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EAN : 9782371000162
192 pages
Le nouvel Attila (03/09/2015)
3.94/5   33 notes
Résumé :
Splendeur et misère de la vie d’un pionnier du be-bop, le pianiste blanc Joe Albany, compagnon de Charlie Parker, prisonnier des échecs, des drogues et d’amitiés croisées avec la Beat Generation, qui mourut en 1988, « le corps ravagé par un demi-siècle de dépendances et de tristesse ». Un texte sec et lyrique, qui passe de l’humour au sordide, de la naïveté à la crudité, et qui a la force d’un roman noir.
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Low Down n’est pas un roman mais le témoignage de la fille du grand pianiste de jazz Joe Albany.

Construit sous la forme de très courts chapitres introduits par un thème, de la rencontre de ses parents à la disparition de son père.

Avec une écriture puissante, Amy Joe Albany nous décrit son enfance. Dès les premières pages, le lecteur est plongé dans l’ambiance : « Maman et Papa se lancèrent sans tarder dans leur histoire d’amour inconsidérée. Sheila laissa tomber le jeune batteur avec qui elle était en ménage et dont elle attendait un bébé, accoucha d’une petite fille, et la fit adopter par un couple sans enfant de la Bay Area. Une semaine plus tard, en 1960, pour le 28ème anniversaire de ma mère, mon père et elle se marièrent à San Francisco. Ils louèrent un petit appartement à Hollywood et le retapèrent grâce à l’argent gagné par Maman avec l’adoption. Je vins au monde en février 1962 – j’aimerais dire que ce fut un heureux événement mais les traces d’aiguille qui parsèment les bras de ma mère sur les photos où elle me tient me laissent songeuse. »

La situation est très claire : la petite fille sera abandonnée par sa mère, élevée par son père, grand pianiste de jazz, ami de Charlie Parker, Dizzie Gillespie. Toutefois les addictions de son père (drogue, alcool) le feront tomber dans l’oubli.

Si la petite fille voue un immense amour à son père, on se demande comment elle a pu affronter tant de situations effrayantes : « J’étais loin d’être la petite fille en meilleure santé du quartier, mais je survécus, ce dont il faut se féliciter sans doute. Je décidai d’établir une petite liste, dans ma tête, des choses essentielles. Outre la nourriture, il y avait le tourne-disque pour le plaisir et l’étouffement des bruits désagréables, et le sommeil. Pour dormir, j’avais besoin d’un pyjama, et j’étais très attachée à mon pyjama en flanelle, dedans je me sentais comme en sécurité. »

Elle assistera aux crises de manque de son père, à ses nombreuses tentatives de sevrage, tentera de réguler son alcoolisme. Elle devra composer avec les absences de son père qui la laissait seule même petite dans l’appartement, ou les pervers à qui il la confiait parfois et dont elle n’osera jamais lui parler de leurs attouchements, accepter les nombreuses compagnes éphémères qui traverseront la vie du pianiste.

A l’adolescence bien sûr, tout cela ne sera pas sans conséquence sur son comportement : « Je devais parler à Mamie. Elle me dirait certainement que je n’étais pas une si idiote ou mauvaise fille et que, vu l’étoile pourrie sous laquelle j’étais née, je ne m’en sortais pas si mal, non ? »

Amy Joe ALBANY se raconte tout simplement, et moi, je me suis demandée tout au long des pages comment une petite fille pouvait vivre toutes ces horreurs. Elle a apparemment fait preuve d’une grande résilience. J’aurais envie maintenant de savoir comment elle a construit la suite de sa vie.

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Avant-propos

"Joe Albany était un grand pianiste de jazz. Telle était l'opinion de Charlie Parker, Lester Young et de quantité d'autres musiciens qui jouèrent avec lui. Au début des années quarante, il fut l'un des premiers musiciens qui oeuvrèrent à faire sortir le jazz du carcan du swing, participant à la création de ce qui serait connu comme le be-bop.
J'étais moi aussi en admiration devant le talent de mon père, mais je lui vouais un amour totalement démesuré, comme seule une fille peut aimer son père. Il était né à Atlantic City en 1924 et mourut à New York en 1988, le corps ravagé par un demi-siècle de dépendances et de tristesse. Dans l'une de ses dernières lettres, il me mettait en garde : "Méfie-toi de cette Vieille Dame qu'est la vie - elle peut être une sale pute."
On a toujours manqué d'informations sur les faits et gestes de mon père au cours des années soixante. Ce ne fut pas, pour lui, une période productive sur le plan musical, mais c'est alors que je le connus le mieux. S'il n'était pas en prison ou en cure de désintox, on était ensemble. Ce livre est un récit de ma vie avec lui à cette époque : une série de moments fragmentés vus à travers le prisme de mon enfance. C'est aussi une histoire sur le fait de grandir et de survivre à Hollywood, un voyage difficile dans une ville unique sur la mauvaise pente."

