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EAN : 9782810704422
126 pages
Presses universitaires du Midi (28/10/2016)
4.5/5   3 notes
Résumé :
[BEAU LIVRE]

Jacques Bosia (1788-1842), artiste originaire du Tessin suisse, fait partie de la cohorte des peintres arrivés en France à l’aube du XIXe siècle et que la littérature a désignés péjorativement par l’expression « barbouilleurs d’églises ». S’il faut bien admettre que les badigeonneurs se singularisaient par l’art du « peindre vite » et une maîtrise du trait loin d’égaler celle des grands maîtres, il faut aussi leur reconnaître un talent po... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
L'expression de "barbouilleur", datant du XVIè s, est entré dans le langage courant et attribué aux peintres italiens itinérants, terme véhiculé par les salons littéraires et des écrivains tels que Voltaire, Théophile Gautier ou Prosper Mérimée. L'expression s'est alors généralisée pour qualifier péjorativement ces décorateurs d'églises, satisfaisant à "une clientèle de curé de campagne". On les appelait même parfois des barbares.

Durant tout le 18è siècle, des artistes italiens peintres, sculpteurs, menuisiers, quittaient leur ville natale par choix ou par nécessité, pour se rendre, souvent à pied, dans le Midi ou en Provence. Ils voyageaient souvent en petits groupes et proposaient leurs services de village en village. Les églises toulousaines regorgent de ce passé. Longue dynastie d'artisans (maçons, ouvriers agricoles, métayers) qui sillonnèrent l'Europe et la région du Tarn, depuis la Renaissance jusqu'à devenir un phénomène de masse à la fin du 19è s. Cette immigration était composée d'une élite d'ingénieurs, d'architectes ou de peintres. Certains se sont distingués et sont devenus populaires.
En fonction de leur connaissance en histoire de l'art, ils se qualifiaient eux-mêmes "peintre italien", "peintre en décor" ou "peintre d'histoire".

Leurs tâches étaient souvent peu valorisantes, mais ils étaient des artisans polyvalents. Leur foi indéfectible, leur assiduité aux offices religieux et leur réputation d'artistes travailleurs ont contribué à leur intégration, surtout dans les petites communes françaises difficiles d'accès. Il ne faut pas oublier que ces hommes pouvaient marcher 70 km par jour, traversaient les montagnes, les gorges, pour atteindre les villages les plus reculés, comme celui de Montirat, "le mont désolé" en occitan. Ils étaient accueillis par le curé de la paroisse qui les prenaient en charge, les logeaient, les nourrissaient, et aidait ainsi à les faire accepter par la population.
Les commandes étaient financées par les communes et il n'était pas rare que les curés apportaient une contribution financière supplémentaire. Ce pourquoi, ces artistes leur en étaient reconnaissants au point d'intégrer le visage de leur "bienfaiteur" dans les personnages peints.

Jacques Bosia (1788-1842) fut l'un de ces itinérants. Son histoire est mal connue. On sait qu'il était originaire d'Italie, sa culture a été partagée entre la France et son pays natal, entre l'art classique et l'art baroque. Il n'a pas fréquenté l'Académie des Beaux-Arts, trop coûteuse, et a été formé dans des petits ateliers, très en vogue à l'époque en Italie (ce manque se percevra dans les défauts d'anatomie de ses personnages). Il a apporté les couleurs chaudes de son pays dans des églises austères, telles que l'église Saint-Jacques à Montirat, l'église de Labastide-de-Lévis ou celle de Lagarde-Viaur. Avant ces chantiers et l'oeuvre monumentale de Montirat, en 1834, il a participé à la restauration de fresques du XVIIe et de l'autel de la cathédrale d'Albi, en tant que décorateur et stucateur : tailler dans la pierre, dorure, maçonnerie, peinture à l'huile; bref petits travaux de retouche, petits boulots insuffisants pour nourrir la famille. Il quittera donc la ville d'Albi pour la région du Tarn.

C'est dans l'église de Montirat que Bosia arrivera à maturité dans son art. Autodidacte, il s'est inspiré des trompe-l'oeil de la cathédrale Sainte-Cécile à Albi et s'est nourri de ses voyages, de ses souvenirs, de ses observations.
Bosia s'est également attaqué à la peinture sur toile. On lui attribuerait sans certitude absolue, la réalisation de copies de la série de portraits "série des apôtres d'Albi". 11 toiles subsistent sur les 13, dont 2 attribuées à Georges de la Tour. D'après les experts et historiens, les 7 copies auraient été réalisées de la main d'une seule personne. Quelques détails, quelques indices, quelques signes distinctifs. Une représentation est donnée dans le livre. Personnellement, il m'est difficile de le penser, tant la copie est de qualité exceptionnelle.
Car Bosia fut avant tout un peintre de décor. L'harmonie des couleurs, l'utilisation des rideaux ouverts, guirlandes de fleurs ou de dentelles, la technique du trompe-l'oeil, le soin de la composition et de l'ornementation, les aplats rehaussés de cerne noir pour donner le relief, tout est là pour le spectacle. Bosia invite le spectateur au théâtre.

