Je commencerais par remercier Babelio et son opération Masse critique qui m'a permis d'obtenir ce livre. La république populaire de Chine. Histoire générale de la Chine (1949 à nos jours) par Gilles Guiheux, fait 460 pages, sans illustrations, mais avec une carte à la fin. Il y a aussi une liste récapitulative des chefs du parti, ainsi qu'une chronologie, une bibliographie et un index.
Première déception donc : l'absence d'illustrations (à l'exception d'une carte générale de la Chine à la fin du livre). C'est cela qui faisait aussi la force du premier volume de l'Histoire générale de la Chine proposé par Les Belles Lettres. L'époque contemporaine regorge d'images, même si celles concernant la République populaire de Chine sont sans doute officielles et contrôlées. Il n'empêche, tous les lecteurs ne sont pas familiers du sujet, et tous ne connaissent pas le visage des dirigeants chinois de l'époque où les images de la propagande maoïste. C'est d'autant plus dommage que la 4e de couverture précise : « l'Histoire générale de la Chine, série de dix volumes illustrés ».
Sinon, à part cela, voyons le contenu à présent. Comme pour ma critique du premier volume, je dois préciser que je ne connais pas l'histoire de la Chine. Je ne sais donc pas si ce volume apporte une vision nouvelle sur la période. Je pense qu'il se veut avant tout synthétique.
Le livre se découpe en dix chapitres. Comme pour le premier volume, les premiers chapitres sont consacrés aux événements dans l'ordre chronologique : l'installation du régime ; les dérives du maoïsme ; priorité à la modernisation économique ; la construction d'un nouveau modèle. Suivent des chapitres thématiques, sur la construction de l'Etat ; sur l'économie ; sur les mobilités et les inégalités ; les villes contre les campagnes ; les populations ; et l'éducation et la culture.
1. L'installation d'un nouveau régime (1949-1957)
Dans ce premier chapitre, Guiheux aborde la transition vers la Chine communiste. Il montre que c'est une période d'hésitations que la propagande a décrite comme l'âge d'or du régime. C'est donc une vision rétrospective et exagérée.
Malgré la violence, avec plusieurs millions de morts, Guiheux montre que le nouveau régime a su réaliser d'importantes réformes, à la fois sur le plan social, agraire ou administratif. Les conditions de vie de la population ce sont améliorées. C'est la marche vers le socialisme.
Le nouveau régime cherche à réaliser l'unité du territoire et à mettre en place de nouvelles institutions. Pour cela il va s'appuyer directement sur la population. C'est le début de la collectivisation et l'éradication du capitalisme.
Cette politique passe par la conquête du Xinjiang, mais surtout du Tibet. Ce dernier pays, indépendant depuis 1912, mais non-reconnu par la communauté internationale, va être conquis en 1952 dans l'indifférence générale des grandes puissances (même si des citoyens vont s'insurger de cette occupation).
C'est l'application du programme de la Nouvelle Démocratie, avant la mise en place de la nouvelle Constitution. C'est la création de la République populaire, avec au centre le Parti communiste. Le Parti s'insère dans la vie familiale et s'appuie sur un esprit militaire et nationaliste pour s'affirmer. La société et l'économie sont de plus en plus contrôlées par L’État.
L'installation du régime est donc un succès rétrospectivement, même si elle fut bien plus houleuse que veut le marteler la propagande. Un succès qui ne durera pas toujours.
2. Les dérives du maoïsme (1958-1976)
Cette période est marquée par deux épisodes tragiques : le Grand Bond en avant (1958-1960) et la Révolution culturelle (1966-1969). Le premier épisode provoque la plus grande famine qu'a connu la Chine au XXe siècle. Le second voit la destruction des appareils d’État lancés par le régime lui-même à ses débuts. Ces deux décennies s'achèvent par la mort de Mao en septembre 1976.
C'est une période de règlements de comptes au sein de l'élite dirigeante du Parti. De plus, la population n'est plus aussi favorable au régime qu'avant. Plus généralement, il s'agit pour Mao d'adapter le système économique. La conséquence de cette adaptation c'est la grande famine entre 1959 et 1961. Cet épisode fut très longtemps méconnu du fait du verrouillage de l'information par la propagande du régime.