Je voulais commencer à parler de ce livre par cet avant-propos de Amy-Jo Albany qui résume parfaitement ce qui va suivre tout le long de son récit. Elle arrive par de courts chapitres, qui pourraient s'apparenter à ceux d'un journal intime, à nous décrire sa relation avec son père. le mot qui prévaut dans ce livre : c'est l'Amour qu'ils se prodiguent l'un pour l'autre. Il n'y a aucun patos, je dirais même que le livre est presque joyeux. Et là est la grande force du livre et de sa narratrice.
Si vous vous dites : "oh lala!!! Ca parle encore d'un artiste drogué. On va avoir droit à tous les clichés du genre". Je vous arrête tout de suite, laissais une chance à Amy-Jo de vous emmener dans son univers et vous ne le regretterez pas. Ce livre est une petite pépite.
Pour les fans de jazz, ce livre vous décrira l'envers du décor où la ségrégation existait mais pas pour ceux que l'on croit. Cette musique, dans ces années, était la chasse gardée des noirs américains et les blancs n'étaient pas les bienvenues dans leur univers, même si cet artiste avait un talent énorme. Il faut dire que les noirs avaient peu d'espace pour s'exprimer.
En conclusion, je vous dirai courrais acheter "Low Down" de A.J. Albany (Editions le Nouvel Attila). Il vaut largement certains auteurs de la rentrée surmédiatisés.

P.S. : je vous ai mis un lien (j'espère qu'il fonctionne) correspondant à une petite interview qu'a donnée l'auteur à la suite de la parution du livre.

http://bookalicious.fr/interview-aj-albany-jaime-mon-pere-envers-et-contre-tout/

Bonne lecture.
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Entre drogue et musique, cette enfance déglinguée à Hollywood est très attachante et donne diablement envie d'écouter de la musique !

La fille d'un célèbre pianiste de jazz (Joe Albany) nous raconte son père dans le Los Angeles des années 60-70. Joe Albany avait la musique dans le sang et a joué avec les plus grands : Coltrane, Billie Holiday... Mais il était aussi accroc à la cocaïne et à l'alcool. La maman étant sorti du paysage assez vite, la jeune Amy-Jo Albany se retrouve souvent livrée à elle-même.
Avec une petite voix bien a elle et des chapitres très courts, elle fait revivre une galerie de personnages assez haut en couleur qu'elle a croisé durant son enfance. L'auteure a réussi à créer de la musique avec son écriture, et ça fait tout le charme de ce livre.
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J'ai choisi ce roman en premier lieu pour la couverture que je trouve superbe ensuite parce que c'est un univers qui me parle peu et que je suis assez curieuse de découvrir le monde du Jazz.

Je me suis donc engouffrée dans ces pages qui m'ont laissé un goût particulier dans la bouche. Entre admiration et effrois.

Low Down est une confession, une sorte de journal intime de la fille de Joe Albany. Si comme moi ce nom vous parle que très peu alors le plus simple c'est de l'écouter !
Joe albany est né en 1924 à Atlantic City et est décédé en 1988 à New York . Il va jouer avec les plus grands mais son côté sombre est un part terrible du personnage, drogué et alcoolique. Malgré son génie, sa vie sera entrecoupée de passage en prison pour consommation de drogue, de son côté bohème et de productivité artistique. On découvre cette vie à la recherche de fric et d'épanouissement musicale au travers des yeux de sa fille Amy-Joe. Gosse livrée à elle-même, naviguant dans les sphères de son père, toxicos, artistes, putes et j'en passe ... Elevée par son père ou par sa grand-mère. Amy-Joe se construit tant bien que mal !
Malgré tout, elle est en admiration face à se père qui essaie de la protéger du mieux qu'il peut.

