

Sa douleur à l'épaule gauche avait disparu, mais il ne parvenait pas à desserrer la boule d'angoisse durement nouée dans sa poitrine. Alors, pour chasser cet arrière-goût de vase au fond de sa gorge, il essaya d'écrire.
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Je venais de regagner Paris après la disparition de mon père quand, un matin de novembre, en parcourant le journal auquel j'étais abonné, je tombai sur une petite annonce qui attira mon attention :
"Particulier recherche un exemplaire du roman de Pierre Redaert, le Disparu. Offrirait forte récompense."
Suivait la mention indiscrète d'un numéro de téléphone.
Je téléphonai. Non pas que j'eusse la moindre idée de l'endroit où je pourrais dénicher l'ouvrage ou que l'auteur me fût familier, mais Redaert était l'anagramme de mon nom.
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