Bernard Hourcade est directeur de recherche émérite au CNRS dans l'équipe de recherche "Monde iranien et indien", et fut pendant 15 ans responsable de l'Institut français de recherche en Iran. Il y a vécu pendant 15 ans, et a interdiction d'y retourner, preuve qu'il n'a pas sommeillé sur place, il est donc bien placé pour en parler. Dans une interview donnée à un magazine touristique il déclarait :
« Les Iraniens du haut en bas du pays, sont tellement contents d'accueillir des gens de l'extérieur que la réception des touristes est très bonne. Vous savez la sécurité envers les femmes est très bonne, il n'y a pas des pincements aux fesses comme dans d'autres pays, ni la même délinquance qu'à Naples. Vous êtes dans un pays sérieux, et autoritaire, la police est très efficace, je peux malheureusement en témoigner. Il n'y a aucun problème de sécurité. »
Il me semblait donc intéressant de s'appuyer sur ce genre d'expertise pour mieux comprendre cet état qui continue envers et contre tous à résister à l'impérialisme états-unien et à ses inféodés (dont la France depuis quelques temps). Mon côté Gaulois réfractaire m'incitait un peu à ne pas faire confiance aux éditorialiste des journaux et radios de mon beau pays pour appréhender la complexité de cette civilisation millénaire. Grand bien m'en a pris !
Comme l'a rappelé ce 11 février 2020 le facétieux Hassan Rohani : « Les états unis pensent qu'ils font face à 41 ans de civilisation. Non, ils font face à des milliers d'années de civilisation Iranienne »
Cela commence par une leçon simple et efficace de géographie, où l'on comprend la structure de ce pays, les notions de « haut », mont Damavand (5 683 mètres) et « bas » des plaines littorales, de chaud et froid, d'humide et d'aride, autant d'adjectifs qui façonnent les paysages de ce pays et qui expliquent son unité et ses limites, le plateau et les marches de ce monde pluriethnique : . . . Perses, Turcs, Azéris, Kurdes, Baloutches . . .
Mais surtout, nous avons droit à une vraie leçon d'Histoire qui explique la construction du nationalisme Iranien, le rôle du chiisme dans la société, au moment de la révolution et aujourd'hui.
Tout est passé en revue, cartes à l'appui, des voies carrossables aux ports, pour expliquer les atouts et faiblesses de ce pays. L'alphabétisation qui passe de 15 à 85 % en 50 ans et produit des citadins aux envies finalement assez similaires à celles des citadins des métropoles analogues.
Ce livre s'intéresse enfin aux « trois cercles » de la politique Iranienne : les pays frontaliers, le monde islamique et le reste du monde. Cette approche permet vraiment de comprendre la logique des actions du gouvernement Iranien dans un moment où ses rapports avec ces trois cercles sont très tendus.
Ce pays a en effet toutes les cartes en main pour devenir la puissance dominante de la région face à l'Arabie Saoudite et Israël, mais cela inquiète forcément.
C'est d'ailleurs dommage que l'auteur ne réédite pas une version actualisée de cet excellent ouvrage en prenant en compte les dernières péripéties géopolitiques qui risquent quand même à tout moment de nous conduire à un chaos supplémentaire dans cette région.
Comme le racontait l'inénarrable M. Bolton, ex conseiller à la sécurité nationale du président états-unien: "Notre but est de rayer tout simplement l'Iran de la carte d'un point de vue diplomatique et sociétale. Pour cela la solution choisie est celle de l'effondrement économique."
Pour compléter cette lecture très enrichissante, on peut se procurer le numéro de Juin 2019 de la revue mensuelle « l'Histoire » dans lequel de très belles photos et cartes nous font visiter Pasargades, rencontrer Cyrus et Alexandre, et entrevoir le dieu Auramazda.