On découvre à travers ce roman, l'envers du décors d'Hollywood des années 60-70. le début de la prise en charge des drogués par l'Amérique. le monde du Jazz qui est très rigoureux.

Ce roman est découpé en tranche de vie. Il raconte tout sans langue de bois. C'est une jolie découverte pour moi.
J'ai vu qu'il avait été adapté au cinéma l'année dernière avec Glenn Close notamment mais il n'a pas été diffusé dans les salles Françaises à ce jour ! La bande annonce étant en VO ne la partagerait pas .
A vous de voir si vous avez le désir de faire cette rencontre entre génie et déchéance.
Lien : http://lesciblesdunelectrice..
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Le be-bop est une forme de jazz qui a eu ses légendes, certaines mondialement célèbres dont Thelonious Monk, Charlie Parker, Dizzy Gillespi, d'autres moins comme Joe Abany ce pianiste blanc admiré par ses pairs mais rapidement oublié du grand public. Fils d'un immigré italien peu aimant, Joe est tombé dans le jazz et la drogue très tôt. Après des débuts prometteurs auprès des plus grands jazzmen sa vie ne devient qu'une suite de cures de désintox, de concerts dans de minables bars piano et d'inactivité: "On a toujours manqué d'informations sur les faits et gestes de mon père au cours des années soixante. Ce ne fut pas, pour lui, une période productive sur le plan musical, mais c'est alors que je le connus le mieux. S'il n'était pas en prison ou en cure de désintox, on était ensemble. Ce livre est un récit de ma vie avec lui à cette époque : une série de moments fragmentés vus à travers le prisme de mon enfance. C'est aussi une histoire sur le fait de grandir et de survivre à Hollywood, un voyage difficile dans une ville unique sur la mauvaise pente."
Avec l'aide sa sa propre mère, Joe tente d'élever Amy-Jo sa fille unique (dans tous les sens du terme) dont il a la garde depuis que sa femme -junkie elle aussi- a abandonné le domicile conjugal. Mais il se révèle rapidement incapable de s'en occuper de manière responsable tant l'appel de la drogue et de l'alcool est prédominant. Mais si l'enfance d'Amy-Jo à L.A. s'est déroulée loin du glamour hollywoodien et dans une grande précarité matérielle, elle a toujours été baignée dans un amour incommensurable et réciproque. "J'étais moi aussi en admiration devant le talent de mon père, mais je lui vouais un amour totalement démesuré, comme seule une fille peut aimer son père". Et ce n'est pas le monde extérieur qui aurait pu apporter à cette petite fille -au visage angélique et au tempérament bagarreur- de la stabilité et encore moins l'amadouer et la séparer de son père.
Low Down déroule par petites touches cette vie chaotique à travers le double regard de cette petite fille éperdument fascinée par son père et de l'adulte qu'elle est devenue depuis. Les amis célèbres de ce dernier, ses brefs succès et sa longue déchéance, l'instabilité de sa mère, la tendresse de sa grand-mère, les galères d'argent et de drogue... tout est passé en revue en faisant fi de tout ordre chronologie. Au contraire, Amy-Jo nous offre des moments de vie qui sont à l'image de la carrière de l'homme de sa vie: morcelés et décousus. de bars en salles de piano-bars en passant par les chambres d'hôtels miteuses, elle nous entraîne dans le L.A. des bas fonds. Mais si la vie ne les a pas épargnés, la tendresse, la complicité et l'honnêteté n'ont pas cessé de les unir. Chaque épisode de sa vie témoigne autant de cela que son tempérament volcanique et sa volonté à toute épreuve.

Impossible de ne pas être touché par ce portrait de famille attendrissant et par cette jeune fille si clairvoyante et attachante. Tout à la fois biographie, autobiographie, conte, fresque sociale et brève histoire du be-bop, Low down est le récit singulier de l'enfance et de l'adolescence d'Amy-Jo Albany. Rythmé par de très courts chapitres parfois émouvants d'autres fois éprouvants, l'unité du récit tient à la personnalité de sa narratrice qui demeure authentique que ce soit dans ses révoltes ou des ses manifestations d'amour.

