Si je vous dis Dark Fantasy, cela vous inspire-t-il quelque chose ?
Sans être un adepte ou lecteur rôdé du genre, je me suis laissé d'abord embarqué dans un univers sombre et violent, proche de l'apocalypse, dans les entrailles d'une planète à l'agonie, la lumière est perçue presque comme un sacrilège, autant le dire d'emblée, l'auteur n'y est pas allé de main morte (sans jeu de mots), dès le prologue, dès le premier chapitre, j'ai fini par être envoûté dans cette imagination débordante, au fil des chapitres suffisamment étayés, j'ai envie de préciser combien cette lecture a été salvatrice, entre deux romans figurant dans un contexte plus "contemporain", il est bon de puiser dans cette mouvance trouble entre le bien et le mal, point de départ et point de distinction que l'on va progressivement en distiller la teneur, cette confusion et amalgame de ces notions s'inscrivant comme le fil conducteur d'une histoire de toutes les imaginations, largement abordable pour tout un chacun et finalement irrésistible ...
Vous l'avez compris, il ne sera pas question ni de romance dans le texte ni d'une version soft d'une adaptation de
Conan le Barbare de
Robert E. Howard (rare incursion en ayant dévoré quelques-uns de ses livres avec les adaptations cinématographiques avec
Arnold Schwarzenegger), si le prologue ambitieux pose les bases d'un récit empreint d'une aura énigmatique, rien de moins que la naissance d'un héros dans un no man's land saisissant de réalisme et de frayeur ressenti, une quête de tous les dangers pour le personnage principal, l'univers dépeint repousse les frontières de l'imagination la plus fertile et débridée qu'il soit mais surtout la mise en place d'un univers tout simplement fascinant, cette envie d'en savoir plus et toujours plus autant pour décrypter les nombreux messages sous-jacents qui s'égrènent dans la progression du récit que la découverte de nombreux personnages aux pouvoirs mystiques et aux desseins contrastés.
Cette immersion dans un terreau riche de puissances en opposition, la présence symbolique des légendes sacrées, des parcours du combattant foulant des chemins presque infinis, dans cette enivrante sensation de vitesse et de forces démoniaques à l'oeuvre, le ressenti est palpable, plonger ou replonger dans les mots de l'auteur, c'est prolonger ce plaisir évanescent d'une plume maîtrisée, généreuse pour éprouver la vitalité et l'énergie qui animent tous les personnages, dans cette ambiance oppressante, dans cette incertitude de lendemains, tout est prétexte à traquer des vérités, au milieu d'intrigues politiques et de domination terrestre, que vous soyez dans la peau qui d'un mage, qui d'une fée, qui d'un elfe ou d'un lycanthrope, un seul objectif, survivre !
Il était une fois un héros mythique qui suivait son instinct sauvage et rédemptrice, dans sa quête identitaire, son parcours solitaire va le pousser dans ses derniers retranchements, il va découvrir qu'il existe pour accomplir une mission à haut risque, le roman présente cette particularité de semer le trouble dans la tête de tous les participants à cette aventure hors du commun, le lecteur n'est pas en reste, plus d'une fois, ce sentiment d'être largué pour soulever de nouvelles questions sans réponses, s'il est une chose que j'ai apprise dans toutes les lectures, c'est la patience, pour traquer ou trouver le coupable dans un polar, pour atteindre l'apogée d'une histoire d'amour ou pressentir le destin funeste d'un personnage dans un roman historique, Les Royaumes Démoniaques n'échappent pas à la règle.
Prendre le temps de s'imprégner d'abord d'une atmosphère étouffante, rare sont les moments de plénitude ou de pause, le souffle du démon s'harmonise dans le chaos indescriptible régnant sur ces terres désolés, la forêt magique et étrange fait partie de l'équation complexe, le hasard n'existe pas, tout semble se focaliser dans un passé traumatisant avec ses blessures béantes, ses interrogations éprises de sens cachés, la part ésotérique est abondante, les affrontements sont légion, que l'on soit coutumier de cette fantaisie noire par le biais de la littérature ou de celui des jeux (rôle ou vidéo), une chose est certaine, l'action est trépidante, si le héros se nomme Ciwen, j'ai été littéralement sous le charme d'Olivia, une créature ondine, on l'appelle aussi génie aquatique ...