Si Guiheux évoque la difficulté d'obtenir des chiffres fiables, il évoque 76 millions de morts durant les trois ans que dura la famine, l'année la plus terrible étant 1960 (avec des cas d'anthropophagie).
Le régime va donner, dès 1962, une explication pour le moins choquante. S'il y a eu une famine c'est du fait de la météo et de l'excès d'enthousiasme des cadres du Parti qui a conduit à des « erreurs ». Il y a bien des causes naturelles qui expliquent la famine, mais aussi des erreurs humaines et en premier lieu les exigences démesurées du Grand Bond, la nouvelle politique économique voulue par Mao.
Quant à la Révolution culturelle il s'agit surtout d'une réforme politique et idéologique. Mao veut s'affirmer définitivement. Cela provoque une guerre civile et un conflit générationnel. Une partie de la jeunesse à l'impression de vivre un épisode révolutionnaire. Si à l'origine, il s'agit pour Mao de régler des problèmes internes au Parti, la Révolution culturelle débouche sur une réaffirmation idéologique. Toutes personnes suspectées de sympathies capitalistes devient un ennemi à abattre. Plusieurs milliers d'intellectuels sont ainsi éliminés. De nombreux cadres locaux sont changés. Des bibliothèques, des musées et des monuments historiques sont détruits ou endommagés.
Mao concentre le pouvoir dans ses mains, ce qui provoque des conflits parfois violents avec les autres personnages influents au sein du Parti. Lorsqu'il meurt en 1976, il laisse un pays divisé, à la fois socialement et politiquement.
3. Priorité à la modernisation économique (1976-1992)
Après la mort de Mao, les dirigeants du Parti, notamment Deng Xiaoping, cherchent à reconquérir la population. Pour ça, la décollectivisation de l'agriculture est lancée et les investissements étrangers sont autorisés. Le but n'est pas de détruire le système en place, mais de l'améliorer en donnant l'impression, finalement, que le régime est prêt à s'ouvrir.
C'est un trompe l’œil. Les contestations populaires, à la fin des années 1980, sont réprimées brutalement. C'est le retour de la dictature, avec la place Tian'anmen qui devient le symbole des aspirations démocratiques de millions de Chinois. Malgré une opposition interne, même dans les rangs de l'armée, à l'usage de la force, Li Peng signe le décret mettant en place la loi martiale le 20 mai 1989.
Les réformes engagées sont positives et contribuent réellement à améliorer le sort de la population, que ce soit dans les villes ou les campagnes. Mais cette réussite économique ne s'accompagne pas d'une démocratisation du régime, comme la jeunesse l'espérait (notamment).
Malgré le retour de la dictature, le conservatisme a montré ses limites et il est abandonné. Le modèle économique voulu par Deng Xiaoping, à la fois communiste et capitaliste, a échoué. Le XIVe congrès du Parti, en 1992, va entériner l'entrée de la Chine dans l'économie de marché.
4. La construction d'un nouveau modèle (depuis 1992)
La période commence par le « voyage dans le Sud » de Deng Xiaoping (88 ans) qui fait la promotion du nouveau modèle économique vers lequel tend le régime. L'objectif est donc de construire une « économie socialiste de marché ». En 2001, la Chine rejoint les rangs de l'Organisation mondiale du commerce ; tout un symbole.
Ces dernières années, la société chinoise connaît un tournant important, en se complexifiant. C'est l'apparition de nouveaux groupes sociaux. Les villes prennent des proportions énormes. La croissance est à deux chiffres.
Sur le plan politique, la période se caractérise par une réelle stabilité. Les dirigeants du Parti poursuivent globalement les mêmes objectifs et il n'y a plus d'oppositions inconciliables. Depuis 1989, le Parti a connu trois Secrétaire général : Jiang Zemin (1989-2002) ; Hu Jintao (2002-2012) et Xi Jinping (depuis 2012).
C'est réellement dans les années 2000 que la Chine devient la seconde puissance économique du monde. A cette attraction exercée par le pays, s'ajoute une visibilité plus culturelle. Ainsi, la Chine organise les Jeux Olympiques en 2008 et la ville de Shanghai l'exposition universelle de 2010.
