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Léa Rittel (Traducteur)Marc Rittel (Traducteur)
EAN : 9782869306264
243 pages
Payot et Rivages (01/02/1993)
3.4/5   5 notes
Résumé :
Sous forme de lettres échangées entre le héros, soudain transplanté dans le "grand monde" d'Odessa et de Kiev, et sa femme Scheiné-Scheindl, demeurée dans sa bourgade de Kassrileyke, l'auteur narre les aventures ou plutôt les mésaventures burlesques de ce rêveur impénitent avec, en contrepoint, les commentaires acides mais pleins de bon sens de son épouse.
Menahem-Mendl a quitté le monde endormi et miséreux de la "zone de résidence" assignée aux Juifs de la R... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Apres Tevie le laitier, je me suis penche sur Menahem-Mendl. Un heros completement different, mais un livre avec le meme humour bon-enfant. Moins abouti que Tevie a mon avis, mais un petit regal de lecture quand-meme.

C'est un roman epistolaire que Sholem Aleikhem a ecrit peu a peu, le premier chapitre en 1892 et le dernier entre 1900 et 1909.


Deux conjoints echangent des lettres. Lui, Menahem-Mendl, est parti de son shtetl ukrainien pour essayer de faire des affaires dans les grandes villes de la region. C'est un reveur, un grand reveur, naif a un point extreme, un peu niais, qui se laisse embobiner par tout celui qui lui propose des “luft gesheft", des “affaires d'air", qui n'ont aucune base reelle et ne peuvent donc aboutir qu'a un brassage d'air. A chaque fois il s'imagine reussir un grand “coup" et devenir riche, et a chaque fois c'est lui qui prend les coups et paye de sa poche. A chaque fois il essaye un nouveau metier qu'on lui conseille et a chaque fois il se casse les dents. Mais rien ne peut avoir raison de ce reveur et apres chaque deconfiture il repart, plus optimiste que jamais, pour une nouvelle aventure. Il speculera a la bourse d'Odessa puis a celle de Kiev (denommee ici Yehoupetz) et il y laissera tous ses avoirs plus la dot de sa femme; il se fera marchand, courtier, marieur, agent d'assurances, journaliste; rien ne lui reussira; il ne reussira qu'a batir des “chateaux en Espagne".

Il ecrit a sa femme, Sheine-Sheindl, restee en son shtetl de Kassrilevke avec ses trois enfants, des lettres euphoriques debordantes d'optimisme a chaque nouvel essai. Elle repond a chaque fois, avec un bon sens tres terre a terre, denoncant la futilite de ses reves et la stupidite de ses actions, dans des lettres de plus en plus bourrues et acrimonieuses.


Les affaires et les deboires de Menahem-Mendl sont evidemment comiques. A cela s'ajoute la facon dont les epoux se transmettent les nouvelles, familiales ou internationales, que ce soit l'affaire Dreyfus ou le sionisme naissant. Et surtout le style de leur correspondance. Il commence toujours ainsi: “A ma chere, vertueuse et sage epouse Scheine-Scheindl, puisse-t-elle vivre longtemps!” Et elle en retour: “A mon cher epoux, le riche, renomme et sage Menahem-Mendl, que sa lumiere brille ! Primo, je t'informe que nous sommes tous, grace a Dieu, en bonne sante ; plaise a Dieu que nous recevions de semblables nouvelles de toi, et puissent-elles etre toujours aussi bonnes.” Et immediatement apres elle le houspille sans egards, finissant ses lettres par une demie phrase coutumiere, mal rattachee au contexte, qui devient saugrenue et comique: “Je te garantis qu'avant meme que tu aies le temps de te retourner, tes associes te depouilleront de la tete aux pieds, car tu es un eternel malchanceux, et tu le resteras, comme te le souhaite avec beaucoup de bonheur et toujours de la chance ta tres fidele Scheine-Scheindl.” Ou encore: “Et n'envie pas le beau monde de Yehoupetz qui s'affaire. Puisse-t-il s'affairer, courir, et se briser les reins, comme te le souhaite aujourd'hui et toujours ta tres fidele epouse Scheine-Scheindl.”

Cet echange epistolaire est un dialogue de sourds, tragicomique, ancre, bien que le type des personnages soit universel, en un espace et un temps particuliers: les grandes villes de l'empire russe contrastant avec les bourgades juives de la “zone de residence" imposee aux juifs jusqu'a la revolution de 1917. Un echange qui eclaire le desequilibre entre la chaleur du foyer au shtetl et la difficulte de trouver son gagne-pain sur place; la dissonance entre les valeurs traditionnelles juives d'entraide et le cynisme de ceux qui n'hesitent pas a exploiter la naivete de leurs congeneres. Dans le contexte de cette disparite les dedicaces de Sheine (a mon cher epoux… que sa lumiere brille) traduisent, non l'approbation des reves funambulesques de son mari, surement pas, non l'acceptation de ses faiblesses, mais peut-etre l'atavique fatalisme, l'atavique confiance juive, envers et contre tout un chant d'esperance: Dieu pourvoira a ce que les hommes, ces benets, ces loosers, ces schlemiels ne peuvent fournir; qui sait? Dieu fera que la lumiere de ces schlemazels brille… malgre eux.


Avec Menahem-Mendl le reveur, Sholem Aleikhem se fait le chantre de la faiblesse. le grand ecrivain de la faiblesse humaine. Mais il pare tout d'un comique bienveillant et cette faiblesse n'est pas sans espoir. On est dans la crasse? Sourions et on s'en sortira. Meme Menahem-Mendl s'en sortira. Et en attendant, ses mesaventures auront fait passer quelques heures agreables a ses lecteurs. Elles auront fait naitre un sourire qui flottera un bon moment apres que le livre soit referme.


