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sur 551 notes
« Cet été-là, je revins avec un sentiment familier mais que j'identifiais seulement. Celui de renouer avec un bonheur certain. » Alors que ses vingt ans lui avaient fait mépriser l'univers clos de la sphère familiale pour l'envoyer se frotter au monde, la trentaine toujours célibataire du narrateur lui a, sans qu'il s'explique vraiment pourquoi, donné l'envie d'un retour au bercail. Lui, qui depuis dix ans boudait la grande maison de vacances où, chaque été, en bord de mer à l'extrême pointe de la Bretagne, le clan familial continue invariablement de se rassembler, décide soudain de renouer avec cette tradition estivale qui le renvoie au temps sacré de son enfance.


Là, cruellement soulignées par une décennie d'absence et par l'imperturbable pérennité des lieux, pendant qu'entre le même farniente à la plage et les mêmes réjouissances festives qu'autrefois, il se surprend à observer avec nostalgie un petit cousin de cinq ans, Jean, en qui il se revoit à cet âge, lui sautent à la figure la cruelle mesure du temps passé et de notre éphémère fragilité. Très vite, les jours fuyant, aussi désespérément que le sable entre les doigts, vers la fin de la saison, la dispersion de la vaste tribu et l'hibernation de la grande maison devenue ruche pour quelques semaines, cet homme, jusqu'ici empli du tranquille sentiment d'éternité que confère la jeunesse, ne peut plus s'empêcher de voir en ce fugitif temps des vacances la réplique miniature de l'écoulement de notre vie, depuis l'insouciance et l'impression d'infini du début, puis le sentiment d'urgence lorsque le mitan est passé et, enfin, la triste solitude dans laquelle tout s'achève.


A vrai dire, s'il se retourne avec tant de tristesse sur cet été de retrouvailles dont il décrit au passé les mille insignifiants et monotones bonheurs, ce n'est pas seulement parce que personne ne sait si sa grand-mère centenaire sera toujours là dans un an, ni même parce que, devenu oncle, il se retrouve face à l'enfant qu'il n'est plus, et qu'après ces semaines de vie en groupe, la solitude lui serre la gorge. Si, avec le décalage dans le temps, toute cette période lui insuffle une telle nostalgie, c'est surtout pour l'avoir vécu dans l'ignorance du drame qui devait survenir dans la foulée, précipitant sous le choc une averse de sentiments doux-amers, face à la fugacité de la vie et à la discrétion du bonheur, déjà enfui avant même que l'on ait pris conscience de son existence.


Contrairement au roman Les locataires de l'été de Charles Simmons auquel ce livre m'a beaucoup fait penser, l'auteur ne nous laisse que tardivement entrevoir l'épée de Damoclès qui pèse sur son récit. Aussi, pas de tension ici, menant au terme dramatique annoncé, mais la mélancolique rétrospective d'une saison frappée par une injuste fatalité ressemblant à un coup de tonnerre dans un ciel bleu. D'une sobre et infinie délicatesse, la narration est une merveille ciselée par une plume remarquable de beauté et de profondeur, qui, sur le fond prégnant d'une Bretagne au goût de madeleine de Proust, nous parle de la vie et du bonheur avec l'émotion de celui qui en perçoit l'éphémère fragilité. Un coup de coeur qui grandit encore à la seconde lecture.


