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EAN : 9782020314664
300 pages
Seuil (26/02/2000)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
4° de couverture :
(Edition source : Seuil, L'épreuve des faits - 03/2000)


Le monde a changé. Jusqu'à la chute du mur de Berlin, il était bipolaire. Agaçante, contestataire, la France était néanmoins membre du pôle occidental, alliée de son chef de file américain. Ce monde bipolaire a disparu. Comme les planètes dans une galaxie perturbée par le big-bang, les nations cherchent leur place. Face à l'" hyperpuissance " américaine, la ... >Voir plus
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Comment s'exerce aujourd'hui l'autre “plus vieux métier du monde” ? Comment notre diplomatie survit-elle au triple tournant de la construction européenne qui la dépossède d'une partie de ses attributions, de la révolution technologique qui accélère la circulation de l'information et des hommes et de la montée en puissance d'acteurs non étatiques (multinationales, ONG, mercenaires ...) ? Telles sont les interrogations auxquelles essait de répondre le journaliste Albert du Roy.

L'ambassadeur possède un “titre prestigieux, à en juger par l'usage qu'en fait la publicité des fromages et des chocolats”. Mais son métier est méconnu. Il exerce en fait cinq grandes missions traditionnelles. Il doit d'abord représenter la France à l'étranger. Ce travail de représentation, quasi-théâtrale, s'exerce à la résidence, véritable “lieu de travail” (p. 240) où défilent les invités : l'ambassadeur à Londres reçoit chaque années 10.000 convives, celui de Washington 7.000, quant à l'hôtel du ministre, à Paris, il sert chaque année, selon son actuel locataire, autant de repas que le Crillon. Cette fonction nourrit l'image peu flatteuse et souvent caricaturale de “l'ambassadeur à la tasse de thé” ou - le trait est du Général de Gaulle - de fonctionnaires “suffisants et insuffisants” ( p. 211). C'est oublier que les repas qu'il donne sont l'occasion pour l‘ambassadeur de multiplier les contacts, non seulement avec ses homologues, mais aussi avec les catégories sociales les plus variées : intellectuels, hommes d'affaires, syndicalistes, hommes d'Eglise ... Cela lui permet d'accomplir sa deuxième mission : informer.

Chaque année, les 149 ambassades bilatérales, les 21 représentations auprès des organisations internationales et les 105 consulats que compte le réseau diplomatique français envoient au “Département” près d'un demi-million de télégrammes. Leur nombre aurait été multiplié par trois et demi entre 1986 et 1998 ; l'accélération des communications (“l'existence de tuyaux appelle le carburant” écrit joliment du Roy) autant que le souci de tel ou tel de se faire bien voir de Paris expliqueraient cette croissance exponentielle. Cette incontinence scripturale n'est pas si récente ; Tocqueville conseillait déjà en son temps : “En diplomatie, il faut toujours écrire, ne sût-on rien ou ne voulût-on rien dire” (p. 250). Dans cette mission, le diplomate a deux concurrents : l'agent de renseignement et plus encore peut-être le journaliste. Qu'apprend-on de plus à Paris à la lecture des télégrammes que le “fil” de l'AFP ou CNN ne disent déjà ? le bon diplomate n'est pas nécessairement celui qui écrit le plus grand nombre de télégrammes, mais plutôt celui qui, fort de la vision transversale qu'il possède, est capable de trier, au sein d'une masse pléthorique, l'information utile à l'action. Si la tendance est encore à la “belle écriture”, le “comité de lecture” créé par Alain Juppé lors de son premier passage au Quai d'Orsay demande désormais au rédacteur de base de “ne pas vouloir imiter Paul Claudel” (p. 253).

La négociation est la troisième mission de l'ambassadeur. Elle s'exerce surtout, mais pas uniquement dans les enceintes multilatérales qui constituent aujourd'hui, pour les ambassadeurs de haute volée, les postes les plus convoités. Là où jadis l'éloignement géographique laissait l'ambassadeur-négociateur libre de ses mouvements, le téléphone et le fax limitent son champ d'action. Quand le décalage horaire se fait complice, il ne reste aux diplomates qu'à exécuter chaque matin les instructions que Paris leur aura adressées pendant la nuit, à la lecture du compte-rendu des séances de la veille : petite gymnastique dont sont familiers les agents en poste à New York et à la Direction des Nations-Unies et des Organisations Internationales (NUOI) du Quai !

Si assurer la protection des ressortissants français est l'apanage du consul, la défense des intérêts français est la dernière, et non la moins importante, mission de l'ambassadeur. Cette mission exige de lui qu'il coordonne l'ensemble des services français à l'étranger : attachés commerciaux, financiers, douaniers, militaires, culturels, scientifiques, agricoles ... Tous sont nommés par leurs administrations respectives. Tous sont théoriquement sous l'autorité de l'ambassadeur. le décret du 1er juin 1979 le proclame solennellement ; une circulaire de 1993 le rappelle. Alain Juppé, passant du Quai à Matignon, prend une nouvelle circulaire en juillet 1995. Si la règle est si souvent rappelée, c'est qu'elle est souvent violée : “Quand j'ai fait réaffirmer la primauté de l'ambassadeur, c'était une satisfaction morale, mais sans grand effet” convient Juppé (p. 249). C'est dans le domaine économique que l'autorité de l'ambassadeur est mise le plus à mal. le comportement de Bercy y serait pour beaucoup. Ces divergences sont d'autant plus regrettables que l'action économique extérieure est devenue un défi capital. Capital compte tenu de ses enjeux, en terme notamment de prospérité et d'emploi. Capital compte tenu du cadre “mondialisé” dans lequel cette action s'exerce, où le monopole traditionnel de l'Etat est disputé.

Albert du Roy décrit fidèlement un univers qui fascine. Il le fait avec une déférence parfois excessive. Lui qu'on avait connu autrement plus critique dans "Le carnaval des hypocrites" (Le Seuil, 1997) se montre étonnamment indulgent à l'égard de la politique étrangère française et de ceux qui la font. Il aurait demandé à chacun de ses interlocuteurs (et il a rencontré le gotha de la diplomatie française) ce qui distingue une politique étrangère de droite d'une politique étrangère de gauche. Les réponses furent au mieux confuses. Est-ce le signe d'un conformisme sociologique ? d'un enfermement dans une pensée unique, mélange d'anti-américanisme et d'europhilie ? ou plus prosaïquement la preuve d'une compréhension fine du monde d'aujourd'hui et de ses contraintes ?
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