C'est une grande idée des Editions Phébus que de publier ce bouquin. C'est un témoignage formidable sur les débuts mouvementés de l'Histoire de l'Aviation, et c'est aussi un vrai texte littéraire, très bien écrit. L'Histoire même du manuscrit est totalement romanesque, puisque Roland Garros écrit ce récit alors qu'il est prisonnier des allemands entre 1915 et 1918, il s'échappe en février 1918 en laissant son manuscrit, qui sera récupéré après l'armistice par l'un de ses amis, puis dactylographié à 4 ou 5 exemplaires, dont 1 sera lu par Blaise Cendrars qui l'évoque dans le 1er chapitre du Lotissement du Ciel (j'ai vérifié : page 76, édition Folio 1976). Ça se lit comme un roman d'aventure, l'écriture est dynamique, vivante. L'action se déroule de 1909, Roland Garros est alors âgé de 20 ans, jusqu'à 1914 à la veille de la guerre. le lecteur éprouve avec l'aviateur les sensations des premiers vols sur la Demoiselle de Santos Dumont (aujourd'hui on appellerait cet « aéroplane » ; un U.L.M.), puis sur le Blériot XI. Viennent ensuite les premiers meetings, puis les circuits, les premiers records qui tomberont bien vite. Ensuite R. Garros est engagé dans le Grand Cirque Aérien Moisant aux U.S.A., où il devient le « Cloud Kisser », il nous raconte une multitude d'anecdotes sur ce pays neuf. De retour en Europe pour les grandes courses : Paris-Madrid, Paris-Rome ... Infatigable, il repart en Amérique du Sud faire d'autres démonstrations (Rio, Buenos Aires). On suit, en 5 ans, les prodigieuses évolutions techniques de ces appareils. Les records (altitude, vitesse...) tombent, certains de ses amis aviateurs aussi. L'accident et la mort ne sont jamais très loin. On croise également les constructeurs de « Ce peu de bois et de toile animé par la pensée humaine », les Blériot, les Morane et Saulnier ... L'écriture est vive et enthousiaste. le 23 septembre 1913, R. Garros décolle de Fréjus pour atterrir à Bizerte 7H53 plus tard, c'est la première traversée aérienne de la Méditerranée, il entre dans l'Histoire. Ce récit est aussi un magnifique témoignage sur cette courte époque où l'aviation était un sport et un spectacle, où le progrès avait un sens et dont la génération montante fut décimée par la 1ère guerre mondiale. Un très beau document qui mérite 5 étoiles dans ma Babéliothèque.
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Si je vous dis Roland Garros, vous me dites : tennis,...oui et bien non.
Roland Garros est un aviateur né en 1888 à St Denis de la Réunion.Diplômé des HEC, il va abandonné ses études pour se consacrer à l'aviation...bien grand mot à l'époque !
C'est au salon aéronautique de 1909 qu'il va commander avec ses économies (son père avocat en Cochinchine lui a coupé les vivres) le premier avion léger : la Demoiselle Clément-Bayard (le plus petit aéroplane du monde,fragile et dangereux : allez jeter un oeil sur internet).
Bien sûr, il n'existait pas d'école pour la Demoiselle, le seul à l'avoir utilisé est son créateur le brésilien Santos-Dumont.
Malgré tout, en deux mois Garros fait l'apprentissage du pilotage à Issy- les- Moulineaux et obtient son brevet en 1910, à 22 ans !
A l'époque, l'apprentissage est un mélange d'essais plus ou moins fructueux et de conseils de pilotes.
Nous suivons ses progrès : dès sa cinquième sortie, il parcourt 600 mètres et se maintient à 2 mètres du sol, cela nous semble dérisoire mais pour cet homme-oiseau c'est le début de l'émotion, la fièvre des premières aventures.
En 1909, suite à l'exploit de Louis Blériot , la traversée de la Manche, son Blériot XI est un succès commercial, c'est donc en passager que Garros va avec John Moisant (sur son Blériot à deux places) faire son premier voyage en aéroplane d'Etampes à Issy : une véritable prouesse à l'époque !
Puis, vient l'engagement inespéré pour le meeting de New York où il se retrouve : "en contact avec les "aviateurs", les grands ! Je me sentais tout petit."
Ensuite , c'est une grande tournée à travers les Etats-Unis, c'est à ce moment qu'il abandonne la Demoiselle pour le Blériot XI, dont il écrira être "sans le moindre enthousiasme pour le " Roi des monoplans."
