La sécheresse qui frappe en ce moment les Pyrénées orientales est une parfaite illustration du propos et des avertissements de l'auteur de cet essai très pédagogique.
2 ans sans pluie :
- Les lits des rivières sont à sec, les lacs de retenue et les nappes phréatiques se vident. C'est l'eau bleue, celle que nous connaissons le mieux car c'est elle qui satisfait nos besoins quotidiens, ceux de notre agriculture, de nos industries, de notre énergie, de notre tourisme.
- Les images satellites nous montrent des paysages desséchés, une végétation agonisante, des ceps de vigne moribonds : c'est le manque d'eau verte, celle qui s'infiltre et est stockée dans les sols et dont se « nourrissent » les plantes.
Cette distinction entre eau bleue et eau verte lui permet de nuancer l'image d'Epinal du cycle de l'eau que nous avons tous en tête. C'est bien plus complexe que ça et son approche holistique de la problématique de l'eau nous montre à quel point les gestes que nous faisons au quotidien à un impact sur l'eau, qui a un impact sur la biodiversité, qui a un impact sur notre climat qui aura un impact sur notre survie sur notre belle planète bleue justement.
Son essai est découpé en trois parties.
La 1ère est consacrée aux faits : les cycles de l'eau, les usages et les quantités que nous utilisons avec des informations forts intéressantes comme 1 litre d'eau pour un kilo calorie de végétal, 13 000 litres d'eau pour 1 kilo de viande de boeuf, la prise en compte de l' « eau virtuelle » soit celle que nous ne consommons pas directement mais qui est utilisée pour fabriquer, cultiver les produits que nous importons.. ou bien la notion d'empreinte eau comme il y a une empreinte écologique c'est-à-dire non seulement prendre en compte notre consommation d'eau bleue, d'eau verte auxquelles doit s'ajouter la quantité d'eau nécessaire au recyclage des eaux grises, soient les eaux dégradées que nous rejetons après usage…
La seconde partie est dédiée à l'examen des menaces directes sur l'accès à la ressource en eau aujourd'hui sur la planète.
Il prend pour exemple le phénomène déstabilisateur d'El Nino fort bien documenté historiquement aujourd'hui : famines, effondrement de dynasties pour examiner les conséquences du dérèglement climatique en cours : sécheresse dans les zones arides, inondations dans les zones humides, multiplication des phénomènes climatiques extrêmes… Il montre également comment nos activités perturbent l'équilibre même de l'eau : eutrophisation des littoraux avec les marées vertes, multiplication des eaux mortes c'est-à-dire d'eaux où plus aucune vie n'est relevée…
Tout cela pourrait être bien démoralisant. Ça l'est en quelque sorte.
Pourtant la dernière partie va faire des propositions concrètes déclinées autour de 4 idées : efficacité, sobriété, résilience (envisager la survenue d'évènements extrêmes et de s'y préparer) régénérer…
Je vous liste ici des solutions pleines de bons sens et qui surtout me semblent avoir été pratiquées pendant des temps immémoriaux et juste mis de côté, oubliés, par la prétention humaine si certaine de maîtriser la nature : éviter les gaspillages consuméristes et notamment de nourriture, entretenir des réseaux, pailler et biner les cultures, réutiliser les eaux usées, manger plutôt du végétal que de l'animal, recycler, consommer local, tarifer en augmentant le prix pour les gros consommateurs, recréer des haies, des réservoirs, réaménager des zones perméables notamment dans les villes, permettre à nouveau aux fleuves de sortir de leur lit, recréer des méandres, des zones humides, mélanger des variétés différentes sur les mêmes parcelles, reboiser…
Je remercie chaleureusement Babelio et les Editions Charles Léopold Mayer pour l'envoi de cet ouvrage à la pointe de la question. Moi qui ne suis pas scientifique j'ai presque tout compris tant cet essai est bien écrit, bien construit, reprenant de façon synthétique chaque chapitre pour clarifier les notions, les idées, les concepts sur un sujet que me tient à coeur.
J'ose espérer que les nombreuses expérimentations en cours un peu partout sur la planète, entreprises par des personnes engagées et volontaires, porteront non seulement leurs fruits mais aussi convaincront les tenants forcenés d'une croissance économique sans fin, sans frein qui nous mène droit dans le mur.
Je terminerai avec une citation prélevée dans la conclusion de
Daniel Zimmer : « le pessimisme de l'intelligence ne doit pas ternir l'optimisme de la volonté » Gramsci.