P.S. Je ne peux m'empecher de penser que chez Sholem Aleikhem ce sont les femmes qui possedent ce qu'en Yiddish on qualifie de “sagesse de vie”. Elles sont sensees et fortes, plus que les hommes. Deja dans Tevie le laitier les filles de Tevie savaient ce qu'elles voulaient et savaient quoi faire pour l'obtenir, n'en deplaise a leur pere. Ici Sheine-Sheindl tient sa maison et ses enfants a bout de bras, toute seule, pendant que son mari court des chimeres dont elle essaie, patiemment mais energiquement, de le mettre en garde.
C'est comme si Sholem Aleikhem brodait sur une citation des Proverbes (chap. 31): “Une femme vertueuse a bien plus de valeur que des perles". Une citation qu'il enrobe d'humour…
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Décidément, je n'accroche pas avec le Mark Twain juif! Tévié le laitier m'avait aussi peu emballée que Menahem- Mendel le rêveur. Sholem Aleichem est considéré depuis la fin du XIXème siècle comme la figure de proue de la littérature yiddish et milite sa vie durant pour la cause de la langue et de la culture de l'exil ashkénase. Ce recueil propose la correspondance entre Menahem-Mendel, surnommé le rêveur, et son épouse Scheine-Schneidl. Celle-ci est demeurée à Kassrileyke avec ses trois enfants, ses parents et ses beaux-parents tandis que Menahem- Mendel a quitté son shtetl miséreux pour aller chercher fortune dans les grandes villes de la Russie tsariste. Cet optimiste impénitent croit dur comme fer en sa bonne étoile, à la légendaire solidarité entre Juifs et aux circonstances nécessairement favorables qui entourent ses projets... Malgré de nombreux revers de fortune, notre Naïf se relance à chaque fois dans de nouvelles aventures tout aussi risquées que les précédentes en ne tenant bien-entendu aucun compte des conseils avisés de la très sage Scheine-Schneidl... J'ai bien compris que le comique réside dans la répétition de situations aussi prévisibles que prévues par son épouse et par le lecteur ainsi que dans des débuts de lettres désespérément identiques mais ces redondances finissent par constituer davantage le ressort de l'ennui que celui du comique! Même si l'on peut reconnaître à ce livre le mérite de mettre en scène un grand Naïf juif à la candeur rafraîchissante et détaché de toutes les contingences de ce monde, ça traîne en longueur... J'ai hélas bien peur que la suite des aventures de notre ami Menahem-Mendel La peste soit de l'Amérique ( que je lirai quand-même) ne me réserve la même déception...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
À mon cher époux, le riche, renommé et sage Menahem-Mendl, que sa lumière brille !
[...]
Que crois-tu, de deux choses l’une : si tu ne veux plus de moi, reviens et accorde-moi le divorce ; sinon, il vaut mieux que tu partes en Amérique, par tous les diables, comme Yossl, le fils de Leib-Aaron. Et que je perde à jamais ta trace, s’il est écrit que je doive rester une femme abandonnée avec de tout petits enfants – puissent mes ennemis ne jamais voir ce jour ! Tu as vraiment de la chance que je ne puisse pas te rejoindre maintenant. Je suis, hélas, punie de devoir rester au lit, et comme dit maman – puisse-t-elle vivre longtemps — : « Quand on n’a pas de doigt, on ne peut pas faire la nique. » Sinon, après ta belle lettre, je serais venue chez toi à Yéhoupetz et je t’aurais ramené à la maison. Je t’aurais montré qu’une épouse est une épouse. Eh quoi, il m’échappe parfois des paroles blessantes ? C’est uniquement à cause de mes soucis, et de toute façon, cela ne dure pas. Comme dit maman : « Une allumette s’enflamme vite et s’éteint aussitôt », comme te le souhaite ta très fidèle epouse
Scheiné-Scheindl
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[Préface de l’auteur]
En compilant les lettres pour cette deuxième édition, j’en ai écourté de nombreuses et supprimé beaucoup. Seuls, les imprimeurs y ont perdu. L’auteur de ce livre pense que plus un ouvrage est court, meilleur il est. Que ceux qui le trouvent encore trop long se rassurent : si Dieu veut, il deviendra de plus en plus court au fur et à mesure des prochaines éditions, jusqu’à atteindre l’idéal véritable : ne plus rien contenir du tout.
Nervi, Italie.
La veille de Hanoukka 1910
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Je suis bien sûr allée à l'enterrement et j'ai tellement pleuré que je suis rentrée chez moi à demi morte. Comme dit maman : "Lorsqu'on pense à la mort, on n'est plus sûr de la vie."
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Je t'écris, mon cher époux, pour savoir ce qu'il adviendra de toi. Tu es imperméable même à une balle : quelle que soit la manière dont on te traite, avec douceur ou rudesse c'est comme si on tirait dans du coton.
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J'ai déjà un gagne-pain, quelque chose d'absolument nouveau : je suis devenu écrivain. J'écris ! Tu me demanderas sûrement comment j'en suis arrivé à ce métier. Eh bien, c'est Dieu qui l'a voulu.
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Video de Sholem Aleikhem (1) Voir plusAjouter une vidéo

Sholem Aleikhem : Gens de Kasrilevkè
Olivier BARROT présente "gens de Kasrilevké", recueil de nouvelles écrites en yiddish au début du siècle par Sholem Aleikhem.
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