Le documentaire-fiction de la saga de la perruche à collier en Europe comme prisme d'une manière d'être vivant, comme relecture des impérialismes de jadis et d'aujourd'hui, comme résonance magique d'une ouverture radicale à l'altérité. Somptueux de malice et d'inventivité politique.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/01/02/note-de-lecture-la-destinee-manifeste-eric-arlix/
« Espèce invasive » : de cette expression ô combien stratégique, Éric Arlix a extrait, sous couvert de documentaire de terrain à épisodes fictifs et à échappées rusées, une superbe réflexion conduite comme mine de rien, à propos du rapport de l'homme au vivant bien entendu, à propos des armes matérielles et taxinomiques dont il dispose dans l'affirmation de son statut de maître et possesseur, aussi, à propos des questions de migration et d'assimilation, fussent-elles en apparence appliquées uniquement à des oiseaux exotiques, enfin.
Publié en octobre 2022 aux éditions IMHO, « La destinée manifeste » est l'une des belles surprises de cet automne 2022 : détournant copieusement et heureusement le sens d'une terrible expression forgée en 1845 par un certain John O'Sullivan, journaliste de son métier, comme justification religieuse et suprémaciste d'une expansion vers l'Ouest de l'homme blanc en Amérique du Nord, homme blanc dont la légitimité souveraine à faire fructifier son capital et la pente génocidaire qui s'y trouvait alors associée se trouvaient ainsi d'avance absoutes, la saga de la perruche à collier en Europe s'appuie chaque fois que nécessaire sur de l'information scientifique et documentaire tout à fait authentique et de la considération écologique de première main (la
Joëlle Zask de «
Zoocities – Des animaux sauvages dans la ville », par exemple), mais sait faire joyeusement spéculer la réalité, en jouant de paysages imaginaires qui pourraient être issus du «
Je suis une légende » de
Richard Matheson, d'angles déjà archéologiques que ne renierait pas la
Fanny Taillandier des « États et empires du lotissement Grand Siècle », de constructions communautaires animales et mutantes qu'on pourrait saisir aussi chez le
Furukawa Hideo de « Soundtrack », ou encore de manières particulières d'être vivant qui échangeraient volontiers leurs échos redoutables avec le
Baptiste Morizot des « Diplomates ».
De l'art joueur et sérieux, politique jusque dans ses moindres racines secrètes, de l'art tel qu'on l'aime tant ici.
Lien :
https://charybde2.wordpress...