Merci à Babelio et aux éditions Gallimard pour cette (magnifique) découverte en avant-première.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Ce n'est pas qu'une maison , cette maison Blanche où , chaque année règne une joyeuse ambiance où chacun se croise où chacun vénère la grand - mère, ultime propriétaire des lieux après le décès du grand - père. Non , ce n'est pas qu'une maison , c'est un phare qui se dresse face à l'océan. On y vient petit , on y vient grand , on s'en éloigne, on y revient . En août. Jusqu'à l'ultime feu d'artifice offert par la commune .
Le narrateur , après une " pause " vient s'y ressourcer et constate combien ce temps si particulier lui avait manqué : des valises qui se font et se défont , des portes qui claquent , s'ouvrent , se ferment, les us et coutumes des uns , des autres , les odeurs matinales des toasts grillés et du café juste fait les cris des enfants ou , plus inquiétants , leurs silences ....les soirées arrosées...
Là est l'histoire familiale , là sont les racines présidées par la présence bienveillante et tutélaire d'une vieille dame qui " passe " peu à peu mais inexorablement .Et qu'arrivera -t-il à la maison lorsqu'elle sera partie?
Faire resurgir des souvenirs , même récents ,voilà.J'adore lire les ouvrages de souvenirs nostalgiques , ceux de Pagnol , par exemple,mais ceux -là évoquent un passe révolu . Ici , ils sont le reflet d'une histoire à faire perdurer un socle pour aller de l'avant .
Ce petit roman ( 180 pages ) est assez lent et se savoure comme le " tortillon " de la fête foraine enroulé autour de son petit bâton . Comme la vie qui s'écoule inexorablement ,chaque enfant reprenant le flambeau lorsqu'arrive son tour , sauf si ...Histoire familiale , stop ou encore ?
Ce jeune auteur est étonnant de lucidité et , surtout , il écrit trés bien . Il est rare , hélas , de trouver maintenant ,des verbes aux temps virevoltants dans de belles phrases ; profitez - en , c'est monnaie - courante ; je pensais même qu'une telle maitrise syntaxique n'existait plus , surtout chez un si jeune auteur .
Je suis tombé sous le charme de cet ouvrage et j'ai même décidé de le relire . Bien entendu , il ne s'agit que d'une décision personnelle qui n'engage que moi , tout comme les 5 étoiles , du reste .
Je tiens à féliciter l'auteur , remercier chaleureusement les éditions Gallimard et toute l'équipe de Babelio pour leur confiance souvent renouvelée pour mon plus grand plaisir .
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Comment raconter l'histoire d'une famille sans histoire, qui se retrouve chaque été au bout du Finistère, au nord de Brest, dans la maison acquise par le grand-père, officier de marine ayant toujours porté de son vivant costume et cravate ?

Autour de la grand-mère, bientôt centenaire, les enfants désormais retraités gèrent l'intendance et accueillent « ceux qui reviennent de loin » pour partager souvenirs et nouvelles, entourés d'adolescents ou de jeunes adultes, plus ou moins fidèles, comme l'auteur, à ces traditionnelles retrouvailles, pour découvrir les nouvelles « pièces rapportées » et la jeune génération et replonger ainsi dans les souvenirs heureux de l'enfance.

Loin du monde et de ses tracas, dans un microcosme sans télévision, sans ordinateurs, la vie s'écoule sans histoire entre plage et jardin.

Mis à part Catherine et François, l'oncle bricoleur, les membre de cette famille restent anonymes. Dans le voisinage Anne revient souvent sous la plume du romancier et, progressivement, Jean, un enfant accapare son attention puis son affection.

Comment me demandez vous, charmer un lecteur sans une histoire (un scénario) et sans héros ?

En lui racontant sa propre histoire, en rafraichissant ses souvenirs, en lui révélant la faune et la flore, en lui faisant entendre le vent, la mer, la pluie, en le laissant écouter les papotages et les médisances qui alimentent les propos quotidiens de toute communauté, car l'écrivain est doté de capteurs sensoriels affutés et une odeur, un frémissement, un murmure, une ombre encrent sa plume et donnent naissance à des phrases superbement écrites, dans une langue riche qui maitrise parfaitement la concordance des temps (ce qui devient rarissime en notre siècle).

Ce sont nos enfances, nos adolescences, nos vacances, qui revivent pour notre plus grand bonheur.

