Rentrer en Europe est une expérience sentimentale intense, heureuse et douloureuse à la fois. Je l'ai vécue à nouveau il y a quelques jours en arrivant à Lisbonne sur le vapeur portugais Quanza, qui dessert la côte africaine (...) On dit facilement aujourd'hui que l'Europe est "finie" (1), ou, pour s'exprimer avec plus de modération, qu'elle est parvenue à un tournant de son histoire, au terme de sa suprématie. (...) D'où vient donc l'amour pour l'Europe ? Il a quelque chose à voir avec la lumière, la gaieté du vent (...), l'éclat velouté du soleil sur les collines lumineuses aux pentes douces. On voyait des routes et des chemins, et on les suivait en imagination à travers des prairies printanières. On apercevait au loin des moulins à vent et on percevait en esprit le joyeux craquement de leurs ailes. (...) On voyait des mouettes, des hirondelles, des bateaux de pêche glissant sur l'eau et des glèbes rougeâtres et fumantes.
(1) écrit en mars 1942
Il est clair que la situation est terrifiante à tous égards. Les façons de faire du 3ème Reich révulsent purement et simplement au regard des principes humanistes, déshonorent l'humanité et contredisent absolument toute notion de culture. (...) On retrouve l'éternelle tragédie du conflit entre la pensée et l'action - à quoi sert que trente, cent, cinq cents bons esprits tombent d'accord sur une même idée du progrès, de ce qui est bon ou souhaitable pour l'être humain, si par millions les "gens du peuple" sont sensibles à une autre langue, et s'ils cèdent à la nécessité et au désespoir ?
Vidéo de l'exposition des autoportraits.
Musée Berardo, Lisbonne, 2010/