Traduit de l'arabe (Yemen) par
Khaled Osman en collaboration avec Ola Mehanna - Edition Lian Levi ; 2015 pour la traduction française ; 199 pages
Ce roman cru, frontal est un dévoilement. En effet,
Ali al Muqri enlève les burqa, tchador, niqab et autres prisons de voiles et nous révèle, sans ces filtres illusoires, toute la violence faite aux femmes, dans les pays qui leur imposent de vivre cachées, effacées du monde.
Ce roman est le triste constat de la vie des femmes et des hommes au Yémen aujourd'hui.
Pour adoucir la violence de la réalité, ce roman a une "colonne vertébrale lumineuse et symbolique", le poème " Questionnez mon coeur" d'Ahmad Chawqi interprété par Oumm Kalsoum.
Chaque strophe du poème s'invite dans le texte. Cette respiration poétique est un rappel à un Islam des lumières qui s'oppose à la folie de l'intégrisme religieux.
Nous, femmes occidentales, réfléchissons au sort qui nous est réservé dans les pays ou règnent l'intégrisme religieux. Ce terrible constat, nous oblige à nous retourner sur le chemin parcouru par nos "aînées féministes" pour revendiquer l'égalité avec les hommes. Actuellement, une nouvelle prise de conscience émerge et la défense de la cause des femmes a pris un nouvel élan, mais jamais nous n'avons eu à combattre cette soumission totale qui annihile le droit des femmes et les empêche de vivre comme des êtres humains.
Ce livre, nous transporte sur une autre planète où les hommes ont tous les droits sur les femmes. Absolument tous : le droit de les éduquer selon leur désir, le droit de les maltraiter, le droit de les enfermer, le droit de les violer, le droit de les tuer…. Ce pays ressemble à une sorte d'arène ou des hommes transformés en gladiateur imposent leur force non pas sur des bêtes féroces mais sur les femmes. C''est aussi un grand théâtre de l'absurde, parce que rien n'est légitime, tout est incohérent, hypocrite, violent et obscur.
Dans ce pays, les femmes ne sont pas éduqués c'est bien plus grave que ça. Elles subissent un endoctrinement à la soumission aux hommes.
La sexualité est un besoin naturel et nécessaire à l'épanouissement d'un individu c'est scientifiquement prouvé. L'auteur nous explique à travers ses personnages comment les adolescentes usent de multiples subterfuges pour combler leur besoin de connaissance sur leurs désirs sexuels et leur besoin d'amour. Pour cela, elles se livrent à un trafic de cassettes pornographiques qu'elles visionnent en cachette. Ces adolescentes ont un regard doublement tronqué de la sexualité. Elles reçoivent une éducation religieuse qui empêche toute relation sexuelle saine et heureuse puisque leur désir est interdit. Elles croisent cette éducation religieuse avec le visionnage de films pornographiques qui offrent un regard contraire à la réalité. Dans les films pornographiques tout est permis et les femmes y sont soumises aux désirs des hommes.
Comment se construire avec de telles contradictions : Les personnages qui évoluent dans ce livre sont perdus, les femmes sont des poupées désarticulées qui réagissent souvent d'une manière irrationnelle.
Le roman a comme décor, comme toile de fond la guerre et en particulier le djihad. Les femmes sont obligées d'accompagner leurs maris dans cette sinistre aventure qui se révèle extrêmement dangereuse pour elles parce qu'en plus des conditions difficiles qu'imposent la guerre, elles subissent le viol qui n'est pas considéré comme un acte criminel mais comme un droit normal sur les femmes.
J'ai apprécié ce roman, qui offre un regard très réaliste sur la sexualité et sur toute la violence et la folie qui l'accompagnent quand elle est réprimée. Les personnages sont très attachants. Je les ai suivis avec plaisir et sollicitude dans les méandres complexes du non-sens de leur pays et évidemment de leur vie.
Nous avons besoin de romans "coup de poing" comme celui-ci, pour comprendre le monde.
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