Au fil des chapitres je revis ma jeunesse, je revois nos enfants, je retrouve nos petits enfants assis dans la librairie Dialogues à Brest au rayon BD et je finis par avoir l'impression d'être adopté par cette grande famille.

Merci Pierre Adrian pour cette belle soirée que cet ouvrage offre en nous ramenant dans le pays de Léon.

La Bretagne n'est pas seulement belle, elle est unique. Brest est la porte du Ciel !
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Ils ne reviendront pas ceux qui sont loin, si loin que, souvent, ils ont fait le grand saut vers l'au-delà, avec leurs croyances ou leurs incroyances, leurs certitudes et leurs doutes, ils laissent une mémoire à cultiver et c'est ce que réalise Pierre Adrian dans ce roman, mais il le fait alors que la plupart sont encore bien vivants, tout en approchant du terme, comme cette grand-mère quasiment centenaire qui est le coeur de "la grande maison".

Des grandes maisons comparables à celle évoquée dans ce livre, j'en ai connues, pas en Bretagne, et j'y ai ressenti cette atmosphère que Pierre Adrian décrit parfaitement dans ce roman. Il a su imprégner son texte de l'essentiel qu'il fallait de nostalgie, de mélancolie, d'ennui au point que suivre ses pas parmi les siens, dans la maison, sur la plage ou au village fut un réel plaisir.

Il a déroulé les us et coutumes d'une famille nombreuse, au mois d'août, allant de la plage qui favorise bronzage des jeunes et des vieux, qui favorise aussi les conversations, les silences, jusqu'aux traditions, depuis la messe dominicale au feu d'artifice du 15 août, égrenant les jours qui coulent dans un bonheur éphémère retrouvé chaque été.

Son écriture est modulée par le rythme des marées et de la vie quotidienne estivale dans la grande maison, coeur vibrant de la famille. Bien sûr, il n'a pas évité certains clichés avec les ciels étoilés ou l'écume des vagues sur les rochers, clichés finalement nécessaires car tout cet ensemble n'est-il pas réellement une immense photographie où s'inscrivent des destins, passés, présents et à venir.

Ceux qui sont loin reviennent toujours en fait, dans les rêves, les souvenirs, les histoires vécues, les références comportementales et le souhait de l'auteur m'a paru exaucé malgré les durs moments de la fin du livre, moments annoncés, que le lecteur s'apprête à l'avance à découvrir, acceptant lui aussi le destin quel qu'il soit.
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Parfois, il y a des rencontres avec les livres, des rencontres rares qui résonnent comme une évidence, des histoires qui vous touchent car elles sont un miroir de votre vie.
Lire « Que reviennent ceux qui sont loin » a été comme renouer avec mon enfance. Pierre Adrian est un formidable conteur qui m'a emmenée autant dans son histoire que dans mes souvenirs d'autrefois. J'ai été touchée, dès les premiers mots par la douceur et la nostalgie qui se dégageaient du texte. Je vous en livre les premières lignes :

« Je ne revins pas à la grande maison par hasard. On ne retourne jamais à quelque part par hasard. Secrètes sans doute, j'avais mes raisons après tant d'années de revoir la grande maison au mois d'août. Il y avait le temps qui passait et la certitude désormais que rien n'est éternel. Un jour viendrait où ce paysage, tel que je l'avais laissé enfant, n'existerait plus. Il appartiendrait à d'autres. Il serait abattu et reconstruit. D'autres familles s'y retrouveraient en été et les enfants d'autres noms joueraient sous les arbres. Grand-mère allait bientôt mourir. Grand-père était déjà mort. Les oncles et les tantes, les cousins vieillissaient. »

*
L'histoire se passe en Bretagne. Imaginez une petite route qui mène à la mer, puis un portail blanc qui s'ouvre sur un jardin d'hortensias bleus. Et lorsque la maison dissimulée par la végétation apparaît, vous savez que vous êtes arrivés, que vous êtes enfin chez vous.