Pourtant Bosia n'a été ni compris ni apprécié. Avec ce mélange de classicisme français, de baroque italien, d'art florentin, il fut considéré comme un peintre "hors du siècle" et des modernités urbaines. Peintre jugé médiocre, tombé dans l'oubli, sauf pour les historiens d'Albi. C'est dans un souci d'instruction, par l'image, qu'ils transmettaient la parole chrétienne à une population rurale souvent analphabète. Bosia faisait partie de ces peintres passionnés qui, loin d'être des Poussin ou des Raphaël, transmettaient des émotions.

Ce livre n'est pas destiné uniquement aux étudiants, aux passionnés ou aux historiens, mais à tous, car l'art ouvre toujours les esprits, même quand il est approché par petites doses.

Sophie Duhem, historienne d'art, a fait un travail de recherche considérable et associé aux très belles photographies de Jean-François Peiré, ce livre a été une belle découverte qui me restera en mémoire.

Grand merci à Babelio et aux éditions Presses Universitaires du Midi.
merci aussi à vous pour avoir été jusqu'au bout de ma critique :-)
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Je suis partie à la rencontre de Jacques Bosia, barbouilleur italien du XIXe siècle. A l'époque il y beaucoup de peintres italiens partaient répandre leur art en terre française (dans le but d'également gagner leur croûte). Ils étaient méprisés par la caste des « grands » peintres de l'époque à cause de leur réputation de peindre vite et beaucoup. Les petites églises des villes et villages français ont été inondées de leurs peintures, et cela a laissé des traces éclatantes dans l'histoire de l'art français.

Sophie Duhem a fait l'inventaire (non exhaustif) des oeuvres de Jacques Bosia, peintre d'église inconnu du grand public, un des multiples « barbouilleurs » d'églises des villages français. Celui-ci a peint les fresques de la cathédrale d'Albi et divers édifices religieux du Nord-Carmausin (Languedoc). A travers lui, elle s'attache à défendre l'art dit « modeste » (opposé à un Raphaël, ou un Léonard de Vinci) et met la lumière sur les oeuvres contenues dans les églises de nos campagnes françaises.

Je vous avoue que je ne suis guère une adepte des livres de peinture. Ce que j'aime c'est la vie des hommes derrière le chevalet, leurs expériences, leurs passions, le déroulé de leur vie et les éléments déclencheurs. (tendance au voyeurisme bonjour !)
Il n'y a rien de cela dans ce « beau livre ». Déjà parce Jacques Bosia n'a rien laissé, hormis ses peintures, et ensuite car ce livre est plus un ouvrage de recherche voulant « rendre hommage à un peintre oublié, réhabiliter le travail des barbouilleurs et valoriser un patrimoine » (extrait du résumé).

Mon attention n'est pas arrivée à se fixer sur le texte, j'ai virevolté de ci de là entre illustrations et écrits, piochant le récit à mon gré. J'aime beaucoup visiter les églises – en général déjà – et surtout celles qui ont gardé leurs couleurs.
Toutes les peintures de Bosia ne m'ont pas plu, mais certaines montrent un côté vif qui enthousiaste. Je m'avancerai peut-être un peu trop mais on sent la différence entre les portraits/fresques « commandé(e)s » et dirigées par les prêtres et le reste où on peut supposer que Bosia avait un peu plus de liberté.

J'ai maintenant très envie de me faire un petit tour dans le Languedoc (surtout à Montirat et Labastide-de-Lévis) pour inspecter les villages à la recherche des peintres oubliés !
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J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir Jacques Bosia, son art et le contexte dans lequel il a vécu.

Face à un "barbouilleur", comme on les surnommait, qui laisse beaucoup moins de traces dans l'histoire que des artistes tels Da Vinci, le Bernin et al., hormis ses peintures, Sophie Duhem a du mener un travail de recherches assez important pour retracer le parcours de Jacques Bosia. Certaines parties de sa vie reste malgré tout encore bien sombres et l'auteure ne peut qu'émettre des hypothèses sur les événements qui ont rythmé sa vie.

C'est très intéressant de se plonger dans l'art de cet inconnu (c'est ce qu'il était pour moi avant de lire cet ouvrage), et de l'interpréter ainsi que de voir ses influences. Sophie Duheim se permet également dans cet ouvrage de souligner les imperfections et les maladresses tout comme les talents de ce peintre.

Au-delà de la micro-histoire de Jacques Bosia, c'est la grande histoire qu'on touche du doigt. L'auteure revient sur le contexte de l'époque : l'immigration de peintres en France, notamment dans le sud, qui constituent la main d'oeuvre privilégiée pour l'ornementation des églises, l'après-Révolution ...

Cet ouvrage vient enrichir ce que je connaissais déjà sur cette époque, m'a beaucoup instruit au niveau de l'art et me fera regarder d'un œil nouveau les ornementations des églises.

Je remercie à nouveau "Masse critique" pour cette nouvelle découverte.
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