Pas besoin de frotter la lampe ou de réciter un sortilège pour que la magie opère. Il suffit de tourner les pages.
Découvrir la maison familiale de Pierre en Bretagne. Celle où, pendant des années, il a passé son mois d'Août. La grande maison où vit toujours la grand-mère. Il y revient après plusieurs années. Entrer dans son monde c'est remonter le temps, retrouver l'enfance et l'adolescence. L'écriture, pure et sensorielle nous ramène à notre vécu, nos souvenirs, nos émotions. Des sons, des images, des odeurs, des couleurs...
Les générations mêlées, les retrouvailles, les habitudes. Tout cela m'emporte très loin. Comme
Georges Perec "
je me souviens"...
De cette éclipse, vécue aussi avec ma tribu à Collioure;
De ces vacances entre cousins, pleines de rires, de soleil, de vagues;
Des odeurs de la forêt, ma main dans la main calleuse de mon grand-père, cherchant les trompettes de la mort sous les grands arbres;
Du jus chaud et sucré des fraises volées dans le jardin et dégustées, cachés, dans le champ de maïs du voisin;
Des soirées en terrasse sur le front de mer;
Du premier baiser, au goût d'écume, peaux dorées enlacées...
L'été de Pierre est tout d'abord semblable au mien. J'y cherche mes souvenirs, le journal intime de mes étés.
C'est ce temps qui s'étire en moments anodins, ces rituels familiaux, cette paresse estivale.
C'est le temps qui défile aussi, journées qui s'enchaînent, si vite, nous laissant soudain étonnés. Déjà!
C'est ce lieu toujours identique, décor aux objets immuables, ritournelle de moments coutumiers.
Et pourtant, autour de nous, les êtres aimés qui changent, grandissent, vieillissent.
Au bout de quelques pages je range ma nostalgie, ces souvenirs qui m'éloignent du roman. Je redonne mon attention à Pierre, je l'écoute, je le regarde. J'apprends sa famille, ses amis. Je m'y attache. Je partage son mois d'Août dans la grande maison, sa nostalgie d'une fin d'été qui sépare, qui éloigne, qui engourdit.
Bientôt la vie hors du temps laisse la place à "la vie quotidienne", pas toujours douce, pas toujours simple.
Il est temps de s'en aller, de tourner la dernière page.