J'aime ces romans dans lesquels les vieilles demeures sont au coeur du récit. Elles renferment une histoire familiale, avec ses joies et ses drames, ses rires et ses pleurs.
La maison dégage une atmosphère chaleureuse, accueillante. Y séjourner, c'est comme voyager dans le temps, les murs de la bâtisse ayant capturé les souvenirs, ces petits riens, ces détails qui sont autant de repères nécessaires qui mis bout à bout, remplissent nos pensées et nous accompagnent notre vie durant.

*
Un jeune homme revient passer ses vacances d'août dans la maison familiale bretonne, après de longues années à avoir préféré des destinations plus exotiques comme lieu de vacances.
Là se bouscule un monde joyeux, animée et virevoltant de cousins et de cousines, d'oncles et de tantes, de neveux et de nièces, sous le regard doux et généreux de l'aïeule.
Quelques mots suffisent à nous attacher à cette grand-mère coquette et prévenante que tous aiment et respectent.
Un regard suffit à aimer le petit Jean, un mot et nous voilà à bricoler avec François.

Les personnages font l'objet d'une description faite de souvenirs et d'anecdotes au fur et à mesure que le jeune trentenaire se mêle avec discrétion à sa famille. Ces flashbacks sont comme des instantanées, des vieilles photographies sépia qui dévoileraient des impressions fugitives, des odeurs agréables de café et de pain grillé, des senteurs marines, des sensations déplaisantes des grains de sable disséminés dans les draps de lit, des souvenirs de jeunesse où les enfants libres et chahuteurs rythmeraient la vie de la maison.

L'auteur dessine ses personnages avec beaucoup de sincérité, d'authenticité et de générosité. On sent qu'il les aime, qu'il a pris plaisir à nous les rendre vivants et attachants. Chaque personnalité remémorée m'a émue, tant les descriptions sont délicates, douces, pleines de tendresse et d'affection. On ressent la cohésion et la complicité autour de cette famille. C'est beau de les voir vivre en toute simplicité, entremêlant plage et châteaux de sable, jeux d'enfants et disputes, repas et convivialité, baignade et pêche, sorties en mer et balades le long de la grève ou dans l'arrière-pays.
Le lecteur est accueilli comme un ami de la famille, invité à partager ces bonheurs simples avec toute cette tribu : moments essentiels, moments forts, fugaces, chaleureux, conflictuels ou douloureux.

*
Quels sont les moments qui comptent dans une vie ? Quels sont ceux qui resteront superficiels, futiles, creux ?
Ce mois de vacances est comme une parenthèse nécessaire pour le jeune homme, une prise de conscience que le temps court, file, s'échappe, qu'on ne peut le rattraper, et que le temps qui nous reste ne doit pas être rempli de regrets, ni de tristesse.

« Au cours de ce voyage, jamais ne me parut aussi évidente la fragilité des miens. Les années passant, avec l'âge et dans la mort, elle se révélait. Mon père et ma mère aussi pouvaient être brisés et il revenait à nous désormais de les serrer dans nos bras. Les plus forts avaient besoin du soutien des faibles. Sans doute était-ce cela une famille, un enchevêtrement, une tour en Kapla dont l'équilibre précaire tient, coûte que coûte, grâce à la solidité des uns et malgré la fébrilité des autres. »

*
Pour conclure, lire ce roman a été un très grand plaisir, un joli moment de lecture qui me laisse un délicieux sentiment de mélancolie.
Un récit nostalgique et doux, qui nous parle de liens familiaux, de souvenirs, d'amour, d'amitié, et de transmission. Un coup de coeur très personnel.
A lire pour tous ceux qui recherchent une histoire émouvante, le temps d'un été.