1911, retour en France et participation aux différentes campagnes sportives, des femmes participent aussi : Marie Marvingt sur Antoinette, la belge Hélène Dutrieu sur biplan Farman.
1912, une nouvelle tournée de six mois : direction l'Amérique du Sud, où Garros écrit : "le vol était devenu plus qu'une passion : un besoin ."
En septembre 1912, il adopte le monoplan Maurane-Saulnier, très rapide et maniable avec lequel il va effectuer la première traversée de la mer Méditerranée en septembre 1913 .
Dans ses Mémoires Garros nous raconte tout sur sa raison de vivre : voler, avec ses échecs, ses peurs, ses peines avec la perte de ses amis, ses succès, ses records, mais aussi des anecdotes savoureuses.De sa famille, rien ou si peu, son père viendra le voir deux fois fin 1911 à Marseille et en 1912 sur le circuit d'Anjou.
L'écriture des Mémoires est agréable , il y a de magnifiques passages que je trouve poétiques, les photos sont intéressantes et permettent d'appréhender l'époque et de visualiser ces machines volantes , je suis en admiration devant ces hommes et ces femmes qui étaient plein d'énergie, d'insouciance et de ténacité !
A la suite, il y a le journal de guerre de Roland Garros qui couvre à peine 1 an (il sera prisonnier pendant 32 mois puis s'évadera), le style est plus proche du rapport.
On apprend que la première tâche de l'aviation française était la reconnaissance, celle-ci jouera un rôle central dans la victoire de la Marne, ce sont les balbutiements de l'aviation en tant qu'arme de guerre.
Les Morane-Saulnier dits Parasols seront parmi les meilleurs avions de chasse du début de la Ière Guerre mondiale.Et Roland Garros sera le premier à fixer sa mitrailleuse pour qu'elle tire à travers l'hélice : une invention révolutionnaire.
Je remercie Babélio et les éditions Phébus pour l'envoi de ce livre dont la couverture " gaufrée" est agréable au toucher, un point en plus aussi pour le choix de la photo de couverture, un dossier complète l'ouvrage.
Juste une dernière info pour les franciliens, à Tarbes des passionnés reconstruisent l'avion d'hier, le fameux Morane-Saulnier Parasol Type L de Roland Garros avec pour objectif de se poser au Grand Palais fin 2016 pour commémorer le chasseur Garros et la Grande Guerre : à ne pas manquer !
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En vue de Naples, je redescendis vers 1500 mètres. Je survolai le Vésuve en pensant : je suis le premier homme qui le voit ainsi. Des gaz sulfurés flottaient dans l'air, mon regard fouilla le terrible entonnoir, qui me semblait petit comme si j'avais pu y découvrir un secret. Au centre, une fumée blanche s'épanchait lentement.
Le second drame fut - le dernier jour du meeting - l'historique assassinat de Sarajevo.
Ce crime qui mettait officiellement l'empire en deuil, ne semblait pas atteindre beaucoup de sentiments profonds. Le couple disparu n'était pas populaire. On n' exprimait de tristesse sincère qu'à l'égard du vieil Empereur, si souvent frappé dans son coeur d'homme.
Et il ne vint jamais à l'idée d'aucun de nous que cet événement quasi indifférent à la masse, était l'étincelle qui mettrait l'Europe en feu.
L'appareil fut prêt le samedi matin. A 5 heures, profitant d'un temps superbe, je réussis un brillant essai. Je ne volais que 5 minutes - pour ménager le moteur - à 30 ou 40 mètres de haut, avec des virages et un atterrissage que n'eût pas désavoué Santos lui-même...Et la Demoiselle fut aussitôt enfermée dans son hangar, avec les soins dus à un objet précieux.
Notre arrivée à la Nouvelle-Orléans fut une grande joie.Depuis New York, nous n'avions pas rencontré de séjour sympathique.Les cités du Texas, surgies de terre en quelques années sont d'immenses marchés.Tout y était sacrifié aux affaires, rien à l'agrément.
New Orleans au contraire avait un air de fête.Un tiers de la population parlait plus ou moins le français.
C'est le même soir qu'un aimable voisin de table ne voulut pas me quitter sans me laisser sa carte.Elle portait ces mots:
A.DURAND
Pierres et monuments funéraires
Il ajouta, avec un sourire charmant :
-Si je peux vous être utile.
C'était tout à fait dans notre ton.