Bêtes fragmenteuses
et phasmatiques d'une bête
non pas devant surgir d'un fond
mais exténuée là dans sa forme
que les arêtes
sont poissonneuses à l'endroit
d'un arrêt qui bouge
qu'encore ce sont des mèches d'incendie
celles qui vont de virgule en virgule
à la mer marbrée de cassures douces
p.15
La broussaille n'est pas une chose
mais l'état de cette chose pourtant
elle n'est comme chose
que le désordre de cette chose
elle n'a pas de réalité claire
elle n'a de réalité qu'assombrie/ de sa broussaille
dès lors comment parler de cette chose
qui n'est pas une chose
mais la friche de cette chose
devant la parole ?
Broussailles sont dans le flou dur
comme une griffe de l’effacement,
une sorte de bataille molle, aussi
trois fois brûlées sont les broussailles ? : de
brûlure, de roussi, d’embroussaillement
car un fouillis est le monde du fouilleur
les antennes de sa quête
qui buissonnent autour de lui
qu’à se clarifier la broussaille
ne se peut que pleine de lames,
de faux, de tranchants, encore
Broussailles sont la mousse
du bruit et des bois
forêt de phosphènes
et les grands arbres dans le picotin
pourquoi l’horizon bleuit à l’horizon
sinon parce que l’ecchymose
et la colline comme bosse
au retroussé de ses creux
la pente percluse de coins
comme un andain d’aiguilles
Que broussailles sont du papier
ayant incorporé ses ciseaux
et autres flammes dévorantes
d'où ces pattes d'épines
ces feuilles lancéolées ou bien
ces pointes de lance membraneuses
tels en tout cas des dos d'encoignure
vont rampant les traits
portant sous eux un lait louche
p.14
SOIRÉE DE LANCEMENT DE LA REVUE CATASTROPHES #3
Avec Philippe Annocque, Guillaume Condello, Frédéric Forte, Julia Lepère, Cécile Riou & Pierre Vinclair
Catastrophes est une revue d'écritures sérielles, animée par Laurent Albarracin, Guillaume Condello et Pierre Vinclair. Bimestrielle en ligne (30 numéros sont parus), elle paraît tous les 18 mois en format papier, sous la forme d'une anthologie comprenant certaines des propositions poétiques les plus stimulantes de l'époque. Les quatre ensembles qui composent Catastrophes 3, « Dit impossible », « Rites rêvés », « Traduit en langue fauve » et « Mondes suspendus », présentent tous une dimension des rapports du poème, dans son essentielle étrangeté, à un monde qui ne fut pas toujours là et qui disparaîtra peut-être : assumer l'impossible, rêver d'une parole rituelle, articuler dans la langue commune une parole fauve, penser dans le vertige de la disparition, sont autant de promesses, fragiles, de faire de l'écriture le lieu d'une création radicale, à même d'exorciser la fatalité du néant.
À lire – Revue Catastrophes 3, coll. « S!NG », éd. le corridor bleu, 2021.
+ Lire la suite