Et puis, c'est peut-être aussi comme ça qu'ils fonctionnaient, les gens des appartements du dessus. Toujours à se plaindre de leur vie fabuleuse sans jamais la changer. C'est d'ailleurs parce qu'ils savaient qu'elle était fabuleuse qu'ils ne la changeraient jamais. Et puis ils s'aimaient, les gens des appartements du dessus, qu'est-ce qu'ils s'aimaient ! Pas entre eux, non. Ils s'aimaient soi-même. Ou du moins, ils travaillaient dessus. Ils étaient tout le temps en train de travailler sur tout et n'importe quoi. Ils s'efforçaient de « vivre l'instant présent », d'être « ancré » on ne sait où, de « ne penser qu'à soi » ou encore d'être « égoïste ». Pourtant, ils l'étaient déjà bien assez, égoïstes. « Non, mais un égoïsme constructif. » Ah.
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La nuit, lorsque les magasins sont fermés et que la bouche d’aération faisant office de chauffage ne chauffe plus, Maya tremble. Pas de froid, de peur. L’obscurité change tout. Le calme aussi. À tout moment, elle peut devoir essuyer autre chose qu’un crachat. À tout moment, elle peut devoir retirer autre chose qu’un doigt de sa bouche. À tout moment, sa vie peut se terminer ici, dans son coin carré qu’elle commence bizarrement à bien aimer. Mais la Toison d’Or est surveillée. Des policiers pas loin et tout le temps, en espérant que ces boucliers-là ne se transforment pas en poignards, en priant le ciel pour se réveiller le lendemain matin, et en priant Lina de la protéger d’en haut.
C’est pour ça que Maya n’aime pas les cadeaux. Parce que personne n’offre sans compter. Sauf les mères. Sauf Lina. Parce que la générosité des autres est fragile, parce qu’en l’absence de retour, elle peut s’ébranler à tout moment et disparaître à jamais. Donner, c’est manifester sa supériorité. Recevoir sans redonner, c’est accepter son infériorité. Alors pour quelques piécettes qui ne lui changeraient de toute manière pas son existence, Maya préférait garder sa fierté intacte et ne jamais avoir à accepter, ni même à envisager, sa soi-disant infériorité.