Mensonges

Chaque jour de mauvais anniversaire, le 4 de chaque mois, elle venait marcher sur les hauteurs pour observer le fleuve, loin là-bas, au bout des champs. Qu’il neige, qu’il pleuve, qu’il vente, rien ne l’empêchait jamais de venir reprocher au fleuve ce qu’il lui avait fait.
Aujourd’hui, dimanche, il y avait exactement trente mois que les parents de Violette étaient disparus. Pile, trente mois. Disparus. C’était moins terrible à dire que morts, même si on les avait retrouvés.

Continue d’apprendre à t’envoler, ma Bibiche, mais sois prudente. Le jour où je te verrai sur ton trapèze dans le maillot blanc dont tu rêves, j’aurai le cœur serré, la gorge aussi et les mains moites. J’aurai peur, mais jamais de la même peur que celle des mensonges. Je serai terrorisée, je craindrai que la longe ne cède. Tu n’es pas faite pour tomber. Et même avec toute cette peur au fond du cœur, je sourirai de bonheur à cause de la confiance, celle qui te fait virevolter sans angoisse dans les airs et voler toujours plus haut.

Si on ment, Bibiche, c’est parce qu’on a peur de la vérité. Peur qu’elle nous éclate en plein visage, et on camoufle parce qu’on sait bien qu’elle finira par exploser. On a peur de la voir, de l’entendre, la vérité. Ou qu’elle nous touche de trop près…

Le message était toujours là, à côté de l’ordinateur. IOEL FR ZNCCHH. Émile retournait les lettres dans tous les sens, cherchait à deviner ce qu’elles cachaient, encore plus convaincu que la veille qu’il fallait une clé pour percer le mystère, un mot qui fasse le pont entre le message d’origine et sa version chiffrée. Ce pouvait être aussi une série de chiffres ou une formule mathématique.

Les dollars américains, elle les conserve précieusement en vue du jour où elle fera construire un hôtel de luxe dans la ville de Miami dévastée par le cyclone de 1926. C’était le grand projet de John : faire renaître, faire revivre Miami. Pour la veuve, le Canada est un pays sans avenir. Elle se donne encore dix ans pour peaufiner son plan.