On ne sait pour ainsi dire rien de
Giovanni Francesco Straparola, sauf qu'il est l'auteur d'une série de
contes, parues en deux volumes, le premier en 1550, et le deuxième, sans doute à cause du succès du premier en 1553. En 1555 paraîtra une édition qui va les rassembler.
Appelé en Italien le piacevoli notti, le recueil sera très vite traduit en différentes langues, prenant en Français le titre
Les nuits facétieuses, infidèle, mais gracieux et correspondant bien au contenu. La première partie est traduite dès 1560 par
Jean Louveau, et la deuxième en 1573 par
Pierre de Larivey. Mais le succès du livre va être stoppé en 1605 par une mise à l'index de l'ouvrage pour obscénité. Il continuera toutefois à être lu, la preuve en étant le nombre d'emprunts qui lui seront fait. C'est en fait un formidable réservoir d'
histoires, certaines originales, apparaissant pour la première fois, d'autres glanées ici ou là. L'édition proposée par
José Corti est donc la bienvenue pour lire à la source les versions originales de trames que l'on pourra retrouver ailleurs. Elle reprend les traductions du XVIe siècle, dans une révision effectuée par
Joël Gaillard, qui permet de suivre le texte dans une orthographe et syntaxe modernisées.
Lucrezia Gonzaga, en fuite de Milan, se réfugie dans l'île de Murano. Pendant le carnaval, elle réunit une société choisie, de jeunes femmes et de quelques lettrés, et tout ce beau monde s'adonne à l'art de raconter. Il y a treize nuits, pendant les douze premières cinq
contes sont racontées, et la treizième et dernière, en comporte treize, comme un dernier feu d'artifice. Chaque nuit débute par un chant (poème) et se termine par une énigme que l'assistance doit trouver.
Les récits-
contes sont de natures différentes : il y a des
contes merveilleux, premiers exemples littéraires de ce que l'on va appeler
contes de fées, des récits lestes, des récits de tromperies etc. Certains sont empruntés à d'autres auteurs, comme à Boccace, d'autres apparaissent pour la première fois, peut-être témoignant de récits jusque là transmis uniquement oralement.
Malgré le récit cadre, il n'y a pas de véritable progression, les récits se répondent très peu, il n'y a pas de thématiques comme dans le Décaméron. Mais Straparola a une plume alerte, et sait construire ses
histoires, avec légèreté et efficacité. Tout au moins dans ce qui correspond au premier volume, dans la deuxième partie, la qualité à mon avis baisse, il reprend beaucoup de ses trames à un auteur que je ne connaissais pas,
Girolamo Morlini, et ce ne sont pas les plus intéressantes.
Les énigmes quand à elle sont à peu près introuvables, et très vite deviennent scabreuses. Elles affichent souvent un contenu qui paraît obscène, mais la personne qui propose l'énigme en donne une autre lecture, possible même si pas la plus évidente.
Mais c'est tout à fait plaisant dans l'ensemble, et on comprend que ces
contes aient pu inspirer tant de narrateurs à la suite. Des auteurs de
contes de fées, comme Basile, Perrault, Grimm,
Mme d'Aulnoy y ont emprunté de la matière, mais aussi
Shakespeare, et même
Molière dans l'École des femmes.