Ce qui est frappant dans cette histoire, c'est le parallèle avec l'histoire de l'humanité, ces millions de personnes qui ont laissé leur empreinte ou leur ADN depuis la nuit des temps, dans l'exploration des terrains vierges ou défigurés par les nombreux conflits inter-claniques, des valeurs perdurent ou sont trahies, des manipulations comme des mensonges préfigurent des comportements machiavéliques et trompeurs, dans les décisions des politiques sur l'appel à la paix ou à la solidarité de la chaîne alimentaire, dans la recherche optimisée de l'exploitation des ressources disponibles, le gaspillage doit être banni, ce sont autant d'indices non dénués de métaphores avec le monde actuelle, de l'univers Les Royaumes Démoniaques de
Christopher Evrard à aujourd'hui, un jour de février 2019, le lien est ténu ...
Pour peu que l'imagination fasse preuve de sensibilité ou de sagesse, la lecture est d'une belle facture, d'un ensemble cohérent et si ce n'est quelques rares égarements, principalement dans les nombreuses sous-intrigues dont la construction prend parfois des intonations insolentes ou sans séparation, il vous faudra alors faire preuve de patience, l'idéal serait donc de ne pas tout lire d'une traite pour laisser à l'esprit le temps de digérer et d'évaporer tous les détails qui ont leur importance dans l'afflux des , de laisser libre court à toute votre imagination, tout est perspective entre le réel et les réminiscences, entre plusieurs niveaux de lecture pour alterner passé et présent, ne vous trompez pas pour les illustrations, au passage d'une influence approuvée et signée Jenny Burgy, forts bien réussies et dans le ressort de la narration en cours avant ou après l'apparition, ce premier tome n'est pas un livre réservé à un jeune public, toute la panoplie des combats avec son lot de cortèges de victimes, tous les impacts ne sont pas factices, les coups portés sont éprouvés, l'effort physique enduré, la souffrance est viscéralement prégnante, dans ce tourbillon improbable et de tous les excès, vous ne serez pas au bout de vos peines.
L'imagination, dit-on, est dans la limite de ce que l'auteur peut en découler, avec sa plume ici, dans la richesse évidente complétée par une lucidité à bâton rompu de tous les tenants et aboutissants de plusieurs récits qui se suivent pour converger peu ou prou, garder à l'esprit que ce tome pose les bases d'une réflexion sur la vie et la mort, l'amour et la haine, la guerre et la paix, qu'est-ce qui pourrait différencier notre histoire de celle issue de Royaumes Démoniaques à travers les quêtes existentielles de Ciwen ou d'Olivia ?
Chaque personnages, qu'il soit du côté du pacifisme ou celle de la force obscure apportent leur lien psychologique, leur crise identitaire comme ce désir individuel de combler les trous, de caresser les rêves d'une vision salutaire d'un monde au bord de l'apoplexie, ces liens de causalité ne sont pas dûs au hasard ou juste à l'impermanence des aléas de l'existence, trouver des solutions de rechange ou des compromis, ériger des barrières et de créer des alliances, tous pour un ou un pour tous ?
Je remercie l'auteur pour sa confiance de m'avoir fait pénétrer son univers passionnant et terriblement accrocheur, j'ai vécu des émotions diverses au travers des personnages de Ciwen et d'Olivia, les Royaumes Démoniaques sont loin de se réduire juste à ces personnages principaux, tout reste encore à vibrer dans les multitudes conquêtes en juxtaposition, comme la toile de l'araignée, la complexité de la toile n'a d'égal que la dynamique amplifiée par une action continuelle et palpitante, l'intensité se mesurant alors au degré d'impact de chaque combat épique, une vision juchant sur des hauteurs vertigineuses et de toutes les surprises, des retournements de situation et des situations anxiogènes complètent le tableau d'envergure d'une saga qui ne fait que ... commencer !
Magie ou alchimie ? Ondine ou Elfe ? Humains ou lycanthrope ? Bien ou mal ? Rationnel ou irrationnel ? Rêve ou réalité ?
A vous d'écrire votre propre histoire, de créer des sorts magiques ou de survoler des zones par les airs, de croiser le fer de votre épée avec des créatures venues des enfers, des entités démoniaques dont le titre éponyme du tome 1 La Roche des Ages n'est pas étranger.
Rien n'est jamais défini ni ne trouve une vérité absolue, pour peu d'être prêt à laisser le surnaturel et l'imagination la plus décomplexée se faire une place dans votre coeur de lecteur, la récompense pourrait s'inviter alors dans votre univers livresque, celui d'élargir votre horizon vers de nouvelles frontières, dans l'inimaginable comme dans la synthèse d'un monde en gestation et dont toutes les valeurs symboliques ou de la mythologie pourraient s'incruster dans les Royaumes Démoniaques de
Christopher Evrard (ou Yaverot Smith).
Une auto-édition qui se pare d'une sublime couverture signée Art by Wuika / Jenny Burgy et d'un énorme travail de correction par
Loli Artesia.
Bonne découverte !!!