Laissez-vous surprendre par ce récit qui nous emporte dans une belle et incroyable aventure humaine !

Lien : http://lebruitdeslivres.blog..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
L'amoureuse des caniches

Il 'était pas facile pour un enfant de gagner trois sous dans un hôtel où la plupart des gens n'avaient pas beaucoup plus qu'une pièce de cinq cents en poche. Mais à un moment, j'eus un boulot régulier qui consistait à promener le chien d'une vieille veuve, Mrs Avery. C'était une femme à l'allure patibulaire, toujours de noir vêtue, de la tête aux pieds, avec une voilette noire accrochée à son chapeau et de longs gants noirs en toutes saisons. Son chien, un vieux caniche de base, s'appelait Stein, souffrait de cataracte dans les deux yeux, et il avait l'haleine la plus infecte que j'ai jamais connue. Ils erraient dans les couloirs telles des ombres antiques et silencieuses, leur âge additionné atteignant facilement les 200 ans, en comptant en années de chiens. Tous les jours à 17 heures, j'allais frapper à la chambre 211 pour récupérer mes cinquante cents et Stein, pour une balade sur le boulevard, allant jusqu'à Winston Place avant de retourner à l'hôtel. Un samedi, je me présentais à 16 heures, dans l'espoir de pouvoir promener le chien plus tôt, puisque papa et moi allions au Star Theatre à la séance de fin d'après-midi pour voir Bananas. Je frappais deux ou trois coups à la porte, sans recevoir de réponse, alors que j'entendais la vielle chanson : "Somewhere just around the corner, there's a rainbow in the sky - so let's have another cup of coffe, and let's have another piece of pie" qui passait à plein tube sur le phonographe. Je me mis à imaginer que Mrs Avery, et peut-être Stein aussi, avaient "casse leur pipe", comme disait papa, et je me demandais si je devais aller chercher de l'aide, ou mener l'enquête moi-même. J'optais pour cette dernière option et découvris que la porte était, malheureusement, ouverte. Lorsque je passais la tête de l'autre côté du mur séparant l'entrée de la pièce principale, je fus témoin d'une scène étrange. Mrs Avery, assise sur le lit, complètement nue à part son chapeau et sa voilette, accompagnait la musique en chantant à tue-tête tandis que son fidèle caniche fourrait la gueule entre ses jambes blanches et filiformes, enfouissant sa truffe dans sa vieille et vilaine cramouille avec une vigueur prodigieuse. Je restais pétrifiée de fascination écœurée, tâchant de réfléchir à la manière de procéder pour ne plus jamais promener le caniche dépravé. Je m'esquivais discrètement et rentai dans notre chambre, où je composai la lettre suivante : "Chère Mrs Avery, maintenant les chiens me font éternuer. Je suis désolé de ne plus pouvoir promener Stein. Amy Jo." Elle n'essaya jamais de reprendre contact avec moi après cela, ne faisant qu'une apparition occasionnelle dans mes rêves perturbés. Je me sentais un peu coupable - je l'avais peut être laissée tomber, je ne l'avais pas aidée, mais au moins elle n'était pas complètement seule. Elle avait Stein pour lui tenir compagnie, et tout le monde ne pouvait pas en dire autant.

