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Mike Feehan (Illustrateur)
EAN : 9781401275211
168 pages
DC Comics (28/08/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
A bold new take on the beloved cartoon comedian from the writer of The Flintstones!

Drama! Comedy! Tragedy! For the renowned Southern playwright called Snagglepuss, these are the ingredients that have made him a star of the New York stage and the glittering world that surrounds it. But the year is 1953, and behind the bright lights, darkness is brewing.

As Snagglepuss prepares for his next hit play, there's already a target on his back... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, qui ne nécessite pas d'avoir des connaissances préalables sur le personnage principal. Il contient les 6 épisodes de la minisérie, ainsi que le prologue de 8 pages contenu dans Suicide Squad / Banana Split Special, initialement parus en 2018, écrits par Mark Russell, dessinés par Mike Feehan, encrés par Mark Morales, avec une mise en couleurs réalisée par Paul Mounts. le prologue a été dessiné et encré par Howard Porter, avec une mise en couleurs réalisée par Steve Buccellato. Les couvertures principales ont été réalisées par Ben Caldwell. Ce tome comprend également les couvertures variantes réalisées par Evan Shaner, Steve Pugh, Dan Panosian, Marguerite Sauvage, Joëlle Jones, Howard Porter. Il se termine avec un glossaire de 2 pages apportant des compléments d'information sur 18 sujets, que ce soit des personnages, ou des faits historiques. le nom de Snagglepuss a été modifié en France, Alcibiade lui ayant été préféré. Ce personnage de dessin animé Hanna-Barebera est apparu pour la première fois à la télévision en 1959 (avec une fourrure orange). Puis il a eu droit à sa propre série de 32 épisodes à partir de 1961 aux États-Unis.

Prologue - En juin 1953, Snagglepuss (un lion ou puma anthropomorphe à la fourrure rose) répond à des questions devant la Commission de la Chambre sur les activités antiaméricaines, avec des réparties humoristiques. En sortant, il se fait aborder par Augie Doggie, un apprenti écrivain. Snagglepuss évoque ses débuts d'acteur et sa révélation : le monde est en train de brûler, mais les auteurs doivent exprimer leurs vérités. Exit stage left - En juin 1953, un couple finit de dîner dans un restaurant chic, et se rend au théâtre pour la dernière représentation de The heart is a kernel of thieves, une pièce écrite par Snagglepuss. Avant d'entrer dans le théâtre, ce dernier (accompagné par son épouse Lila) répond aux questions d'un journaliste en évoquant les artistes qui l'ont inspiré, groupe connu sous le nom de la Table Ronde de l'Algonquin : Dorothy Parker, Robert Benchley, George S. Kaufman, Edna Ferber, Marc Connelly, Harold Ross, Alexander Woollcott et Harpo Marx. Sur scène, des acteurs grimés comme des animaux anthropomorphes jouent un drame, celui d'un couple et leur garçon adulte. Les spectateurs font un tonnerre d'applaudissements à la pièce, et réclament la présence de l'auteur sur scène.

Snagglepuss et son épouse prennent leur voiture pour rentrer chez eux. Snagglepuss laisse sa femme en bas de chez eux, et lui se rend au bar Stonewall Inn où il retrouve son amant Marion, un acteur de théâtre. À la télévision, passe un extrait de l'entretien de Lillian Hellman, une auteure de théâtre, devant la Commission de la Chambre sur les activités antiaméricaines. Elle refuse donner le nom de ses amis communistes. Snagglepuss demande au barman Tony d'éteindre le poste. Tony évoque la situation des homosexuels à Cuba quand Fulgencio Batista (1901-1973) est arrivé au pouvoir. le lendemain Snagglepuss déjeune en tête à tête avec Dorothy Parker et ils effectuent le constat de la fin de sa carrière à elle. Elle repart en taxi. le soir même, l'Amérique apprend que les époux Julius & Ethel Rosenberg ont été condamnés à la peine capitale pour espionnage et trahison. Huckleberry Hound rend visite aux époux Snagglepuss. Ensemble, ils se rendent à une soirée organisée par Peggy Guggenheim (1898-1979). Sur place, Snagglepuss a une discussion à l'écart avec Lilian Hellman.