***
Pour finir, je tiens à remercier très chaleureusement toute l'équipe de Babelio pour leur confiance, les éditions Gallimard pour cette jolie découverte, et Pierre Adrian pour ces jours de lecture où j'ai plongé dans de magnifiques souvenirs d'un temps passé où se mêle un présent encore douloureux.
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Un portail blanc que l'auteur referme derrière lui. Un grand jardin désert. La porte de derrière ouverte sur les hortensias bleus, la plage et l'océan pas très loin.
Le voici de retour à la grande maison, la maison de famille au bord de l'océan, celle de ses vacances d'enfants qu'il a cru préférable d'abandonner pendant quelques années pour d'autres rivages, mais dans laquelle il va retrouver au milieu de la tribu, oncles tantes, cousins et enfants de ceux-ci, la génération suivante, ses plaisirs et émotions d'enfant et renouer avec le bonheur tout simple qui y règne.

L'auteur peint avec infiniment de justesse et une douceur emplie de nostalgie l'atmosphère particulière de ces vacances d'été, au bord de l'océan, dans une maison de famille. Et ses souvenirs viennent raviver les nôtres de jours de vacances qui paraissent inépuisables à l'arrivée et qui soudain se sont enfuis sans qu'on les voit passer.

J'ai senti le sable entre mes pieds, la brulure d'un coup de soleil (eh oui, il y a du soleil en Bretagne), le sel sécher sur ma peau, les draps rêches et un peu humides. J'ai revécu ces jours qui se suivent et se ressemblent tous, entre plage, baignades, repas où toute la tribu s'attable, sorties sur le port pour boire un pot.

J'ai été surprise d'y retrouver tant de mes sensations, tant de mes souvenirs. L'auteur nous raconte sa maison de vacances, mais à ses mots se substituent bientôt mes souvenirs, et tout se mêle. Est-ce lui qui a ressenti cela, est-ce moi ? Je vogue entre le livre et les images qui reviennent et une douce mélancolie m'envahit : le livre est fini, la maison endormie jusqu'à l'été prochain, qui saura faire oublier ce dernier jour de ce mois d'aout là.

Un livre au charme certain, que l'on savoure lentement. Il ne se passe pas grand-chose, juste la vie le temps d'un été. Et aussi, une écriture sensible, belle, exprimant si bien la douceur de ces étés.
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Le mois d'août amène sa lumière d'été. Les valises embarquées dans le train, je me réfugie pour des vacances en Bretagne. Là-bas un cousin viendra me chercher. Là-bas, il y reste encore quelques vieilles tantes, un peu moins de vieux oncles, et la grand-mère, si fragile posée dans son fauteuil près de l'âtre de la cheminée qu'on ose à peine l'embrasser de peur de la voir se réduire en poussière. Certaines poussières sont contagieuses et se propagent comme la tristesse des types comme moi. Mais oublions tout ça, le début des vacances s'arrose de quelques bières, des retrouvailles, des que deviens-tu, des enfants qui crient, qui rient, qui pleurent. Au petit matin, j'ai toujours été du matin, pour profiter de sa fraîcheur, du silence de son café, je regarde cette vieille bâtisse en pierres, ayant survécu aux vents, aux marées, aux sables, au blitz et à je ne sais quel mouvement lunaire. Cette maison d'enfance, on la quitte un jour, mais on y revient toujours, pour les vacances au mois d'août. Au loin, j'entends le cri des mouettes qui voltigent autour des bateaux de pêches. Au près, le tintement d'une petite cuillère dans la tasse à café, et la tante, toujours la même qui s'active en cuisine, pour laver les verres de la veille ou griller le pain frais du matin.

