Bien souvent, les femmes se retrouvaient, mais ce n’était pas systématique. Mélanie n’appréciait qu’à petites doses de parler pendant des heures, de tout, de n’importe quoi et surtout de n’importe qui. Ses amies – si l’on pouvait vraiment employer ce mot – ne lui apportaient pas grand-chose, contrairement à ce qu’elles imaginaient. Elles semblaient lui faire comprendre que, sans elles, elle risquait de s’ennuyer. Elles étaient également capables de dire dans la même conversation, qu’elles ne pourraient pas vivre seules, mais que certains jours elles auraient préféré, plutôt que de supporter leur mari.
Une famille typique, ressemblant à beaucoup d’autres, parce que légèrement dispersée, et il s’avérait presque impossible d’entretenir des relations, surtout avec la distance et un mari sédentaire comme Alexandre. Sauf que les changements de régions remontaient à très longtemps concernant la famille de Mélanie, et ce n’était pas très courant du temps de sa grand-mère de bouger aussi loin de son lieu de naissance. Mais au fil des années, les enfants et petits-enfants avaient continué et ils s’étaient ainsi retrouvés assez éloignés les uns des autres.
Sans l’avoir vécue, Mélanie se rappelait la guerre, épisode douloureux dont sa grand-mère lui avait un peu parlé, alors qu’elle n’avait même pas dix ans. Mais aussi l’histoire dramatique de l’Alsace, qui était passée d’une nationalité à l’autre : d’abord allemande puis française. Toutes ces informations étaient mélangées dans sa tête, alors comment faire la part des choses, comment s’y retrouver. C’était peut-être le moment pour elle de donner de la consistance à sa vie, de faire revivre ses ancêtres et de retrouver tout simplement ses racines.
Seule désormais, elle n’avait plus besoin d’autant de choses. Elle n’avait d’ailleurs aucun héritier, à part sa sœur et ses neveux, et Mathilde serait bien en peine s’il venait à lui arriver quelque chose ; il y aurait tant et tant à trier. Alors le mieux était qu’elle lui laisse le moins de choses à faire, le moment venu.
La vie est moche quelquefois, mais elle peut être belle aussi.