Pour comprendre comment un projet aussi décalé a pu voir le jour, il faut savoir que l'éditeur DC Comics est la propriété de Warner Bros, et à ce titre, il publie des comics de certains des personnages de dessin animé étant leur propriété. En 2016, DC se lance dans la publication de séries et de miniséries consacrées à des personnages créés par l'entreprise Hanna-Barbera (William Hanna et Joseph Barbera), comme The Flinstones (2016/2017) par Mark Russell & Steve Pugh ou Scooby Apocalypse (2016) par Keith Giffen, JM DeMatteis et Howard Porter, Wacky Raceland (2016) par Ken Pontac & Leonardo Manco. Il s'agit d'histoires à destination d'adolescents, et non ciblées sur un jeune public. En 2017, les responsables éditoriaux remettent le couvert avec des rencontres contre-nature entre des personnages de dessins animés et des superhéros DC, rassemblées dans DC meets Hanna-Barbera étendant ensuite la formule à DC meets Looney Tunes. Néanmoins le lecteur est pris au dépourvu quand il découvre que pour la salve suivante, les responsables éditoriaux n'hésitent pas à faire appel à des vétérans comme Garth Ennis pour Dastardly & Muttley dessiné par Mauricet, et Howard Chaykin pour The Ruff and Reddy Show dessiné par Mac Rey.

Déjà avec les Flinstones, Mark Russell avait fait preuve d'une sensibilité sociologique, transformant une parodie de la vie quotidienne aux États-Unis en une critique pénétrante des dérives du système capitaliste. Avec ce récit, il réalise un roman d'une rare richesse. Sous une forme de bande dessinée, il revisite une époque troublée des États-Unis où le principe de Vie, Liberté et Quête du bonheur (Life, Liberty and the pursuit of Happiness) inscrit dans la Déclaration d'Indépendance en avait pris un coup pour des questions de sûreté de l'état, avec l'instauration de la Commission de la Chambre sur les activités antiaméricaines (House Committe on Unamerican Activities, HUAC) de 1938 à 1975. Snagglepuss incarne à la fois un auteur inquiété pour ses vues dissidentes, indépendamment de toute conviction politique, à la fois en position délicate du fait de son homosexualité. Dans le glossaire, l'auteur indique qu'il s'est inspiré de Tennessee Williams (1911-1983). Pour le personnage de Huckleberry Hound, il s'est inspiré de William Faulkner (1897-1962). le lecteur savoure les réparties de Snagglepuss, contenant souvent une dimension littéraire, et rappelant parfois aussi la verve mordante d'Oscar Wilde (1854-1900). Les personnages portent donc un regard sur la nature de l'existence, ses joies, mais aussi les conséquences des choix politiques sur les droits inaliénables de la Déclaration d'Indépendance.

L'histoire des États-Unis a donc une forte incidence sur la vie des personnages, et Mark Russell y intègre de nombreuses références. le lecteur peut voir passer des personnages historiques célèbres comme Dorothy Parker, mais aussi Marilyn Monroe (1926-1962), Joe DiMaggio (1914-1999), Arthur Miller (1915-2005). Il est bien sûr question de politique, avec l'apparition de Fulgencio Batista (1901-1973), Nikita Khrouchtchev (1894-1971), Richard Nixon (1913-1994), et bien sûr Joseph McCarthy (1908-1957). L'auteur choisit les événements qu'il évoque de manière à brosser un portrait du contexte politique pesant sur les citoyens. Il intègre donc des éléments moins universels comme Herman Kahn (1922-1983, théoricien de la guerre froide avec une vue très pragmatiques sur la guerre nucléaire), ou encore l'incroyable bataille d'épi de maïs dans le champ de Roswell Garst (1898-1959), entre ce fermier américain et Nikita Kroutchev.