Les hortensias exposent leurs couleurs à l'ombre de la treille de vigne sauvage. Dans la moiteur de cette journée, au retour de la plage, à contempler des jeunes femmes timides, des femmes mures sans complexe, des crabes qui courent de travers, des mouettes qui crient ô hey, ô hey, des bunkers ensablés, la mélancolie m'enveloppe de son ombre de souvenirs. Les repas de famille qui s'éternisent, les apéros entre cousins sans fin, les retours de discothèque au petit matin, tous ce brouhaha pendant un mois où des valises viennent et partent, des bises, de bonjour ou d'au-revoir à l'année prochaine. Et puis ce petit cousin qui vous fait dire que vous n'êtes plus vraiment un cousin mais un tonton. le temps passe, la poussière s'écoule dans le sablier de la vie, les vagues y lèchent le rivage, le visage se porte vers la lune, d'un bleu brillant et silencieux, le regard sombre vers sa solitude. Un magnifique moment, éloge de la lenteur et du spleen, nostalgie de vos plus jeunes années et pourtant la poussière de sable avance inexorablement. Un jour elle ensevelira totalement ces vieux cubes de bétons qui jonchent encore un peu les rives de la Bretagne, là où des enfants jouent encore dans ces bunkers d'une guerre que les anciens ne veulent pas oublier, là où des adolescents fument leurs premières cigarettes, s'embrassent et se touchent de plaisir et d'interdit. Sur la table, la bouteille de Pastis est toujours de sortie, comme ce vieux chat qui n'a plus de nom ni de poil. Je sers une nouvelle tournée, à ceux qui y sont déjà attablés, sans demander. le Pastis ne se refuse pas, c'est la religion du dimanche, le calice de notre foi.

Sur ce dernier verre, je vous abandonne, ma valise m'attend, fermée, linges pliés parsemés de quelques grains de sable, encore quelques crachins d'iodes, encore quelques rayons de soleil, les volets se ferment jusqu'au mois d'août prochain. A moins que...
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J'avais beaucoup aimé «  Des âmes simples » de ce jeune auteur en 2019 .

J'ai acheté son livre de la rentrée, pas de regret ! quel beau livre!

Au sein d'une grande propriété familiale pleine à craquer , c'est le temps béni des retrouvailles saisonnières , au coeur du mois d'août , du côté de Brest pour un jeune trentenaire .

Car, un jour l'âge de rompre avec ces vacances en tribu ,entre messe du dimanche, plage, et fêtes sur le port était venu .

Puis, après de longues années d'absence ce jeune homme ———— autrefois un enfant méfiant ,une crainte alors qui disait son hostilité et son détachement du monde, la peur des serpents , une des ses premières paranoïas, ——- renoue avec la grande maison pour profiter des lieux avant la disparition définitive des aïeux , notamment la petite grand- mère si fragile, sans âge, vulnérable et silencieuse: avec son mari ,marin, elle avait navigué jusqu'en Orient , et tante Yvonne, si pieuse .

Le roman d'une grande délicatesse, limpide ,profond, perlé de secondes s'égrenant imperceptiblement est consacré tout entier à ce retour aux sources ,aoûtien, semblable à une madeleine de Proust , de ce trentenaire vagabond .

De cette vaste demeure au portail blanc ,décor de toujours, au contact d'un petit cousin Jean, qui lui ressemble ,il connaît et reconnaît tous les trésors cachés : le chocolat rangé avec les galettes bretonnes dans l'armoire en Formica jusqu'aux plantes à la sève orange du bord de la mare , destinées à soigner les verrues.

Chaque phrase à la fois légère , chatoyante , parlante , intense, procure , imprime à l'auteur des sensations perdues , fondatrices , essentielles , émaillées de détails contemporains alliés à une mémoire ancestrale :

Enfants aux visages poisseux de sueur , aux pieds maculés de vase, mères encombrées de tâches ménagères du matin au soir , doyenne nonagénaire, figée dans l'extrême vieillesse qui demande sans cesse «  : D'où viens - tu ? à tous les membres de la famille, oncles , tantes , cousins , oubliant , bien sûr , que tous viennent d'elle ,…
L'écriture ciselée , ouvragée , délicate, évocatrice , suscite une émotion intense pétrie de mystère semblable à des photos anciennes , de la mémoire ancestrale à la très belle insouciance du moment .