(P104)
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Souvent, je songeais que mon père était né de la musique – une mélodie entêtée qui prit la forme d’un homme. Il entendait de la musique partout, dans le grincement de ressorts rouillés du lit et le bourdonnement des mouches. Pour lui, les robinets qui gouttent étaient remplis de rythmes, comme les clignotements irréguliers du néon déglingué derrière notre fenêtre. Certains secouaient la tête et le prenaient pour un dingo, mais je n’ai jamais cru cela. Il mettait les enregistrements d’Art Tatum, d’Arthur Rubenstein et d’autres, et s’exclamait les yeux étincelants : « Qu’est-ce que c’est bath ! De toute beauté ! » On écoutait parfois des disques toute la nuit. Quand il n’y avait pas de concerts à la régulière, Papa avait de courts engagements dans des bars d’hôtel, où son jeu exquis n’était pas souvent, et c’est le moins que l’on puisse dire, pas apprécié à sa juste valeur. C’était toujours les mêmes types qui posaient problème – un ivrogne de passage, sans la moindre oreille musicale, d’ordinaire flanqué d’une quelconque pute flasque de bar d’hôtel. Ils chancelaient jusqu’au piano, appuyés sur les touches, et disaient un truc du style : « Et la pédale douce, vieux ? » ou bien « Tu connais celui-ci ? » avant de se mettre à siffler un air mièvre en crachotant dans l’oreille de papa des sifflements faux et puants. Il prenait chaque fois son mal en patience, ne prononçant jamais le moindre mot, mais moi qui le connaissais, je voyais son esprit se flétrir juste derrière ses yeux. Quand je sentais sa blessure, je m’imaginais être l’Abominable Docteur Phibes, échafaudant des morts diaboliques pour ces critiques de comptoir de bar, ou bien je me transformais en Rodan, attrapant mes victimes par leur cou gras et rougeaud avec mes talons-rasoirs. Je les emportais à tire-d’aile vers un caveau souterrain, où, bourreau masqué, j’attendais, prête à mettre fin partout à la vie des imbéciles et des chahuteurs qui ne reconnaissaient pas la beauté quand ils l’entendaient.
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Je ne supportais pas le bruit du vieil ascenseur, qui s’arrêtait et s’ouvrait aléatoirement toute la nuit, généralement sans passagers. Souvent, quand je le prenais, il s’arrêtait entre deux étages et s’ouvrait sur un mur en béton. Ralph, book de l’hôtel et ex-bijoutier borgne, me dit qu’il était hanté. Dans sa vie antérieure, à Las Vegas, il était le bijoutier de la mafia. Bagues de fiançailles et au petit doigt, gourmettes de baptême, broches pour mamas – Ralph était le bijoutier attitré de la mafia de Las Vegas. De temps à autre, on lui demandait de décharger des marchandises volées, de fondre de l’or et du platine, et même, au besoin, de tailler des pierres précieuses. Un jour, Ralph fut accusé d’avoir doublé un gros caïd – histoire qu’il ne démentit jamais. Le caïd envoya deux hommes de main lui enlever l’œil droit avec un couteau en guise de punition. Son œil droit était son outil le plus précieux, que ce soit pour vérifier la qualité d’une pièce à l’aide de sa loupe ou pour réaliser une gravure finement ouvragée. Il ne put être sauvé. Il dut le faire enlever et remplacer par un œil de verre que le médecin, un charlatan patibulaire, replaça à l’envers. L’on n’en voyait que le blanc, et c’était comme si l’iris coloré s’en allait rouler quelque part au fond de son crâne. Papa lui avait demandé pourquoi il ne l’avait pas fait remettre en place. « Ils peuvent sûrement le retirer et le faire pivoter ». Ralph secoua la tête : « Joe, c’est la croix que je dois porter. Du reste, c’est mon œil intérieur – il surveille mon âme. »
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Manger chinois sur un canapé déplié, regarder La Fille de Dracula après minuit, découvrir la sublime poésie des messages des biscuits chinois – « De par votre nature mélodique, le clair de lune ne rate jamais un rendez-vous » – la porte bien fermée avec la chaînette, et Papa à mes côtés : à coup sûr, le Paradis faisait pâle figure, et était même complètement ringard, par rapport à ce bonheur absolu.
Mais ensuite, l’Homme se présentait à notre porte en frappant à sa manière discrète, funeste, s’apprêtant à pisser partout sur notre paradis, et je levais les yeux pour m’assurer que le verrou était fermé. Un furtif coup d’œil en coin à Papa qui, ce soir-là, était victorieux. Je lui disais : « Un vampire ne peut entrer dans une maison que s’il y est invité. » Il souriait, m’entourant de ses longs bras, et me disait dans un murmure que nous n’inviterions pas le vampire, et donc, cette nuit-là, son âme restait indemne.
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Quand le mari de Grace fut relâché, on se perdit de vue. La porte était désormais toujours fermée, les lourds rideaux noirs tirés, et même les chats restaient à l’intérieur. Grace fut rayée de ma mémoire de la manière habituelle et opportune dont j’étais accoutumée. L’astuce, c’était de garder, dès le départ, suffisamment de distance entre soi et toutes les planches pourries transitoires qui jalonnent notre route, seule manière de supporter la déception éprouvée lorsque, à tous les coups, elles décideraient de vous rejeter.
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