Au sortir de ce livre, recueil de nouvelles réalistes contemporaines, je suis complétement conquise par la capacité qu'a l'auteur, via la fiction, de rendre compte de la complexité de notre monde bien réel : guerre, paix, migrations forcées ou pas, amours choisis ou pas, relations modernes entre maître et valets, aveuglement ou extrême clairvoyance des personnages, humour noir, humour fou aussi,
Jean-Christophe Rufin fait mouche à chaque fois. Tout y est, l'efficacité dans la concision, la volonté de témoigner des problématiques d'une époque avec des vrais talents de metteur en scène, de conteur et de littérateur. En funambule expert, il écrit comme s'il traversait un précipice lentement mais sûrement sur un fil de fer long de 3000 m. L'équilibre du tout réside alors dans sa manière d'utiliser le balancier entre le drame et le burlesque. C'est ainsi qu'en quelques nouvelles, il nous montre comment nous acceptons de laisser la boîte de Pandore s'ouvrir à nouveau sur le monde, laissant s'envoler les nationalismes, la terreur et l'horreur, surtout. A l'intérieur de ces courts récits, il nous laisse cependant quelques onces d'espoir comme au fond de la très légendaire boîte. C'est ainsi que certains moments de ces nouvelles valent bien les folies des
Marx Brothers ou les clins d'oeil mi tendres mi facétieux de Charlot. La matière de ces nouvelles, dans lesquelles les personnages ainsi que les lecteurs voyagent au propre comme au figuré, reste sombre, mais je trouve le regard que l'auteur leur porte et l'analyse qui en émane, totalement juste. J'en conclurai un peu comme l'auteur que dans beaucoup d'événements, de faits-divers, de situations difficiles, rien n'est si noir, rien n'est si blanc, tout dépend de ce que l'on veut bien regarder et comment on le regarde.