Les scènes apparaissent et disparaissent dans un souffle …

Mais la tragédie couve, rejetée à la fin du roman, dans toute son insoutenable inexorabilité. …..

Le lecteur alors se souvient de sa si belle lecture et cherche à percevoir, à guetter chaque signe annonciateur du drame dans la belle lumière du mois d'août qui finit dans l'obscurité…

Superbe ,émouvant , tendre.
Chronique magnifique d'un été où l'auteur se relie au passé et à ses aïeux avec une grâce infinie : bascule de l'enfance à l'âge adulte .



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Cet été-là, le narrateur, parisien trentenaire, revient passer ses vacances dans la maison familiale lovée sur la côte bretonne à la pointe du Finistère. Et, après des années d'absence, il retrouve le goût de ces étés en famille
« Chaque année se rejouaient ici les mystères d'une vie entière résumée en quelques semaines. »
Cette « grande maison qui semblait appartenir à tous et à personne », est envahie chaque été par la tribu d'oncles, de tantes et de cousins. Au milieu de cette agitation, trône « la petite grand-mère », vulnérable et fragile comme une poupée de porcelaine à l'orée de ces cent ans.
Durant cet été breton, le narrateur retrouve ses cousins, croise d'anciens amis de vacances comme Anne, belle et blasée. Il mêle au récit estival les souvenirs d'enfance, moments de bonheur. Et puis, il y a Jean, le petit cousin de six ans qui rappelle au narrateur l'enfant qu'il a été jadis.
L'été brûle ses derniers feux, la fête du 15 août sonne la fin des vacances. On sent aussi, entre les lignes, qu'un drame se prépare.
Au cours de cet été pas tout à fait comme les autres, le narrateur découvre la fragilité d'une famille qui semblait pourtant résister au temps qui passe
« Sans doute était-ce cela, une famille, un enchevêtrement, une tour en Kapla dont l'équilibre précaire tient, coûte que coûte, grâce à la solidarité des uns et malgré la fébrilité des autres. »
Le rythme du roman est lent, tout comme cet été oisif à remuer les souvenirs. On se laisse bercer par l'écriture d'une grande tendresse et parfaitement maîtrisée. J'ai ressenti beaucoup d'émotions à l'évocation de ces souvenirs d'enfance et d'étés en famille. Chacun y retrouvera trace de ses propres souvenirs. Car qui n'a jamais passé ses vacances auprès d'une grand-mère, parmi des cousins ?
Une belle lecture qui m'a emplie de nostalgie.

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De retour dans la maison familiale à la pointe de la Bretagne, après de nombreuses années d'absence, il y retrouve une immuabilité, une constance des lieux et des habitudes. Pourtant, il est devenu l'oncle, tandis que des enfants se construisent, comme lui naguère, des souvenirs pour longtemps, au parfum d'enfance.

Tandis que le passé ressurgit et que la faiblesse des aînés donne au temps qui passe une notion d'urgence, s'efface cette impression d'éternité propre à l'enfance.

Cette prise de conscience décuple la valeur de ces moments partagés, quand les regrets se mêlent au bonheur fugace d'un regard d'enfant.

Cet été pourtant, s'ornera des couleurs du deuil et de l'injustice.

Ce récit intime et personnel a pourtant une dimension universelle. Cette maison pourrait être celle de nos propres vacances, il suffirait de modifier les lieux et les prénoms et chacun pourrait y retrouver ses propres souvenirs. Il souligne ainsi l'importance de ces moments de partage et d'initiation, d'apprentissage des relations humaines, dans une ambiance qui restera une référence irremplaçable pour chaque enfant devenu adulte.

Le ton juste et empreint d'une douceur qui lui confère la nostalgie . Un très beau roman, poignant et émouvant.

192 pages Gallimard 25 Août 2022

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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