Au vu de la densité de la narration, il fallait un artiste rigoureux et méticuleux. Howard Porter a fait un travail très savoureux pour le prologue, avec des dessins à l'entrain un peu exagéré, installant une ambiance entre comédie et dessin animé. Cela insuffle une vie intérieure remarquable aux personnages, ainsi qu'une forme d'exagération propre à faire ressortir les émotions avec force. le lecteur voit tout de suite la différence avec les dessins de Mike Feehan qui s'approchent plus de l'état d'esprit d'une ligne claire. Les formes sont délimitées proprement par un trait de contour fin, régulier et lissé, avec de rares variations d'épaisseur. Il n'y a pas de hachure, pas d'ombre portée des personnages. Par rapport à la stricte ligne claire, le lecteur peut observer quelques traits de texture à l'intérieur des formes (surtout pour les vêtements) et quelques aplats de noir (exclusivement pour les chevelures). La différence essentielle réside dans la mise en couleurs, Paul Mounts enrichissant chaque surface détourée avec des nuances de couleur pour en augmenter le relief, par opposition à des aplats unis. À quelques reprises, la tête d'un personnage ou sa main peut dépasser sur une case adjacente.

Le lecteur projette donc son regard sur des planches avec un degré descriptif élevé, et une forme de représentation un peu épurée facilitant une lecture immédiate de chaque case. La reconstitution historique est de grande qualité, qu'il s'agisse des tenues vestimentaires, de la représentation des personnages connus, des modèles de voiture, ou des accessoires d'ameublement. Ainsi le lecteur éprouve la sensation de pouvoir accompagner chaque personnage où qu'il se trouve : en train de regarder la scène de théâtre, devant la devanture d'un magasin de téléviseurs, dans une chambre d'hôpital pour personnes âgées, sur une jetée, sur un plateau de télévision pour une émission de discussions, dans une chambre d'hôtel avec Marilyn Monroe, dans un bar de rencontre pour homosexuels, ou encore dans une ville artificielle (Doom Town) peuplée de mannequins, servant à étudier les effets d'une explosion atomique, située dans le désert du Yucca dans le Nevada.

Comme pour les autres histoires mettant en scène des personnages de dessin animé Hanna-Barbera, les auteurs ont choisi de les représenter avec des caractéristiques anthropomorphiques pour les faire coexister et interagir avec les êtres humains normaux. Mike Feehan réussit à trouver le point d'équilibre pour conserver les traits animaux des personnages de dessins animés, tout en les rendant aussi expressifs que les êtres humains normaux. Il conserve également quelques particularités de leur race, que ce soit la forme des jambes de Snagglepuss, la forme d'un crâne d'un hippopotame ou d'un cheval, ou dans un cas plus extrême, les huit jambes d'une pieuvre. Grâce à cette approche, les personnages peuvent interagir dans le même plan, appartenant effectivement au même monde, sans apparaître incongrus. L'artiste réussit également à montrer comment les acteurs humains se déguisent en animaux anthropomorphiques, faisant ressortir la distance qui les sépare encore des originaux. Cette mise en scène illustre et fait ressortir de manière éclatante l'objectif pour des acteurs d'incarner des personnages par le biais d'artifices.

Cette notion de jouer un rôle est l'un des thèmes au coeur du récit, l'obligation pour chacun de projeter une image pour paraître en société. En effet, Mark Russell ne fait pas qu'évoquer brillamment une époque, une chasse aux sorcières, un milieu artistique. Il développe également l'importance des arts pour parler de la condition humaine, mettre à nu son absurdité, mais aussi générer de l'empathie, faire exister des situations et des conditions de vie ignorées du grand public, faire apparaître les mécanismes sociologiques qui façonnent les individus et leur vie. Il évoque également la stérilité d'une société dans laquelle il n'y aurait pas d'individus subversifs, radicaux ou indésirables. Dans le même temps, le récit constitue une comédie dramatique poignante. Parmi les différents constats existentiels qu'il effectue, Snagglepuss déclare que : Des fois, nous sommes tellement préoccupés par l'intrigue de la vie, que nous oublions que seuls personnages ont de l'importance. À l'opposé d'un pensum intellectuel et désincarné, cette histoire regorge de vie et se focalise sur celle de plusieurs individus existant en s'accommodant comme ils peuvent de leur nature et des contraintes de leur milieu.

Sur la base d'un projet commercial visant à tirer profit de personnages propriétés intellectuelles d'un grand groupe de divertissement, Mark Russell & Mike Feehan défient les attentes en réalisant une comédie dramatique d'une richesse extraordinaire, tant par la qualité de sa reconstitution historique, par ses personnages uniques et humains, par l'évocation de la force d'expression du théâtre, par la mise à nu des mécanismes de répression et d'oppression d'une société. Une oeuvre littéraire aussi touchante qu'ambitieuse.
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