En quelque sorte, le nationalisme a remplacé le conservatisme.
Même si Guiheux ne l'aborde pas directement, Xi Jinping semble retourner aux fondamentaux. Est-ce le retour d'une forme de culte de la personnalité ? En mars 2018, les députés chinois abolissent la limite de deux mandats imposés au Secrétaire général. En théorie, Xi Jinping pourrait donc rester à la tête du pays jusqu'à sa mort. Face à de nouvelles velléités démocratiques dans la société chinoise n'est-ce pas un retour à une ligne dure, comme en 1989 ?
Concernant les chapitres thématiques, je me suis centré sur ceux qui m'intéressaient le plus (le 5, 6 et 10).
5. Les formes de gouvernement.
La Chine est gouvernée par le Parti communiste, omniprésent. C'est une institution qui reste très opaque. L'idéologie révolutionnaire est officiellement abandonnée en 1978.
Guiheux explique qu'il existe une forme de démocratie au niveau des villages, notamment par l'intermédiaire des assemblées populaires. Le droit a pris une certaine importance et il arrive que le peuple manifeste dans certains cas.
Bien sûr, le régime reste autoritaire. C'est un système qui profite avant tout aux élites et l'avis du peuple est presque jamais pris en compte. Le Parti laisse faire tant que le système en lui-même n'est pas remis en cause. Les membres du Parti se réunissent régulièrement et la défiance qui existait entre Mao et les autres dirigeants n'existe plus.
Le régime va-t-il naturellement vers la démocratie ? Les chercheurs ne sont pas d'accord avec la réponse. Le Parti a surtout su montrer sa capacité à s'adapter à la société.
6. La création de richesse.
L'économie chinoise a été une des premières de la planète au moins depuis le XIVe siècle. C'est avec l'apparition du capitalisme moderne au XIXe siècle, que la Chine connaît une période de déclin.
Nous avons vu que la politique de Mao fut une catastrophe, en provoquant notamment une famine. Après sa mort, la Chine s'ouvre à l'économie de marché. Cela va aboutir à un système original, mais aussi en parti expérimental.
Les chercheurs ne sont pas d'accord sur les causes du succès chinois. Est-ce l'ouverture au capitalisme ? Est-ce simplement le pragmatisme des gouvernements ?
Ce système n'est pas exempt de problèmes : précarité salariales, pollution et inégalités sociales en hausse. Finalement, ce sont un peu les mêmes problèmes qui s'observent en Europe.
Seconde économie du monde, la Chine reste un pays pauvre. Les actifs diminuent ce qui provoque un manque de main d’œuvre dans certaines zones. L'objectif est aussi d'augmenter la consommation des ménages, notamment en augmentant les dépenses sociales (pensions de retraites par exemple).
7. Éducation et culture.
Au niveau de l'éducation, il y existe une grande inégalité au sein de la société chinoise. Dans les zones rurales, beaucoup d'habitants sont des illettrés, ce qui contraste avec les élites urbaines fortement éduqués.
La littérature chinoise retrouve un certain dynamisme et se montre même progressiste. Certains artistes, comme Lin Fengmian (1900-1991), ont des contacts avec les avant-gardes des pays européens. Il en va ainsi pour le cinéma. Chaplin séjournera en Chine. Il sortira d'ailleurs un film intitulé La comtesse de Hong-Kong en 1967.
Avec la Guerre Froide, la Chine s'aligne sur l'Union soviétique et arrêtent ses relations avec l'Occident. De la fin des années 1950 à la fin des années 1970, le pays est même replié sur lui-même.
Une tendance des dernières années, c'est quand même la massification et l'internationalisation de l'enseignement supérieur. L'illettrisme a été bien réduit grâce à l'enseignement obligatoire. La Chine investit beaucoup dans l'enseignement et la recherche.
La Propagande continue a s'appliquer, tout en se montrant tolérante. Certains artistes arrivent même à s'en émanciper habilement. Malgré tout, les opposants emprisonnés et la violation régulière des droits humains restent des réalités dramatiques.
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