Diouldé a étudié en Europe, ce qui lui a permis d'accéder à un statut social fort envia
ble dans son pays d'Afrique où règne la misère. Individu de frêle constitution, discret, il n'est pas de ceux que l'on remarque. Après une brève période de zèle inutile, ses supérieurs ne semblant ni contrôler, ni même s'intéresser au travail qu'il effectue au ministère, il s'est fondu dans la masse de ces élites dont il fait désormais partie, davantage préoccupées de leur vie mondaine que de leurs missions ministérielles... Diouldé passe la majeure partie de son temps à rédiger des rapports qui ne seront jamais lus, se laissant peu à peu gagner par la fainéantise et l'ennui, frustré de devoir se contenter d'une maison conforta
ble dans les bas quartier, quand ses collègues vivent dans de spacieuses villas bordant la corniche.
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Les crapauds-brousse" démarre ainsi sous les auspices d'une frivolité que ternissent à peine les images de pauvreté qui s'insèrent dans le récit, concentré sur le quotidien sans drame de Diouldé, ses querelles avec sa femme Râhi, les fêtes avec ses amis, les discussions au cours desquelles ces derniers expriment parfois leur dégoût pour le gouvernement du tyrannique Sâ Matraq, marqué par la corruption et la répression... La première partie du texte est empreinte d'ironie et d'un humour faussement bon enfant dont Diouldé, avec son allure ridicule, son attachement un peu lâche à sa tranquillité, fait souvent les frais, mais qui souligne aussi mine de rien avec férocité le despotisme d'un pays qui n'est pas sans évoquer la Guinée de
Sékou Touré (pour plus de détails, vous pouvez cliquer ICI).
Et puis réapparaît dans la vie de Diouldé Gnawoulata, un ancien camarade de classe ayant fait fortune grâce à divers trafics, qui le présente à son ami Daouada, homme laconique et inquiétant, auréolé d'un obscur pouvoir. le récit bascule alors dans la tragédie, le lecteur est brutalement immergé dans la réalité barbare et terrifiante d'un état policier : dénonciations et arrestations d'opposants réels ou supposés, assassinats dont les auteurs bénéficient de l'impunité conférée par leur situation politique, évocation, même, d'un camp de concentration, entouré d'un mystère qui l'a rendu lugubrement mythique.
J'ai vraiment apprécié la façon dont
Tierno Monénembo introduit, presque subrepticement, la violence et l'oppression dans son intrigue, les rendant ainsi d'autant plus frappantes, et installant une atmosphère de plus en plus écrasante. Il exprime ainsi la vulnérabilité d'une nation qui, ayant accédé à l'indépendance, a du mal, entre tradition et modernité, à trouver ses marques, à se reconstruire des modèles.
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